débriefing

4 minutes de lecture

Je me détends, l’expérience se termine pour aujourd’hui. Hier, l’infirmière ne m’a pas menti, ils ont édulcoré les images. Tant mieux, je ne pense pas que ça va durer, mais au moins j’ai pu souffler un peu. Le gamin s’en est sorti assez facilement ce soir, mais son ennemie l'a trop sous estimé, ce qui a freiné ses pouvoirs. La menace est réelle pour la suite.

Cette fois, c’est un praticien qui vient me voir.

« L’infirmière n’est pas là ?

– C’est son jour de congé, me répond laconiquement le médecin avant de poursuivre :

Vous vous en êtes mieux sorti qu’hier. J’espère que vous avez apprécié cette pause. Si ça n'en avait tenu qu'à moi, j’aurais continué l’expérience au même rythme. Je pense que vous êtes suffisamment armé. Je dois reconnaître que vous m’avez quand même fait peur. Pour cette raison, je me suis plié à leurs choix et nous avons opté pour cette séquence.

– Merci, soufflé-je.

– Ne nous remerciez pas, nous protégeons notre investissement, rien de plus. Vous ne nous servirez à rien si vous devenez un légume.

– Que me voulez-vous à la fin ? m’emporté-je.

– Je savais que vous finiriez par montrer votre vraie nature, se durcit le médecin. On a encore du boulot avant de passer à l’étape suivante.

– Quelle étape ?

– Il est trop tôt pour en parler. Ne vous posez pas de questions sur la suite du projet. Vous ne pourrez imaginer ce qui vous attend, élude le scientifique d’un ton cassant avant de poursuivre : maintenant il est l’heure pour vous de dormir. On ne vous donnera pas à manger aujourd'hui, c’était vraiment trop facile. Demain ce sera plus corsé. »

Tout en parlant, il se dirige vers un petit meuble sur lequel était posée une seringue.

« En attendant, faites de beaux rêves. », ajoute le médecin en me l'enfonçant dans le bras.

Le produit est très efficace, j’ai à peine le temps de me questionner sur la suite de leurs projets que je sombre dans un sommeil de plomb.

*

Brusquement, je me réveille. L’obscurité m’entoure : ce doit être la nuit. J’ai chaud et suis trempé de sueur. Je m’éponge le front tant bien que mal à l'aide de mon oreiller. Une image s'imprègne dans mon esprit : des iris vert noisette m’ont happé, j’ai plongé à l’intérieur, comme on sonde une âme ; sensation désagréable et effrayante.

J’ai perdu tout contrôle. Je n’ai pu me détacher de ce regard à la fois froid et rieur, incapable de déterminer s'il me voulait du bien ou du mal, ce qui m'a déconcerté.

Puis les rires ont surgi, – sauvageons– je ne sais pourquoi ce terme précis s’ancre dans mes réflexions.

Je sens que ce détail est important pour l'expérience, mais ne parviens pas à déterminer pourquoi. J’ai beau me creuser la cervelle, tout ceci n’a pas de sens… du moins pour l’instant !

En attendant, je dois essayer de ne plus y penser, faire le vide et me rendormir, avant qu’ils ne me réveillent pour la suite.

*

Un autre jour se lève. C'est avec plaisir que je revois l'infirmière ce matin. Elle semble joyeuse.

« On m’a dit pour hier. C’est bien. Vous avez bien réagi et nous pouvons avancer. Pour vous récompenser, je vous ai préparé une petite surprise. »

Elle se décale pour me montrer le chariot qu’elle cachait. Ce dernier contient un verre de lait ainsi qu’une cloche opaque. J’attends de voir la suite et lui souris pour l’encourager.

« Vous n’êtes décidément guère bavard, mais vous semblez être dans de bonnes dispositions. C’est déjà ça. », dit l’infirmière en souriant à son tour.

Elle place le petit meuble à roulettes près de moi et retire le couvercle avec un geste théâtral. Mes yeux brillent : ce matin j'ai droit à une tartine beurrée accompagnée de confiture.

« C’est à la groseille. Ma préférée. », me souffle la jeune femme.

Je prends mon temps pour déguster le petit déjeuner sous son regard bienveillant. Elle m’explique le « souvenir » d’aujourd’hui dans les grandes lignes ; celui-ci risque d’être moins « amusant » que la veille, mais ce n’est pas le pire non plus. Un médecin arrive. Il semble avoir entendu notre conversation, car il confirme.

« Le passage sera médian cette fois. Nous nous ajusterons à vos réactions. N’essayez pas de nous berner, nous saurons si vous surjouez l’angoisse. Tenez-vous prêt, je vais vous injecter le produit. »

Je me débats. Le médecin rit et je ne comprends pas pourquoi, ce qui m'énerve encore plus. Je tente de lui arracher sa seringue malgré les fils et les électrodes qui me gênent. Mon adversaire ne se laisse pas faire. Pendant un instant, personne n’arrive à prendre le dessus, mais il est rapide et j’ai l’impression que l'aiguille vole dans tous les sens. Elle me paraît inaccessible. Je m’essouffle à essayer de la saisir. J’ai chaud et soudain la tête du médecin grossit de plus en plus. Je continue d’agiter mes bras, mais ils deviennent de plus en plus lourds et mon ennemi sourit de plus belle. Il me parle, mais je n’arrive pas à le comprendre. Je tends l’oreille pour mieux l’écouter.

« C’est bien. Vous me plaisez, vous. Direction dodo maintenant, m’annonce-t-il, sarcastique.

– Quoi, ce n’est pas possible, il ne m‘a même pas piqué. », marmonné-je.

L’infirmière se dirige vers la sortie avec son chariot, un grand sourire sur les lèvres en me montrant le verre de lait. Je comprends alors que je me suis fait berner. Ils n’ont pas eu besoin de la seringue, ils m’avaient déjà drogué !

Las, j’abandonne. Ils finiront bien par baisser leur garde et à ce moment-là, j'en profiterai pour passer à l'attaque.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 10 versions.

Vous aimez lire moonbird ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0