9. La bergerie

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Ils restèrent là, côte à côte, en silence, laissant le vent salé envelopper leurs pensées. Leurs souvenirs d'enfance, teintés de rires et d'innocence, semblaient si lointains. Ils n’étaient plus ces enfants qui couraient en riant dans les ruelles du village, et pourtant, ce moment suspendu, sous la voûte étoilée, donnait l’impression que le destin les ramenait l’un vers l’autre, pour la troisième fois.

Vincent brisa doucement le silence, sa voix teintée d’une timidité sincère :

- Il y a une fête ce soir, à l’Île Rousse. Ça te dirait de m’accompagner ?

Le visage de Nathalie s’illumina, une étincelle d’excitation dans ses yeux verts. Mais, fidèle à elle-même, elle répondit avec une apparente désinvolture :

- Oui, avec plaisir.

Vincent sourit, visiblement soulagé.

- Tu loges où ?

- Mes parents ont loué la grande maison aux volets bleus, tout en haut du village.

- Ah oui, je vois... Je viendrai te chercher vers neuf heures, ça te va ?

- Le temps de prendre une douche et de manger un morceau... C’est parfait !

Un nouveau silence s’installa, mais il n’avait rien d’embarrassant. Au contraire, il était chargé de cette conscience diffuse qu’un moment rare leur était offert. Leurs regards se perdirent vers l’horizon, là où les vagues et le ciel se fondaient dans une ligne incertaine.

- C’est drôle, reprit Vincent, comme la vie nous ramène ici. Après tout ce temps...

Nathalie acquiesça, ses pensées happées par des fragments du passé. Chaque recoin de ce village semblait porter les échos de leurs jeux d’enfants, de leurs éclats de rire, mais aussi de ces instants plus sombres, enfouis dans l’ombre du souvenir.

- Oui, c’est vraiment bizarre, dit-elle. Je me demande si ça pourrait avoir une signification...

Vincent se tourna vers elle, son regard empreint d’intensité :

- Peut-être que ça signifie qu’il est temps de revivre ces instants... et d’en créer de nouveaux.

Les mots résonnèrent profondément en elle.

Nathalie sentit son cœur battre plus vite. Chaque phrase qu’il prononçait semblait renforcer un lien invisible entre eux, comme si leurs âmes se redécouvraient après des années d’errance.

- Tu sais, murmura-t-elle, je me suis souvent demandé ce que tu devenais.

Un éclat de surprise passa dans les yeux de Vincent, mais il répondit avec une sincérité touchante :

- Moi aussi, je te l’avoue.

- C’est comme si nous étions destinés à nous retrouver, dit-elle dans un souffle, un sourire discret éclairant son visage.

Sans vraiment s’en rendre compte, ils s’étaient rapprochés. Leurs épaules se frôlèrent, déclenchant une chaleur douce et rassurante. Vincent osa prendre délicatement la main de Nathalie, et elle, dans un geste spontané, entrelaça ses doigts avec les siens.

- Alors, profitons de ce moment, dit-il doucement, et ce soir, célébrons ce que nous avons retrouvé.

- J’ai vraiment hâte, répondit-elle, le cœur léger.

- À ce soir, conclut-il, un sourire radieux sur les lèvres.

Ils échangèrent un dernier regard devant l’église avant de se séparer, chacun retournant chez soi avec l’étrange certitude que cette soirée allait marquer un tournant dans leur histoire.

À vingt-et-une heures précises, Vincent gravit les marches qui menaient à la grande maison aux volets bleus. La lumière dorée de la lampe du porche éclairait doucement la façade, et la porte s’ouvrit comme si Nathalie l’avait attendu.

Elle apparut, rayonnante, enveloppée par la douceur du soir. Sa robe fluide d’un blanc cassé caressait sa silhouette avec une élégance simple, tandis que la fine chaîne en or ornait son cou. Le pendentif en topaze, d’un jaune éclatant, attrapait les derniers reflets du crépuscule, semblant amplifier l’éclat de son sourire.

Ses yeux verts, illuminés par les dernières lueurs du jour, rencontrèrent le regard de Vincent avec une complicité presque palpable, comme si, à cet instant précis, ils se rencontraient à nouveau, à travers un prisme mêlé de souvenirs et de nouvelles promesses.

Il resta un instant figé, saisi par la beauté naturelle de son amie.

- Tu es superbe, souffla-t-il finalement, sa voix sincère et un peu tremblante.

Nathalie rougit légèrement avant un sourire éclatant.

- Merci, Vince, c'est gentil.

Il se gratta la nuque, un peu gêné par son propre compliment, puis demanda avec légèreté :

- Alors, tu as avisé tes parents ?

- J’ai la permission de minuit, lança-t-elle dans un éclat de rire.

Vincent rit à son tour. Cette réponse, qu’elle lui donnait déjà enfant, évoquait tant de souvenirs qu’il ne put s’empêcher de l’apprécier à nouveau. Il tendit la main, et sans attendre, Nathalie l’attrapa avec naturel. Ensemble, ils descendirent vers le centre du village en courant, portés par l’air tiède de la nuit et un enthousiasme difficile à contenir.

Là, au coin de la place, Enzo et Maxime les attendaient à côté de la vieille Peugeot, impatients de rejoindre l’île Rousse. Dès que Vincent fit les présentations, Maxime, fidèle à lui-même, lâcha sans retenue :

- Mais c’est une bombe, cette fille !

Nathalie éclata de rire, amusée par l’audace désarmante du garçon.

- Merci, répondit-elle en lui lançant un clin d’œil complice.

Enzo, visiblement exaspéré par le manque de subtilité de son frère, roula des yeux :

- Sérieux, Max ? C’est comme ça que tu dis bonjour ?

Le ton était taquin, mais Nathalie sentait déjà une camaraderie dans leurs échanges. Elle monta à l’arrière avec Vincent tandis qu’Enzo prenait le volant. Le trajet jusqu’à l’Île Rousse fut ponctué de rires, de plaisanteries et d’anecdotes. La route sinueuse, bordée de fossés et la mer scintillante sous la lune, ajoutait une dimension presque magique à cette soirée qui débutait.

Lorsque la voiture s’arrêta devant une petite brasserie en bord de mer, Enzo se tourna vers ses passagers :

- Avant la fête, un verre ici ?

Nathalie acquiesça avec enthousiasme, tandis que Maxime renchérissait déjà sur le fait qu’ils auraient besoin de carburant pour tenir toute la nuit.

Assis en terrasse, ils savourèrent ce moment hors du temps. Une serveuse souriante vint prendre leur commande. Nathalie opta pour un coca, tandis que Vincent, fidèle à sa discrétion, demanda un Perrier menthe. Cela déclencha les rires immédiats de ses cousins.

- Un Perrier menthe ? Tu veux qu’on te commande un lait-grenadine aussi ? lança Maxime, hilare.

Vincent rougit sous les moqueries, mais Nathalie, assise à ses côtés, posa doucement une main sur son bras.

- Moi, je trouve ça bien, dit-elle avec un sourire tendre. Après tout, il faut savoir commencer en douceur.

Il tourna la tête vers elle, surpris, puis lui répondit d’un sourire reconnaissant. En cet instant, il se sentit compris, presque protégé.

La conversation dériva naturellement sur la soirée à venir, Enzo évoquant déjà la fête foraine et ses promesses de rires et de musique. Nathalie écoutait avec attention, mais elle ne cessait de jeter des coups d’œil à Vincent, dont la simplicité et les gestes discrets lui paraissaient soudain incroyablement charmants.

Quand ils arrivèrent enfin sur la place principale de l’Île Rousse, les lumières multicolores des manèges illuminaient le ciel. L’air était chargé de musique et d’une effervescence contagieuse. Nathalie, captivée par cette atmosphère festive, attrapa spontanément la main de Vincent.

- Alors, prêt pour une soirée inoubliable ? lui demanda-t-elle, son sourire malicieux éclatant sous les néons des manèges.

- Plus que prêt, répondit-il, les yeux brillants d’excitation.

La fête battait son plein, et la musique enjouée s’élevait dans l’air doux de cette nuit d’été. Des éclats de rire ponctuaient l’ambiance, les verres tintaient, et les lumières tamisées des guirlandes illuminaient le chapiteau, projetant des ombres dansantes sur le sol.

Enzo, fidèle à lui-même, éclatait de rire à chaque fois qu’il racontait une de ses histoires extravagantes à ses compagnons de soirée. Son enthousiasme semblait inépuisable, jusqu’à ce qu’un duo de jeunes Allemandes, visiblement perdues mais téméraires, l’interrompe.

L’une d’elles, les cheveux noirs comme une nuit sans lune, s’avança avec assurance, son accent tranchant mais charmant :

- Bonjour ! Nous aimons la musique ! Tu danses ?

Maxime, assis sur la rambarde, manqua de perdre l’équilibre en entendant cette entrée en matière. Enzo, toujours prompt à saisir l’instant, se redressa avec un sourire éclatant :

- Oui, oui ! On danse, bien sûr !

Avec un clin d’œil complice à Nathalie, qui éclata de rire devant tant d’assurance, il prit le bras de la jeune fille pour l’entraîner vers la piste. Derrière lui, Maxime suivit, offrant son bras à la deuxième Allemande, blonde comme les blés, tout en marmonnant une phrase hésitante en anglais. Ils échangèrent un regard perplexe, mais l’essentiel était dit : ils allaient danser.

Vincent se tourna alors vers Nathalie, un sourire plus réservé sur les lèvres :

- Tu veux danser ?

Elle leva les yeux vers lui, un éclat malicieux dans le regard :

- Et si tu m’emmenais plutôt découvrir la presqu’île ?

Il hocha la tête, son sourire s’élargissant. Sans un mot de plus, il lui prit doucement le bras, et ils s’éloignèrent de la fête pour chercher un peu de calme.

En marchant le long du quai, ils se laissèrent envelopper par la sérénité de la nuit. Les étoiles brillaient haut dans le ciel dégagé, tandis que le bruit des vagues caressait doucement le rivage. Nathalie se sentait légère, comme si cette nuit portait en elle une magie particulière. Vincent, quant à lui, tentait de masquer son trouble derrière des paroles légères :

- C’est bien mieux ici, loin du bruit. On peut parler sans hurler.

Nathalie sourit, croisant les bras sous la fraîcheur du vent marin.

- Oui, c’est parfait. Juste le bruit des vagues et... le reste.

Ils marchèrent encore un moment en silence, mais ce silence n’avait rien d’embarrassant. Il était chargé de cette complicité naissante qui ne nécessitait pas de mots. Finalement, Vincent se risqua à prendre sa main. Nathalie hésita une fraction de seconde avant d’entrelacer ses doigts avec les siens.

- Tu sais, murmura-t-il, il y a quelque chose de magique ici : les étoiles, l’air marin, toi... ici, ce soir, avec moi...

Elle tourna la tête vers lui, un peu surprise par l’aveu, mais son sourire trahissait sa joie :

- C’est vrai que notre rencontre était... inattendue. Mais j’aime ça.

Leurs pas les ramenèrent doucement vers la fête, où la scène était tout autre. Enzo, au centre de la piste, improvisait un véritable "one-man show", enchaînant des mouvements maladroits avec une énergie débordante. Ses pitreries déclenchaient des éclats de rire parmi les spectateurs, notamment les jeunes Allemandes, visiblement ravies. Maxime, plus réservé mais tout aussi amusé, tentait de suivre le rythme sans perdre sa contenance.

La fête toucha à sa fin dans une ambiance chaleureuse et joyeuse. Les deux frères raccompagnèrent les jeunes filles jusqu’au bord de la piste, où ils échangèrent leurs numéros de téléphone dans un mélange de gestes et de rires. Nathalie et Vincent attendaient près de la vieille Peugeot, partageant un sourire complice devant la scène.

Sur le chemin du retour, la voiture était emplie de discussions enthousiastes et de quelques airs fredonnés. Les deux frères déposèrent Nathalie et Vincent devant la place de l’église, leur souhaitant une bonne nuit avant de repartir, légèrement éméchés mais heureux.

La ruelle du village était baignée par la lumière tamisée des réverbères, et après l'effervescence de la fête, le calme qui enveloppait le village était saisissant, presque irréel. Les façades vieillies projetaient des ombres tranquilles.

Seul le clapotis de la fontaine voisine troublait cette sérénité, ajoutant une note mélodieuse à l’atmosphère. Vincent accompagna Nathalie jusqu’à la porte de la maison, ralentissant inconsciemment pour prolonger cet instant.

- J’ai passé une super soirée, vraiment. J’espère qu’on pourra remettre ça, murmura-t-il.

Elle hocha la tête, un sourire timide au coin des lèvres.

- Moi aussi. Mais la prochaine fois, on verra si tu danses aussi bien qu’Enzo.

Il rit doucement, son regard pétillant :

- Promis, je m’entraîne dès que je rentre !

Elle baissa les yeux, un peu embarrassée mais touchée par sa spontanéité. La lumière douce du lampadaire illuminait son visage, mettant en valeur ses traits délicats. Vincent s’approcha alors doucement, prenant sa main pour attirer son attention. Il plongea son regard dans le sien avant de déposer un tendre baiser sur ses lèvres.

Le geste, simple mais empreint d’émotion, laissa une chaleur douce s’installer entre eux. Nathalie resta un instant immobile, ses pensées flottant entre surprise et bonheur. Vincent s’éloigna lentement, lui adressant un dernier sourire avant de disparaître dans la ruelle.

Une fois seule, Nathalie effleura ses lèvres du bout des doigts, comme pour prolonger l’instant, puis elle rentra.

Allongée dans son lit, ses pensées tournaient encore autour de ce moment suspendu. La vibration de son téléphone rompit le silence :

"Bonne nuit, Nath."

Elle sourit, son cœur battant plus fort, et répondit simplement :

"Bonne nuit, Vince."

Elle effleura une dernière fois ses lèvres, emportée par une douce certitude : cette nuit serait gravée dans sa mémoire pour longtemps.

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Le lendemain matin, la lumière douce du soleil traversait les rideaux de la maison, baignant la cuisine d’une lueur dorée. Autour du petit-déjeuner, les discussions allaient bon train entre Vincent et ses cousins. Une ambiance légère régnait, typique des matins où l’on savoure encore les souvenirs de la veille.

- T’es rentré tard hier soir ? demanda Enzo, un sourire en coin.

- Non, juste après vous. J’ai raccompagné Nathalie et je suis revenu directement, répondit Vincent avec un calme étudié, bien qu’un éclat amusé dans ses yeux le trahît.

Enzo, toujours prompt à taquiner, ajouta :

- Elle est vraiment mignonne, et elle a l’air super sympa... T’as de la chance, cousin.

Vincent sourit légèrement mais changea rapidement de sujet, espérant détourner l’attention.

- Et vous, alors ? Vos nouvelles amies germaniques ? Un rencard ce matin ?

Maxime éclata de rire.

- Oh, oui ! À la plage, bien sûr.

Enzo renchérit :

- Et tu sais ce qu’il y a de mieux chez elles ? Elles ne comprennent rien aux âneries que Max débite !

Maxime feignit l’indignation en fusillant son frère du regard, déclenchant l’hilarité générale. Vincent appréciait cette dynamique entre eux, faite de piques affectueuses, mais jamais blessantes.

Vers dix heures, sous un soleil éclatant et un ciel d’un bleu azur, le trio quitta la maison. Après avoir récupéré Nathalie, Vincent déposa ses cousins à la plage où Enzo et Maxime rejoignirent Andrea et Luisa, les deux jeunes Allemandes. Puis, avec un sourire mystérieux, il emmena Nathalie sur une route sinueuse à travers la campagne.

- On va où, exactement ? demanda-t-elle, intriguée.

- C’est une surprise, répondit-il simplement.

Ils arrivèrent bientôt sur un petit parking en terre battue, niché entre les collines. Ensemble, ils s’enfoncèrent dans le maquis, bercés par le chant des cigales et l’odeur enivrante des herbes aromatiques. Thyms, romarins, et immortelles embaumaient l’air chaud de cette matinée d’été et devant eux, la mer scintillait à l’horizon, tel un ruban bleu éclatant entre les collines verdoyantes.

Après quelques minutes de marche, un immense monolithe apparut devant eux, imposant et mystérieux, comme un géant endormi veillant depuis des décennies sur le paysage.

- C’est incroyable... murmura Nathalie, émerveillée.

- Il paraît que ça devait être la colonne d'une statue de Napoléon, mais le projet a été abandonné, expliqua Vincent.

Ils explorèrent la pierre monumentale, curieux et amusés. Nathalie, dans un élan enfantin, grimpa dessus en riant. Quand elle voulut en descendre, il lui tendit la main pour l’aider.

- Regarde ça, Vince.

Sur le granit, des initiales entrelacées, usées par le temps.

L et M.

- Deux amoureux, peut-être ? imagina-t-il à haute voix.

Nathalie réfléchit un instant avant de répondre, son regard rêveur :

- Deux âmes qui auraient tout partagé, même leurs secrets les plus enfouis, qui découvrirait ce qu'ils cachent, ce qu'ils sont réellement. Pas seulement leurs défauts, mais aussi toute la beauté et les mystères qui sommeillent en eux.

Mais leur moment de contemplation fut brusquement interrompu par un grondement sourd. Des nuages noirs s’amoncelèrent à l’horizon, et le tonnerre roula dans le ciel.

- On ferait mieux de retourner à la voiture, dit Vincent, l’inquiétude marquant sa voix.

Alors qu’ils prenaient le chemin du retour, des éclairs zébrèrent le ciel, et la pluie éclata, lourde et brutale. Ils coururent se réfugier dans une vieille bergerie abandonnée, riant malgré eux de cette mésaventure.

Dans l’abri, Vincent s'appuya contre le montant en pierre de la porte à deux battants, son regard se perdant vers l'horizon, là où la mer agitée commençait à se fondre dans les nuages sombres. Il sentit la main de Nathalie glisser doucement sur son flanc, son autre main effleurant son épaule avec une tendresse inattendue.

Il se tourna vers elle, et son regard rencontra ses yeux verts, brillants comme des émeraudes sous la lumière déclinante et s'ancrant dans les siens. Elle était trempée mais radieuse, et il sentit une vague de tendresse l’envahir.

Sans un mot, il s’approcha et l’embrassa doucement. Leur baiser fut aussi léger qu'un souffle, mais chargé d'une chaleur qui surpassait celle de l'été, comme si le monde tout entier s'effaçait autour d'eux.

Le temps sembla suspendu, chaque seconde s’étirant dans une étreinte où le désir s’immisçait doucement, élevant leurs sens à un point presque vertigineux. Quand enfin leurs lèvres se séparèrent, ils restèrent un instant à se regarder, leurs souffles encore entremêlés.

Nathalie entrouvrit la bouche, prête à parler, mais Vincent posa délicatement un doigt sur ses lèvres :

- Non, je t’en prie... ne dis rien, murmura-t-il, sa voix à peine audible sous le grondement de l’orage.

Et dans le silence de leurs cœurs, ce fut le vent et la pluie qui prirent la parole, comme un écho à leurs propres émotions.

Quand l’orage s’apaisa, ils retournèrent en ville pour aller déjeuner.

Cependant, une rencontre inattendue troubla leur tranquillité. Sur la place principale, alors qu'il cherchait un restaurant accueillant, une vieille femme assise à l'ombre d'un arbre fixait Nathalie d’un regard insistant. La jeune femme le remarqua et un frisson la traversa :

- Elle me met mal à l’aise, chuchota-t-elle à Vincent.

- Ce n’est qu’une vieille dame, Nath. Ne t’en fais pas...

La vieille se leva soudainement et marcha vers eux avec une lenteur presque solennelle. Nathalie, saisie d’un instinct de méfiance, serra le bras de Vincent. Tout en s'approchant, la femme âgée dit quelques mots en corse, un dialecte que les deux jeunes gens ne connaissaient pas.

. Je suis désolé, on ne comprend pas, répondit Vincent poliment.

La vieille insista, sa voix rauque mais empreinte d’une étrange conviction :

- Ton amie... Elle a le mauvais œil. Laisse-moi lui enlever...

Nathalie, visiblement troublée, chercha refuge dans le regard de son ami. Sentant son inquiétude, il s’interposa doucement entre elles :

- Non, merci, c'est gentil, mais ça va aller.

Mais la vieille ne se découragea pas, ses yeux perçants fixant Nathalie avec intensité :

- Elle est en danger... laisse-moi l’aider.

Cette fois, Vincent haussa légèrement le ton, protecteur :

- Non, ça va aller. Ne vous inquiétez pas.

La vieille femme, cependant, ne semblait pas prête à céder. Son doigt osseux pointa le cou de Nathalie, où la fine chaîne d’or brillait sous la lumière déclinante :

- Le mauvais œil... Ochju... Ochju... Murmura-t-elle avant de se retourner brusquement et de s’éloigner, disparaissant dans les ruelles comme une ombre.

"A petra hè mala"

Quand la vieille disparut dans les ruelles, Nathalie fit rouler la topaze nerveusement entre ses doigts et murmura :

- Tu crois que... ?

- Non, ce sont juste des superstitions, la rassura-t-il.

Mais au fond de lui, un doute sourd persistait, comme une ombre difficile à ignorer.

- Allez, viens... on va manger, dit Vincent avec un sourire apaisant, tentant de dissiper la tension laissée par la vieille femme.

Ils s’installèrent à une table ombragée, savourant une salade légère suivie d’un sorbet frais, parfait pour la chaleur de l’après-midi. L’ambiance était douce, presque insouciante, comme si rien ne pouvait troubler ce moment simple. Plus tard, ils rejoignirent Enzo et Max à la plage.

Andrea et Luisa, les deux Allemandes, étaient là, allongées sur leurs serviettes, leurs rires éclatant dans l’air chaud. Le soleil, déjà bas sur l’horizon, peignait le ciel de teintes dorées, enveloppant la scène d’une lumière bienveillante. Une fois le groupe au complet, ils décidèrent de s’installer au bar de la plage pour déguster des crèmes glacées. Les conversations étaient ponctuées de rires et de taquineries, un moment simple mais empreint d’une joie sincère.

En début de soirée, ils regagnèrent le village. Vincent retrouva Nathalie plus tard, vers vingt-deux heures. Ensemble, ils décidèrent de se promener sur les hauteurs du village. Le chemin, bordé de maquis parfumé, les mena jusqu’à un point de vue où l’air plus frais venait caresser leurs visages.

Devant eux, la mer s’étendait à l’infini, reflétant la lumière d’une lune ronde et éclatante. Le ciel, constellé d’étoiles, semblait les envelopper dans une étreinte bienveillante.

- Vincent... murmura Nathalie soudainement, brisant le silence paisible.

- Oui, Nath ?, répondit-il doucement, tournant légèrement la tête vers elle.

Elle hésita un instant, jouant avec une mèche des cheveux de Vincent, visiblement un peu nerveuse.

- J’ai passé une journée incroyable.

Vincent lui adressa un sourire tendre.

- Moi aussi... Notre moment dans la bergerie... il restera gravé dans mon cœur pour toujours.

Un léger rouge monta aux joues de Nathalie. Elle baissa les yeux, comme pour dissimuler sa timidité, avant de murmurer :

- Tu sais... j’aimerais graver un autre moment merveilleux avec toi.

Elle mordilla doucement ses lèvres, comme si elle hésitait à aller plus loin, puis lâcha dans un souffle presque imperceptible :

- Ma famille s’absente toute la journée lundi...

Vincent sentit de la vulnérabilité dans sa voix. Sans hésiter, il prit délicatement ses mains et ses yeux plongèrent dans les siens, chargés de promesses sincères.

- J’espère que ce moment sera le plus beau de notre vie, murmura-t-il.

Ils furent emportés par un baiser. Ce fut d’abord une caresse légère, mais bientôt leurs lèvres exprimèrent une intensité grandissante. Comme si le monde s’effaçait, ne laissant que la chaleur de leur étreinte dans la nuit.

Dans le silence qui suivit, ce fut la mer et le murmure des étoiles qui prirent la parole, comme un écho à leurs émotions partagées.

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