4. Éléonore

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Les siècles avaient passé, emportant avec eux les noms et les visages de ceux qui avaient foulé ces terres autrefois. Pourtant, certaines histoires ne s’effaçaient jamais complètement. Elles laissaient des traces, des murmures dans l’ombre des arbres centenaires. Des échos dans les pierres usées des bâtiments anciens. Parfois même des fragments dans l’imagination de ceux qui, sans le savoir, en portaient l’héritage.

Le château d’Anduze, où Sigmund avait vécu, n’était désormais plus qu’un souvenir dans les chroniques oubliées des Cévennes. Mais quelque chose de son histoire, une part de ce qu’il avait découvert, semblait s’être insinuée dans le cours du temps. II avait franchi les frontières invisibles entre les époques.

À des centaines de kilomètres de là, dans la Vallée de Saint-Pons, une terre autrefois inondée et hostile, une nouvelle génération s’éveillait, portée par des idées de changement et de renouveau.

C’est là, en 1787, qu’Éléonore, jeune ouvrière, faisait battre son propre cœur au rythme des machines de la papeterie du Paradou.

Si rien ne semblait relier ces deux époques, un fil ténu, presque imperceptible, les unissait . Une idée, un rêve. Peut-être une force qui avait traversé les siècles.

Sigmund avait ouvert une voie qu’il ne comprenait pas encore pleinement, une porte entre deux réalités. Et bien que le Taal, avec ses ambitions obscures, fût resté tapi dans les ombres, il n’avait pas complètement disparu.

Dans les pages produites par les moulins de la vallée et dans l’encre qui s’imprégnait sur le papier, quelque chose semblait vibrer, tel un écho du passé.

Les mots d’Éléonore, ses lectures clandestines, ses rêves d’égalité et de justice, portaient une résonance subtile avec les dilemmes de Sigmund. Comme si, à travers le temps et les âmes, l’ombre et la lumière continuaient de s’affronter.

Ce lien, bien que voilé, n’était pas anodin.

La papeterie du Paradou ne façonnait pas seulement du papier. Elle sculptait des idées, des pensées. Des rêves capables de changer le monde. Mais tout changement portait en lui un risque, un déséquilibre, une brèche, une porte ouverte sur l’inconnu.

Tandis qu’Éléonore s’abandonnait à ses lectures passionnées ou à ses rêveries d’un avenir meilleur, elle ignorait que certains mots, certaines pensées, pouvaient agir comme des clés, éveillant des forces qui attendaient leur heure.

Elle ne le savait pas mais certains de ses rêves résonnaient avec des souvenirs enfouis bien avant sa naissance.

Une force subtile, indéfinissable, semblait graviter autour d’elle. Une lumière vacillante qui ne demandait qu’à s’éveiller...

Ou à s'éteindre.

Parfois, dans les moments de silence, la jeune femme avait l’impression d’être observée. Non par une présence hostile, mais par quelque chose d’ancien, une curiosité bienveillante et distante, comme un souffle venu d’ailleurs. Une lumière douce apparaissait parfois dans ses rêves. Une silhouette féminine, baignée de poussière d’étoiles, dont le regard traversait l'espace et le temps.

Ces visions, bien qu’éphémères, laissaient en elle une empreinte troublante. L'impression qu’elle était destinée à plus grand que sa modeste vie.

Mais, dans l’ombre, d’autres forces moins visibles attendaient. Quelque part, hors de sa portée, des choix faits dans un passé lointain avaient laissé des traces. Des failles fragiles entre les réalités attendaient d’être explorées. Bien que la jeune femme n’en eût pas conscience, ses lectures, ses idées et ses rêves devinrent des clés ouvrant des chemins qu’il aurait peut-être mieux valu laisser clos.

Cette papeterie n’était pas qu’un atelier où l’on façonnait des pages. Elle était un lieu de transformation où chaque feuille blanche portait en elle un potentiel, celui de créer ou de détruire, d’éveiller des esprits ou d’attirer des ombres.

Alors qu’Éléonore poursuivait son travail, ses pensées tournées vers les mots d’égalité et de justice qu’elle avait lus la veille, elle ignorait que ces mêmes mots, ces idées lumineuses, étaient capables d’éveiller bien plus qu’une révolution.

Certaines forces, tapies entre les pages, attendaient. Parmi elles, une lumière et une ombre dansaient, entrelacées, à travers les siècles.

Alors qu’elle déplaçait des piles de papier fraîchement pressé, elle croisa le regard d’un homme qu’elle n’avait encore jamais vu. Il était vêtu avec une élégance discrète, son habit sombre sobrement orné. Ses traits fins affichaient une noblesse naturelle qu’il portait sans effort, inconsciemment.

Gabriel, jeune cousin du marquis d'Albertas, venait de rentrer après plusieurs années d’études à Paris. À vingt-quatre ans, il était un homme animé par les idéaux des Lumières. Profondément sensible aux conditions des ouvriers, il était révolté par les injustices sociales qu’il avait observées.

Il n’était pas un noble comme les autres. Gabriel avait soif de comprendre la réalité de ceux qui, dans l’ombre, créaient la richesse de sa famille.

Et ce jour-là, alors qu’il traversait la papeterie, il croisa le regard émeraude d’Éléonore. Un bref instant. Mais cet instant suffit.

Elle sentit son cœur s’emballer. Une chaleur diffuse la traversa. Troublée, elle baissa les yeux.

Lui, en revanche, ne put détourner son regard. Il était comme figé, ensorcelé par la beauté de cette jeune femme, sa grâce naturelle.

La détermination dans ses gestes et cette lumière discrète qu’elle portait en elle... tout éveilla en lui une admiration qu’il n’avait jamais connue.

Au fil des jours, Gabriel revint plus souvent à la papeterie, sous prétexte de vérifications pour son cousin. Il profitait de ces visites pour engager de brefs échanges avec Éléonore. Des conversations apparemment anodines sur le travail, les matériaux ou les techniques employés.

Peu à peu, leurs dialogues s’éloignèrent du quotidien. Ils évoquèrent la vie à Gémenos, les livres qu’ils aimaient ou encore les idées nouvelles qui bouleversaient la société.

Un soir, alors qu’elle quittait la papeterie, elle le trouva à l’attendre, assis au pied de la vieille fontaine bordée de chênes, d'où jaillissait une eau si pure qu’elle scintillait sous la lumière des étoiles.

L’air était chargé du parfum des herbes sauvages. Au loin, le chant des grillons semblait rythmer la nuit.

Gabriel se redressa en la voyant arriver.

Son cœur battait avec une force inhabituelle, mais il s’efforça de garder son calme. Sous le ciel étoilé de Provence, les barrières sociales qui les séparaient allaient bientôt s’estomper.

Il s’avança doucement vers elle. II chercha les mots justes, les mots qui toucheraient son âme.

- Éléonore, chuchota-t-il d’une voix tremblante, je sais que nos rangs nous séparent, mais il m’est impossible d’ignorer ce que je ressens. Vos paroles, votre passion pour la justice et l’égalité... Tout cela m'a ouvert les yeux. Vous m’avez changé, profondément.

Elle le regarda, troublée. son cœur battait à l’unisson avec le sien. Dans son regard, elle percevait une honnêteté qu’elle n’avait jamais rencontrée chez un homme :

— Gabriel... vous êtes noble. Moi, une simple ouvrière, dit-elle dans un souffle. Mais je sens que...

Elle baissa les yeux hésita avant d'ajouter :

- Quelque chose nous lie, un fil invisible qui me rapproche de vous irrésistiblement.

Dès lors, ils continuèrent à se rencontrer en secret, près de la cascade de la Vallée. Ils dissimulaient leur amour aux yeux du monde.

Pourtant, jour après jour, cet amour grandissait et leur relation défiait toutes les conventions. Chacun d’eux risquait sa réputation. Gabriel se préparait à affronter les pires conséquences, Eléonore à braver des siècles de traditions.

Il risquait la disgrâce, elle, l’exil.

Un jour, alors qu'ils se promenaient près des ruines de l’abbaye cistercienne de Saint-Pons, Gabriel prit doucement sa main. Il souffla à ses oreilles une promesse qui fit naître une lueur d’espoir dans les yeux de la jeune femme :

- Je ferai tout pour qu’un jour, nous puissions vivre notre amour sans chaînes. La société changera. Elle doit changer. Notre amour sera le témoignage que l’égalité peut triompher.

Leurs mains se serrèrent plus fort, scellant ce pacte sous le ciel lourd de Gémenos. Mais, hélas, les échos de la Révolution se rapprochaient, menaçant de détruire ce fragile équilibre. Les rumeurs, d’abord subtiles, se muèrent en cris d’accusation.

Gabriel, envoyé à Paris pour servir la couronne, dut quitter Eléonore, la laissant derrière lui dans un monde en effervescence.

Ils s’écrivirent de longues lettres, emplies de passion, de promesses et de désespoir. À travers chaque mot, l’écho de leur amour traversait les frontières des temps troublés. Gabriel, dans ses missives pleines d’espoir, et Eléonore, dans ses réponses noyées sous la douleur de l’absence.

Tous deux cherchaient à s’accrocher à ce qui les unissait. Mais la réalité, cruelle et implacable, n’en finissait pas de les séparer.

Un soir, la jeune femme, avançait lentement vers la fontaine, laissant ses pas résonner dans le silence des pierres anciennes.

Elle relisait une lettre reçue de son bien-aimé, une de plus. Mais cette fois-ci, elle annonçait des nouvelles inquiétantes de Paris.

Une angoisse profonde serra son cœur alors qu'elle relisait les mots, les lettres devenant floues sous ses yeux embués de larmes.

Leurs projets d’avenir semblaient désormais aussi fragiles que l’éclat d’une étoile mourante.

Elle s’arrêta devant la fontaine, essuyant distraitement les larmes qui roulaient sur ses joues.

C'est alors qu'un phénomène étrange se produisit. La surface de l’eau jusque-là calme et claire, se mit à frémir, comme si un souffle invisible la traversait. Les ondulations qui se formaient ne reflétaient plus son propre visage, mais une image déformée, obscurcie...

L'ombre d’une figure indiscernable.

Fascinée par ce spectacle hypnotique, elle s'approcha pour sonder ce mystère.

- Qu’est-ce que c’est... ? murmura-t-elle, sa main hésitante tendue vers l'eau scintillante.

Une onde glacée parcourut son bras avant même que ses doigts ne touchent l’eau, gelant le sang dans ses veines. Elle recula brusquement, mais une voix, douce et profonde, s’éleva dans son esprit, portant avec elle une autorité irréfutable :

— Ne crains rien. Je suis ici pour toi.

Les mots résonnèrent dans son esprit comme une promesse ancienne, une voix familière, mais lointaine.

Elle fixa l’eau, ne sachant si elle venait d’entendre un appel divin ou une illusion de son esprit. Mais l’instant était trop intense pour être ignoré. Une nouvelle sensation, presque magique, envahit son cœur.

Peut-être, pensait-elle, que son destin était en train de se réécrire, ici même, à la frontière du réel et de l’invisible.

Éléonore tourna la tête, cherchant autour d’elle :

- Qui est là ? Montrez-vous !

La réponse fut plus proche, presque intime, murmurée dans l’air froid :

- Je suis la réponse à tes doutes, la clé à tes souffrances. Approche, et je te montrerai ce que tu désires.

Les yeux verts d’Éléonore se fixèrent à nouveau sur l’eau, mais cette fois, la surface ne reflétait pas seulement son visage. Elle y vit une vision d'elle-même, radieuse et sereine, tenant un artefact éclatant, un sceptre dont la lueur semblait illuminer le monde. Autour d’elle, tout était calme, apaisé, comme si elle avait triomphé là où tous les autres avaient échoué.

— C’est... moi ? souffla-t-elle, son souffle suspendu par l'incrédulité.

La voix se fit plus douce, se faufilant dans ses pensées comme une liane venimeuse :

— Oui, Eléonore... La version de toi qui triomphe. Celle qui est capable de tout accomplir, de tout réparer. Approche, très Chère. Tends la main et prends ce qui t’appartient.

Hypnotisée par la promesse d’une vie libérée, elle fit un pas en avant.

Mais un éclat de doute la saisit soudain. Un instant, une fissure dans sa conviction.

- Pourquoi devrais-je te croire ? Qui es-tu vraiment ?

La lumière de la fontaine vacilla, et l’image dans l’eau changea, se déformant comme un mauvais présage.

Elle y aperçut alors ses failles, ses blessures invisibles, les ombres qui marquaient son âme : sa peur de l’échec, l'incapacité de protéger ceux qu’elle aimait, sa propre fragilité. La voix, à présent plus tranchante, plus froide, résonna dans son esprit, glaçant son cœur :

— Je suis celui qui peut te libérer de tout cela. Je suis la force qui t’aidera à ne plus faillir. Je suis le Taal ! Ouvre ton cœur, Éléonore. Laisse-moi entrer.

Elle recula brusquement, le poids de l’angoisse pesant sur sa poitrine. Tout son être criait de fuir, mais la voix, persistante, l’enserrait comme un piège invisible. Les mots du Taal se frayaient un chemin dans son esprit, déstabilisant ses certitudes. Une larme de colère roula sur sa joue, emportant avec elle les illusions qui se brisaient dans son cœur.

- Je veux réussir... Mais pas comme ça.

La lumière de la fontaine s’assombrit d’un coup, la voix devenant un grondement sourd, menaçant.

- Tu ne pourras pas m’échapper. Tes faiblesses me ramèneront toujours à toi.

- Non... non...

Éléonore recula encore, son souffle erratique, mais quelque chose la retenait. Un poids invisible semblait l'ancrer à ce lieu, la forçant à regarder. La surface de l'eau ondula à nouveau, et au centre des ténèbres mouvantes, une silhouette se dessina. Ce n’était pas une forme humaine, mais l’incarnation de l’obscurité elle-même, imposante, froide, implacable.

- Pourquoi fuir, Éléonore ?

La voix s’adoucit, presque séduisante, un murmure qui caressait son esprit comme une promesse douce-amère.

- Je sais ce que tu cherches, ce que tu as perdu. Tu ne peux rien me cacher.

Elle secoua la tête avec force, une révolte brûlante montant en elle. Elle tenta de résister, mais la voix persistait, insidieuse, pénétrant chaque recoin de son être.

- Je ne veux rien de toi !

- Je sens ta peur, ton désir de comprendre, ton besoin de changer ce qui t’a brisé. Tu veux que je parte... D’abord, regarde !

La fontaine sembla bouillonner, vibrer, répondant aux mots du Taal. La surface se troubla, des images floues émergèrent : des visages aimés, des moments de joie passée, puis une silhouette familière tendant la main vers elle... Gabriel.

- Non... murmura Éléonore, les larmes montant à ses yeux, douloureuses et implacables.

- Tu veux les revoir, n’est-ce pas ? insista la voix, plus pressante, presque amicale. Je peux te donner cela. Je peux te rendre tout ce que tu as perdu. Il te suffit de me faire entrer...

Elle sentit ses jambes faiblir sous l’emprise des souvenirs et des promesses. Elle voulait y croire, elle le désirait profondément. Voir Gabriel à nouveau, réparer les fissures du passé.

Mais au fond d'elle, une voix, faible mais claire, l’avertissait :

Ce pouvoir avait un prix. Un prix terrible. Elle serra les poings, prit une profonde inspiration et hurla, de toute la force de son âme :

- Non ! Non ! Non ! Tu n’auras pas mon esprit !

Un souffle glacé balaya la clairière, et la lumière noire de la fontaine vacilla une dernière fois avant de retrouver son éclat originel.

La voix se tut, laissant sourdre un rire lointain, presque imperceptible, résonnant dans l’air, comme un avertissement.

Éléonore tomba à genoux, le cœur battant à tout rompre, assiégée par la certitude que ce n’était que le commencement, que le Taal ne se laisserait pas vaincre aussi facilement.

Puis un frisson glissa dans l’air, presque palpable, comme si le monde entier retenait son souffle, suspendu dans une attente infinie. L’eau jaillissait toujours, mais elle était différente, animée d’une lueur vive et changeante, comme un esprit vivant, un reflet des mystères anciens.

Une lumière douce, presque irréelle, baigna la clairière, projetant des reflets dansants sur les troncs des arbres voisins, tandis que la fontaine elle-même brillait de mille feux, vibrant au rythme de l’univers.

Les eaux argentées scintillaient sous les derniers rayons du soleil couchant, chaque goutte semblant capturer un éclat de lumière pour le disperser en une myriade de couleurs. Les pierres autour de la vasque, autrefois ternes, étaient maintenant gravées de symboles anciens qui s’illuminaient d’une lueur subtile, presque imperceptible, comme si elles répondaient à une force invisible qui guidait la destinée.

Éléonore, fascinée et terrifiée à la fois, se pencha au-dessus de la fontaine.

L’eau miroitante vibrait doucement, chaque ondulation portant un message ancien, une vérité oubliée.

Puis, dans les éclats de lumière, un murmure léger s’éleva, à peine audible, mais présent dans chaque frémissement de l’air et chaque scintillement. La fontaine, elle-même, semblait lui parler, lui transmettre un secret enfoui depuis des siècles, suspendu entre le tangible et l’éthéré.

Symbole de vie et de pureté, l’eau cachait en elle un passage, un seuil vers un autre monde. Un souffle léger s’en échappa, comme un appel à travers le temps :

"Éléonore, tu as de la force en toi... Tu as résisté au Taal... Nous avons encore à faire, ensemble, au-delà de ce monde."

Une pensée vint à son esprit, une apparition venue d’un autre univers, une présence à la fois familière et totalement étrangère.

Son manteau d’étoiles scintillantes enveloppait son corps comme une mer d’astres en perpétuel mouvement, une constellation mouvante qui se fondait et se déployait dans une danse silencieuse.

La lumière qui émanait de sa silhouette ne ressemblait à aucune autre, douce et pulsante, comme un souffle cosmique, une lumière vivante, presque consciente.

Ses yeux étaient des fenêtres sur l’infini où des étoiles dansaient avec une grâce intemporelle. Sa présence enveloppait tout, apportant une paix étrange, l’incarnation de quelque chose de plus grand tel un fragment d'univers vivant et pourtant, profondément humain.

— Lydie...

Eléonore osa tendre sa main tremblante vers la surface de l’eau. Au contact de la lumière éclatante qui en émanait, un frisson d’énergie parcourut ses doigts, remontant jusqu’à son cœur. Les symboles gravés sur les pierres s’animèrent, dansant autour d’elle comme des constellations vivantes. L’eau, en réponse, s’agita doucement, formant un vortex d’argent et d'or, une spirale d’espoir et de destin.

"Tu es une élue, Éléonore, ne l’oublie jamais..."

La révélation la frappa de plein fouet.

C’était tout l’amour qu’elle portait en elle, cet amour inébranlable qui avait forgé cette vision, ce lien, ce passage vers l’inconnu.

Un amour qui défierait le temps et les ténèbres, un amour que même le Taal ne saurait briser. La fontaine avait formé un passage, une voie vers un avenir incertain, et Éléonore, maintenant marquée par ce destin, en serait la Protectrice.

Les années s’étiraient, et la Révolution emporta la France dans son tourbillon, détruisant les fondations du passé, métamorphosant les hommes, bousculant les vies.

Puis, un jour, le vent de l’Histoire souffla différemment. Gabriel écrivit à Éléonore pour lui annoncer son retour imminent à Gémenos.

Marqué par les épreuves et les bouleversements, il n’était plus l’homme qu’il avait été. Brisé, façonné par les tourments de l’époque, il était devenu une autre version de lui-même, une version plus sombre, mais aussi plus forte.

Pourtant, dans son regard posé sur Éléonore et sur la vallée, il y avait une flamme inchangée. L’amour qui brillait dans ses yeux était aussi ardent que celui du jeune noble qu’il avait été.

De son côté, Éléonore n’avait jamais cessé d’espérer. Les années de séparation n’avaient pas altéré l'amour qu'elle lui portait.

Bien au contraire, elles l’avaient forgé dans le creuset des épreuves, l’avaient renforcé comme le fer sous le marteau du forgeron.

Elle n’avait jamais douté.

Pas un seul instant, elle eut pensé que la tempête finirait par se calmer, que leurs âmes se retrouveraient, réunies dans la douceur d’un avenir commun.

Son amour pour Gabriel, né sous l'ombre des anciennes hiérarchies, avait traversé les tempêtes de l’Histoire, survivant aux changements inouïs du monde.

Tout comme le village de Gémenos, qui renaissait libre de toute oppression, leur amour prospéra désormais sous le souffle de la liberté qu’ils avaient rêvée ensemble.

Ils s’étaient aimés dans un monde où l’injustice semblait figée, où tout paraissait irréversible.

Ils étaient devenus les témoins vivants d’une vérité plus grande encore : même dans les ténèbres les plus profondes, l’amour pouvait non seulement résister, mais se réinventer, fleurir, sous des cieux nouveaux.

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