Chapitre 14

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Le matin de la veille de Noël, je n’ai qu’une idée en tête : trouver Jun-Woo. Il m’a dit de le retrouver près de sa maison, dans une ruelle calme de Jongno-gu, un quartier de Séoul. Comme la maison d’idole des filles et moi se trouve dans le quartier Myeongdong, j’ai 45 minutes de bus à faire. Sauf que prendre un bus en tant qu’idole n’est pas recommandé.

Séoul est plutôt agitée aujourd’hui. Il y a des sapins partout qui s’illuminent le soir, des arbres décorés de guirlandes lumineuses, une patinoire géante installée sur une place… Les bars, karaokés et magasins ont des ouvertures exceptionnelles. Sur un des bâtiments géants, le teaser pour Christmas with You de Blind Prince s’affiche. Leurs visages font au moins 10 mètres. J’ai toujours trouvé ça impressionnant, ces publicités sur les bâtiments.

Je me penche pour appeler un taxi en secouant la main, et une voiture noire Hyundai s’arrête près de moi.

- Grimpez.

Je m’incline et souffle «merci» à travers mon masque. SoRa m’a fait un maquillage pour éviter qu’on me reconnaisse : une perruque brune aux cheveux ondulés est posée sur ma tête et elle m’a dessiné des tâches de rousseurs. Je porte quand même un masque au-dessus de tout ça.

- Alors, je vous emmène où ?

- Dans cette rue, à Jongno-gu.

- Ok, on arrive dans quarante minutes. Montez à l’avant.

Je ressors pour remonter aux côtés du chauffeur et fais quelques courbettes accompagnées d’un gamsahabnida.

- Alors, vous faites quoi dans la vie ? questionne le chauffeur.

Je réfléchis. Que puis-je dire ?

- Hmm, je travaille pour PYZ Entertainment.

- Oh oui, vous occupez quel poste ?

- Je suis une manager.

- Ooh, je vois. Vous connaissez les Korean Boys ou les Queencard ?

Comme c’est un feu rouge, il tourne la tête vers moi.

- Hein ? Euh, oui, je les connais.

- Ouah, super.

Il allume la radio et notre musique Jeong passe. Je me raidis.

- Elles ont sorti cette musique début décembre. Mais en tant qu’employée chez PYZ, vous devez le savoir.

- Euh, oui.

- Ma fille écoute de la K-pop. Elle suivait les Korean Boys avec beaucoup d’attention. Elle est vraiment fan, elle a pleins de posters dans sa chambre, surtout ceux de Jun-Woo.

Ah, bon bah super. Je n’étais franchement pas obligée de savoir qu’une fille avait des photos de mon petit ami dans sa chambre.

- Enfin bref, je me suis mis à écouter un peu aussi. Et, waouh, quand PYZ a annoncé qu’ils allaient sortir un groupe de filles, je m’attendais à un truc nul.

Sympa, ce chauffeur.

- Au final, j’aime bien les Queencard. Elles sont si belles. Min-Seo est très jolie, c’est dommage qu’elle ait beaucoup de critiques.

Ah, haha ! Un mec de quarante ans me trouve très jolie… Argh, je trouve ça un peu malaisant, en fait.

- Ce qui est dommage, c’est qu’elle sorte avec Jun-Woo. Quand ma fille l’a vu déclarer à la télé ses sentiments à Min-Seo, lors de la sélection des filles, elle a éteint la télé et elle est partie pleurer dans sa chambre. Elle l’aimait vraiment. Je ne comprends pas ces célébrités qui se mettent en couple alors que ça brise le coeur des fans. Ma fille n’est pas sortie de sa chambre pendant une semaine. Son coeur est brisé. Elle qui comptait rencontrer Jun-Woo et entamer une relation avec lui plus tard.

Je baisse les yeux et joue avec mes doigts. Pleins de gens doivent penser comme lui. Elle l’aimait vraiment. Il y a sûrement pleins de filles amoureuses de Jun-Woo. Qu’est-ce qui me différencie d’elles, au final ?

- Elle s’appelle comment, votre fille ? demande-je.

- Min-Jee.

Je hoche la tête.

Quand on arrive, je paye le chauffeur et rejoins à grands pas mon lieu de rendez-vous. Jun-Woo est déjà là.

- Salut, Min… (Il tourne la tête vers moi.) Oooh, mais vous n’êtes pas Min-Seo ! Comment dois-je vous appeler, aujourd’hui ?

Il me fait un clin d’oeil et me prend par la main.

- Hmmm…

- Et si je t’appelais… Hye-Rin ?

- Non. Appelle-moi… Min-Jee.

Je lui souris.

- C’est qui, Hye-Rin ?

- Ben, personne en particulier. Pourquoi, Min-Jee c’est quelqu’un ?

- Une de tes fans qui a pleuré quand tu as révélé au grand public coréen que tu m’aimais. Son père était mon chauffeur de taxi, il m’en a parlé. Il ne savait pas que j’étais Song Min-Seo ! Il a même dit que cette Min-Jee voulait se marier avec toi ou je ne sais plus quoi.

Jun-Woo hausse les sourcils.

- J’imagine qu’elle est fan de ta nouvelle couleur, murmure-je à son oreille en jouant avec ses cheveux blonds-blancs.

Il rougit.

- Tss, arrête.

- Oh, je voulais t’offrir ça. Notre premier objet de couple !

Je sors de la poche de mon manteau les bracelets assortis que je nous ai acheté. Je lui tends et il les fixe avant de me sourire.

- Aaah, t’es trop mignonne. Je n’ai rien pour toi, moi, avoue-t’il avec l’air désolé d’un mec qui culpabilise.

Il me prend dans ses bras. Il passe à son poignet le bijou et m’aide à mettre le mien. Puis, Jun-Woo se penche vers mon oreille et y chuchote en anglais :

- Je le porterai tous les jours.

Je rougis et recommence à avancer.

- Bon, on fait quoi ? demande-je.

- Euh… On va dans un café ? Je peux réserver le lieu pour une heure.

- Et si pour aujourd’hui, on ne réservait rien et on faisait notre vie comme «Monsieur et Madame Tout le Monde» ? J’en ai un peu marre de devoir réserver des restaurants. J’ai l’impression d’être pas normale, en faisant ça. Tu sais, le fait d’aller dans des endroits vides, ben, ça me perturbe. C’est pas une vie, ça.

- Si tu veux. Allons ici, alors. Mais reste cachée correctement.

- Ça fait quoi si je retire mon masque ?

Je commence à le baisser mais Jun-Woo le remonte aussitôt.

- Ne fais pas ça, Min-Seo.

- Ben, les gens se doutent bien que si je me promène avec un masque c’est parce que je suis une célébrité.

Il hausse les épaules.

- Évite quand même de le faire.

On entre dans le café et les regards se braquent sur nous. J’entends des chuchotements. Les fans ont un radar pour nous détecter ou quoi ? Un garçon nous montre du doigt, un autre regarde son ami et lui dit «Qu’est-ce qu’ils font ensemble tous les deux ? Quelle connasse. » Jun-Woo m’attrape par le bras et on ressort immédiatement.

- Bon, c’était gênant, ça, dis-je.

- Bizarre, surtout. Les gens savent très bien qu’on est ensemble, pourquoi ils ont dit ça ?

- Ben, je sais pas. J’irai faire un tour sur les réseaux pour trouver.

Tandis qu’on marche en discutant, l’impression d’être suivie m’envahit. Genre, vraiment. Chaque fois que je me retourne discrètement, j’aperçois la même ombre noire marcher à quelques mètres derrière nous. Au coin d’une rue, je finis par m’arrêter et faire demi-tour. Je vois une jambe dépasser, alors je me dépêche de rejoindre l’intersection.

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