9 -Éloïse

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Quand Fatine nous dit qu’il a la clé des carrières sous l’immeuble, il m’épate complètement. On sait depuis toujours que, sous Montmartre, il y avait eu des extractions de gypse, la pierre à plâtre. Nous pouvons jouer les savants, parce que depuis l’école primaire, chaque année nous avons dû faire un exposé sur notre butte. Car, chaque année, nous avons eu une nouvelle maitresse qui trouve formidable et incroyable le fait de vivre à Montmartre. Elle a alors l’idée très originale de nous faire travailler sur le sujet. Comme l’année d’avant et comme l’année suivante. « C’est vraiment une bonne idée ! », lui répond-on gentiment, pour ne pas se moquer ! Les premières fois, les parents nous ont aidés, puis internet nous a beaucoup servi, et, maintenant, nous sommes les champions du copier-coller ! Au collège, ils se sont également donné le mot. Ce sont les artistes à Montmartre en français, la commune à Montmartre en histoire, les buttes de Paris en géographie et tout comme ça. Il n’y a qu’en maths qu’elle nous a épargnés le calcul des marches des escaliers de Montmartre : il faudrait lui suggérer pour la classe suivante ! Le pire, c’est que les profs connaissent internet et les exposés des années précédentes, il nous faut vraiment travailler. Résultat, on aime encore plus notre quartier, car nous le connaissons à fond.

Donc, il y avait plein de carrières, on en sortait du plâtre, les rues en étaient blanches, d’où le nom de la place Blanche. La plupart de ces carrières ont été comblées ou foudroyées. J’adore cette expression, parce qu’on imagine une grosse explosion qui fait tout écrouler. La plupart, car, par exemple, sous notre immeuble, les trous sont toujours là.

Décidément, Fatine méritait bien son nom ! C’est génial, on va pouvoir aller explorer les carrières sous notre immeuble et vivre de vraies aventures. Thomas trouve cela nul, dangereux. Je sais qu’il est courageux, mais aussi, que c’est un garçon sage et raisonnable. Je pense que l’état de sa mère lui suffit comme aventure. Il finit par se laisser convaincre de descendre voir, une fois, comme quand nous avons pénétré dans le premier souterrain à Montmartre 2.

Avec cette clé, nous voilà à l’entrée d’un monde enchanté ! Nous attendons une bonne semaine, puis nous descendons. Je dois reconnaitre que nous sommes un peu inquiets, ne sachant pas ce qui nous attend. Je me force à avoir un air assuré devant les garçons. En bas, je pousse les verrous, puis la porte. Aussitôt, je retrouve la même odeur que dans la grotte. Encore deux petites marches et nos lampes éclairent ce monde perdu. Fatine croit malin de pousser un cri. C’est un peu effrayant, car on ‘entend se répéter plusieurs fois avant de s’arrêter.

— Ouah ! Quel écho !

— Tu es con ! S’il y a quelqu’un, il va nous entendre !

Nous regardons partout, d’abord sans bouger, puis nous allons au bout de cette salle, qui ouvre sur d’autres. Nous remontons immédiatement après. Nous l’avions fait ! Nous étions excités en nous retrouvant sur notre banc. Thomas semblait content et rassuré. Nous avons décidé de nous équiper en matériel avant d’aller plus loin.

À partir de ce moment, nous passons tout le temps que nous pouvons en bas. Nous jurons de ne rien dire à personne. À force de nous éclipser et de ne plus être avec les autres, nous avons des questions sur nos absences. Heureusement que Fatine et moi débordons d’imagination pour raconter n’importe quoi !

On arrête quand même de descendre pendant quelques jours, mais c’est dur de se retenir.

Comme j’ai besoin de me repérer, je fais un plan de nos découvertes avec leur aide, en comptant nos pas ou en regardant sur notre fil. Quand on a découvert l’ouverture, j’ai pu refaire le plan, bien orienté, mais le premier n’était pas si mauvais que ça.

Le plan est toujours sur ma table. Quand les flics fouilleront ma chambre, ils ne comprendront pas ce que c’est. Par contre, le service des carrières l’utilisera lorsque nous redescendrons avec eux. Ils le trouveront tellement bien fait qu’ils le garderont, alors que je l’aurais bien gardé comme souvenir !

Finalement, nous finissons par connaitre environ un bon kilomètre de caves et de salles, dans tous les sens. Surtout, dans les premières galeries, où nous nous repérons facilement, comme nous étions comme chez nous.

Pourtant, nous faisons toujours des découvertes, tellement ce réseau est enchevêtré. L’étage que nous parcourons est celui sous les caves du quartier, avec parfois quatre ou cinq niveaux de profondeur. Le plus souvent, seuls les deux derniers ou le dernier étage sont rendus inaccessibles, comme pour notre immeuble. Le plan se complique, car il faut tenir compte de ces niveaux qui remontent et que nous explorons.

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