44ième jour de la saison du sapin 2448 - PDV Azéna

Azena avait été autorisé une période de douze heures afin qu'elle puisse réfléchir sur ce qui allait lui arriver en raison de l'incident avec Umah. Ce matin, Fayne et Teriondil tentèrent de leur mieux pour trouver des solutions afin qu'elle échappe au châtiment, mais ils ne trouvèrent aucune faille dans les règlements de l'académie. D'après Teriondil, elle allait subir le bannissement ou une longue et stricte séance à propos de la politesse avec Reaginn ou pire, avec le vil Aranich.

- Je ne sais pas quoi te dire, murmura Fayne. Il faut toujours que tu te plantes les pieds où tu ne devrais pas.

- Oui et toi, qu'est-ce que tu voulais faire? demanda Azéna avec sarcasme. Aller aider le pauvre petit Umah dans sa folie. Bah, voilà le résultat quand moi je me suis mise dans son chemin.

Azéna attendit pour une réplique, mais Fayne resta silencieuse. Ce fut Teriondil qui prit la parole pour elle.

- Pourquoi tu refuses de la laisser faire ce qu'elle désire? questionna-t-il.

- Je ne veux pas que ce fou la blesse, rétorqua Azéna avec impatience.

- Depuis quand as-tu peur du danger au point de trahir tes propres valeurs?

Teriondil avait touché juste, directement au cœur des faiblesses d'Azéna. Ces valeurs dont il parlait étaient la loyauté envers ses propres idéaux ainsi que la liberté. En ordonnant à Fayne de ne pas aider Umah, elle brisait les deux.

- Que connais-tu de mes valeurs? demanda Azéna.

- Plus que tu ne le crois, répliqua Teriondil. Je suis ton ami. J'ai pris le temps de te connaître.

Azéna serra les poings et les dents. Pendant un long moment, elle se battit contre sa conscience. En fin de compte, Teriondil avait raison; ce n'était pas sa place de prendre des décisions pour un autre. Elle n'avait aucune autorité sur personne.

- D'accord, ronchonna-t-elle. Fait ce que tu désires, Fayne.

Teriondil sourit, apparemment fier de son amie. Il ne parlait que pas souvent, mais il savait faire preuve de sagesse. Malgré qu'elle reconnaissait ses torts, Azéna ne pouvait s'empêcher d'éprouver de l'irritation face à l'elfe des bois.

- Mais, commença-t-elle avant de s'arrêter.

Elle poussa un léger grondement, croisant les bras.

- Tu as bien agis, compléta Teriondil, mettant une main réconfortante sur l'épaule de son amie. Je sais que c'est dur pour toi.

- Petite coquine surprotectrice, dit Fayne, ravie.

« Vous êtes convoquée à l'entrée principale de la Tour Mère, résonna une voix féminine dans l'esprit d'Azéna. Veuillez-vous y rendre le plus rapidement possible. Le Haut Conseil vous y attend. »

À cet appel, Azéna sursauta. L'auteure de ses paroles lui était inconnue, mais elle devina que ce devait être la seule femme des trois sages.

- Qu'est-ce qu'il y a? demanda Teriondil qui avait surement remarqué son expression abasourdie.

- Je dois me rendre à la Tour Mère, répondit-elle. Tu n'as pas entendu la voix?

- Non. C'est sûrement un sage. Ils peuvent tous communiquer télépathiquement.

- Je m'en doutais bien.

- Ils sont raisonnables, mais je te souhaite tout-de-même bonne chance. Il suffit de penser avec ton âme et non ton esprit.

- C'est très rassurant, dit Azéna avec sarcasme avant de redevenir sérieuse. C'est plutôt déroutant.

Elle quitta la salle commune et se rendit à l'endroit du fort qu'elle détestait le plus car à chaque fois qu'elle y était, c'était pour attendre pitoyablement de se faire punir. Cette-fois, c'était probablement sa dernière visite. Tyrath était déjà au courant de ce qui s'était passé et ne blâmait pas sa dragonnière car il aurait fait la même chose à sa place. Alors qu'Azéna arriva à destination, la voix du jeune dragon résonna dans ses souvenirs.

- Je te suivrais quoi qu'il arrive, lui avait-il promis. Tu es ma dragonnière et nous trouverons une manière juste de vivre au travers de la liberté.

La grande porte fortifiée menant la Tour Mère se dressait majestueusement devant Azéna. Cette dernière la voyait comme une menace malgré sa splendeur. Elle détestait l'autorité et se sentait comme s'il fallait la défier, mais d'un autre côté, elle la craignait.

- Comme un véritable dragonnier gris, résonna une voix grave.

Azéna sursauta et la porte s'ouvrit d'elle-même.

- Entre et ne descends pas, ordonna le même homme, mais cette-fois avec plus de douceur. Tu ne veux quand-même pas aller au donjon, n'est-ce pas?

- Certainement pas, ronchonna Azéna lorsque ses souvenirs de la retenue inonda son esprit.

L'adolescente pénétra à l'intérieur de l'immense, mais d'après elle, tout de même trop étroite tour. La porte se referma derrière elle et elle se retrouva dans un escalier en colimaçon qui montait et descendait. Elle se rappelait la première fois qu'elle s'était retrouvée ici et des frissons inconfortables coururent le long de son dos. Se rappelant bien que les sages pouvaient lire ses pensées, elle se secoua. Heureusement, elle ne ressentait pas de présente dans son esprit. Elle monta les escaliers jusqu'à une deuxième porte fortifiée semblable à la première. Lorsqu'elle s'ouvrit, elle pénétra à l'intérieur d'une grande salle au toit pointu. Il y avait de multiples chaises, des bureaux et des bibliothèques débordantes de livres. Autour de la plus grande table était assis Terenas, Murun, Saphia, Wirus, Reaginn, Umah, Renora et Naëshirie.

À la vue d'Azéna, Reaginn se leva calmement.

- Je vous ais donné l'information que je savais, Grand Maître, dit-il de sa voix mielleuse qu'Azéna caractérisait d'irritable.

Il sembla attendre que Terenas lui donne la permission de disposer.

- Tu peux partir, dit le grand maître après avoir fait patienter son interlocuteur pendant une bonne minute.

Reaginn quitta la pièce et ferma la porte derrière lui. Entre temps, Terenas fit signe à Azéna de s'asseoir à la place du maître du donjon.

- Alors, nous sommes ici pour discuter de votre sentence à tous les trois, expliqua-t-il.

- À tous les trois? questionna Azéna, incertaine de comprendre pourquoi ce n'était pas quatre.

- Naëshirie n'a rien fait, grogna Renora.

- Oh, je vois. Alors, que fait-elle ici?

- Elle est tout simplement une témoin importante, expliqua Saphia en souriant.

Azéna observa les trois sages qui se ressemblaient énormément mis à part la couleur de leurs yeux.

- Alors, qui êtes-vous tous?

- C'est impoli de demander des informations personnelles à vos supérieurs, expliqua celui aux yeux verts qui était clairement offusqué par les paroles de la jeune Kindirah. J'aurai cru que vous auriez au moins appris la base de la politesse.

- Wirus ici présent, dit Terenas en fixant sévèrement le sage, possède le titre de Premier Sage. Il contrôle le feu et est un mage ainsi qu'un alchimiste.

- Pardonnez-moi, Grand Maître, mais est-ce vraiment prudent de dévoiler ces informations critiques à un apprenti de première année.

- Un apprenti de première année comme celui de sixième année a prêté serment. Il faut se faire confiance entre nous si nous ne voulons pas défaillir.

Terenas fit signe de la main à Wirus qu'il en avait assez entendu à ce propos, puis posa son regard sur le deuxième homme. Ce dernier avait les yeux bruns et un regard doux.

- Je suis Murun, s'introduit-t-il, Deuxième Sage. Je contrôle la terre et le mana. Je suis un mage aussi, mais j'ai aussi un don de voyance.

- Un peu comme un chaman, monsieur? questionna Azéna.

- À peu près, oui.

Terenas porta son attention sur la femme aux yeux bleus et au regard neutre.

- Je me nomme Saphia, dit-elle, Troisième Sage, et je suis une dragonnière bleue ayants acquis les titres d'élémentaliste et d'assassin.

Azéna, prise au dépourvue par la fonction d'assassin de Saphia, hoqueta.

« Ma supérieure est une assassin, réalisa-t-elle avec horreur. Je ne suis pas certaine de comment je devrais réagir. Est-ce vraiment sécuritaire? »

D'une certaine façon, elle trouvait cette situation autant effrayante qu'attirante.

« Qu'est-ce qui ne va pas avec moi? »

Encore une fois, le sourire de Murun trahit son professionnalisme et Azéna ne put s'empêcher de rougir comme une fillette devant un prince charmant. Une fois calmée, elle s'empressa de trouver quelque chose pour la distraire et pour changer ses pensées. Elle remarqua ainsi que la couleur des dragons des sages correspondait à celle de leurs yeux, à l'exception de Wirus.

« Bizarre de coïncidence, songea-t-elle. Ils sont intrigants et doivent figurés parmi les plus puissants dragonniers. Il va falloir que je me méfis de Wirus. Il est probablement aussi têtu et agressif qu'Arièlla. Rah... Je ne m'accorde pas bien avec ce type de personnalité. »

À la fin de cette pensée, Azéna remarqua que Murun eut un sourire en coin comme s'il se délectait de quelque chose. Établissant le lien avec son opinion de Wirus, elle rosit légèrement en espérant que les autres sages n'avaient pas lu ses pensées.

- Alors, pourquoi vous vous êtes quereller? questionna Terenas en croisant ses doigts ensemble, visant les apprentis.

- Quereller est un bien petit mot pour ce qui s'est passé, Grand Maître. Si je peux me le permettre, vous n'avez qu'à lire dans nos pensées pour découvrir la vérité, non? proposa Azéna en résistant à la tentation de lancer un regard noir à Murun.

- Ce n'est pas aussi simple, expliqua Saphia. Oui, nous pouvons transmettre nos pensées et lire les votre, mais nous n'avons aucunement accès à vos souvenirs. Donc, nous ne pouvons pas savoir qui a raison. Aussi, une pensée peut être un mensonge. Par contre, cela fonctionne presque toujours lorsque la personne n'ait pas au courant que ses pensées sont lus. Et encore, ce n'est pas garantis d'être la vérité.

- Pourquoi?

- Pourquoi aurais-tu besoin de te mentir à toi-même?

Azéna ne répondit pas. Elle était bien trop humiliée pour prononcer un mot. Encore une fois, elle s'était fait passer pour une idiote. Elle se renferma sur elle-même et se concentra à ce que sa frustration ne paraisse pas.

- Revenons au sujet pour lequel nous sommes réunis ici, proposa Murun.

- D'après Maître Ruvior, dit Wirus en fixant Azéna de ses petits yeux menaçants, c'était vous Apprentie Kindirah qui était derrière Umah et qui le retenait. Que vous a-t-il fait pour que vous l'attaquiez ainsi?

Azéna leva les yeux vers le premier sage. Son insécurité se transforma en défiance.

- Il ne m'a rien fait à moi. Il s'en prenait à Renora et Naëshirie.

- Qu'est-ce qui s'est passé avant cela?

- Je ne sais...

- C'est ma faute, coupa Umah avec une rigidité dans son ton de voix.

Tous les regards se tournèrent vers Umah. L'elfe sylvain se raidit légèrement.

- C'est moi qui est mal réagi, avoua-t-il. Je n'aurai pas dû me frustrer pour si peu. Elles étaient tout simplement en train de discuter, je ne regardais pas où j'allais et j'ai foncé dans Naëshirie. On est tombé et Renora s'est fâchée. Je les ais accusé de ne pas être à un endroit approprié pour discuter et qu'ils bloquaient la circulation.

- Ce qui est vrai, informa Saphia et Wirus en même temps.

- De toute façon, continua Umah avec légère irritation, moi et Renora, on s'est querellé jusqu'à ce qu'Azéna arrive. Si Azéna ne m'avait pas retenu, j'aurais probablement blessé Renora.

- Ça, dit Renora, c'est si tu aurais été capable de m'atteindre.

Terenas leva un doigt pour faire taire Renora et posa son regard sur elle et Naëshirie.

- Vous êtes d'accord avec la version de l'histoire d'Azéna et d'Umah?

Les deux jeunes dragonnières hochèrent de la tête avec affirmation.

- Bien, confirma Terenas. Alors, je vais vous partager les informations que m'a fourni Maître Ruvior.

Il raconta avec soin tous les détails depuis l'arrivée de Reaginn du point de vue de ce dernier et demanda à Azéna d'en faire autant avec le bout de l'histoire manquant. Les autres apprentis approuvèrent ces informations.

- Merci de votre coopération et de votre honnêteté, dit Terenas, vous avez violés quelques règlements. Le Haut Conseil doit donc décider de votre punition.

Le stresse d'Azéna monta brusquement alors qu'elle se rendit compte que le moment crucial de la réunion était enfin venu. Elle ne voulait pas se faire expulser, mais elle avait violé plusieurs règlements en raison de son impulsivité. Elle se demandait si le Haut Conseil allait donner la priorité à la raison derrière les actions ou purement aux actions car ça allait influencer grandement leur décision finale. À la manière dont Wirus fixait les apprentis, elle connaissait déjà son raisonnement.

- Expulsion, dit-il avec froideur, comme c'est écrit dans la charte. On ne peut pas se permettre d'avoir des dragonniers indisciplinés dans nos rangs.

Une boule se forma dans la gorge d'Azéna alors qu'elle osa jeter un coup d'œil en direction de Saphia et Murun. Le Deuxième Sage affichait une expression sévère, mais derrière tout cela, il y avait de la compréhension. Saphia, elle, était parfaitement neutre et il était impossible de discerner ses émotions face à cette décision.

- Je souhaite leur accorder un pardon puisqu'ils leurs actions n'étaient pas intentionnellement mauvaises, expliqua Murun.

Wirus lui jeta un regard noir pendant un bref moment.

« Alors, songea Azéna, les sages ne s'accordent pas toujours. »

Encore cette expression de méfait domina le visage de Murun. Pas impressionnée, Azéna roula tout simplement les yeux.

Tous les regards se fixèrent sur Saphia qui ne dit rien. Son silence était lourd et l'attente menaçait de rendre Azéna folle. La dragonnière bleue y réfléchit pendant quelques instants puis, elle leva enfin ses yeux azure vers Terenas.

- Je dois me plier aux règlements malgré leurs actions qui n'étaient pas nécessairement voulues ni mauvaises car on ne peut pas leur accorder une exception. Ce serait injuste pour les autres. C'est bien écrit que l'expulsion sera fortement considérée si les dragonniers se battent entre eux. On doit montrer l'exemple.

Azéna se sentit rapetisser dans sa chaise. Wirus afficha un sourire provocateur sans particulièrement viser quelqu'un. Il était content d'avoir gagné et cette attitude fâcha Azéna. Murun lui, avait baissé les yeux pendant un bref instant. Il était clairement déçu de la décision de sa sœur jumelle, mais restait compréhensif par rapport à son jugement. Terenas appuya son menton sur ses mains entrecroisées et ferma les yeux comme s'il songeait à ce qu'il allait dire.

- Le Haut Conseil s'est exprimé.

Tous les apprentis avaient la mine attristée sauf Azéna qui se maudissait à ne rien dire face à cette décision qu'elle jugeait barbaresque. Sous la table, elle serrait ses poings.

Terenas détourna son attention vers la petite Naëshirie. Azéna imita le grand maître et observa plus attentivement la jeune adolescente. Elle possédait une longue chevelure blanche avec quelques tresses et des plumes d'oiseaux comme décorations, une peau olive un peu plus pâle que la normale avec une subtile teinte bleue, des yeux vert céladon brillants et un corps frêle et mince. Elle était de la lignée des elfes mais la véritable question était à quel peuple elfique appartenait-elle. La chevelure blanche était caractéristique des elfes lunaires ainsi que des elfes gris, mais sa peau, ses longues oreilles et ses yeux rappelaient un elfe des bois. Recroquevillée sur elle-même et au regard gênée, elle semblait extrêmement docile. Les tâches de rousseurs qui parsemaient ses joues lui donnaient une allusion d'innocence qui lui allait bien.

- Vous avez tous des bonnes raisons qui supportent vos choix, expliqua Terenas. J'ai les miennes aussi. Apprentie Myunn, tu ne seras pas punie car tu n'as rien fait. Tu peux partir avec une conscience légère.

- Merci Grand Maître, répondit Naëshirie de sa voix douce.

Elle baissa la tête en signe de respect. Terenas lui sourit semblant satisfait de décision puis, son expression revint à la sévérité alors qu'il se tourna en direction de Renora.

- Apprentie Shrenir, vous avez été avertie. Que je ne vous revois pas ici pour de telles raisons.

- Je suis pardonnée? questionna Renora avec incertitude.

Terenas lui répondit en un hochement de tête. Renora se leva d'un bond avec enthousiasme.

- Merci beaucoup, Grand Maître. Vous ne le regretterez pas, Grand Maître!

Elle salua Terenas, empoigna le bras de Naëshirie et quitta la pièce avec un sourire comblé aux lèvres.

- Merci de nous avoir défendu, dit Naëshirie en s'adressant à Azéna avant de disparaître. C'était très brave de ta part. Tu es une grande guerrière.

À ce compliment, Azéna sentit le bout de ses oreilles surchauffées comme si son sang s'était accumulé dans les extrémités. Elle n'avait jamais reçu une telle louange et elle devait avouer que ça lui faisait chaud au coeur de savoir que quelqu'un d'autre que sa mère adoptive, Fayne ou Tyrath la trouvait forte comme la guerrière qu'elle avait pour but de devenir.

Terenas la fixait durant tout ce temps. Il fronça des sourcils et l'observa attentivement. Ses yeux étaient comme un lecteur de conscience. Azéna ressentait le besoin de hurler qu'on la laisse tranquille, mais elle ne voulait pas offusquer ses supérieurs.

- Azéna Kindirah, murmura Terenas dans sa barbe. Voyons voir...

Puis, il sonda Umah pendant quelques instants et se redressa. Le stresse d'Azéna devint insupportable. Les secondes paraissaient comme des heures. Finalement, le grand maître sourit.

- Vous êtes tous les deux pardonnées.

La tension retomba.

- Quoi?!? s'exclama Wirus avec surprise. Pardonnez-moi Grand Maître, mais j'ai cru mal vous comprendre.

- Ils sont pardonnés, répéta Terenas.

- Merci, dit Azéna. C'est très apprécié, mais pourquoi?

- Vous avez de bonnes âmes, vos valeurs sont solides et vos actions n'étaient pas nécessairement de mauvaise foi, expliqua Terenas. Par contre, ce sont tout de même des règlements que vous avez brisés et je tiens à vous avertir que la prochaine fois, je ne serai pas aussi généreux.

Umah s'inclina légèrement.

- Vous êtes trop bon, Grand Maître.

- Vous pouvez partir, annonça Terenas. Cette affaire est close et cette réunion est terminée.

Tous sortirent de la pièce, y compris les sages qui partirent à leur dortoir dans la Tour des Maîtres. Une fois dehors, Azéna désirait parler avec Umah, mais l'elfe costaud disparut avant qu'elle ne puisse lui dire quoi que ce soit.

Lorsqu'elle arriva à la salle commune de la Tour de la Connaissance, il n'y était pas non plus. Elle avait envie d'aller fouiller dans l'académie pour lui, mais il était tard et elle décida d'aller se coucher. Le stresse de la journée l'avait épuisée.

***

Cette nuit là, Azéna rêva du donjon et du sinistre Reaginn et de son vice, l'elfe des bois Vyrius. Heureusement, cette vision de torture et de sang fut interrompue par le rugissement assourdissant de Rendar. C'était là un des rares matins durant lequel Azéna n'eut aucun problème à se lever tôt. Ce cauchemar était plus qu'un rêve, c'était un rappel que ce soir, elle devait se rendre au donjon pour sa retenue et qu'elle devra subir les tortures de Reaginn. Elle décida donc de profiter de sa journée au maximum avant de passer des heures dans une abîme. Elle se priva de déjeuner pour aller rendre visite à Tyrath. Les deux amis discutèrent longuement tout en marchant autour de l'académie.

- Alors, conclu Tyrath, il t'a pardonné. C'est très généreux de sa part. Terenas possède une bonne âme contrairement à son ignoble dragon. Je ne comprends pas le lien entre les deux.

- Peut-être que son âme n'était pas si bonne lorsqu'il s'est lié à Rendar, suggéra Azéna.

- Je ne sais pas, mais aujourd'hui, je peux ressentir l'éclat de son aura lorsqu'il est à proximité tellement il est bienveillant.

- Les dragons ressentent ce genre de chose?

Tyrath renâcla et parut surpris comme si Azéna venait de lui annoncer qu'elle ignorait une notion basique de la vie.

- Mais bien sur que oui. Enfin, les plus puissants, oui. Dans mon cas, je ne peux ressentir que les auras puissantes car elles sont plus extravagantes donc, plus faciles à détecter.

- Quand-même, c'est incroyable comme pouvoir.

- Ce l'est. Même les plus anciens dragons ne comprennent pas toujours d'où proviennent tous nos pouvoirs.

- Après tout, vous êtes les chefs d'œuvres des divinités apparemment. La religion, quelle idiotie. Dit, peux-tu détecter mon aura?

- Umm...

Tyrath se concentra et fixa Azéna de ses yeux violets.

- Alors? demanda Azéna après quelques instants d'inactivité de la part de Tyrath.

- Rien, répondit le drake.

- Comment ça rien?

- Je ne détecte absolument rien, ce qui signifie qu'il doit y avoir une fine ligne entre le bon et le mauvais. Tu semble être la parfaite balance entre la bienveillance et l'hostilité, ce qui te décrit à la lettre, tu ne trouves pas?

Azéna se sentit offusquée sur le coup. Jamais elle n'avait voulu de mal à personne. Elle ne faisait que vivre sa vie du mieux qu'elle ne le pouvait. Pourquoi son aura serait-il si près du mauvais? Elle pouffa et fit la moue en croisant les bras.

- Bah, je suis en désaccord avec ta conclusion.

- Ne t'inquiète pas, dit Tyrath après avoir rigolé doucement. Rares sont les dragonniers et dragons gris qui sont bons ou mauvais. Normalement, nous sommes trop indécis pour cela tout comme le vent.

- Je ne suis pas certaine de comprendre.

- C'est simple. Nous prenons des décisions en faveur du bien ou du mal, mais nos actions ne sont pas toujours coordonnées avec nos pensées. Prend par exemple les multiples fois où tu as recouru au vol pour aider quelqu'un dans la misère à Northar.

- Et alors? C'est bien de voler des riches, non?

- Tu vois? C'est exactement ce que je veux dire par manque de coordination. Voler n'est jamais une bonne action sauf dans quelques très rares cas. Par contre, tu as fait une bonne action par la suite, ce qui annule le mauvais.

- C'est désavantageux d'être plutôt neutre?

- Pas nécessairement. Pas si tu aimes ton mode de vie. Pas si tu sais qu'au fond, tu as un bon cœur mais tes méthodes empêchent souvent les gens de le percevoir.

- Est-ce que défier mon père est considéré comme bon?

- Ça reste à voir... Mais, je crois que c'est possible.

Les deux éclatèrent de rire, mais leur joie fut interrompue par un pleur. Lorsqu'ils se retournèrent, ils aperçurent un elfe des bois assis sur une roche volumineuse ainsi qu'un grand dragon brun à ses côtés : Umah et Yazia. Ils s'arrêtèrent, confus et incertains de s'ils devaient aller les voir ou non. Ils se regardèrent avec incertitude puis, hochèrent de la tête.

- Umah, appela Azéna avec douceur.

Un grognement bestial retentit. Umah se retourna vers les nouveaux venus et les fusilla de son regard haineux. Ses yeux étaient complètement noirs tels deux gouffres sans fin. Azéna posa une main sur son arc, mais Umah l'ignora et revint à sa position originale. Yazia siffla avec défiance et montra les dents. Azéna relâcha son arc et fit volte-face. Ignorant les actions de sa dragonnière, Tyrath montra les dents en retour et ne bougea pas.

- Laisse tomber, dit Azéna. Ça n'en vaut pas la peine, Tyrath.

Elle tira gentiment les rênes du drake et ce dernier la suivit enfin. Elle le ramena au Grand Nid et retourna à ses cours.

***

Plus tard dans la journée, durant le cours de développement de soi, les apprentis étaient positionnés de façon à ce qu'ils forment une ligne verticale. Nikala Sombrelame, la première elfe grise à donner un cours aux premières année, tentait de leur apprendre à vider leur esprit afin de méditer et de se calmer. Malheureusement pour elle, Azéna était trop énergétique pour rester en place, particulièrement mentalement. Il y avait trop de questions, trop de problèmes, trop de possibilités, qui hantaient son esprit. Nikala surveillait la ligne d'apprentis tel un général avec ses soldats. Elle passa devant Azéna et l'observa. Azéna perdit sa concentration et fixa les yeux du même violet étrange que ceux de Tyrath de la maîtresse.

- Concentre-vous sur votre entraînement, ordonna Nikala.

Ses longs cheveux d'argent cascadaient le long de son corps à la peau ébène et aux belles courbes féminines. Elle était protégée par une armure féminine en cuir sombre moyennement révélateurs. Azéna trouvait son accoutrement distrayant et avait envie de lui demander si elle était une sorte de courtisane dans son temps libre. Elle pouvait déjà entendre Fayne rouspéter qu'elle aurait été trop directe et impolie.

- J'essaie, mais c'est trop difficile, grogna-t-elle.

- Ne pense à rien, répéta Nikala pour la centième fois.

- Je ne peux pas! s'exclama Azéna. De plus, tu me stresse. Alors, si tu pouvais aller voir ailleurs... Peut-être que ça irait mieux pour moi.

- Je devrais vous envoyez au maître du donjon pour votre insolence.

- Fait comme ça te plaît, lança Azéna qui en avait assez de l'attitude de l'elfe grise.

- Alors, vous iriez.

- Je m'en fou. De toute façon, j'y vais déjà ce soir!

Azéna se leva et sortit de la salle de classe en claquant la porte derrière elle, ce qui fit sursauter les autres apprentis. Nikala la regarda partir avec une mine sévère et déçue.

- Ignorer Apprentie Kindirah et continuer votre excellent travail.