Chapitre 5 – Tu n’es pas seule

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Caëlyn se tenait debout, les bras nus, face au miroir.

Elle venait de refermer son atelier, comme chaque soir.
Rangé, lavé, en ordre.
Tout était à sa place, y compris elle.

Un client avait demandé la mélancolie fragile.
Un autre, une réassurance douce.
Des émotions simples, passagères, bien calibrées.

Elle avait noté les bilans dans ses carnets.
Essuyé la plume.
Déroulé les bandages.

Sur son corps, les dernières phrases s’étiraient encore, nettes.
Elles disparaîtraient bientôt pour se loger dans sa chair.
Remplacées par d’autres.

Elle leva les yeux.
Et vit quelque chose qui ne devait pas être là.

Juste au dessus de sa poitrine.
Une phrase, fine et nette.
Fraîche.

Tu n’es pas seule.

Elle s’immobilisa.

Ce n’était pas sa calligraphie habituelle.
La courbe du s était trop ample.
Le pas semblait hésitant, comme si l’encre avait tremblé.

Elle toucha doucement sa peau.

C’était bien là. À la surface.

Un tatouage récent.
Impossible à ignorer.

Mais elle n’avait tracé aucune phrase à cet endroit aujourd’hui. Encore moins celle ci.
Ni hier. Ni avant-hier.

Elle recula d’un pas, vérifia ses bras, son cou, ses flancs.
Puis s’approcha de son carnet, rien.

Elle ouvrit d’autres carnets.
Feuilleta rapidement. Rien.

Elle n’avait jamais écrit cette phrase pour personne.

Et pourtant, elle était là.

Caëlyn resta debout un long moment.

Elle n’avait pas allumé la lumière d’Ysériade.
Elle ne l’avait jamais fait.

Ce qu’elle voyait, là, à la surface de sa peau, ne venait pas du passé.
C’était un tatouage récent.

Un mot qu’elle n’avait pas tracé, mais qu’elle portait.

Elle s’assit lentement, comme si son corps mettait plus de temps que d’habitude à obéir.
Et inscrivit une ligne dans un carnet vierge.

Anomalie : phrase apparue sans intervention de la plume.
Visibilité à l’œil nu → tatouage récent.
Position : Au dessus de la poitrine.
Formulation : Tu n’es pas seule.
Origine inconnue.

Elle referma le carnet.

Puis releva les yeux vers le miroir.

Elle ne ressentait rien.

Et pourtant, ce soir-là, elle resta longtemps sans bouger.
Pas par peur. Pas par trouble.

Mais par une absence moins vide que d’habitude.

Et c’était nouveau.

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