Chapitre 27

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Quand l’avion se pose à l’aéroport de Manhattan, je suis endormie. Jun-Woo est obligé de me secouer pour me dire que nous sommes arrivés à New York. J’adore comment il le dit. Nyu Yeork.

- Je vais enfin découvrir ta ville, sourit-il.

J’ai établi un emploi du temps. Depuis que je suis idole, je déteste ne pas être organisée. L’avion est parti le 26 mars à 10 heures du matin. Après 15 heures de vol, nous sommes arrivés le 27 mars à une heure du matin. Sauf que, à New York, nous sommes encore le 26 mars et il est 10 heures. Ces histoires de décalage horaire me perturbent toujours autant.

- Donc, on fait quoi ? demande Jun-Woo en quittant l’aéroport.

- Commençons par aller dire bonjour à mes parents. On verra après. Ça te va ?

J’attends sa réponse mais elle n’arrive pas. Quand je tourne la tête vers lui, il fixe la ville, impressionné. Ses yeux changent tout le temps de direction : il regarde les buildings, puis les voitures, les passants…

- Min-Seo… C’est incroyable.

Je ne pensais pas qu’il serait autant subjugué par Manhattan.

Mais je trouve sa réaction mignonne, alors je lui souris.

- Je suis d’accord. Allez, allons dire bonjour à ma famille.

Je glisse sa main dans la mienne et le guide dans les rues. Je le traîne un peu derrière moi, parce qu’il regarde tout comme si c’était la première fois qu’il voyait ça.

On arrive dans mon quartier, qui est un peu plus calme mais quand même agité. Devant le garage de ma maison, il y a la Jeep de mon père ainsi que la Mercedes de ma mère. Dans le petit jardin devant l’entrée, il y a le ballon de basket de Thomas. Les tuiles oranges du toit ont été refaites.

- C’est là que ma Min-Seo a grandi, sourit-il.

Je l’emmène jusqu’à la porte d’entrée. Elle est noire, large et la poignée en or est ronde. J’adore les poignées rondes. Je toque et Maman m’ouvre.

- Alice !

Elle me serre dans ses bras, comme la dernière fois. Son regard glisse sur Jun-Woo et elle lui sourit avec bienveillance.

- Bonjour, jeune homme.

Il me regarde, hésitant. Il m’a avoué dans l’avion qu’il comprenait bien l’anglais mais galérait à faire des phrases. Jun-Woo se racle la gorge.

- Hum… Bonjour… c’est… heu… très gentil de nous accueillir…

Il s’incline plusieurs fois. Maman semble amusée.

- Mais de rien ! Entrez !

Elle se décale.

- Alice, ton père est au travail. Il ne rentrera pas avant dix-neuf heures. Mais Thomas est dans sa chambre, je vais lui dire de descendre te dire bonjour.

Je hoche la tête. Maman monte chercher Thomas tandis que je fais visiter la maison à Jun-Woo. Il semble gêné. Je le comprends. J’ai toujours trouvé ça gênant de débarquer chez des gens, moi aussi.

Thomas arrive et me fait un check.

- Salut, p’tite sœur.

Puis il regarde Jun-Woo.

- Mais dis-moi, tous tes amis sont des beaux gosses ! C’est dingue ! Je devrai peut-être aller en Corée me faire des amies jolies…

Je lui donne une tape sur la tête. Thomas rit et serre la main de Jun-Woo.

- Bon, blague à part, je suis Thomas, le grand frère d’Alice et j’ai 19 ans. Et toi, tu es ?

- Euh… Je suis Jun-Woo… j’ai 19 ans… et… euh…

- C’est mon petit ami, dis-je fièrement.

Thomas me regarde, la bouche ouverte.

- Mais attends, c’est LUI ?! Le même que sur les photos ?! Non, c’est pas possible ! Il est MILLE fois mieux en vrai ! Ma petite sœur a vraiment réussi à sortir avec lui ?!

Jun-Woo s’incline et rougit.

- Euh… Merci…

- Bon, par contre… Jun-Woo, c’est ça ? Il va falloir arrêter cette manie de t’incliner tout le temps.

- C’est dans sa culture, idiot, rétorque-je.

- Dans sa culture, on s’incline aussi devant son frère ?

- Oui. Mais je ne vois pas ce que ça change, tu n’es pas son frère.

- Hm, si. Jun-Woo, considère-moi déjà comme ton beau frère.

Thomas ébouriffe les cheveux de Jun-Woo.

- Héhé, je vais pouvoir me vanter auprès des gars de la fac que mon beau frère, il est vraiment beau.

- Bon, Thomas arrête s’il te plait, dis-je.

Mon frère lâche Jun-Woo.

- Bon… Lilice…

Je me tends.

- Ne m’appelle plus jamais Lilice, réponds-je.

- Bref. Vous allez où, là ?

- À Central Park. Et ce soir, à Times Square.

- Ok. Amusez-vous bien, lance Thomas. Au fait, Alice.

- Oui ?

Il me sourit puis pousse Jun-Woo et moi vers la sortie. Thomas claque la porte.

- Bon… désolée pour mon frère. Il est… bizarre.

- Non, ça va. Je le trouve sympa. Je ne comprends pas tout ce qu’il dit, mais je l’aime bien.

Je hoche la tête.

Pendant le reste de la journée, on visite la ville. Jun-Woo adore Central Park.

- C’est très beau, dit-il alors qu’on marche main dans la main sur les petits chemins.

- C’est vrai, réponds-je.

- J’aime beaucoup Nyu Yeork.

Je resserre sa main.

- Oh, viens avec moi.

- On va où ?

Je lui souris et l’entraîne dans les rues jusqu’au lycée.

- C’est mon école, dis-je en désignant le grand bâtiment.

Des gens en sortent. Des garçons et des filles descendent les marches en riant, criant et en s’aspergeant d’eau.

- Mais t’es pas bien ! hurle une des filles alors que le garçon qui lui a versé de l’eau rit aux éclats. Mon chemisier est trempé !

- Pff, c’est rien, lui répond le garçon.

- Bon, les amoureux, vous allez arrêté de vous chamailler ? demande un autre mec.

Je les observe, un peu nostalgique. Jun-Woo me tire vers un autre endroit.

- J’ai envie d’aller ailleurs. Viens.

Je le suis. Tandis qu’on marche, je lui demande où nous allons.

- À Chinatown. J’en ai entendu parler.

- Ah, c’est par là. Allons-y.

Le quartier chinois est mon préféré. J’adorais y aller les week-ends. Betty et moi prenions toujours des samoussas.

Quand on y arrive, Jun-Woo sourit. Il y a des grandes lanternes rouges qui pendent à des câbles au-dessus des rues. Des enseignes chinoises lumineuses donnent un aspect chaleureux. Des éclats de voix retentissent. Une foule de gens se presse devant les stands, dans les restaurants et magasins.

On s’approche d’un étalage appelé Asiat Street Food – Spécialités chinoises et Jun-Woo observe les différents aliments. Nems, samoussas, canard laqué de Pékin, raviolis, rouleaux de printemps, gâteaux chinois… Tout un tas de spécialités chinoises que j’ai déjà goûté et qui sont délicieuses. L’odeur des légumes cuits à la vapeur se répand dans mon nez et j’inspire profondément.

Une femme chinoise âgée d’une quarantaine d’années s’approchent de nous. Ses cheveux noirs sont tirés en arrière et ramenés dans une charlotte, et quelques rides ponctuent son visage. Malgré sa vieillesse, je la reconnais.

- Xia Tong ?

La femme me regarde, étonnée. Elle plisse les yeux.

- Alice ? Mon Dieu, que t’est-t’il arrivé ?

- Ah, je suis allée en Corée pour devenir chanteuse. J’ai dû faire de la chirurgie.

- Hmmm. Ton beau visage n’avait pas besoin d’être embellit ! Ooooh, qui est ce beau jeune homme avec toi ?

Il s’incline et répond en chinois, ce qui me choque profondément.

- Nǚshì nín hǎo, wǒ jiào Jùn Yǔ, jīnnián 19 suì, yěshì yī míng hánguó gēshǒu. Wǒ shì àilì sī de nán péngyǒu.

Je lui intime en coréen «qu’est-ce que tu viens de dire».

- Bonjour Madame, je suis Jun-Woo, j’ai 19 ans et je suis un chanteur coréen aussi. Je suis le petit ami d’Alice.

Je hoche la tête. Xia Tong semble impressionnée aussi du fait que Jun-Woo parle chinois. Ils échangent un peu dans cette langue, avant que Xia Tong se tourne vers moi.

- Et bien ! Quel joli couple! Je vous souhaite bonne chance ! Bouddha a dit «l’amour nourrit la liberté spirituelle et, à son tour, continue de couler grâce à lui».

Xia Tong est bouddhiste. Je le sais car nous en avons déjà parlé. La dernière fois, elle m’avait sorti la célèbre phrase «ne t’attarde pas dans le passé, ne rêve pas du futur, concentre-toi sur l’instant présent». J’apprécie vraiment cette femme.

- Bon, sinon, je vous sers quelque chose ?

- Hmmm. Mettez-nous des nems et des samoussas, s’il vous plait.

Tandis qu’elle met tout dans un sachet, elle me demande un peu comment se passe ma vie de gēshǒu, chanteuse en chinois.

Après nos échanges avec Xia Tong, on repart se promener dans Chinatown.

- Je ne savais pas que tu parlais chinois.

- J’ai toujours voulu aller en Chine, m’informe Jun-Woo. Donc j’ai appris. C’est pour ça que j’ai insisté pour aller au quartier chinois.

Je hoche la tête et enfourne dans ma bouche un nem. Ils sont délicieux. J’en donne un à Jun-Woo.

- Et toi, je ne savais pas que tu étais amie avec une chinoise.

- Amie, c’est un bien grand mot. C’est juste une connaissance que j’apprécie.

- Appelle-ça comme tu veux.

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