20. L'accident

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Émilie quitta la faculté épuisée à la tombée du jour.

La journée avait commencé tôt avec un cours de droit constitutionnel dans un amphithéâtre moitié vide. Les heures s’étaient enchaînées sans relâche : droit civil, procédure pénale, puis un interminable TD où chaque silence valait angoisse. Les notes s’entassaient, griffonnées à la hâte, tandis que les paupières devenaient lourdes. Même pas le temps d'aller à la cafétéria. Et quand la dernière heure s’acheva, la tête pleine de jurisprudence et le dos en compote, elle quitta la salle en silence, vidée mais soulagé.

Elle enfourcha son scooter pour rentrer chez elle. Elle empruntait cette route familière des dizaines de fois mais cette fois, quelque chose d’inattendu se produisit. Perdue dans ses pensées, la tête à ses cours, elle arriva à l’approche d’un virage serré, sans voir la nappe de gazole qui recouvrait l'asphalte. Ses pneus glissèrent. La roue avant perdit brutalement son adhérence. Émilie ne contrôlait plus son deux-roues. Elle tenta de redresser, mais une Renault Kadjar surgit de l’autre côté, trop près du centre de la chaussée. Le choc fut inévitable.

Le scooter, devenu incontrôlable, avait glissé sur le bitume. Il traça un sillage d’étincelles avant de finir encastré sous la voiture. Projetée violemment, Émilie heurta la calandre de plein fouet. Son bras et sa jambe droits se brisèrent sous l’impact avant qu’elle ne s’effondrât, inerte sur l’asphalte.

Son casque, encore solidement attaché, amortit le choc, mais elle resta immobile Inconsciente.

Après le bruit fracassant de l’accident, un silence irréel s’installa. Le temps s'immobilisa dans la rue, comme suspendu dans une attente muette. Les secours arrivèrent rapidement sur les lieux. Émilie fut prise en charge, pour être conduite en urgence vers l’hôpital de la Conception de Marseille.

Le diagnostic des médecins fut implacable. Ses fractures ouvertes avaient provoqué une hémorragie massive. Elle avait besoin d’une transfusion immédiate, mais son groupe sanguin rare compliquait les choses. La seule personne compatible à proximité était son oncle.

Vincent.

Il s'apprêtait à quitter Aix-en-Provence quand il remarqua un appel manqué de son frère. Une inquiétude sourde l’envahit alors qu’il écoutait le message. La voix émue de Laurent lui annonçait la terrible nouvelle.

Émilie était entre la vie et la mort et il était son unique espoir.

Le cœur battant à tout rompre, il se précipita dans sa voiture. Le moteur de sa RCZ rugit lorsqu’il appuya sur l’accélérateur. Il prit la direction de la ville phocéenne à toute allure, Les paysages défilaient à une vitesse vertigineuse. Tout devenait flou autour de lui, éclipsé par une seule pensée d'arriver à temps.

"Pas elle. Pas Émilie."

Il arriva à l’hôpital. La barrière du parking s’ouvrit presque instantanément, le gardien ayant été prévenu. Vincent se gara en trombe. Il bondit hors de la voiture et courut vers les urgences. Une infirmière l’attendait à l’entrée du service. Elle l’accompagna à travers les couloirs immaculés. Le silence oppressant de l’hôpital n’était brisé que par leurs pas précipités.

Lorsqu’il entra dans la chambre, la vision d’Émilie, allongée, lui broya le cœur. Elle était pâle, fragile. Laurentet Christine, assis non loin, se levèrent à son arrivée. Vincent n’avait d’yeux que pour sa filleule. Elle semblait si loin de la jeune fille pleine de vie qu’il connaissait.

— Asseyez-vous, lui dit l’infirmière d’une voix douce. Elle préparait le matériel pour la transfusion.

Comme un automate, Vincent s’installa sur le fauteuil à côté de sa nièce. Il retroussa la manche de sa chemise. Sans un mot, il tendit son bras, son regard fixé sur Émilie. Tout en lui criait sa volonté de lui transmettre sa force.

— Prenez tout ce qu’il faut, murmura-t-il, la voix rauque. Prenez tout mon sang s'il le faut, mais sauvez-la.

L’infirmière posa une main rassurante sur son épaule, troublée par l’intensité de ses paroles.

— Nous ferons tout notre possible. Gardez des forces, jeune homme. Pour elle comme pour vous.

Vincent acquiesça. Mais son esprit restait focalisé sur sa nièce. Le temps sembla se dilater alors que le liquide rouge s’écoulait lentement de son bras, goutte à goutte, comme un lien invisible entre eux.

Les heures s’étirèrent dans un silence pesant, rythmées uniquement par le bip des machines. Vincent n’avait pas bougé, ses yeux rivés sur Émilie. Son bras était engourdi, mais il n’en avait cure. Chaque respiration régulière de sa filleule alimentait son espoir.

Puis, il remarqua un frémissement. La main d’Émilie bougea faiblement. Son cœur s’emballa alors qu’il retenait son souffle. Quelques instants plus tard, elle poussa un léger soupir. Ses paupières battirent avant de s’ouvrir. Ses yeux, embués de confusion, cherchèrent un repère.

— Émilie, chuchota Vincent, la gorge nouée.

Il s’approcha doucement, incapable de retenir une larme qui roula sur sa joue. Elle tourna la tête vers lui. Un sourire fragile éclairait son visage. Sa voix, à peine un souffle, brisa enfin le silence.

— Parrain...

Ce mot, simple et chargé d’une infinie tendresse, résonna dans l’air. Vincent prit sa main dans la sienne, le cœur gonflé de soulagement. Elle était vivante. Rien d’autre n’importait à cet instant. Il serra doucement la main de sa filleule. Il voulut lui faire passer la chaleur de son corps dans celui d'Emilie.

— Je suis là, ma chérie, murmura-t-il. C'est fini. Tout va bien maintenant.

L'infirmière, qui observait discrètement la scène depuis l'entrée de la chambre, s'approcha avec un sourire bienveillant.

— Elle est tirée d'affaire, annonça-t-elle doucement. Le plus difficile est derrière nous. Maintenant, il ne lui reste qu’à se reposer.

Vincent hocha la tête, incapable de prononcer le moindre mot. Il se pencha, déposa un baiser léger sur le front de sa filleule. Il sentit le poids de l’angoisse s’évanouir lentement. Elle était sauvée. Assis près d’elle, il la regarda sombrer doucement dans un sommeil réparateur, son souffle redevenu paisible.

Laurent et Christine vinrent le rejoindre dans la chambre. Vincent resta là, immobile, veillant sur la jeune fille. Pour la première fois depuis des heures, il se permit de relâcher la tension qui l’habitait. Il n’y avait plus de précipitation, plus de course contre la montre, seulement une immense gratitude et un apaisement naissant dans le silence de la pièce.

Sans un mot, Laurent s'approcha de son frère. Il posa ses mains sur ses épaules. Des larmes silencieuses coulaient sur son visage fatigué.

— Comment ça va, frérot ? murmura-t-il, la voix étranglée.

— Elle est sauvée, elle est sortie d’affaire, répondit Vincent, le regard fixé sur Émilie.

— Oui, grâce à toi. Merci, mon Dieu...

Vincent ferma les yeux un instant. Il soupira profondément puis posa sa main sur celle de Laurent.

— Et toi, comment tu te sens ? demanda Laurent en s’écartant légèrement pour l'observer.

— Je vais bien, juste un peu fatigué... Quelle heure est-il ?

Laurent jeta un coup d’œil rapide à sa montre.

— Une heure trente.

Le visage de Vincent se figea. Une idée lui traversa soudain l’esprit. Son cœur s’emballa.

— Nathalie !

Il se redressa d’un coup, malgré la fatigue qui alourdissait encore ses membres. Où est mon téléphone ?

— Je ne sais pas, répondit Laurent en cherchant du regard dans la pièce. Il fouilla dans la veste de Vincent posée sur une chaise :

— Il est là !

Vincent lui arracha presque le téléphone des mains. Sans attendre, composa le numéro de de son amie. Les tonalités retentirent dans le silence de la chambre. Aucune réponse ne vint. Il sentit la panique monter en lui.

Il vit qu'elle lui avait envoyé deux messages.

.......................

La soirée de Nathalie avait été un tourbillon d’émotions. Son esprit était un champ de bataille, ses pensées s’entrechoquaitent sans relâche. Après une douche brûlante pour apaiser ses muscles tendus, elle s’enveloppa dans une serviette moelleuse puis elle s’effondra sur le canapé.

Le sommeil la guettait. Elle savait qu’elle devait attendre. Vincent devait s’endormir avant elle pour prendre les rênes de ce monde étrange où leurs rêves se rejoignaient. Pourtant, ses paupières étaient lourdes, son corps réclamait le repos.

Elle se leva pour repousser l’inévitable et se rendit dans la cuisine. Elle se prépara un thé. Elle trouverait dans sa chaleur un réconfort et un semblant de force. Mais ses mains tremblaient légèrement, et sa détermination semblait vaciller.

Elle envoya un premier message à Vincent :

— Tu es arrivé ?

Puis un second, quelques minutes plus tard :

— Vince, tu dors ?

Sans réponse. Elle posa son téléphone sur la table basse, le regard fixé sur l’écran comme si elle espérait un miracle. Mais la fatigue fut plus forte que sa volonté. Ses muscles se détendirent malgré elle. Sa tête bascula en arrière contre le dossier du canapé.

Dans un dernier effort, elle posa la tasse sur la table, mais ses paupières se fermèrent.

Le sommeil l’emporta.

Mais ce ne fut pas un abandon total. Dans son assoupissement, elle espérait que le rêve viendrait tout de suite, qu’il la guiderait dans cette dimension étrange où Vincent serait là. Ils seraient ensemble, leurs âmes se retrouveraient dans une union parfaite. Elle savait au fond d’elle que ce n'était qu'une question de temps avant qu’il n’intervienne, qu’il prenne le contrôle de son rêve, et qu’elle soit enfin libre de se perdre dans cet entre-deux.

Entre l’éveil et le rêve, où leurs mondes se mêlaient.

Elle se retrouva dans un lieu sombre. Silencieux et immense. Elle ne le reconnut pas tout de suite. Les contours flous de l’endroit semblaient se dissoudre dans l’obscurité. Elle tâtonna avant d'avancer prudemment. Elle cherchait la présence réconfortante de Vincent.

Mais au bout de quelques secondes, elle sentit une présence. Une menace invisible se tapit derrière elle. Un froid soudain la glaça, mais ce n'était rien comparé à la terreur rampante qui l'envahissait.

Quelque chose clochait.

Derrière elle, des pas lourds résonnèrent. Elle accéléra instinctivement, sans savoir où aller. Sans même se retourner, elle sut tout de suite qu'il était là. Un couloir faiblement éclairé apparut au loin. Les murs faits de béton brut. Nathalie se dirigea vers les lumières pâles. Elle espérait pouvoir identifié l'endroit où elle se trouvait.

Sans s'arrêter de marcher, elle jeta un coup d'œil derrière elle. Une silhouette, obscure, indéfinie, commençait a se matérialiser. Ce n’était pas un homme. Plutôt une forme grotesque, un mélange cauchemardesque d’ombre et de malice. Son visage semblait se tordre. Il changeait à chaque seconde, tantôt humain, tantôt monstrueux.

Une aura oppressante palpable, émanait de lui.

Son souffle s’accéléra. La peur la prit. Elle se mit à courir. Mais ses jambes devenaient lourdes, le sol l’aspirait. L’entité, elle, avançait avec une fluidité terrifiante. Elle réduisait la distance entre eux à chaque seconde. Sa voix, rauque et sifflante, s’éleva au dessus d'elle :

— Nathalie... Viens à moi...

Elle atteignit enfin ce qui semblait être un parking souterrain. C'était celui de l’Allianz Arena. Aucun refuge n’était visible.

Et le monde autour d’elle qui se déformait. Un véritable labyrinthe se changeant à chaque instant. Elle trébucha, tomba sur l’asphalte. Ses mains étaient écorchées, sales.

Elle ferma ses yeux pleins de larmes et tenta de se réveiller, de toutes ses forces.

Rien n'y fit.

Lorsque elle les rouvrit, une main griffue était tendue devant elle. L'entité l'invitait à se relever...

Allongée, le souffle court, elle hurla de frayeur. La voix du monstre se fit rassurante :

— Tu ne risques rien,... Donne-moi ce que je cherche.

Elle se recroquevilla. La peur la paralysait. Des larmes brulantes coulaient le long de ses joues. Le froid du parking et la terreur la clouaient au sol. Elle ne pouvait plus bouger. Une des griffes de la bête vint lui caresser la joue. Une dernière pensée alla vers Vincent.

"Il m'a abandonné, encore une fois"

L'obscurité l’enveloppa. Elle perdit connaissance.

— Quoi ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?

— Écoute Laurent, j’ai pas le temps de t’expliquer, lança Vincent d'un ton pressant. Il sortit de la chambre, presque en courant, puis chercha une infirmière dans le couloir :

— J'ai besoin d'un somnifère, je dois dormir... Maintenant ! dit-il, le souffle court.

L'infirmière fronça les sourcils, visiblement surprise :

— Ce n'est pas peut-être pas conseillé après un don de sang aussi important...

— S’il vous plaît... Son regard implorait la jeune femme. Je signerai une décharge si nécessaire, mais je dois dormir, au plus vite, insista-t-il. Il avait posé sa main sur son bras. Il tremblait.

Elle le regarda, indécise, puis acquiesça doucement :

— D'accord. Je vais voir ce que je peux faire. Retournez dans la chambre en attendant.

Il retourna dans la chambre. Laurent paraissait inquiet. Il lui sourit et s'installa dans le fauteuil. Une minute plus tard, l'infirmière entra dans la chambre, un comprimé à la main :

— Restez allongé, avec la transfusion et ce somnifère, vous allez vous endormir très rapidement, dit-elle d'une voix calme.

— C'est exactement ce que je recherche, répondit Vincent, déterminé.

Il avala le médicament et ferma les yeux aussitôt. Le stress de la soirée l'empêcha de trouver le sommeil instantanément, mais le somnifère fit son effet, l'emportant malgré tout.

En un instant, il se retrouva debout dans une salle blanche, totalement immaculée. Le silence régnait autour de lui. Aucune autre personne n'était présente.

Vincent appela Nathalie. Pas de réponse.

L’inquiétude grandit en lui à mesure qu’il déambulait dans la salle. Il cherchait un repère, du mobilier, quelques choses de tangibles.

Tout lui paraissait étrangement différent. Il s'arrêta soudain. Ce rêve ne ressemblait pas aux autres...

"Elle n'est peut-être pas encore endormie. Je dois me réveiller, il faut que je l'appelle."

Mais il ne parvint pas à se sortir du rêve, prisonnier de l’effet du somnifère.

Il ressentit soudain une sensation glaciale parcourir son dos. Une présence. Vincent se retourna, le cœur battant à tout rompre. Là, devant lui, se tenait Emilie, l’air aussi immobile qu’une apparition. Ses yeux brillaient d’une lueur douce, presque irréelle.

Elle le fixait avec une intensité qui le déstabilisa.

— Parrain, souffla-t-elle, sa voix douce, comme un murmure venu d’ailleurs.

Vincent voulut avancer vers Émilie, mais ses jambes restèrent figées. Une force invisible l’empêchait de bouger. Son regard cherchait désespérément à comprendre ce qu’il voyait, chaque fibre de son être tendue par l’inquiétude.

— Ma chérie, qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il, sa voix tremblante. Il craignit un instant que cette vision ne disparaisse à tout jamais.

Émilie baissa les yeux. Elle hésitait, ses petites mains se joignant timidement devant elle. Sa voix était d’une douceur infinie.

— Je ne sais pas, parrain. Je voulais te remercier... Je t’ai appelé.

Vincent sentit son cœur se serrer.

"Je suis dans son rêve", pensa-t-il, mais rien ne semblait logique.

Émilie prit une profonde inspiration, relevant un regard légèrement assombri vers lui.

— J’ai vu trois Dames... Très belles. Elles sont venues de loin. Elles m’ont demandé de te délivrer un message, souffla-t-elle, comme si les mots lui pesaient.

Le cœur de Vincent battit à tout rompre. Il s’avança d’un pas, son instinct protecteur prit le dessus. Sa voix, empreinte d’une inquiétude grandissante, s’éleva dans le silence :

— Trois Dames ? Un message ? Qu’est-ce qu’elles ont dit ?

Ses yeux se perdirent un instant dans un vide invisible. Puis, avec une intensité qui le transperça, elle les leva vers lui :

— Nathalie a besoin de toi. Mais pas ici, pas dans ce rêve...

Vincent sentit une tension monter en lui. Il s’approcha davantage, ses muscles tendus, chaque pas un effort pour maîtriser sa peur :

— Mais... comment tu connais Nathalie ? Où est-elle ?

Elle recula légèrement. Un sourire triste et doux effleura ses lèvres. Sa présence semblait irréelle, pourtant elle irradiait une chaleur qui lui brisa le cœur.

— Elles vont venir, parrain, murmura-t-elle, mais moi, je dois partir.

Elle fit un pas de plus en arrière, son image semblant se flouter, disparaître progressivement.

— Je t’aime...

Ces mots flottaient dans l’air, portés par une douceur poignante.

— Émilie !

Vincent tendit la main vers elle, mais elle s’effaça complètement, tel un mirage insaisissable qui glissait entre ses doigts.

Il se retrouva seul, figé dans un silence lourd. L’écho de sa voix résonnait encore dans l’espace vide. Les paroles d’Émilie tourbillonnaient dans son esprit.

Nathalie l’attendait, quelque part, dans la noirceur du monde onirique. La véritable urgence était ailleurs.

Il ferma les yeux, lutta pour se réveiller, mais à son grand étonnement, quand il les rouvrit, il se trouvait sur une pelouse verte, entouré par les gradins imposants de l’Allianz Arena.

Le stade mythique du Bayern Munich, ce stade où tout avait basculé pour lui, où sa carrière avait brutalement pris fin.

— Elle n’est plus là. Il la retient...

La voix résonna dans l’air, douce et irréelle. Un souffle porté par le vent, qui le fit sursauter. Vincent se retourna vivement pour chercher sa source. Il les vit alors.

Trois jeunes femmes d'une beauté à couper le souffle.

Elles se tenaient là, immobiles. Leurs traits délicats semblaient sculptés par le temps. Elle se ressemblaient toutes et toutes ressemblaient étrangement à Nathalie.

Mais en plus jeunes. Des adolescentes. Elles venaient d’un autre temps.

L’une avait les cheveux tressés, l’autre coiffée en cascade dorée autour du visage, et la troisième en chignon impeccable. Leurs vêtements reflétaient des époques révolues. Une aura mystique émanait de leurs silhouettes délicates. Leurs regards perçaient la brume de ses pensées avec une intensité glaciale

Vincent cligna des yeux, abasourdi. Sa voix brisée finit par émerger :

— Qui êtes-vous ?

L’une d’elles s’avança doucement. Chaque mouvement empreint d’une noblesse naturelle. Sa robe fluide, brodée d’argent, flottait comme un nuage autour d’elle. Sa prestance imposait le respect. Ses yeux portaient le poids de siècles de sagesse oubliée.

— Je m’appelle Yselda, répondit-elle d’une voix calme. Vincent, nous sommes venues t’aider. Tu dois la retrouver... Il la retient.

Le silence retomba, lourd de sens, avant qu’une autre femme ne prenne la parole. Elle portait une chemise de lin écru, une jupe longue en coton bleu, et un châle en laine sur ses épaules. Son visage doux affichait un sourire de tristesse.

— Mon nom est Éléonore. Il retient Nathalie, répéta-t-elle. Tu dois la sauver, ou tout ce que tu connais, tout ce que tu aimes, disparaîtra...

Vincent sentit un frisson glacial parcourir son dos. Sa gorge se noua.

— "Il" ? murmura-t-il.

C'est la troisième femme qui lui répondit. Son allure était différente, plus sauvage, presque pétillante. Ses longs cheveux blonds dansaient au gré d’un vent inexistant. Elle portait une robe beige, une ceinture fine à la taille, et une cape verte en laine. Ses bottes montantes en cuir brun usé, laissaient à penser qu’elle était une bergère. Elle incarnait la liberté sauvage et insouciante de la vie au grand air.

Elle sourit doucement avant de parler, sa voix teintée d’une mélancolie étrange :

— Je suis Lisandra. Un éclat d’effroi passa dans son regard. Il veut diriger le monde. Il fera entrer les Taal...

Yselda reprit, son ton plus solennel :

— Il faut l’en empêcher.

— Mais... comment ? souffla Vincent. C'était une supplique.

Yselda s’approcha, tendant une main éthérée vers sa poitrine.

— La topaze. Il veut la gemme. Tu ne dois pas lui donner. Il existe une porte, un miroir. Les pierres ouvrent les portes. Tu comprendras... au bon moment.

Ses mots semblaient chargés d’une puissance ancienne, chaque syllabe résonnant comme une incantation.

Puis, les trois jeunes femmes se mirent à murmurer, leurs voix entrelacées dans une harmonie troublante. Vincent ne parvenait qu’à saisir des bribes :

— ...le bon moment... celle des rêves... une autre... la pure...

Leur souffle s’amenuisa, se dissolvant dans l’air comme une brume légère. Yselda murmura une dernière phrase, presque inaudible :

"L'autre Topaze... Il ne faut pas..."

Vincent tendit la main vers elles, mais elles disparurent. Leurs formes s’évanouirent comme leurs voix, dans un nuage argenté.

Il resta seul, figé, le cœur battant à tout rompre. Leurs mots tournaient en boucle dans son esprit. Il laissa derrière eux un mystère plus grand encore. Une mission dont il ne mesurait pas l’ampleur.

Ces mots tournaient en boucle dans l’esprit de Vincent, tels des échos obsédants. Chaque pensée semblait nouée à une angoisse invisible, un avertissement impérieux qu’il ne pouvait ignorer. L’urgence de la situation le heurta de plein fouet.

Il se précipita hors de l’endroit onirique, son cœur lourd de certitudes nouvelles. Mais une question subsistait, vibrante dans l’ombre de son esprit :

Pourquoi tout semblait converger autour de cette pierre mystérieuse ?

Un éclair de souvenirs l’envahit soudain. Il se revoyait enfant, à Saint-Julien, ramenant fièrement cette pierre brillante trouvée dans les ruines. Son oncle lui avait alors raconté l’histoire étrange et inquiétante du Seigneur Sigmund d’Anduze, dont l’esprit avait été emprisonné dans une gemme précieuse.

"Une légende", avait-il pensé. Mais aujourd’hui, cette légende lui paraissait dangereusement réelle.

Il se réveilla en sursaut, le souffle court, trempé de sueur. Ce rêve avait une intensité inhabituelle. Chaque détail, chaque mot résonnait encore en lui comme une vérité pressante. Une pensée traversa son esprit :

"Nathalie... Où est-elle ?"

Il se leva précipitamment, mais dut se rasseoir aussitôt. Des vertiges le clouèrent sur place. La fatigue et la tension pesaient lourd sur son corps affaibli. Une fois ses esprits retrouvés, il se dirigea vers le lit d’Émilie. La jeune fille dormait paisiblement, Christine veillant à ses côtés.

— Mon Dieu, Vince, tu es pâle... confia-t-elle en se levant pour le prendre dans ses bras. Tu es sûr que ça va ?

— Oui, Chris, ça va. Et Emilie ? murmura-t-il, la voix encore rauque.

— Elle va bien, grâce à toi. Elle dort profondément.

Vincent observa sa filleule, son teint déjà plus serein. Il hocha la tête, soulagé, mais son regard trahissait une autre préoccupation. Il posa une main légère sur celle de Christine :

— Écoute, Chris... je dois partir. Embrasse-la pour moi quand elle se réveillera. Dis à Laurent que je l’appellerai demain.

Inquiète, elle le regarda partir sans insister.

Il quitta l’hôpital peu avant quatre heures. En chemin, Vincent tenta d’appeler Nathalie à plusieurs reprises, en vain.

Véronique  ouvrit  la porte de l’appartement. Elle eut peur de ce qu'elle y trouverait. Nathalie ne répondait ni à ses appels ni à ses messages. L'inquiétude l’avait poussée à venir vérifier.

Dès qu’elle entra, elle sentit quelque chose d’étrange dans l’atmosphère. Elle avança dans le salon. Elle y trouva son amie recroquevillée sur le canapé, les genoux repliés contre elle. Elle semblait s'être endormie brutalement. Son visage portait une étrange expression. Un mélange de tourment et d’abandon. Ses paupières fermées tremblaient légèrement. Ses yeux bougeaient frénétiquement sous ses paupières.

— Nathalie ? Véronique s’approcha doucement. Elle posa une main sur son épaule, la secoua légèrement.

— Nathalie, réveille-toi.

Mais elle ne bougea pas. Son souffle était léger, régulier. Aucune réaction ne venait troubler ce calme étrange, presque irréel. L’inquiétude de Véronique monta en flèche. Elle secoua son amie plus fermement.

Rien.

Elle recula brusquement, décrocha son téléphone et composa le numéro des urgences

Sa voix trahissait son angoisse :

— Mon amie... elle... elle ne se réveille pas ! Venez vite, s’il vous plaît !

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