Chapitre 4 - Une habitude dans la peau

2 minutes de lecture

Elle était encore assise quand la cloche discrète tinta à l’entrée.

Un son feutré, presque familier.
Une présence attendue.

Caëlyn se leva. Son regard glissa brièvement vers l’horloge.
Premier jour de semaine paire.
Toujours à la même heure. Toujours lui.

Il entra comme on rentre chez soi sans rien troubler.
Sans un mot. Sans surprise.

Thémor.

Elle ne connaissait pas son âge, ni son métier.
Seulement son prénom, noté une fois, il y a longtemps, entre deux sessions.

Il était l’un des rares à revenir.
Non pas pour tenter une émotion plus forte, mais au contraire pour retrouver la même :
la nostalgie douce.

Il retira son manteau de velours sombre, déposa la bourse à l’endroit exact, sans qu’elle le lui demande.

— Comme d’habitude ? demanda Caëlyn.

Il hocha la tête.

— Intensité légère. Deux minutes. Tatouage un jour. Clavicule droite.

Elle hocha la tête, sans lever les yeux.

Dans son carnet, elle nota :

Nostalgie. Légère. Deux minutes.
Tatouage : clavicule droite. Un jour.
Client : Thémor (habitué). Silencieux, ponctuel, précis.

Puis elle sortit un feuillet de papier crème. Elle y traça la phrase du jour :

Je me souviens de ce qui ne m’a jamais quitté.

Elle la posa sur le plateau d’argent.

Thémor s’approcha. Lut. Puis hocha simplement la tête.

Il défit les boutons de sa chemise.
Découvrit la clavicule droite.

Caëlyn déroula ses instruments. Il n’y avait aucune trace visible des précédents tatouages.
Les mots qu’elle lui avait inscrits les fois précédentes étaient partis depuis longtemps.

Rien ne reste sur les clients.
Ni en surface. Ni en profondeur.

Seulement dans sa mémoire, ou sur son propre corps.

Elle plongea la plume. L’encre noire glissa sur la peau de l’homme avec la fluidité d’un geste maîtrisé.

La phrase prit forme. L’émotion aussi.

Thémor ferma les yeux.
Un souffle s’échappa, léger.
Parce qu’il se sentait bien.
Parce que, pour deux minutes, il était enfin plein de quelque chose.

Caëlyn sentit le tatouage se graver à son tour sur sa clavicule.
Mêmes mots. Même emplacement.

Mais pas le même effet.

Rien.

Juste l’empreinte d’un battement étranger.

Quand ce fut terminé, Thémor remit sa chemise, lentement.
Il resta debout, face à elle, un instant de trop.

Puis :

— La prochaine fois, dit-il, j’aimerais peut-être essayer une autre émotion.

Caëlyn releva les yeux.

Il avait dit cela sans trouble, sans arrière-pensée.
Juste une idée posée sur la table.

— Pas maintenant. Mais bientôt, ajouta-t-il.

Et il partit.

Quand la porte se referma, le silence reprit toute la pièce.
Plus lisse encore qu’avant.

Caëlyn ouvrit son carnet.

Elle ajouta une note :

A évoqué l’envie de changer.

Elle laissa le carnet ouvert un moment.
Son regard se posa sur sa clavicule.

Je me souviens de ce qui ne m’a jamais quitté.

Mais elle, de quoi devait-elle se souvenir ?
Rien ne l’avait jamais habité.

Et pourtant, ce mot — changer — resta suspendu dans son esprit.

Pas comme une émotion.

Mais comme une idée.

Claire. Stable.

Troublante, simplement parce qu’elle persistait

Annotations

Vous aimez lire Gaïa Moon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0