Chapitre 2 : Enès - Partie 2

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Nous nous retrouvâmes seuls avec Tec, isolés dans la chambre. De suite, nous devions débattre des deux camarades qui nous suivaient dans cette embrouille. Alors je regardai Tec droit dans les yeux, tentant de lire dans ses iris ses plus profondes pensées, un rire nerveux s’échappa de la bouche. Oui, je pouvais comprendre qu’il pensait la même chose que moi.

— Toi aussi, tu les détestes.

— Exact. Mattéo se la pète et Theia est franchement intrusive.

— Plutôt d’accord. Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter de tomber sur eux ? pouffai-je.

Tec haussa les épaules, suivi d’un léger rire qui égaya notre triste journée. Nous nous détendions enfin, après des heures à se prendre la tête. C’était un peu comme un arc-en-ciel après la tempête. La lueur d’espoir qui nous faisait tenir sensés, car je le sentais bien, si nous ne critiquions pas nos collègues, nous allions devenir fous. Comment ne pas devenir fous ? Enfermés dans un minuscule chalet à l’ambiance glauque, à quatre, avec de parfaits inconnus, tandis qu’une mare de sang gisait non loin d’ici. Ouep, je sentais mon cerveau perdre en lucidité.

Nous nous couchions dans le lit double, côte à côte, et alors que nous étions dans le noir, les éclairs dus aux orages nous illuminaient. Le vacarme de l’averse nous empêchait de dormir malgré la fatigue qui nous rongeait de l’intérieur. Et moi, comme un loser, je pensais à elle. À mon ex. La meilleure chose qui m’était arrivé et, pourtant, j’avais tout gâché en la quittant. Nous aurions pu être heureux si j’avais réussi à passer au-dessus de mon manque d’amour pour elle. Merde quoi. Pourquoi je n’arrivais plus à l’aimer ? Je voulais l’aimer, vraiment. Je voulais faire ma vie avec elle, avoir des enfants avec elle, vieillir avec elle. Et pourtant, je ne l’aimais plus depuis deux ans. Je me sentais comme un raté incapable d’éprouver le moindre sentiment positif envers autrui. Et je me détestais de penser à elle après plus d’un an sans contact. Comme quasiment chaque soir, je m’écroulais en me demandant comment tout avait pu se finir entre nous. C’était dingue comment je n’arrivais pas à tourner la page tandis que je ne ressentais plus rien pour elle. Très étrange.

Heureusement, Tec m’avait sorti de cet enfer. J’aurais sûrement fini en hôpital psychiatrique s’il n’avait pas été là. Maladie : psychopathie aiguë. Motif : Incapable d’aimer.

Mais il m’avait accompagné jusqu’à maintenant. Nous buvions des coups, nous sortions, nous rions, en bref, nous vivions. Je me sentais vivant avec lui. Et sain d’esprit. Oui, ça pouvait arriver de regretter d’être soi, oui, ça pouvait arriver de se manquer. Et alors ? Ce n’était pas si grave. Tant que l’on s’en remettait, qu’on vainquait nos démons, tout irait bien. Et je les avais vaincus grâce à Tec.

Je voulais le remercier indéfiniment d’être là, mais cela serait fastidieux. De toute façon, il savait que je lui étais reconnaissant. Cela suffisait.

Je l’entendis soupirer, probablement agacé par la tempête qui faisait trembler les murs. Et là, je sus parfaitement qu’il allait me parler d’elle. Je le savais parce que je le connaissais par cœur et qu’il m’en parlait toujours quand un évènement extérieur me faisait penser à elle.

— Désolé que Theia ait parlé de ton ex.

— Oh. Tu n’y es pour rien. Ce n’est qu’une…

— Une pétasse.

— Voilà.

Si Tec s’en voulait autant d’avoir été témoin de cette scène, c’était parce qu’il avait ses propres démons et qu’il craignait être à ma place. Cela ne faisait aucun doute que Theia réussirait à lire en lui et à deviner son passé comme elle l’avait fait avec moi. Et si moi, j’étais capable de surmonter mon histoire avec elle, lui aurait du mal à supporter que l’on parle de lui.

Tec avait eu une relation avec un homme. Son premier et son seul amour. Mais son ex ne l’avait jamais assumé, par peur d’être jugé pour être gay. Ils se faisaient passer pour de bons amis tandis qu’ils prévoyaient de se marier. Tec vivait très mal ce rejet, mais il l’acceptait tant il l’aimait. Il aurait tout accepté pour lui. Puis un jour, ce type l’avait quitté car : « Je ne peux pas être gay. Ma famille m’en voudrait trop. Désolé. ». Oui, il avait renié son orientation sexuelle à cause de l’homophobie de ses parents. Pathétique. Mais compréhensible. Si ce n’était que cela, Tec s’en serait remis assez vite. Mais ce qui l’avait détruit, c’était de le voir, un an plus tard, en couple avec un autre homme, leur relation assumée et épanouie. Oui, son ex avait fait son coming-out à ses parents et tout s’était à peu près bien passé. Chose qu’il n’avait jamais osé faire avec Tec. Depuis, je déteste ce type. Il avait brisé mon ami et cela me dérangeait fortement. Je lui avais même demandé s’il voulait que j’aille lui casser la gueule. Spoiler : il a refusé. Tec était vraiment trop altruiste.

C’était sans doute pour cette raison qu’il épargnait ses clients de découvrir la vérité. Parce qu’il aurait préféré ne jamais savoir la nouvelle relation de son ex. Il aurait aimé rester dans l’ignorance, à penser que leur amour s’était terminé pour de bonnes raisons.

Enfin ! Je vous raconte sa vie, mais je ne sais pas si j’en ai le droit. Tu me diras, ce n’est pas lui qui vous raconterait cela. Lui ne ferait que se dévaloriser à base de : « Je suis fétiche, tandis que tous les autres sont beaux et gentils. ».

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