15. Récurrence

15 minutes de lecture

Nathalie se tenait immobile dans le vaste champ de lavandes, face au chêne gigantesque. L’endroit lui semblait à la fois familier et irréel. Elle avait déjà visité ce lieu, elle en était sûre mais où ?

Et... quand ?

"Où est-ce que je suis ?"

Son cœur battit légèrement plus vite. Elle scruta les alentours, mais l'évidence la frappa : elle était seule.

Sa gorge était sèche. La douce chaleur du soleil apaisait l’air autour d'elle. Une lumière feutrée l'enveloppait. Elle voilait l’horizon d’un éclat doré, surnaturel.

Derrière le grand chêne, une cascade jaillissait d’un promontoire rocheux. Son eau cristalline s’écrasait en une fontaine naturelle, claire et parfaite. L’air paraissait vibrer d’une sérénité étrange, mais une tension imperceptible flottait dans l’atmosphère, une ombre presque intangible.

Nathalie s’approcha de la fontaine, attirée par la pureté de son eau. Elle effleura la surface. Ses doigts frissonnèrent au contact de sa fraîcheur. Sous ses yeux, elle formait un miroir si limpide qu’elle crut y voir des formes danser, de petites créatures éthérées qui lui chuchotaient des mélodies d’un autre monde.

Dans son univers onirique, elle contempla le promontoire qui se dressait devant elle. Une sensation apaisante l'enveloppa. Elle n'éprouvait aucune crainte, seulement une curiosité pure et innocente. Elle pensa dans un silence assourdissant :

"Comme c'est beau ! Il m'a encore appelée et ce rêve est magnifique !"

Un souvenir d’enfance remonta à la surface. Les week-ends passés sur les hauteurs de Gémenos avec son père. Il lui racontait des légendes enchanteresses, il parlait de gnomes cachés sous les racines des arbres, de géants endormis, de princesses captives protégées par des dragons.

Ce lieu avait la même magie, cette même sensation d’échapper à la réalité pour plonger dans une histoire fabuleuse.

"Pourquoi suis-je redevenue si jeune ? Pourquoi ai-je répondu à son appel silencieux ? Mais où est-il donc ?"

Elle n’eut pas le temps de réfléchir davantage. Une silhouette émergea de la lumière diffuse. Il avançait d’un pas léger.

Vincent.

Il devait avoir seize ans, peut-être plus. Son visage, jeune et doux, teinté de bienveillance, fit éclore un sourire spontané sur le visage de Nathalie.

— Vince ! s’exclama-t-elle, la voix baignée d’un mélange de joie et de soulagement.

Vincent leva les yeux, visiblement surpris puis, un sourire éclaira bientôt son visage.

— Nathalie ? Il craignit que ce soit un mirage.

Elle hocha la tête. Ses cheveux blonds flottaient dans la brise. Sa robe blanche et bleue, légère et fluide, lui donnait l’allure d’un personnage sorti d’un conte.

— C’est moi, Vince, répondit-elle. Son sourire chancela légèrement. J’avais peur que tu ne viennes pas.

— Mais... qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il, troublé.

Le son cristallin de son rire chassa la tension environnante.

— Vince, mais c’est toi qui m’appelles à chaque fois. Je ne fais que répondre.

Un rire nerveux échappa à Vincent, mais il ne pouvait masquer l’inquiétude dans ses yeux. Il passa une main dans ses cheveux. Il voulut trouver un semblant de contrôle dans cette situation absurde.

— T’appeler ? Moi ? Mais je ne sais même pas comment on fait ça. Il secoua la tête. J’ai l’impression que mon subconscient a un sens de l’humour bien tordu, avoua-t-il.

— Tu le fais inconsciemment, expliqua Nathalie. Ça t’inquiète ?

Il haussa les épaules, un soupir lui échappant.

— Je n’aime pas ce que je ressens. J’ai l’impression de... d'être un héros paumé dans un mauvais film fantastique.

Elle se mit à rire à nouveau, un rire léger qui allégea l’air autour d’eux.

— L'impression de ne rien maîtriser, c'est ça ? Ce n’est pas si grave, tu sais. Moi aussi, je ressens cela.

Vincent plissa les yeux, intrigué.

— Vraiment ?

— Oui. Quand je m’endors, tout est noir. Tout à coup, quelque chose m’attire ici, vers toi. Et chaque fois, c’est irrésistible.

Il fronça les sourcils. Il réfléchit à ses paroles. L’idée qu’il puisse avoir un tel pouvoir le déstabilisait profondément.

— Mais qu’est-ce qui se passe dans ma tête ? Je deviens dingue ? demanda-t-il, mi-amusé, mi-perplexe. Tu te souviens de ce que tu faisais avant de t'endormir ?

Nathalie esquissa un sourire amusé avant d’éclater de rire une nouvelle fois.

C'était un éclat léger, sincère. Il résonnait comme une note cristalline dans l’air calme. Il adorait l'entendre rire.

— Tu ne me croiras jamais, répondit-elle. Ses yeux pétillaient de malice.

Vincent haussa un sourcil, intrigué.

— Dis toujours. Vincent sourit timidement. Un fond de nervosité transparut encore dans son regard.

— J’étais allongée à côté de mon lit, je faisais des étirements après ma séance de gym, et puis... Plus rien ! Elle marqua une pause. Son rire reprit de plus belle. Je crois que je me suis endormie d’un coup ! Tu m’as appelée et je me suis retrouvée ici, dans ce champ, juste à côté de ce grand chêne.

Vincent secoua doucement la tête, un sourire incrédule étirant ses traits.

— D’accord, donc... Non seulement je fais des songes étranges, mais en plus je m’improvise télépathe. Sérieusement, j’espère que tu n’as pas entendu toutes mes pensées en direct, ajouta-t-il avec un rire léger. Il usa de l’autodérision pour masquer son trouble.

Nathalie, incapable de contenir son fou rire, se couvrit la bouche de ses mains, ses épaules secouées par l’hilarité.

— Excuse-moi, je ne peux plus m’arrêter.

Vincent l’observa un instant puis un nouveau sourire se forma sur ses lèvres. Il appréciait de la voir ainsi, insouciante et joyeuse. Cela adoucissait quelque peu la bizarrerie de leur situation.

— C’est quand même étrange tout ça, non ? demanda-t-il, son ton plus sérieux.

Nathalie leva les yeux vers lui.

— Étrange ? Non, pas vraiment ! répondit-elle en secouant la tête avec espièglerie. Incroyable, extraordinaire, peut-être. Fantasmagorique, certainement.

Son rire s’adoucit, mais une lueur d’excitation brillait encore dans ses yeux.

Vincent la fixa, partagé entre son amusement et un sentiment plus profond, plus troublant, qu’il ne parvint pas à nommer. Il tourna la tête avant de laisser ses yeux se perdre dans l’horizon flou et éthéré. Nathalie, elle, continua de l’observer. Un léger sourire adoucissait ses traits. Elle semblait lire en lui, comme si elle comprenait exactement ce qu’il ressentait. Elle brisa le silence

— Vince, ce n’est peut-être pas si bizarre... Peut-être qu’on devait être là. Ensemble.

Il tourna la tête vers elle, surpris par sa remarque, mais n’ajouta rien. Ses mots flottaient dans l’air. Ils résonnaient avec justesse. Elle venait de mettre en lumière une vérité qu’il n’osait formuler. Elle posa une main rassurante sur son bras.

— Peut-être qu’on a encore des choses à se dire...?

Un silence s’installa, dense et chargé de non-dits. Vincent regarda Nathalie. Ils cherchait à comprendre ce que tout cela signifiait. Aucune réponse claire ne lui vint.

— Je dois me réveiller, finit-il par dire. Puis, je me rendormirai et je t'appelerai consciemment. On verra si ça marche.

Nathalie acquiesça avec un sourire empreint d’espoir.

— Pourquoi pas ? Essayons.

Il hésita, chercha ses mots un instant pour exprimer ce qu’il ressentait.

— Après tout, ce n’est peut-être qu’un rêve ordinaire.

Il enfouit son visage dans ses mains, troublé par cette chimère qui ne lui convenait pas. Il se força à en sortir. Une prise de conscience l’envahit tout doucement puis, son esprit capta enfin le message de son subconscient.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Nathalie sentit immédiatement la dureté du sol sous son dos. Le froid imprégnait son corps ankylosé. Ce contraste brutal avec la chaleur onirique des images qui l’avaient enveloppée quelques instants plus tôt la fit frissonner.

Elle cligna des yeux pour s’acclimater à l’obscurité de sa chambre et mit un moment à comprendre où elle se trouvait. Allongée au pied de son lit, vêtue simplement de son body de sport, elle réalisa qu’elle s’était endormie au milieu de ses étirements.

Un sourire fugace naquit sur ses lèvres, un mélange d’amusement et de résignation face à sa propre maladresse. Mais ce sourire s’effaça rapidement. Une ombre traversa son visage tandis que les fragments de son rêve se reformaient dans son esprit, précis et persistants. Une lourdeur invisible pesa soudain sur elle, un poids sombre et oppressant qui ne voulait plus la quitter.

"Dès que je ferme les yeux, je suis attirée vers lui ?"

Maintenant, cette question la hantait. Il y avait cette force étrange, presque magnétique, qui la tirait inévitablement dans la direction de Vincent. Une force qu’elle ne pouvait ni expliquer ni combattre. Cela la laissait à la fois perplexe et vulnérable. Elle ne pouvait comprendre ce besoin de le rejoindre chaque nuit. Cet appel silencieux mais puissant, n’avait rien de réconfortant.

Nathalie sentit son cœur se serrer, douloureusement.

Elle n’avait aucune envie de le revoir, de replonger dans les souvenirs qu’il représentait. Surtout après tout ce qui s’était passé entre eux. Le passé avait laissé des cicatrices profondes. Même après toutes ces années, elle luttait encore contre les sentiments ambivalents qu’il suscitait en elle. Une douleur sourde monta en elle, une vague qu’elle n’avait pas vu venir. La blessure, bien que dissimulée sous des couches d’oubli et de détachement, était encore vive. Chaque rencontre dans leurs songes commençait à raviver des émotions qu’elle s’efforçait désespérément d’enterrer.

"Pourquoi dois-je continuer à l’affronter ? Pourquoi ne peut-il pas simplement disparaître ?"

Elle secoua la tête pour essayer de dissiper ces pensées obsédantes. Puis, elle se redressa, absente. Elle fixa un point invisible dans la pièce. La lumière pâle des réverbères de la ville perçait timidement à travers les rideaux. Des ombres dansaient sur les murs. Mais même cette douceur lumineuse n’arrivait pas à apaiser la sensation oppressante qui s’accrochait à elle.

Elle prit une profonde inspiration :

— Il n’a plus de place dans ma vie. Ni ici, ni ailleurs.

Pourtant, une petite voix intérieure la faisait douter. Quelque part, elle savait que tout n’était pas fini. Des réponses non formulées, des sentiments non résolus restaient tapis dans l’ombre. Des fantômes qui attendaient leur heure.

Dans le creux d'une autre vallée, à quelques kilomètres, Vincent se réveilla en sursaut. Le souffle court, son cœur battait la chamade. La lumière vacillante de la télévision toujours allumée, éclairait faiblement le salon. Il jeta un coup d’œil à l’horloge :

Minuit cinq.

Il resta immobile un moment. Ses mains couvraient son visage, encore enveloppé par les brumes de ses visions. Mais ce n’était pas un simple songe, il en était certain. Chaque fois qu’il voyait Nathalie dans ce monde onirique, l’impact émotionnel qu’elle lui laissait, s’amplifiait, inexorablement.

"Comment est-ce possible ? Comment une personne que je n’ai pas vue depuis des années peut-elle provoquer ça en moi ?"

Il se souvenait de tout, de chaque détail, de chaque mot échangé. Il se souvenait d'elle. Il pouvait encore sentir la douceur de ses mains, entendre la mélodie de son rire cristallin, voir l’intensité de son regard. Il y avait en Nathalie une lumière qui l’attirait fatalement, mais aussi une douleur qu’il ne pouvait ignorer.

L’intensité de ces émotions le terrifiait autant qu’elle le captivait. Il détestait perdre le contrôle. Pourtant, tout dans cette situation échappait à son emprise.

"Que se passera-t-il si je continue à la voir dans mes rêves ? Si je tombais amoureux d’elle... Est-ce que cela changerait quelque chose dans la réalité ?"

Vincent se leva brusquement. Il voulait échapper à cette spirale de pensées. Il se dirigea vers la salle de bain, éclaboussa son visage d’eau froide. Il tenta de reprendre ses esprits, de trouver un semblant de réponse dans ses propres yeux. Le reflet de son miroir.

Un instant, il envisagea de replonger dans ce rêve, de retrouver Nathalie, d’éclaircir ce lien étrange qui semblait les unir. Mais il n’était pas sûr de vouloir affronter ce qu’il pourrait découvrir.

Il secoua la tête :

— Pas ce soir.

Il retourna dans sa chambre, décidé de chasser Nathalie de ses pensées, ainsi que l’image obsédante de ce champ de fleurs et de cet arbre majestueux. Allongé dans son lit, il fixa le plafond. Ses pensées tourbillonnaient toujours. Elles l'empêchaient de trouver le sommeil. Ce n’est qu’après un long moment que la fatigue finit par l’emporter.

À sept heures, le réveil le tira d'un état intermédiaire, d'une étrange lassitude qui avait persisté le reste de la nuit. Ce jour-là, il devait honorer un rendez-vous dans la capitale phocéenne avec le président du Football Club de Toulon.

Après une douche rapide, il prit son petit déjeuner, le rêve de la veille toujours ancré dans son esprit. Un ressenti tenace le perturbait. Les souvenirs le transportaient toujours dans ce champ, où les couleurs pastel des fleurs s'étendaient à perte de vue.

Cette sensation de paix, de liberté, le rassurait.

Pourtant, en revenant à lui, c'est une tout autre scène qui s'imposait : celle de sa vie actuelle, marquée par des choix et des renoncements. Il n'était plus un jeune garçon insouciant, mais un homme avec le poids du temps sur les épaules.

Il enfila un costume, ce qu'il détestait par dessus tout. C'était vraiment le seul inconvénient de ce métier mais il était de taille. Il démarra le moteur de sa voiture, emprunta la nationale puis l'autoroute pour se rendre à Marseille. Son rendez-vous se déroulerait dans un restaurant du Vieux Port, proche de la villa de son frère.

De cinq ans son aîné, Laurent avait toujours occupé une place spéciale dans sa vie. Il était le père d'Emilie, sa filleule. Ils étaient pour lui les personnes qu'il chérissait le plus, bien qu'il les vît trop rarement à son goût. Après son repas d'affaires, il prit la direction de la Corniche John Fitzgerald Kennedy avant de s'engager dans la rue Boudouresque, où résidaient son frère.

Il fut soulagé de trouver une place dans les ruelles étroites du quartier. Il quitta son véhicule et prit à pied la direction de la maison de son frère.

Une silhouette se dessina au loin, dans la petite rue bordée de façades aux volets colorés. Une femme, fine, élégante, avançait d’un pas tranquille. Ses cheveux blonds éclatants captaient la lumière tamisée de l’après-midi. Un manteau de couleur perle l' enveloppait délicatement et mettait en valeur sa silhouette. Chacun de ses gestes était habité d’une grâce naturelle.

Vincent sentit son cœur s’accélérer. Une chaleur inattendue monta en lui, mêlée à une pointe d’angoisse.

"Était-ce elle ?"

Il secoua la tête. Il voulut s’ancrer dans la raison. Non, impossible. Ce n’était qu’une coïncidence. Une ressemblance fugace, un écho de ses rêves troublants qui jouait avec son esprit.

Malgré lui, ses jambes bougèrent, presque indépendamment de sa volonté. Il traversa la rue, les yeux rivés sur la femme, comme attiré par une force invisible. Lorsqu’il se retrouva face à elle, elle tourna légèrement la tête. Ses yeux, d’un vert profond et intense, croisèrent les siens. L’instant s’étira. Le temps lui-même avait ralenti pour leur accorder cette rencontre. Vincent sentit un vertige le saisir. Ce regard... il le connaissait. Il l’avait vu, non seulement dans ses rêves, mais aussi dans ses souvenirs.

Tout autour de lui disparut. Il n’était plus dans cette ville, mais là-bas, dans les collines baignées de soleil. Il se tenait de nouveau dans ce champ où les fleurs sauvages ondulaient sous la brise. Une lumière dorée, chaude et bienveillante, l'enveloppait. Devant lui, une jeune fille aux cheveux tressés, un sourire radieux sur les lèvres, sa silhouette baignée par l’éclat d’un après-midi d’été.

Cette sérénité onirique s’effaça aussitôt, remplacée par la rue bruyante. Vincent resta figé. Son esprit oscilla entre le présent et ce souvenir intemporel. La femme esquissa un léger sourire, un mouvement presque imperceptible, chargé d’une délicatesse troublante, comme si elle avait lu ce qui s'était passé en lui.

Sans un mot, elle détourna les yeux et s’éloigna. Son pas léger résonna sur le pavé.

Vincent demeura immobile. Il la regarda disparaître au coin de la rue. Une sensation inexplicable l’envahit. Il lui semblait avoir frôlé une frontière invisible entre deux mondes. Celui d’un passé figé dans une éternité estivale et celui de son présent, incertain, mouvant.

"Idiot... Ce n’est pas Nathalie"

Ses poings se serrèrent légèrement. Il savait que ce moment n’était pas un hasard. La silhouette de cette femme avait réveillé en lui quelque chose de profondément enfoui, une douce illusion.

Un fragment de son rêve avait pris vie.

Lentement, il détourna les yeux et reprit sa marche, laissant derrière lui l’ombre de cette rencontre. Il se présenta devant la maison de Laurent. Un instant, il fixa la porte en bois verni. Il inspira profondément, comme pour absorber l’essence de l’endroit. Une odeur familière flottait dans l’air, mélange de pin chauffé par le soleil et de terre humide. Un parfum d’enfance, de souvenirs heureux et simples, ceux que même les années ne pouvaient effacer.

Il appuya sur la sonnette. Un son feutré résonna à l’intérieur. Quelques secondes plus tard, le bruit du verrou retentit et la porte s'ouvrit sur Christine, sa belle-sœur. Elle l'accueillit avec un sourire éclatant :

  • Vince !

— Salut, Chris !

Elle parut ravie de le voir et l'enlaça chaleureusement :

— Ça me fait tellement plaisir de te voir ! Comment ça va ?

— Je passais dans le coin et j'ai pensé que je vous trouverais peut-être à la maison, répondit-il en souriant...

— Laurent travaille, il ne sera pas là avant ce soir. Je vais appeler Emilie, elle sera ravie de te voir. Tu désires boire quelque chose ? Un café ?

— Si tu as un déca, je veux bien, merci.

— Oui, bien sûr... Je te fais ça tout de suite. Elle se tourna et appela dans l'escalier. Sa voix résonna dans la maison calme :

— Emi ! Viens voir qui est là !

— Oui, M'man, j'arrive !

Vincent sourit en entendant sa voix de sa filleule. Il l'entendit dévaler les escaliers avant d'apparaître devant lui. Emilie savait déjà qui venait lui rendre visite. Un large sourire illuminait son visage :

— Parrain !

Elle se précipita vers lui et sauta dans ses bras. Amusé, il la serra tendrement contre lui. Chaque fois qu'il la voyait, il était frappée par la grâce de sa filleule. Du haut de ses dix-sept ans, elle n’était pas bien grande. Ses longs cheveux bruns encadraient son visage avec élégance, son regard noisette, vif et pétillant, captait chaque détail du monde qui l'entourait. Il voyait en elle cette maturité naissante, cette lumière qui attirait l’attention sans même qu'elle ne s'en rende compte. Emilie était douce et éclatante.

— Coucou ma beauté, comment ça va ? demanda-t-il en ébouriffant affectueusement les cheveux.

— Ça va super bien ! Oh, tu sais pas... J'ai tellement de choses à te raconter !

Elle le conduisit dans le salon, tandis que Christine revenait, le sourire aux lèvres, avec le café.

Pendant deux heures, Vincent resta plongé dans les histoires intarissables d'Emilie. Elle parlait de ses études, de ses amis, de ses projets et même de ses hésitations. Elle ouvrait devant lui chaque recoin de sa vie. Elle lui parla de ses amours, de ses rires avec ses copines, de ses défis à l'université, de ses rêves d'avenir dans le droit. Sa voix était une mélodie subtile, familière aux oreilles de Vincent.

Il l'écoutait sans dire un mot, captivé. Il souriait avec bienveillance à chaque phrase qu'elle prononçait. Il l'admirait profondément et, à seulement dix-sept ans, Emilie faisait déjà preuve d'une détermination qui le rendait fier.

Malgré son jeune âge, elle était déjà en deuxième année à la Faculté de Droit de Saint-Jérôme à Marseille, sa vocation clairement tournée vers l’instruction et la justice. Vincent se sentait honorer d'avoir une place aussi spéciale dans sa vie.

Parfois, en l'observant, il ne pouvait s'empêcher de se demander quel sentiment il aurait pu porter à son propre enfant. Mais la vie en avait décidé autrement. Il acceptait cette réalité avec philosophie. La relation qu'il entretenait avec sa filleule comblait ce vide, en partie.

Le temps passait, l'heure du départ approchait. Il glissa discrètement la main dans la poche de sa veste pour en sortit un billet de cinquante euros. Lorsqu'elle s'approcha pour lui dire au revoir, il le glissa avec malice dans la poche arrière de son jean, avec un léger tapotement sur la fesse :

— Tu pourras t'acheter un petit quelque chose, murmura-t-il avec un clin d'œil complice.

— Merci Parrain.

Le sourire qu'elle lui adressa valait mille "Je t'aime" à ses yeux. Il quitta la maison le cœur léger.

Prit dans les embouteillages embouteillage de la capitale du sud, ses pensées revinrent rapidement à un autre visage qui hantait son esprit depuis quelques temps. Il arriva chez lui en début de soirée, à temps pour se poser devant un match de rugby du Top 14 opposant Toulouse à Toulon mais après cinq minutes de jeu, son esprit vagabonda.

Il glissa une fois de plus vers son passé, vers Nathalie.

Ce lien indéfinissable tissé entre eux, ce monde qu'ils avaient brièvement partagé, était une lumière lointaine, une étoile qu'il n'était pas prêt à oublier. Allongé sur le canapé, Vincent laissa ses pensées s’égarer. Il imaginait des retrouvailles, des découvertes inattendues, peut-être même un futur partagé. Il n'était pas prêt à abandonner ce qu’ils avaient construit, aussi fragile et éphémère que cela puisse paraître. Une part de lui savait que cette connexion, inexplicable et profonde, méritait d’être explorée, même si elle se manifestait dans les brumes de ses visions.

Ses paupières se fermèrent doucement. Tandis que le murmure du match à la télévision s'effaçait en arrière-plan, il sombra dans un sommeil paisible, son esprit déjà empli d’une réelle anticipation : celle de la retrouver, là où la frontière entre rêve et réalité s’efface.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 15 versions.

Vous aimez lire A7x ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0