Chapitre 67

8 minutes de lecture

8h37

- Je vous en prie, entrez.

La policière proposa une chaise à la lycéenne autour d'une simple table, dans une petite pièce aux murs entièrement blancs. L'adolescente ne riposta pas, prit place, et garda le silence.

- Je suis l'agent Delaunay, reprit la jeune femme. Et vous, vous devez être... Charlotte Dauge ?

La jolie blonde acquiesça une seule fois.

- Bien... Alors...

La policière consulta une feuille sur sa table en fronçant les sourcils, puis son visage s'éclaircit.

- Oui, c'est cela... Selon l'article 63-3-1 du Code de procédure pénale, toute personne gardée à vue a le droit d'être assistée par un avocat. - Elle quitta les yeux de sa fiche. - Voulez-vous un avocat ?

- J'en sais rien... Ça sert à quoi ?

L'agent sembla pris au dépourvu.

- Eh bien... Un avocat est un juriste qui pratique une profession réglementée définie par la Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 sur la réforme de professions judiciaires et juridiques. Quoique, cette Loi a été réformée par la numéro 2015-990 du 6 août 2015. Des réformes qui consistent en la postulation des avocats, l'ouverture des bureaux secondaires, la fixation et le contrôle des honoraires, la détention du capital social et l'interprofessionnalité d'exercice. Qu'est-ce que je dis ?... Si, si, le capital social. Mais il est aussi ouvert à des Sociétés comme les Sociétés d'Exercice Libéral...

- J'ai pigé ! interrompit Charlotte, le cerveau à deux doigts d'exploser. Je crois que je vais m'en passer.

- Vous êtes sûre ? lança la policière, déçue. C'est pourtant recommandé.

- Ouais, si vous le dîtes... Mais ça va aller, j'en suis sûre.

L'étudiante leva les pouces en l'air devant l'air surpris de l'agent.

- Avez-vous bien compris la raison pour laquelle on vous a fait venir au commissariat ? reprit le flic, l'air plus grave.

La belle blonde fit la moue et croisa les bras.

- Ouais, les copines et moi on a eu quelques problèmes avec l'Aff... Rita-Lans il y a quelques mois. Mais c'est du passé, et je sais pas pourquoi ça a pris une telle ampleur.

Ses mots parurent si sincères que la policière en fut perturbée.

- Vous ne le savez pas ? articula cette dernière.

- Ben non... relança Charlotte en tentant de cacher au mieux son angoisse.

- Vous lui avez plongé la tête dans un WC. Vous avez filmé la scène, et vous avez mis la vidéo sur les réseaux sociaux !

L'adolescente entrouvrit la bouche, mais aucun son ne s'en échappa.

- Vous êtes accusée de complicité, violence, harcèlement et cyberharcèlement sur mineure, reprit la jeune femme. C'est très grave !

Elle avait un ton professoral et non menaçant, ce qui laissait penser qu'elle venait juste d'entrer dans le service de police.

- Je sais...

La jolie blonde passa une main sensuelle dans ses cheveux, plongea son regard limpide dans celui, brun, de l'autre femme, et se mordilla les lèvres. Perplexe, celle-ci l'observa sans rien faire.

- Mais vous savez, c'était pas ma faute, reprit Charlotte sur un ton suave. Tout est arrivé si vite... Ça nous a pris au dépourvu.

Elle bomba sa poitrine et la mit en avant, de sorte que les yeux de la policière s'y attachèrent immédiatement. Celle-ci déglutit, passa une main rapide sur son front en sueur, et retourna à sa fiche, profondément troublée.

- Oui... Enfin, peut-être... Mais, ça n'a pas d'importance. Il faut que vous vous expliquiez, c'est comme ça que fonctionne la justice, expliqua-t-elle, presque à regret.

La lycéenne réprima une grimace tandis que les battements de son cœur s'accéléraient.

*Perdu pour perdu...*

Elle avança lentement sa jambe sous la table jusqu'à ce que son pied effleure l'entrejambe de la policière. Electrisée, celle-ci écarquilla les yeux.

- J'ai toujours fantasmé sur les forces de l'ordre...

L'agent se leva en bousculant sa chaise, plaqua la joue gauche de Charlotte sur le mobilier, se plaça derrière elle, et lui menotta les mains.

- Cette fois, je vous conseille vivement de prendre un avocat.

***********************

8h37

L'homme s'arrêta devant une porte, l'ouvrit, et laissa entrer la suspecte dans une petite pièce. Il lui montra une table d'un simple geste, s'assit en face d'elle, et l'examina en silence. Il posa ses mains sur le mobilier - ses doigts tapotaient les uns contre les autres - puis se redressa sur sa chaise.

- Je suis l'agent Valcrome. Bienvenue en enfer.

Mathilde tressaillit. Le policier ne souriait pas, mais ne se montrait pas virulent pour autant.

- Je vais vous poser quelques questions, pour les besoins de l'enquête, vous l'avez compris, continua-t-il en attrapant un stylo et en consultant sa feuille d'interrogatoire. Alors...

- Je veux un avocat.

L'adolescente avait parlé pour la première fois depuis son arrivée au commissariat. Ses mots étaient clairs, mais perturbèrent l'agent quelques secondes.

- Un avocat ?

- Oui. Vous ne m'avez pas énoncé mes droits mais je sais que je peux avoir un avocat.

La jolie brune rougit, espérant que le scénario répétitif de ses séries policières lui serait utile. Et alors qu'elle prenait confiance en son jeu d'acteur, elle sursauta et pâlit quand l'homme plaqua ses mains sur la table comme un forcené.

- Ecoute-moi bien, sale petite allumeuse ! J'ai pas de temps à perdre avec tes exigences à la con, alors tu vas répondre à chacune de mes questions sans faire d'histoire, t'as compris ?!

L'étudiante aurait voulu se lever et se précipiter vers la porte pour s'enfuir, mais la peur la clouait sur place. Elle n'était plus que la prisonnière d'un policier dérangé, prêt à lui sauter à la gorge si elle ne lui accordait pas ce qu'il voulait. Elle tremblait, livide, et l'écouta péniblement quand il reprit la parole, la voix claire et fausse, comme s'il ne s'était jamais emporté.

- Mathilde Randome, vous êtes accusée de complicité, violence, harcèlement et cyberharcèlement envers la dénommée, Fanny Rita-Lans. En tant que suspecte dans cette affaire, vous avez droit à un avocat... Alors ? Ça en veut encore un ? grimaça-t-il.

Il fixa la jeune fille avec tant de dureté que celle-ci se sentit dépassée. Elle hocha la tête en signe de négation, ce qui le fit sourire. Puis l'agent retourna à sa fiche.

- Bien... Il était temps de s'y mettre, osa-t-il en regardant sa montre. C'est bientôt l'heure de mon café.

Il soupira, reporta son attention sur l'adolescente, et lut sa feuille avec apathie.

- Avez-vous des antécédents judiciaires ?

- ... Non.

Il cocha une case sur sa fiche.

- Etes-vous déficiente ?

- Défi... ?

- Etes-vous physiquement ou mentalement inapte à vous intégrer en société ? reformula l'agent en levant rapidement les yeux au ciel.

- Non ! Je suis normale !

- Ah oui ? clama le policier à son tour, joyeusement cynique. Intéressant... Donc pas du genre à plonger la tête d'autres personnes dans les toilettes ?...

Silence glaçant.

- Vous n'obtiendrez rien de moi, finit par dire la lycéenne, à bout mais réaliste.

- Oh que si, répliqua calmement l'agent. Tu vas mettre tes aveux par écrit, et on se retrouvera au tribunal dès qu'on aura visionné la vidéo qui vous accuse.

- Vous ne la trouverez pas. Elle a été effacée sur Internet et sur portable.

- Rien ne disparait sur Internet.

La détermination du policier était terrifiante. Il toisa Mathilde, jusqu'à se montrer curieux. Il plissa les yeux, observa minutieusement les traits de son visage, son maquillage, puis haussa les sourcils, étonné. Son sourire s'étira alors en un rictus effroyable.

- Rien ne disparait jamais.

***********************

8h37

- Bonjour Mademoiselle, je suis l'inspecteur Adam Coke.

Un homme, petit, "sympathique", et moustachu, accompagné d'un autre, austère, grand et en chemise-cravate, se tenaient devant Sophie.

- Coke ? Comme la coke ? ricana cette dernière.

Les deux hommes se regardèrent un instant, puis se tournèrent à nouveau vers l'adolescente.

- Hmm oui... C'est ça.

L'inspecteur souffla de pitié, et sa moustache remonta.

- Voici le procureur en personne, Monsieur...

- Absinthe.

L'étudiante explosa de rire, malgré elle.

- Mais non, vous déconnez ? Monsieur Coke et Monsieur Absinthe ?

Elle pleurait, incapable de se retenir. Patients, les hommes de loi se turent jusqu'à ce qu'elle se reprenne. Quand elle perçut leur regard, elle frémit.

- Oh mais ce sont de très jolis noms !...

- Et si on parlait sérieusement, la coupa l'inspecteur en refermant la porte de la pièce où ils venaient d'entrer.

Sophie n'ajouta rien, s'assit à la table - puisqu'on le lui demandait -, et attendit, dans une tension palpable, que les hommes prennent la parole. L'inspecteur posa le portable de la jeune fille sur le mobilier, et croisa les mains en la scrutant. Le procureur, lui, était resté debout, derrière le policier, et patientait, l'air encore plus sérieux.

- Vous avez droit à un avocat, lança ce dernier, impassible.

- Un... Un avocat ?

- C'est la première information que l'on donne à une personne placée en garde-à-vue. Vous avez le droit de garder le silence jusqu'à l'arrivée de votre avocat, si c'est ce que vous voulez.

Le flic ne semblait pas du même avis, mais se tut en fixant alternativement le mobile et Sophie.

- Et j'aurai le droit de reprendre mon portable ?

- Non. C'est un objet essentiel pour l'enquête.

- Mais je n'ai rien dessus !

- On verra ça... Alors, voulez-vous un avocat ?

- Hmm... C'est cool ?

- ... Pardon ?

- Est-ce que c'est cool d'avoir un avocat ?

Le procureur et l'inspecteur se regardèrent une nouvelle fois, décontenancés.

- Vous voulez dire, est-ce que cela vous aidera ? reprit le premier. Dans ce cas, oui, car un avocat a l'obligation de vous défendre dans les affaires juridiques.

- Non, non. Je veux savoir si ça me redonnera la cote, parce que j'ai peur que le fait d'avoir été arrêtée par les keufs me donne une mauvaise image à l'extérieur...

- Vous... Vous n'êtes pas sérieuse ? s'écria le petit homme. Vous êtes au poste de police, accusée dans une affaire pénale, et tout ce qui vous inquiète, c'est votre image ?!

Sophie ne comprenait pas où le moustachu voulait en venir.

- C'est important de conserver sa bonne image.

- Dans l'immédiat, c'est à votre liberté que vous devez penser. Et je crois que votre image en souffrira davantage si vous finissez en prison.

- En prison ?... s'affola la grande brune. Eh, oh ! J'ai tué personne !

- Vous avez commis un crime, cela peut suffire.

Les lèvres de l'adolescente se retroussèrent en une grimace.

- J'ai juste filmé, moi...

- Et créez un compte pour mettre la vidéo en ligne avant de la supprimer, le compte compris, comprenant que votre petit jeu tournait en votre défaveur.

La lycéenne se tut. Elle voulait parler, mais ne le pouvait pas.

- C'était juste pour rigoler, dit-elle enfin d'une petite voix.

- Et on voit où ça vous a conduit.

Le moustachu était impitoyable ; le procureur, toujours inflexible.

- Est-ce que vous me laisserez sortir si je vous dis la vérité ?... Toute la vérité.

Les deux hommes tendirent l'oreille, aux aguets.

- Votre collaboration sera prise en compte au moment de votre jugement.

- D'accord, murmura Sophie, le cœur lourd. D'accord...

Le silence qui suivit dura une éternité. La belle brune retenait ses larmes, son corps tremblait d'angoisse, et elle reniflait en avalant régulièrement sa salive.

- Il y a une personne derrière tout ça, bruit-elle enfin. Une personne qui décide de tout ; contre qui on ne peut pas se défendre. Une personne pour laquelle on agit, sans poser de question, parce qu'on a pas le choix. C'est cette personne-là, et elle seule, qu'il faut enfermer.

Le souffle court, l'inspecteur et le procureur demandèrent en même temps :

"Et qui est-ce ?"

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Rachelsans2LE ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0