Chapitre 1 : Tec - Partie 1

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En écoutant le bois, tout devint clair : une symétrie accueillante, une couleur dorée réchauffante, une texture gorgée d'eau de pluie, et trois cadavres décomposés.

Ce genre de chalet m'était familier, c'était là que se retrouvaient les amants pour consommer leur mensonge. Je les espionnais en train de briser leur famille et j'allais rapporter leur traîtrise. Or cette fois-ci, le chalet ne recelait pas une destruction, mais une extermination. Un pauvre couple et leur enfant, tués par balle, retrouvés plus d'un mois après leur dernier souffle.

L'odeur de décomposition me fit regretter d'avoir étendu mes enquêtes à des affaires criminelles, mais mon salaire me rappelait que ce choix n'était pas si mauvais. Nous étions une dizaine à contempler les dégâts une dernière fois avant que la tempête n'emporte la scène de crime, ignorant les tremblements des murs sous les rafales de vent et de pluie qui laissaient croire que nous allions nous retrouver sans toit sur la tête.

Les dernières photos prises dans la précipitation, histoire de ne pas regretter des indices ignorés. Nous courûmes dans le premier endroit qui nous venait.

— Rangez tout ! Nous partons maintenant. Trouvez un endroit sûr, les chalets les plus proches sont à plusieurs centaines de mètres, si vous ne vous sentez pas capable d'aller en ville, ils sont libres pour vous.

Enès avait rétabli l'ordre en quelques paroles comme à son habitude. Avec son physique imposant où tout est placé de sorte que son charisme puisse être à son apothéose, entre ses épaules carrées, ses cheveux courts qui le vieillissaient et son regard strict qui appuyait ses yeux noirs, il incarnait parfaitement son rôle de commissaire. Il se hâta vers moi, le chétif détective aux cheveux débraillés tombant sur mes épaules que personne ne prenait au sérieux, et me fit signe de rejoindre la voiture.

Sur le moment, j'enviai ses cheveux courts Moi, je pleurais sous l'assaut de ces bourrasques de début de tempête, et surtout ces maudits cheveux trempés se collaient à mon visage. Il était temps d'en finir, la motivation de retrouver le calme me poussa à courir jusqu'à me réfugier dans la voiture.

J'étais assis, seul, mes vêtements imbibés d'eau donnaient l'impression que ma température corporelle avait chuté de dix degrés. Perdu dans mes pensées, je rejouais la scène de crime dans mon imaginaire : le sang séché sur ce bois humide, cette vitre brisée, cette assiette moisie. La tragédie n'était pas tant d’avoir été tué, mais de mourir dans l’indifférence pendant au moins trente-trois jours.

Le bruit de la portière qui s'ouvrit brutalement me tira de cette réflexion. C'était Enès qui me rejoignait, soupirant de fatigue. Il essuya la paume de ses mains sur son pantalon noir et profita de quelques frottements de plus pour se les réchauffer.

— On va retourner en ville.

L'averse s'écrasait sur la carrosserie de notre abri, parasitait ses propos, mais une chose était sûre, ce que je venais d'entendre me déplaisait.

— C'est à quasi une heure de route.

— Et alors ? articula-t-il exagérément.

— Et alors je n'ai pas confiance en ta manière de conduire. C'est dangereux, on ne voit pas à plus d'un mètre.

Il répondit par un regard insistant et capitula. Sa personnalité réservée m'arrangeait, il n'était jamais trop intrusif et cela m'allait bien. À l'inverse de moi qui m'immisçais régulièrement dans la vie des autres, mais ça, c'était plutôt dû à mon métier de détective.

Il esquissa un léger sourire, le retint en pinçant ses lèvres.

— Un chalet, ça te va Tec ?

Il me connaissait bien et cette question n’était pas anodine. J'avais l'habitude de voir des cadavres, mais ce n'était pas pour autant que je ne les fuyais pas. L'idée de rester plusieurs jours enfermé à une centaine de mètres d'eux me répugnait d'avance. J'étais comme un prince qui réclamait sa zone de sécurité, là où mon quotidien ensanglanté n’interférait pas avec ma personne. Mais cette fois-ci, je devais faire exception.

— C'est toujours mieux que de mourir sur la route. Espérons que le meurtrier ne soit pas en manque de victimes.

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