8.Un bien beau secret
Il arrêta le moteur et observa à travers la brume sans sortir de sa voiture. Ses phares auraient probablement aidé à y voir un peu mieux, mais il ne fallait en aucun cas être repéré. Au bout de quelques secondes, il ouvrit la portière.
« Bon, on ne distingue vraiment rien. Et comme dit le dicton, mieux vaut un corps à corps en sachant qui on affronte qu’un duel de snipers à l’aveugle. »
Il s’avança sur le chemin de graviers menant à sa destination avec une étonnante légèreté jusqu’à atteindre un grillage rouillé. La barrière d’entrée à moitié rongée par les termites ne le retarda pas, pas plus que les obstacles anti-véhicules disposés derrière.
« My, my, on dirait que je suis au bon endroit. Donc normalement, dans le hangar que je discerne enfin… »
L’espion saisit tranquillement son 9mm et y fixa un silencieux tout en continuant d’avancer. Le brouillard dévoila un petit aérodrome en apparence abandonné, mais où il savait qu’il trouverait quelques… gentlemen avec qui discuter. Alors qu’il s’approchait de son objectif, des échos de voix lui parvinrent.
« Y paraît que le ministre de la défense veut doter l’armée d’avions allemands.
-Il est pas content des Mig ?
-Je sais pas, mais la rumeur dit qu’il recherche des anciens experts de Messerschmitt pour concevoir un nouveau chasseur.
-Peut-être qu’il ne jure que par la qualité allemande.
-Ça se pourrait. Il essaie toujours de mettre la main sur ce qu’on garde, d’ailleurs.
-Tu m’étonnes ! Vu combien on nous paie pour veiller sur ce truc paumé au milieu de nulle part, ça doit valoir une fortune ! »
Deux tirs à la tête mirent prématurément fin à la discussion. Les hommes s’écroulèrent lourdement pendant que William entrait dans le bâtiment le plus flegmatiquement du monde.
« Bonjour, bonjour. Une belle journée qui s’annonce, n’est-ce pas ? »
Les trois occupants de l’entrepôt se tournèrent vers lui en dégainant des armes de poing.
« Qui es-tu ? lui demanda un quadragénaire en costar noir.
-Un partenaire commercial, si vous baissez vos canons.
-Tu es le premier à trouver cet endroit, mais ta nonchalance pourrait bien faire de toi le premier à y mourir.
-Non merci, sans façon. Je préfère une discussion posée à un échange de tirs.
-C’est au-dessus de tes moyens, qui que tu sois.
-Je dispose de ressources que vous ne soupçonneriez même pas. Dites-moi seulement combien vous attendez.
-Quelle arrogance. Disons, un milliard de marks, ça te va ? »
Ceux qui étaient probablement ses subordonnés se mirent à ricaner, jusqu’à ce que l’agent réponde :
« Espèce ou chèque ?
-Pardon ?
-Eh bien, je n’ai pas de préférence, mais je ne sais pas pour vous, donc…
-Si je demande un chèque, qui signera ?
-Sa Majesté Elisabeth II.
-T’es un fou, toi. Je t’aurais bien laissé partir, mais vu que tu as découvert ce hangar – »
Une bille de plomb lui traversa le crâne avant qu’il ne termine.
« Excusez mon impatience », soupira son assassin.
Deux aiguilles longues d’une trentaine de centimètres vinrent se planter dans la gorge de ses hommes de main, après quoi William poussa un deuxième soupir.
« Les gens manquent vraiment de classe de nos jours. Mais bon, ça n’a plus grande importance désormais. »
Il s’approcha de l’immense forme recouverte d’un drap blanc qui occupait le centre de l’entrepôt et en retira le tissu. Un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres. Son geste avait révélé un élégant prototype d’avion de chasse d’un blanc immaculé. Ses ailes, partant légèrement en flèche, étaient situées à l’arrière, autour de l’hélice propulsive de l’appareil. Une fine dérive verticale surmontait le moteur, tandis qu’un plan canard assurait la stabilité sur l’axe de tangage. Enfin, quatre canons de 30mm dans le nez et un cockpit en forme de goutte complétaient le tableau.
« Magnifique. Un véritable Geheim Mk-III. »
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