Chapitre 57C: août - septembre 1808

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Ce n’est que le matin suivant que nous entendîmes Jeanne pousser un grand cri, dévaler les escaliers et sortir de la maison en courant. Étonnée, je m’en allais voir ce qu’il se passait auprès d’elle, elle sanglotait en déambulant anxieusement dans la cour de la maison.

— Que s’est t-il passé Jeanne ?

Elle hoqueta.

— Montez donc dans la chambre de monsieur Frédéric, vous comprendrez madame…

C’est donc ce que je fis, sans être déçue. Au pied de la commode, le coffret gisait éclaté en mille morceaux, et sur le parquet galopait un gros scarabée aux mandibules effrayantes, et quelques bêtes rouges et noires dont plusieurs écrasées par terre. Mécontente, j’appelais le principal responsable.

— Léon-Marie-Frédéric Aubejoux ! Je vous donne exactement dix secondes pour me rejoindre dans votre chambre !

J’entendis ses petits pas, puis il apparu, perplexe en voyant les dégâts. Je tentais de rester posée et calme.

— Êtes - vous satisfait ?

Fortement énervé, il tapa du pied par terre, et se frappa le genou de son poing, en se baissant pour ramasser les morceaux de porcelaine. Je l’en empêchais.

— Ne touchez pas. Vous allez vous couper. En revanche, j’exige une présentation d’excuse auprès de notre bonne Jeanne, qui était terrorisée tout à l’heure à cause de vos bêtises.

Nous descendîmes tous les deux, et tout hésitant, il alla pourtant se présenter devant notre domestique qui préparait le repas, lui faire une bise.

— Excusez – moi Jeanne.

Elle lui rendit, et rajouta simplement.

— Vous savez mon garçon, l’importance est de pardonner.

Le soir au moment du coucher que j’effectuais comme d’habitude seule avec l’enfant, celui – ci me fis une remarque assez particulière.

— Je ne savais pas que je m’appelais comme papa.

Ne comprenant pas trop cette réflexion, mes sourcils se froncèrent.

— Tout à l’heure, quand vous m’avez hélé…

— Ah oui. Mais ça n’a pas trop d’importance, il s’agit juste de vos autres prénoms. Après, si plus tard, vous souhaitez en changer, rien ne vous empêche de vous faire appeler Léon. En attendant, votre nom usuel, c’est Frédéric.

Désormais, je surveillais mieux mon petit-fils, pour qu’il ne ramène plus en cachette d’ignobles bêtes dans la maison. Suite à l’incident et malgré mon dos, j’avais dû passer une heure à genoux à les attraper sous les meubles et sous les lits pour éviter une nouvelle crise de panique de Jeanne.

Si elle en avait à peu près pris soin durant leurs premières années, Marie ne s’occupait plus du tout de son fils, et de ses trois enfants en général. Léon-Paul lui avait parfois fait le reproche, mais il avait depuis cessé de batailler, la laissant se lever à dix – heures et rester passive face aux larmes ou aux sollicitations de Frédéric, qui n’avaient en réalité presque jamais existé, l’enfant se dirigeant depuis longtemps naturellement vers moi en cas de besoin. Cependant pas pour un brin fainéante, elle nous aidait activement au quotidien, je pense que son rôle de mère la dépassait ou bien alors cela ne l’intéressait pas, tout en sachant que je pouvais m’occuper du petit à sa place.

Léon – Paul se rendit finalement à l’évidence qu’il ne pourrait jamais se payer une nouvelle voiture avant plusieurs années, ayant encore le crédit de la maison à rembourser, et d’autres moins importants mais tout aussi pesant dans son porte – feuille, et racheta donc simplement des roues et essieux qu’il fis installer par un ami plus expérimenté que lui. Frédéric, pour les deux mois qu’il lui restait à accompagner son père au cabinet, demeura déçu de ne plus voir Pierrot Belle – rencontre.

Les filles rentrèrent à la fin du mois d’août, j’avais hâte d’évaluer les progrès de Louise – Marie en lecture. A sept et neuf ans, elles avaient toutes deux bien grandies, et restaient deux jolies petites filles qui se ressemblaient finalement assez peu. Une fois leur livret d’appréciation vérifié par le chef de famille, qui hocha simplement la tête devant les excellentes notes mises par les religieuses en terme de comportement et de travail, elles nous racontèrent pleines d’entrain leur début d’année au pensionnat, les amitiés, les petits chagrins, les bêtises, et les apprentissages. Léon – Paul, soucieux de savoir ce que rapportait l’argent qu’il dépensait chaque mois, testa sa fille cadette sur la lecture, en lui faisant lire un passage de l’ancien Testament. Si ses progrès étaient flagrants par rapport à la fois dernière, ça ne paraissait toujours pas fluide. Lorsque Léon – Paul demanda à Frédéric de raconter ce qu’il ferait en septembre, Louise – Marie se moqua gentiment, et cela eu le don de vexer le petit garçon qui monta bouder dans sa chambre. Il n’avait aucune envie d’aller là – bas.

Comme tous les ans, notre vie à sept reprenait le temps de quelques semaines. Le rythme s’accélérait un peu, au niveau des repas, et du ménage, mais il ne fallait pas s’aveugler, nous restions une famille de petite taille. Seulement trois enfants après dix ans de mariage en 1808, ça paraissait marginal.

Accroché à ma main, avec son père et sa grande sœur Alice qui avait tenu à l’accompagner et qui portait sa petite sacoche, Frédéric effectua sa première rentrée le lundi cinq septembre. Même en paraissant plus grand que son âge réel, il restait un enfant de six ans, qui accepta difficilement de lâcher ma main, sans pour autant pleurer. Le prêtre qui prodiguait l’enseignement aux garçons, non pas père Georges s’occupant exclusivement du chœur d’enfants, récupéra la sacoche et le conduisit par les épaules vers l’intérieur. Il dîna là – bas, et vers quinze heures, je revins le chercher, tout avait l’air de s’être bien déroulé pour une première journée de classe. Durant la semaine qui passa, Frédéric raconta s’être déjà fait trois amis. Paul, Jean – Jacques et Armand ne le quittait pas, même lorsqu’il rentrait à la maison, mais j’éprouvais une grande satisfaction de le voir s’épanouir en dehors des murs de la maison familiale. Nous reçûmes durant ces premiers jours des renseignements sur les vacances, sept semaines dans l’année quasiment calquées sur celles du pensionnat que fréquentait Louise-Marie et Alice, ce que je trouvais particulièrement pratique lorsque nous souhaitions être tous réunis, si ce n’est que petit Frédéric arrêtait les leçons en juillet pour les reprendre plus tôt, en septembre.

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