Si Ayasha avait été aveugle

2 minutes de lecture

Mal installée sur une chaise qui aurait pu gagner un concours de l'objet le moins ergonomique au monde Ayasha se tenait droite. Sur la table devant elle, le va-et-vient incessant et les battements d’ailes frénétiques du griffon miniature emplissaient l'espace d'un carnaval de crissement des griffes sur le plastique de la cage et de petits cris perçants. Ce brouhaha incarnait un véritable gouffre de complications. Pour les détectives humains, c'était un animal exotique dangereux, pour elle, il s’agissait d’une raison de maudire sa meilleure amie : Camille. Une sorcière qui aurait pu être l'une des meilleures si elle n'avait pas la capacité de concentration d'une mouche dans une étable.

Ayasha se mordit la lèvre pour ne pas soupirer – ou insulter une amitié vieille de plusieurs siècles – et fit glisser ses doigts sur l'acier de la table. L'odeur de poussière et de vieux cuir imprégnaient l'air, mais le pire, c'était le grésillement constant de l'ampoule au plafond. Ce bruit de fond irritant, lui donnait des envies de meurtres, cette ampoule avait certainement connu l'invention de l'électricité !

Face à elle, le froissement des pages tournées lui rappelait l'ancien temps, à l'époque où les ordinateurs n'existaient pas et tout se faisait à la main. À l'odeur, Ayasha pouvait dire que le commissaire Dupré était probablement veuf ou célibataire. Son parfum lui faisait donnait envie de tousser : une senteur de vêtements trop longtemps oubliés dans la machine à laver, masquée par une eau de Cologne bon marché.

Les humains étaient trop bruyants et imprévisibles, mais surtout, ils posaient trop de questions, deux raisons pour lesquelles elle les évitait autant que possible. Et pourtant, elle était là, à devoir cacher sa véritable nature : une immortelle aux canines un peu trop acérées pour être socialement acceptables.

Qu'est ce qu'elle aurait aimé avoir des super-pouvoirs comme dans les films. Mais la réalité était bien plus prosaïque. Pas de métamorphose en chauve-souris, pas de super-force ni de super-vitesse, et certainement pas de charme hypnotique. À part une longévité ennuyeusement longue et un régime alimentaire qui excluait toute forme d'aliment solide, être un vampire n'avait rien de la superclasse vendue par la littérature et le cinéma. Et, ironie mordante à son existence éternelle, sa nature vampirique n’avait pas épargné ses yeux d'une cécité de naissance.

Elle percevait le tic-tac de l'horloge murale. Ah, si seulement elle pouvait voir l'heure ! Ses associés tardaient, et sans son téléphone, confisqué, elle ne pouvait que deviner combien de temps elle devait encore supporter cette torture olfactive et sonore.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lucie Feyre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0