Chapitre 49A: mai - juillet 1800
Ce trois mai, j'avais cinquante ans. Je m'évadais de ma chambre pour replonger dans mes souvenirs. Qu'avais – je donc accompli pendant tout ce temps là ? Il se trouvait que ma petite liste n'était pas si remplie et malheureusement écrite avec la mort.
'' J'ai eu une famille formidable ; Je me suis mariée deux fois ; j'ai eu un grand amour et cinq enfants d'un mariage arrangé ; j'ai été la mère de cœur de quatre enfants ; j'ai essayé d'être au chevet de chacun d'entre eux pour leur fermer les yeux ; j'ai passé les plus belles années de ma vie avec Gabrielle, ma meilleure amie ; je suis devenue grand – mère grâce à mon fils.'' Finalement, la seule conclusion que je pouvais tirer était que je ne savais quoi penser de cette vie. Aurais – je pu l'estimer heureuse, en pensant à tout ces bons moments, sans risquer d'oublier les anges qui se bousculaient au dessus de moi et qui avait rendu de nombreuses périodes de ma vie particulièrement sombres et douloureuses ?
En rentrant de son travail ce soir-là, mon fils m'avait l'air guilleret. Il me regarda en souriant, avant d'accomplir son rituel, accrocher son manteau au patère, monter dans la chambre poser ses affaires, et redescendre embrasser son épouse. Sauf que cette fois ci, après lui avoir baisé la joue, il alla s'asseoir tout près de moi sur le canapé. Il se tourna, et me pris les mains solennellement.
—''Maman, devinez qui ais – je rencontré aujourd'hui à l'hôpital.
—''Oh, écoutez, si il s'agit d'un de vos collègue médecin, je ne puis le connaître.
—''C'est quelqu'un que vous ne connaissez pas, dont vous ignoriez jusque là l'existence même, mais qui va assurément ensoleiller la fin de votre journée.
—''Vous me faites tourner en bourrique car vous savez très bien que je ne pourrais pas vous répondre. Dites – moi donc.
—''Philippe Mesaubry.
Je lui donnais une petite tape amicale, pour lui signifier qu'il se fichait vraiment de moi. Il m'aurait sorti n'importe quel autre nom, cela aurait été pareil.
—''Eh bien ne voulez – vous pas revoir ma demie – sœur ?
—''Mais qu'a Gustavine à faire dans cette histoire ? Bon, cessez de me raconter n'importe quoi, cela m'agace.
Il se leva, et me lança seulement cette petite pique.
—''Ils nous invitent au restaurant dimanche prochain. Bonne nuit maman.
Je montais me coucher la tête embrouillée de ses histoires, sans pouvoir faire le lien entre ces deux personnes. C'est le lendemain, en prenant mon déjeuner avec Marie, que j'avais la révélation. Entre deux bouchées de pain, elle m'expliquait.
—''Eh bien, Léon – Paul a travaillé avec cet homme dans le cadre d'un échange de connaissances entre les hôpitaux de Paris et Rouen, et il s'est aperçu en creusant un peu que sa femme s'appelait Gustavine. Ça lui a fait tilt, car ce n'est pas un prénom courant. Ils ont fait connaissance et c'est ainsi qu'il s'est aperçu qu'il discutait vraiment avec son beau – frère. Il ne vous en avait pas parlé ?
Je beurrais ma tartine en lui répondant.
—''Si, mais de manière détournée et confuse, pour me faire mijoter, comme il aime si bien le dire. C'est mon fils ça. Du coup, ils nous invitent au restaurant ?
—''Oui, dans un village entre Paris et Rouen, pour partager les trajets. D'après ce que m'a dit Léon – Paul, il habite à Paris.
—''J'espère juste qu'ils viendront avec les enfants. J'ai envie de revoir les filles, comme elles doivent avoir grandies depuis le temps…
Le dimanche suivant, nous laissâmes Alice à Jeanne, et nous partîmes en direction d'un petit village presque à égale distance de Paris et de Rouen. Nous mîmes presque quatre heures et demie à arriver, et quand nous entrâmes dans l'auberge au bas plafond, ils nous attendaient, attablés autour d'une grande et longue table. Je reconnaissais immédiatement Jacqueline et Bernadette, malgré qu'elle aient beaucoup grandies et leurs chapeaux qui assombrissaient leurs visages. Je serrais d'abord Gustavine dans mes bras, elle qui m'avait beaucoup manqué. Elle me présentait son mari, Philippe, qui tenait par la main un des deux enfants qu'ils avaient eu ensemble. J'embrassais la petite Jeanne, âgée de presque deux ans. Son frère Gustave, encore trop jeune, était resté à Paris. Nous mangeâmes assez rapidement, et nous restâmes à discuter tout l'après – dîner, dans une ambiance agréable et détendue. De temps en temps, je regardais Marie, qui me paraissait étrange. Parfois, sa figure se tordait, comme si elle souffrait en silence. Je laissais tomber ma serviette, et je m’apercevais sous la table qu'elle avait ses mains crispées sur son ventre. Je me levais, avant de lui dire à l'oreille.
—''Que se passe t-il ?
Elle me répondit d'une voix cassée, en réalité au bord des larmes.
—''J'ai terriblement mal au ventre...
—''Venez, nous allons prendre l'air. Je m'adressais à son mari qui nous regarda inquiet quitter la table.
—''Excusez – nous.
Nous sortîmes vite de cette pièce étouffante. L'air frais dû sûrement lui faire du bien, car elle sourit dans son rictus. Elle s'assit contre le mur, en soupirant. Léon – Paul la rejoignit bientôt, en posant sa main sur son épaule.
—''Que se passe t-il ? Un coup de chaud ?
—''Non, sûrement une simple indigestion. J'aimerais seulement que nous ne tardions pas à rentrer.
A la vue de Léon – Paul qui se remettait bientôt à discuter avec son collègue en bourrant sa pipe, nous sûmes que le retour ne serait pas immédiat. Je relevais Marie, et comme Gustavine nous rejoignit bientôt avec ses enfants, nous allâmes marcher un peu autour du restaurant, pour digérer. Elle nous parla de sa rencontre avec Philippe, qu'elle avait été consulter suite à une vraie fausse – couche prétextée de son ancien mariage, et ses noces, un an après mon départ de Paris. Elle entretenait farouchement ce secret autour de son ancien gagne – pain. Gustavine nous parla des deux enfants qu'elle avait donné à Philippe, Jeanne et Gustave, et la haine qu’entretenait Jacqueline envers son beau – père. Si Bernadette, un peu plus jeune, n'avait pas trop posé de questions, Jacqueline, qui avait huit ans lors du mariage, avait refusé d'être demoiselle d'honneur, et pestait toujours contre sa mère qu'elle accusait de l'avoir trahie elle et sa sœur. Ils vivaient malgré tout à six dans un bel appartement à Paris, ma belle – fille me parut être heureuse et épanouie. Nous nous quittâmes à la fin de l'après – dîner, avec la promesse de nous revoir un jour.
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