XXVII
L’hôpital est un lieu que l’on préfère normalement éviter. Surtout cette partie-là, avec ces gens qui parlent aux murs, qui embrassent des fantômes et accourent vers des silhouettes invisibles en criant des noms qui n’ont jamais existé. Avec ces enfants qui passent leurs jours dans des chambres aux parois tristement décorées de quelques photos de famille, à cause des failles de leur esprit.
On lui avait dit d’attendre dans le couloir, la salle de parole étant encore occupée. Voyant que la personne chargée de l’accompagner était partie s’occuper d’une urgence, elle se retrouvait seule, à nager dans sa blouse, et décida, faute de chaise, de se laisser glisser le long du mur, par terre. L’agitation et la gêne d’être là commençaient à devenir étourdissantes. Il y avait moins de monde la dernière fois.
La tête entre les genoux, elle chercha la quiétude, endormie par les pas des patients. L’étage était calme, personne ne prêtait attention à une lubie de plus.
Au bout d’un moment, animée d’un soudain désir de se dégourdir les jambes, elle tenta de se lever avant de réaliser qu’elle n’arrivait pas à se mettre debout. Elle s’aperçut alors qu’au-dessus d’elle, une petite fée chétive perchée sur un escabeau s’amusait à emprisonner ses épaules de ses petites mains, l’empêchant de bouger. Malgré leurs carences évidentes, elle pensait tout de même avoir plus de force qu’elle. Elle joua toutefois le jeu et ne repoussa pas ses bras-allumettes. L’enfant aux yeux translucides ne désarmait pas, et elles passèrent plusieurs minutes à guerroyer en silence.
À ce moment-là elle a souri avec elle ; Coralie est venue la chercher et elles ont ri toutes les deux, éclaté d’un rire si franc. Comme si la soignante à qui elle avait appris à faire confiance était heureuse de voir un sourire s’épanouir sur son visage, comme si elle la voyait aller mieux. Elle l’a entourée d’un bras, dans un élan spontané qu’elle n’avait sûrement pas pu retenir, comme si au milieu des journées éprouvantes, elle voulait elle aussi laisser sa joie s’exprimer.
Séverine s’était réveillée les larmes aux yeux.
Le sourire espiègle de cette petite fille si pâle à l’hôpital n’avait pas de prix. Malgré la maladie, dans ce lieu blanc et clos se produisent des scènes d’une beauté si touchante et pure. Des fragments d’existence qui laissent de nouveau place à l’humain, où tout revient à l’essentiel. Où il n’y a plus ni orgueil, ni souffrance, ni soucis, ni souvenirs, ni passé, ni futur ; juste l’instant présent, juste un sourire qu’on nous lance.
D’une beauté qui redonne l’espoir de vivre.
À quarante kilos les rêves revenaient. Plus disponible, son esprit se remettait en marche.
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