Il faut que je vous parle aussi de Il faut que je vous parle aussi de Joachim. Il n’a pas participé à nos aventures, mais c’est mon meilleur copain, mon grand ami. Nous nous connaissons depuis la sixième. Au collège, ce n’est plus comme à l’école. Les garçons sont plutôt entre eux et les filles entre elles.

Avec Éloïse et Fatine, nous faisons toujours le trajet ensemble, mais quand nous arrivons, on ne se connait plus. Fatine a aussi sa petite bande.

Donc, dès le début, j’ai bien accroché avec Joachim. Il a l’air un peu spécial, avec une figure de fille, presque, les cheveux assez longs et une mèche blonde sur le front. Il est souvent habillé bizarre. Il a des manières douces, et surtout il s’intéresse à des tas de choses. C’est pour ça que j’ai été attiré par lui. Il ne parlait pas de foot ni des séries à la télé ! Pour la musique, c’est lui qui m’a tout appris. Il joue du violon ! Pareil pour les sites internet qu’il faut connaitre. Il sait tout avant les autres. Il a un grand frère dont il parait qu’on ne sait pas si sa tête est un ordinateur ou le contraire. Il m’a montré comment trouver les nouveaux trucs. Tous les deux, nous sommes la référence et les autres nous demandent toujours où il faut aller sur internet. Quand je ne suis pas avec Éloïse et Fatine, c’est que je suis chez Joachim, à l’ordinateur.

L’an passé, un mec de troisième s’est tué parce qu’il était pédé et que ses parents l’avaient appris et l’avaient chassé. Nous le connaissions à peine, mais cela nous a tous choqués. Ils ont fait venir des psys et celui qui nous a parlé était vraiment bien et très clair dans ce qu’il nous a expliqué. Nous avons plusieurs sexes, un génétique (au fond de nos cellules), un physiologique (celui qu’on voit quand on est tout nu), un dans la tête (quand on sait qu’on est un garçon ou une fille), un qui nous attire, et d’autres encore, dont je ne me souviens plus. Souvent chez une même personne, comme des flèches, ils sont tous alignés. Parfois, pour certains, il y en a, un ou plusieurs, qui sont dans des sens différents. Il n’y a rien de normal et d’anormal, ce sont des différences comme la couleur des yeux ou de la peau. Il faut savoir qu’il y a des gens, genre racistes, qui pensent que les choses ne sont bonnes que d’une seule façon, la leur. Ce qui est impossible. Il faut accepter les différences. En plus, ce qui est difficile, pour nous les ados, c’est de découvrir comment on est, dans quels sens sont nos flèches de sexes ! Ça prend du temps. Il a terminé en nous faisant tous noter un numéro de téléphone à appeler si on avait une question ou un besoin d’aide. J’ai trouvé ça formidable qu’on nous explique tout ça et qu’on puisse avoir des réponses.

C’est après cette séance que Joachim m’a dit :

— Tu sais, ces histoires de sexe, de genre, de préférence, moi, je sais depuis longtemps que je suis plus attiré par les garçons que par les filles.

— Et alors ? Qu’est-ce que ça fait ? T’es sûr ? Tu es déjà sorti avec un garçon ?

— À part toi, non ! me lance-t-il en riant.

— Mais on n’est jamais sortis ensemble ! Et t’es mon copain, je ne veux pas sortir avec toi !

— Non, mais j’aimerais bien avoir un petit ami. Pas comme toi. Toi, tu es mon plus grand pote, ce n’est pas pareil !

— Tu as le temps !

— Tu en penses quoi ?

— Ça ne m’étonne pas beaucoup. C’est tout.

— Et le reste ?

— Il n’y a pas de reste, il n’y a que toi, mon pote, mon vrai et sublime pote. Et puis tu sais, je suis un peu comme toi. À part que les garçons ne m’intéressent pas, je ne regarde jamais les filles. Je m’en fiche.

— Et Éloïse ?

— Mais ce n’est pas pareil, c’est ma grande copine, c’est tout, comme une sœur, quoi !

— Tout le monde sait, sauf toi, que vous êtes amoureux tous les deux.

— T’es con !

Je ne le savais pas et je ne voulais pas le savoir, mais j’ai senti une vague de chaleur brulante me passer dans le corps. Il est malin mon pote. Qu’il me le dise a été un super truc pour moi.

Au début, il me parlait beaucoup de lui, de son sexe, de ce qu’il pensait des autres, très naturellement. Cela me gênait un peu. Puis je me suis habitué et j’apprends des choses.

Papa m’avait parlé plusieurs fois des changements à l’adolescence. Il m’avait dit que je pouvais lui parler de tout, qu’il était là pour m’aider. Mais je n’osais pas lui parler de mes petits problèmes de saleté.

Un matin, je me suis réveillé avec le sexe tout dur, mais dur comme du bois, énorme en plus. Je ne pouvais pas le bouger ou le plier, ça me faisait mal. L’ennui, c’est que j’avais envie de faire pipi. Je me suis précipité dans la salle de bain, alors que normalement, c’est l’heure de Mélodie. J’ai eu du mal à retirer mon pantalon, mais j’ai pu pisser dans la douche en m’en mettant partout, tandis que Mélodie, furieuse, tapait à la porte. Je me suis rincé, rhabillé. Mon sexe était encore gonflé, mais moins dur. Je suis sorti et je lui ai dit que j’avais eu un petit problème, que je m’excusais. Elle est devenue très gentille, parce que quand maman est partie, je me suis remis à faire pipi au lit et les premières fois, c’est elle qui m’aidait, car papa est parti depuis longtemps quand on se réveille. Ensuite, nous avons trouvé une solution, puis papa m’a beaucoup consolé et ça a fini par passer.

Une autre fois, je me suis réveillé le pantalon de pyjama bien mouillé, mais pas trempé comme quand j’ai refait pipi au lit. Ça ne sentait pas le pipi, c’était un peu visqueux.

Le seul avec qui je pouvais en parler, c’était Joachim. Il m’expliquait des choses que lui seul connaissait. Par exemple, il m’a dit qu’il se masturbait, et comment il le faisait. Il disait que c’était tellement agréable qu’il le faisait souvent. Quand j’ai voulu essayer, j’ai trouvé ça agréable, mais aussi bizarre, comme si on se vidait. Ce qu’il ne m’avait pas dit, c’est que ça partait très fort et partout. J’ai mis trop de temps à tout essuyer. J’ai recommencé quelques fois, mais, finalement, je ne trouve pas ça agréable.

Je peux parler de tout avec Joachim. Il m’a montré, une fois que j’étais allé chez lui, des photos de garçons tout nus sur son ordinateur. Il m’a dit qu’il aimait bien les regarder, que ça l’excitait. Il m’a aussi dit qu’il allait sur des sites pornos pour garçons. Quand il a vu la tête que je faisais, il a changé de sujet. Je l’aime beaucoup, Joachim, car il est curieux et rien ne l’arrête, même si, des fois, il est un peu limite.

À la rentrée suivante, il me dira qu’en colonie, il a rencontré un mec super. Ils se sont embrassés, caressés et ont fait l’amour.

Je n’ai pas osé lui demander ce que ça voulait dire. Il en était heureux et je l’étais pour lui. Son ami habitait loin en banlieue, mais ils avaient le projet de repartir ensemble en colonie dès que possible.

La première fois qu’il est venu à la maison, papa m’a dit qu’il avait l’air d’une personne bien, avant de me demander s’il était gay. Comme Joachim m’en avait parlé avant, je lui ai dit que sans doute que oui. J’ajoute alors :

— Mais Joachim, c’est mon ami, mon grand ami, pas mon petit ami !

— Ça n’a aucune importance, ce qui compte c’est le lien d’amitié qu’il y a entre vous. Il a l’air très fort et très beau. Je te souhaite qu’il dure longtemps.

Il n’y a qu’avec Joachim que je peux parler d’Éloïse. Enfin, je l’ai fait une seule fois, quand elle m’a fait la gueule pendant un mois, sans que je comprenne pourquoi. Il m’a aidé en m’écoutant. Ça m’a fait du bien de dire mon malheur, même s’il ne me répondait pas. Je voyais bien qu’il était malheureux pour moi. Il est vraiment mon plus grand pote.

Il faut quand même que je le raconte. Avec son look, au début, il se faisait harceler par les petits morveux qui essayaient de faire les malins. Bien sûr, ils l’attaquaient avec des injures, des mots grossiers. Déjà, je le trouvais sympa et je voulais l’aider. Mais quand il les a clashé sévère en leur répondant, j’ai éclaté de rire. Voir ces minables repartir lamentablement était trop drôle. Je crois que c’est là qu’il s’est intéressé à moi. Quand un de ces petits gnomes revenait, croyant avoir trouvé de quoi démolir Joachim, il se prenait encore un retour qui le mouchait bien. Et moi, je riais toujours pour accompagner mon pote. Pour ça aussi, il était respecté. Mais lui ne va jamais clasher les autres. Il n’en a rien à faire.

Comme je suis très souvent avec lui, ils ont essayé plusieurs fois de me casser devant lui, pour le ridiculiser. J’avais vu comment il faisait et je n’hésitais pas à défoncer ces mecs. Et si je tardais trop, Joachim lançait ses vannes. Ça n’a pas duré longtemps et ils ont abandonné. Enfin, non, ils s’en sont pris aux mecs ou aux filles, isolés ou timides. Quand on assiste à leurs harcèlements, alors on attaque toujours. Maintenant, ils sont bien calmés, même s’ils n'ont pas perdu leur air de sournois.

***

J’ai un autre ami, mais c’est un peu spécial la manière dont on l’est devenu. C’était la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale et la prof avait décidé de nous faire travailler dessus, bien que ce ne soit pas au programme. Elle avait fixé plusieurs sujets et, ce jour-là, Joachim était absent. Comme il n’y avait pas des exposés pour tous et que j’avais envie d’en faire un, je me suis mis avec David sur celui concernant « les camps de concentration ». J’en avais vaguement entendu parler. J’en ai fait des cauchemars. David connaissait bien le sujet et avait plein de livres et de documentations. Il n’y avait que des horreurs, des photos épouvantables. Ce qui m’effrayait, c’est que cela soit arrivé et que cela puisse recommencer. David travaillait calmement, comme s’il était habitué. C’est moi qui devais faire l’exposé, mais au milieu, je me suis arrêté, je ne pouvais plus. David a continué. Je n’en avais pas parlé ni à Éloïse ni à Fatine. À la fin du cours, ils sont venus me voir, ils étaient bouleversés. Quand je leur ai dit que je trempais dans ces abominations depuis un mois, ils ont compris pourquoi je faisais la tête. Avec David, avoir partagé cela a créé un lien spécial. C’est devenu un ami, mais il a attendu un an pour me dire que son grand-père était revenu d’un camp. J’ai compris alors qu’il connaissait cette horreur depuis qu’il était tout petit et que c’était son histoire. Je l’enviais presque d’avoir une telle histoire dans sa vie et, en même temps, je le plaignais. Je ne savais plus comment lui parler.

Je n’ai pas osé lui demander s’il était juif. D’abord, je ne sais pas ce que ça veut dire et, ensuite, je ne sais pas comment ça se voit, et si ça se voit. Quand je vais chez lui, je ne remarque rien de spécial. Et puis je m’en fous. Ce que j’aime bien chez David, c’est que c’est un écolo, un vrai. Il m’explique, même si cela fait un peu peur, entre le changement climatique, la disparition des espèces, la pollution.

. Il n’a pas participé à nos aventures, mais c’est mon meilleur copain, mon grand ami. Nous nous connaissons depuis la sixième. Au collège, ce n’est plus comme à l’école. Les garçons sont plutôt entre eux et les filles entre elles.

Avec Éloïse et Fatine, nous faisons toujours le trajet ensemble, mais quand nous arrivons, on ne se connait plus. Fatine a aussi sa petite bande.

Donc, dès le début, j’ai bien accroché avec Joachim. Il a l’air un peu spécial, avec une figure de fille, presque, les cheveux assez longs et une mèche blonde sur le front. Il est souvent habillé bizarre. Il a des manières douces, et surtout il s’intéresse à des tas de choses. C’est pour ça que j’ai été attiré par lui. Il ne parlait pas de foot ni des séries à la télé ! Pour la musique, c’est lui qui m’a tout appris. Il joue du violon ! Pareil pour les sites internet qu’il faut connaitre. Il sait tout avant les autres. Il a un grand frère dont il parait qu’on ne sait pas si sa tête est un ordinateur ou le contraire. Il m’a montré comment trouver les nouveaux trucs. Tous les deux, nous sommes la référence et les autres nous demandent toujours où il faut aller sur internet. Quand je ne suis pas avec Éloïse et Fatine, c’est que je suis chez Joachim, à l’ordinateur.

L’an passé, un mec de troisième s’est tué parce qu’il était pédé et que ses parents l’avaient appris et l’avaient chassé. Nous le connaissions à peine, mais cela nous a tous choqués. Ils ont fait venir des psys et celui qui nous a parlé était vraiment bien et très clair dans ce qu’il nous a expliqué. Nous avons plusieurs sexes, un génétique (au fond de nos cellules), un physiologique (celui qu’on voit quand on est tout nu), un dans la tête (quand on sait qu’on est un garçon ou une fille), un qui nous attire, et d’autres encore, dont je ne me souviens plus. Souvent chez une même personne, comme des flèches, ils sont tous alignés. Parfois, pour certains, il y en a, un ou plusieurs, qui sont dans des sens différents. Il n’y a rien de normal et d’anormal, ce sont des différences comme la couleur des yeux ou de la peau. Il faut savoir qu’il y a des gens, genre racistes, qui pensent que les choses ne sont bonnes que d’une seule façon, la leur. Ce qui est impossible. Il faut accepter les différences. En plus, ce qui est difficile, pour nous les ados, c’est de découvrir comment on est, dans quels sens sont nos flèches de sexes ! Ça prend du temps. Il a terminé en nous faisant tous noter un numéro de téléphone à appeler si on avait une question ou un besoin d’aide. J’ai trouvé ça formidable qu’on nous explique tout ça et qu’on puisse avoir des réponses.

C’est après cette séance que Joachim m’a dit :

— Tu sais, ces histoires de sexe, de genre, de préférence, moi, je sais depuis longtemps que je suis plus attiré par les garçons que par les filles.

— Et alors ? Qu’est-ce que ça fait ? T’es sûr ? Tu es déjà sorti avec un garçon ?

— À part toi, non ! me lance-t-il en riant.

— Mais on n’est jamais sortis ensemble ! Et t’es mon copain, je ne veux pas sortir avec toi !

— Non, mais j’aimerais bien avoir un petit ami. Pas comme toi. Toi, tu es mon plus grand pote, ce n’est pas pareil !

— Tu as le temps !

— Tu en penses quoi ?

— Ça ne m’étonne pas beaucoup. C’est tout.

— Et le reste ?

— Il n’y a pas de reste, il n’y a que toi, mon pote, mon vrai et sublime pote. Et puis tu sais, je suis un peu comme toi. À part que les garçons ne m’intéressent pas, je ne regarde jamais les filles. Je m’en fiche.

— Et Éloïse ?

— Mais ce n’est pas pareil, c’est ma grande copine, c’est tout, comme une sœur, quoi !

— Tout le monde sait, sauf toi, que vous êtes amoureux tous les deux.

— T’es con !

Je ne le savais pas et je ne voulais pas le savoir, mais j’ai senti une vague de chaleur brulante me passer dans le corps. Il est malin mon pote. Qu’il me le dise a été un super truc pour moi.

Au début, il me parlait beaucoup de lui, de son sexe, de ce qu’il pensait des autres, très naturellement. Cela me gênait un peu. Puis je me suis habitué et j’apprends des choses.

Papa m’avait parlé plusieurs fois des changements à l’adolescence. Il m’avait dit que je pouvais lui parler de tout, qu’il était là pour m’aider. Mais je n’osais pas lui parler de mes petits problèmes de saleté.

Un matin, je me suis réveillé avec le sexe tout dur, mais dur comme du bois, énorme en plus. Je ne pouvais pas le bouger ou le plier, ça me faisait mal. L’ennui, c’est que j’avais envie de faire pipi. Je me suis précipité dans la salle de bain, alors que normalement, c’est l’heure de Mélodie. J’ai eu du mal à retirer mon pantalon, mais j’ai pu pisser dans la douche en m’en mettant partout, tandis que Mélodie, furieuse, tapait à la porte. Je me suis rincé, rhabillé. Mon sexe était encore gonflé, mais moins dur. Je suis sorti et je lui ai dit que j’avais eu un petit problème, que je m’excusais. Elle est devenue très gentille, parce que quand maman est partie, je me suis remis à faire pipi au lit et les premières fois, c’est elle qui m’aidait, car papa est parti depuis longtemps quand on se réveille. Ensuite, nous avons trouvé une solution, puis papa m’a beaucoup consolé et ça a fini par passer.

Une autre fois, je me suis réveillé le pantalon de pyjama bien mouillé, mais pas trempé comme quand j’ai refait pipi au lit. Ça ne sentait pas le pipi, c’était un peu visqueux.

Le seul avec qui je pouvais en parler, c’était Joachim. Il m’expliquait des choses que lui seul connaissait. Par exemple, il m’a dit qu’il se masturbait, et comment il le faisait. Il disait que c’était tellement agréable qu’il le faisait souvent. Quand j’ai voulu essayer, j’ai trouvé ça agréable, mais aussi bizarre, comme si on se vidait. Ce qu’il ne m’avait pas dit, c’est que ça partait très fort et partout. J’ai mis trop de temps à tout essuyer. J’ai recommencé quelques fois, mais, finalement, je ne trouve pas ça agréable.

Je peux parler de tout avec Joachim. Il m’a montré, une fois que j’étais allé chez lui, des photos de garçons tout nus sur son ordinateur. Il m’a dit qu’il aimait bien les regarder, que ça l’excitait. Il m’a aussi dit qu’il allait sur des sites pornos pour garçons. Quand il a vu la tête que je faisais, il a changé de sujet. Je l’aime beaucoup, Joachim, car il est curieux et rien ne l’arrête, même si, des fois, il est un peu limite.

À la rentrée suivante, il me dira qu’en colonie, il a rencontré un mec super. Ils se sont embrassés, caressés et ont fait l’amour.

Je n’ai pas osé lui demander ce que ça voulait dire. Il en était heureux et je l’étais pour lui. Son ami habitait loin en banlieue, mais ils avaient le projet de repartir ensemble en colonie dès que possible.

La première fois qu’il est venu à la maison, papa m’a dit qu’il avait l’air d’une personne bien, avant de me demander s’il était gay. Comme Joachim m’en avait parlé avant, je lui ai dit que sans doute que oui. J’ajoute alors :

— Mais Joachim, c’est mon ami, mon grand ami, pas mon petit ami !

— Ça n’a aucune importance, ce qui compte c’est le lien d’amitié qu’il y a entre vous. Il a l’air très fort et très beau. Je te souhaite qu’il dure longtemps.

Il n’y a qu’avec Joachim que je peux parler d’Éloïse. Enfin, je l’ai fait une seule fois, quand elle m’a fait la gueule pendant un mois, sans que je comprenne pourquoi. Il m’a aidé en m’écoutant. Ça m’a fait du bien de dire mon malheur, même s’il ne me répondait pas. Je voyais bien qu’il était malheureux pour moi. Il est vraiment mon plus grand pote.

Il faut quand même que je le raconte. Avec son look, au début, il se faisait harceler par les petits morveux qui essayaient de faire les malins. Bien sûr, ils l’attaquaient avec des injures, des mots grossiers. Déjà, je le trouvais sympa et je voulais l’aider. Mais quand il les a clashé sévère en leur répondant, j’ai éclaté de rire. Voir ces minables repartir lamentablement était trop drôle. Je crois que c’est là qu’il s’est intéressé à moi. Quand un de ces petits gnomes revenait, croyant avoir trouvé de quoi démolir Joachim, il se prenait encore un retour qui le mouchait bien. Et moi, je riais toujours pour accompagner mon pote. Pour ça aussi, il était respecté. Mais lui ne va jamais clasher les autres. Il n’en a rien à faire.

Comme je suis très souvent avec lui, ils ont essayé plusieurs fois de me casser devant lui, pour le ridiculiser. J’avais vu comment il faisait et je n’hésitais pas à défoncer ces mecs. Et si je tardais trop, Joachim lançait ses vannes. Ça n’a pas duré longtemps et ils ont abandonné. Enfin, non, ils s’en sont pris aux mecs ou aux filles, isolés ou timides. Quand on assiste à leurs harcèlements, alors on attaque toujours. Maintenant, ils sont bien calmés, même s’ils n'ont pas perdu leur air de sournois.

***

J’ai un autre ami, mais c’est un peu spécial la manière dont on l’est devenu. C’était la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale et la prof avait décidé de nous faire travailler dessus, bien que ce ne soit pas au programme. Elle avait fixé plusieurs sujets et, ce jour-là, Joachim était absent. Comme il n’y avait pas des exposés pour tous et que j’avais envie d’en faire un, je me suis mis avec David sur celui concernant « les camps de concentration ». J’en avais vaguement entendu parler. J’en ai fait des cauchemars. David connaissait bien le sujet et avait plein de livres et de documentations. Il n’y avait que des horreurs, des photos épouvantables. Ce qui m’effrayait, c’est que cela soit arrivé et que cela puisse recommencer. David travaillait calmement, comme s’il était habitué. C’est moi qui devais faire l’exposé, mais au milieu, je me suis arrêté, je ne pouvais plus. David a continué. Je n’en avais pas parlé ni à Éloïse ni à Fatine. À la fin du cours, ils sont venus me voir, ils étaient bouleversés. Quand je leur ai dit que je trempais dans ces abominations depuis un mois, ils ont compris pourquoi je faisais la tête. Avec David, avoir partagé cela a créé un lien spécial. C’est devenu un ami, mais il a attendu un an pour me dire que son grand-père était revenu d’un camp. J’ai compris alors qu’il connaissait cette horreur depuis qu’il était tout petit et que c’était son histoire. Je l’enviais presque d’avoir une telle histoire dans sa vie et, en même temps, je le plaignais. Je ne savais plus comment lui parler.

Je n’ai pas osé lui demander s’il était juif. D’abord, je ne sais pas ce que ça veut dire et, ensuite, je ne sais pas comment ça se voit, et si ça se voit. Quand je vais chez lui, je ne remarque rien de spécial. Et puis je m’en fous. Ce que j’aime bien chez David, c’est que c’est un écolo, un vrai. Il m’explique, même si cela fait un peu peur, entre le changement climatique, la disparition des espèces, la pollution.