13 - Éloïse
Dans le délire de la soif, parce que j’étais à côté de Thomas et que je sentais que ça pouvait mal finir, j’avais laissé mon cœur s’ouvrir, pour lui dire que depuis toujours il était le garçon, l’homme de ma vie. Je ne savais plus très bien ce que j’avais dit, je ne savais pas ce qu’il avait entendu.
Cette partie floue me gêne. J’ai besoin de savoir ce qui s’est passé entre nous, mais je ne savais pas comment faire.
Un soir, alors que Tom et Mélodie dinent avec nous parce que Pierre est parti quelques jours, je pense que c’est l’occasion. C’est une belle soirée de printemps. Je dis à maman que nous allons faire un tour avec Thomas. Elle me regarde et je vois qu’elle a tout deviné, ma Supermaman. Je prends la main de Tom et je l’invite à me suivre. Il le fait sans me poser de question.
Nous allons sur l’autre côté de la Butte, pour voir le soleil se coucher. Nous marchons lentement, car il boite encore un peu. Nous connaissons un endroit tranquille, sans touristes et sans personne. La ville, en dessous, semble lointaine, calme. Il n’y a aucun bruit et le soleil éclaire doucement ce paysage que j’aime.
Nous restons à regarder, l’un avec l’autre, nos épaules se touchant à peine. Je prends mon courage à deux mains, je suis tout intimidée. Je lui parle de ces longs moments en bas, quand je pensais que nous allions mourir, que j’espérais que ce serait doux pour lui. Il se tait, m’écoute en regardant au loin. Je lui dis que je délirais à moitié, que je ne savais plus ce que je disais, que je ne savais pas ce qu’il avait entendu. Il se tait. Il tourne la tête vers moi, met son doigt sur ses lèvres, puis sur les miennes. Il approche sa tête, retire son doigt et pose ses lèvres sur les miennes, doucement, délicatement. Mon cerveau s’emballe, puis soudain se calme, se vide. Je ne suis plus que mon corps, nos lèvres soudées, le gout délicieux de sa bouche, de sa respiration. Ma tête est dans sa main, l'autre tient la mienne. Mon cœur va éclater. Quand il écarte la tête, c’est pour me dire qu’il n’a pas entendu tout ce que j’ai raconté, il était fiévreux et dans le coltard. Mais il a tout compris, ce qu’il savait depuis toujours. Il ajoute qu’à partir de ce moment, plus rien d’autre n’avait de l’importance. Je vais lui répondre, mais ses lèvres sont de nouveau sur les miennes. Je comprends que nous n’avons plus besoin de mots, que nous n’avons jamais eu besoin de mots.
Nous revenons lentement. Je lui dis que tout était de ma faute, que je les avais entrainés dans des aventures trop dangereuses. Il me répond qu’il avait bien voulu, qu’il était aussi responsable. Nous retrouvons avec plaisir nos disputes habituelles, mais nos yeux ne sont plus les mêmes. Maintenant, il me tient la main et nous savons que nous jouons.
En rentrant, maman me dit simplement : « Comme tu es rayonnante ! ».
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