Chapitre 9

8 minutes de lecture

L’avion pour Tokyo s’envole dans deux minutes. J’ai l’impression que le temps passe de plus en plus vite. Encore une fois, le mois s’est écoulé trop rapidement. Mois durant lequel on a souffert des entraînements de danse et de chant de Yeo-Sin et de Lia. J’ai réussi à voir quelques fois Ah-Joo pour travailler le chant de Kiss Me, et le chorégraphe de son label – AST – est en train de créer la chorégraphie, tandis que les producteurs cherchent un concept pour notre M/V. Les Korean Boys sont revenus de leur tournée européenne, et j’ai pu voir Jun-Woo un soir.

- Min-Seo.

Je tourne la tête vers Su-Ah.

- Tu sais… la fois où tu m’as demandé si j’étais déjà allée en Corée du Nord ?

Oui, je me rappelle. C’était il y a deux mois, quand on était dans l’avion pour partir à Bangkok, en Thaïlande, pour tourner le M/V de I’m a queen.

- Eh bien oui, j’y suis déjà allée. En fait… je suis née là-bas, à Pyongyang, la capitale.

- Hein ? Mais, sur Music Bank, lors de la sélection, Soo-Jin a dit que tu étais originaire de Séoul.

Su-Ah soupire.

- En fait, quand je suis arrivée en Corée du Sud, je fuyais la Corée du Nord, et mes parents sont morts là-bas, tués par l’armée. (Elle retient ses larmes.) Je suis arrivée à Séoul, et en tant qu’orpheline, je n’avais pas beaucoup de choix. Alors je suis entrée à PYZ, à 11 ans, comme je te l’ai dit. J’ai falsifié mes papiers. En fait, Eun-Kyung et toi êtes les seules personnes à le savoir. Je n’ai plus de famille, Min-Seo. C’est pour ça que je vous traite toutes les trois comme mes sœurs. Je suis heureuse d’être ta eonnie, et j’espère aussi que tu l’es.

Une larme roule sur sa joue rebondie. Je pose ma main sur la sienne.

- Je suis contente aussi que tu sois ma sœur. Tu es une super eonnie. Ma préférée. Même si tu as une personnalité aegyo, tu es ma eonnie.

- Je suis aegyo, moi ? demande-t’elle.

- Bah, oui. Tu es toute enfantine, toute cute. Mais bon, tu es la deuxième plus jeune.

Eun-Kyung est la plus vieille, Ha-Rin la deuxième plus grand et Su-Ah est la plus petite après moi.

- Tu étais proche de Ha-Rin, ces temps-ci, souffle Su-Ah.

- Désolée. Elle était dans une mauvaise phase, et j’ai surtout été avec elle quand on était apprentie. Tu étais surtout proche de Eun-Kyung, toi. Mais c’est compréhensible, vu qu’elle était la seule à connaître ton secret. Mais je t’aime quand même, eonnie.

Même si on est dans un avion et que c’est franchement pas pratique, je la serre dans mes bras.

Quand on arrive à l’aéroport de Tokyo, une foule se presse autour de nous. Ça hurle nos prénoms, ça essaye de nous toucher… Nos gardes-du-corps les repoussent. J’entends surtout le prénom de Su-Ah, comme quoi elle est trop belle, trop cute… Mais chacune de nous a ses fans.

On arrive à quitter l’aéroport et on va tout de suite au Suntory Hall, une énorme salle de concert à Minato-ku, à Tokyo. Il est dix heures. On va faire des répétitions sur la scène, notamment pour la danse, les managers vont nous montrer les différentes caméras pour la rediffusion sur YouTube, Daily Motion et Naver. Enfin, on va nous donner les tenues pour qu’on répète avec les vêtements et enfin, les stylistes doivent nous préparer pour le concert qui commencera à vingt-heures.

Un éclairagiste teste les lumières tandis que Yeo-Sin – qui nous a accompagné dans ce voyage – nous montre nos positions sur scène. Elle a dit que si on n’était pas au centimètre près là où elle nous a indiqué, toute l’équipe des caméras aura un énorme problème pour filmer. J’imagine qu’elle exagère un peu.

On travaille la danse de I’m a queen une dizaine de fois, puis on revêt les costumes et on danse à nouveau.

- Ok super ! lance l’éclairagiste.

Épuisées, les filles et moi regagnons les coulisses. SoRa et son équipe stylisme-maquillage nous attendent.

- Salut, les filles !

Elle nous assoit sur les fauteuils noirs, face à des miroirs ronds posés sur des tables en bois clair, avec des murs rose poudré et des plantes vertes autour du miroir. Une petite guirlande lumineuse est au-dessus du miroir, et sur la table est disposé de façon très esthétique des produits de beauté. Su-Ah mitraille avec son téléphone sa table, similaire à la mienne. Elle prend même un selfie avec le décor mur-miroir-plantes-tables. Ensuite, elle sifflote en postant le tout sur Instagram.

- Ahhh, la vie d’une influenceuse est dure !

Elle soupire puis se laisse tomber dans son fauteuil pour qu’une maquilleuse puisse s’occuper d’elle.

Nos maquillages sont simples : fond de teint pour ne pas que notre peau brille sous les spots, blush pêche, lèvres rose bonbon, mascara et paillettes argentées autour des yeux. Eun-Kyung porte une mini-robe moulante noire, une veste dans le style imperméable violette et des bottes violettes. Su-Ah est vêtue d’un collant noir, de bottes vertes et d’une robe-pull vert sapin (elle va étouffer avec ça, mais comme ça joue avec son côté cute, les stylistes adorent.) Ha-Rin a un top à manches longues épais noir et un jean large bleu, avec des bottes noires. Et enfin, moi, je suis habillée d’une robe au haut moulant noir, et au bas évaporé rose. J’ai des bottes noires, et des gants en dentelles de la même couleur.

Une présentatrice japonaise du nom de Muzaki Izushi parle dans son micro pour nous présenter au public, ainsi que la chanson que l’on va interpréter en premier.

Quand elle nous laisse la place sur scène, les premières notes de Call me maybe retentissent. Eun-Kyung commence à chanter, puis Su-Ah. Je fais ma montée en m’avançant vers le devant de la scène (j’ai trouvé le sens de la raison qui m’entraîne, à chaque pas sur le devant de la scène - je ne sais pas si vous connaissez cette chanson – enfin bref). Après le refrain, Ha-Rin fait son rap (qui n’en est pas un à la base) et je refais la montée. Quand on fait le dernier «so call me maybe» une énorme feuille accrochée au plafond se déroule avec écrit dessus un numéro de téléphone. En-dessous, il y a écrit «Ceci est un faux numéro:)»On finit la musique en s’inclinant.

Nous partons toutes, sauf Ha-Rin qui va chanter Lalisa de Lisa. Elle est super forte dans les raps, vraiment. Ensuite, c’est à Su-Ah et sa voix aiguë de chanter Uncover de Zara Larsson. Eun-Kyung va chanter Before you go de Lewis Capaldi. Et enfin, je fais Circus de Britney Spears. Naturellement, je me mets à danser un peu.

Pour le final, une foule en délire nous acclame tandis que Ha-Rin prend le micro pour dire qu’on va faire I’m a queen. Je danse vraiment énormément, je suis au bout de ma vie, mais ça en vaut la peine. Je suis sûre qu’on offre un bon spectacle au public japonais. Du moins, j’espère. Quand on a fini, on s’incline plusieurs fois avant de crier :

- ARRIGATO !

Merci, en japonais.

- Nous sommes très heureuses de nous produire à Tokyo ! C’est une magnifique ville !Merci de nous avoir écouté ! s’exclame Eun-Kyung qui parle visiblement japonais.

Je repère dans le public Suzanne, Betty et Roman. Je leur souris et leur envoie un bisou, avant de faire un coeur avec mes bras au-dessus de ma tête, ainsi que de poser contre ma joue ma main droite, formant un demi-coeur. Mon coeur s’affole quand je vois tous les Korean Boys. Jun-Woo me sourit et fait un coeur coréen avec ses doigts.

Après, Manager Park nous presse pour qu’on quitte Suntory Hall parce qu’on a un avion à prendre.

- T’as vu que y avait les Korean Boys ? me souffle Ha-Rin, dans l’avion.

- Ouais !

- Tae-Hoon était avec Shelda.

Je ne l’avais même pas remarqué, trop occupée à sourire et faire des coeurs à Jun-Woo.

D’ailleurs, sur les télés accrochées aux sièges de l’avion est diffusé le film que j’ai tourné, My secret lover. Je ne l’ai jamais vu, alors j’en profite. Surtout qu’il vient de démarrer.

Le premier plan s’ouvre. Les couloirs vides du lycée se remplissent quand la cloche sonne et moi – que je vais appeler Sae-Mi – je m’y balade. La jeune fille entend une voix chanter, alors elle entre dans une salle de classe et moi un garçon aux cheveux noirs fredonner. Quand il la voit, il retire ses écouteurs, saute sur ses deux pieds et arrête de chanter.

- Ouah, tu chantes très bien ! Yeppeuda !

Sae-Mi applaudit et sourit. Elle s’approche du garçon, qui recule d’un bond.

- Tu t’appelles… Kim Hyun-Sung, c’est ça ?

La jeune lycéenne passe sa main dans ses cheveux et les rejette en arrière.

- Moi, c’est Sae-Mi. Yoon Sae-Mi.

Elle tend la main à Hyun-Sung – ou Jun-Woo – mais celui-ci la repousse et bouscule Sae-Mi pour sortir de la salle. Elle sort en trombe de la classe pour le suivre.

- Attends ! Hyun-Sung !

Il s’arrête et Sae-Mi le rejoint.

- Hyun-Sung, tu chantes vraiment bien, je…

- Tais-toi, s’il te plait.

- Oppa, je…

Le garçon tourne la tête vers la fille, ébahi. Elle rougit subitement.

- Tu m’as appelé… oppa ?

- Euh… oui… parce que… techniquement… tu es mon oppa. Tu es bien né en avril, non ? Et bien, je suis née en juin.

Hyun-Sung la fixe, incrédule.

- Comment connais-tu ma date d’anniversaire ?

- C’est… c’est sur le forum…

Elle lui tend son téléphone, affichant le forum. Il lui arrache des mains.

- Que… c’est quoi tout ça ? Qui a publié toutes ces infos sur moi ?

Hyun-Sung balance le téléphone par terre et part en courant. Sae-Mi fronce les sourcils (je ne m’étais même pas rendu compte que j’avais fait ça), l’agrippe par la manche, et, emportée par son poids, elle tombe par terre et lui tombe par-dessus elle. Les deux sont rouges, des mèches de Hyun-Sung retombent sur le front de Sae-Mi. Il y a un gros zoom sur leur expression, un mélange de colère et de gêne sur le visage du garçon, un mix d’incrédulité et de culpabilisation sur celui de la fille. La main de Hyun-Sung est posé sous le cou de la fille, il suffirait qu’il se penche pour l’embrasser. Puis, il s’enfuit en courant et Sae-Mi se redresse.

- Il était si proche…

On enchaîne ensuite avec des rencontres hasardeuses au lycée ou en dehors. Sae-Mi et Hyun-Sung sortent ensemble en secret, parce que Sae-Mi doit se marier avec un chef d’un label de K-pop qui se trouve être le label où Hyun-Sung s’entraîne pour devenir chanteur. Un jour, une fille du nom de Chae-Nya les surprend en train de s’embrasser et, jalouse, elle les prend en photo et publie sur Instagram. Sae-Mi se dispute avec ses parents, le patron de l’entreprise vire Hyun-Sung. Ensuite, Chae-Nya supprime la photo parce que le garçon est venu la défoncer. Les lycéens se remettent ensemble et les parents de Sae-Mi acceptent la relation en comprenant l’amour que porte la jeune fille à Hyun-Sung. Cliché, cliché, cliché.

Mais c’était plutôt amusant de tourner ce film. Pourtant, cette fille sur ce long-métrage… Ce n’est pas moi. Enfin, si. Mais je n’ai pas l’impression.

- Il est cool, ce film, dit Ha-Rin.

- C’est celui que t’as tourné ? demande Eun-Kyung en se penchant vers moi.

- T’es trop belle dessus, c’est trop mignon, piaille Su-Ah.

Annotations

Vous aimez lire Ella Rarchaert ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0