Chapitre 4 Léo

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Waco

Un mois et demi plus tard, Vendredi 14 septembre 1998.

J'arrive dans un nouvel orphelinat. Les orphelins du Texas, de la naissance à l'âge de douze ans vivent dans des familles d'accueil plutôt que des orphelinats. La famille d'accueil est l'option privilégiée, car elle est beaucoup moins cher que la construction et le maintien des orphelinats.

Les jeunes plus âgés, de douze à dix-huit ans, dont je fais partie, vivent dans des foyers administrés principalement par des groupes religieux. Dans ces conditions, les orphelinats peuvent être plus comme, un camp de travail ou de l'école Biblique de la vie de famille, mais au moins, ils gardent les enfants de la rue.

Je ne suis pas un adolescent facile et me retrouve souvent à faire pénitence. Je n'ai pas le droit de sortir de ma chambre, sans avoir mesuré les conséquences, que mes actes ont sur la vie des autres. Ensuite, je dois exprimer des regrets sur les fautes que j'ai commises. Inutile de vous dire que je suis mauvais élève.

Un soir, alors que tout le monde est dans la chapelle à prier je ne sais quel dieu, car s'il y en avait un, je ne serais pas orphelin, je plie mes affaires dans un sac poubelle. Puis, je me hisse sur les toits de l'orphelinat par l'escalier y menant, saute de toit en toit, pour finir dans les rues de Waco. J'en ai marre qu'on m'oblige à faire ce que je ne veux pas. Marre de ces adultes qui se croient plus intelligents, plus responsables... je peux me débrouiller seul, je sais me débrouiller seul ! Pas besoin de ces babouins en costume.

Je traîne pendant quelques jours dans les ruelles, évitant comme je peux, les cars de police sillonnant la ville. Inutile de me faire remarquer. Mon signalement a déjà dû être donné, donc je voyage en sous-marin, ne sortant que la nuit. Dormant dans des squats sous des cartons. Je me nourris des vols que je fais dans les étalages situés en extérieur, devant les épiceries.

Un bruit m'interpelle alors que je débouche dans une ruelle, un mec en train de se faire tabasser par deux autres. Je regarde la scène, penchant la tête de droite à gauche, essayant de deviner si le mec mérite ce qui lui arrive pour avoir volé ou si c'est une victime. Et puis... MERDE ! J'ai des envies de baston en ce moment, j'ai soif de sang, alors je ramasse un tesson de bouteille à l'entrée de la ruelle et je fonce dans le tas. Je plante le tesson dans la gorge du premier qui se retourne, surpris par mon action, en portant la main à son cou. Des saccades de sang s'en échappe et il tombe à genoux. Le deuxième se retourne en voyant son pote au sol, sortant une lame. Je vois que l'agressé est au sol en mauvais état. Je reporte donc mon regard sur celui qui me fait face, son couteau à la main.

— Espèce de petite ordure ! Tu vas crever pour ce que tu as fait !

Il s'avance vers moi à pas lents, les coudes légèrement pliés, balançant sa lame d'une main à l'autre. Il croit m'impressionner peut-être ? J'évite de justesse le premier coup mais ne suis pas assez rapide pour le deuxième qui m'entaille le bras. Je me recule, regarde ma blessure, passe mon doigt dessus et le porte à mes lèvres... humm... ce goût m'avait manqué... Le mec se rapproche de nouveau et je vois au coin de son œil droit, une étoile tatouée et là... je vrille... les images de la tête de ma mère, ses yeux vitreux, le corps sacrifié de mon père et ses yeux à lui. Celui qui est rentré dans ma chambre avec au coin de l'œil, une étoile noire. Certes, il l'avait à l'œil gauche mais le dessin est le même, même si l'homme lui ne l'est pas... Je ne me soucie plus de sa lame, je fonce et même lorsqu'elle me transperce le flanc, je ne sens rien. J'ai attrapé le mec à la gorge et je serre. Il est plus petit que moi et moins fort. Je le soulève contre le mur et continue de serrer. Ses mains ont lâché le couteau et se portent à présent, autour de mes poignets pour me faire lâcher prise mais je serre... encore et toujours... et quand ses bras retombent le long de son corps, que plus aucun mouvement ne vient freiner mes gestes. Je le relâche, il tombe à mes pieds. Je reste là, à fixer le mur en face de moi comme si je pouvais voir à travers. Je suis encore dans mon monde... encore à Peto dans cette chambre où un jour ma vie s'est arrêtée.

C'est un gémissement qui me sort de mon état, je ressens alors la douleur sur mon flanc droit, une brûlure et un ruissellement le long de mon pantalon. Je baisse les yeux et vois le manche de la lame sortir de ma peau. Je pose ma main gauche dessus, serre les dents et tire. La lame sort entraînant avec elle, un flot de sang... Je pose ma main pour contenir cet afflux, me retourne vers le mec au sol, puis me baisse vers lui. Il a un blouson en cuir, un jeans et des rangers. Il a le crâne rasé, une profonde cicatrice sur la joue, divers tatouages recouvrent sa peau, des têtes de mort, des écrits, des visages de femmes, mais autour de son cou à la base, la phrase Robbers*. Il me fixe de ses yeux bleus, un piercing sur le haut de la pommette.

— T'es qui toi ? me dit-il.

J'ouvre la bouche mais aucun son ne sort, comme d'hab. Je hausse les épaules, lui tends ma main qu'il attrape pour pouvoir se relever.

— Putain les enfoirés ! Je ne les ai pas sentis venir ces bâtards. Merci mon pote qui que tu sois... merci... viens, aide-moi à regagner ma bécane, elle est sur la mille quatre cent vingt-deux US soixante-dix-sept.

Je l'aide à rejoindre sa moto tout en me maintenant le côté avec l'autre main, mais mes forces commencent à m'abandonner. On arrive juste avant que je m'écroule le long de sa bécane et que le noir ne vienne m'envahir.

C'est une piqûre d'aiguille qui me sort du coaltar. J'ouvre les yeux puis me redresse en sursaut.

— Eh ! mollo petit, me dit un petit vieux...

Enfin, il a les cheveux blancs mais je ne sais pas quel âge il peut avoir.

— .. rallonge-toi que je termine !

Je baisse les yeux vers l'endroit qu'il me désigne et comprends qu'il était en train de me recoudre. Je me rallonge donc et sers les dents. J'en ai vu d'autres, je peux supporter une aiguille, pensé-je en serrant de plus en plus fort la mâchoire.

— Ok, c'est bon mon gars, tu peux t'asseoir maintenant, il faut que je te fasse un bandage. T'as de la chance, la lame n'a pas touché d'organes vitaux, ça aurait pu être pire.

Je le fixe sans rien dire.

— Ouais, c'est bien ce qu'il m'avait dit, une tombe... dès que tu te sentiras mieux, tu pourras te lever et rejoindre le Préz dans le bureau, au bout du couloir, il t'attend.

Je le regarde, interrogatif.

— Non... cherche pas à comprendre, il t'expliquera tout « Tumba ».

La tombe, pas mal trouvé. Il est vrai que je ne parle pas et que les punitions à Zamora étaient dans des cercueils donc, va pour Tumba.

Je me redresse aussitôt.

— OK... je vois que tu es déjà debout... ben alors... je te laisse rejoindre le Préz.

Bon, d'après ce que je comprends, j'ai dû tomber dans un club de motards. Préz doit être le président de ce club et je dois me présenter à lui, si j’ai bien compris. Pourquoi ? Je ne compte pas faire de vieux os dans cette boutique, donc je n'en vois pas l'utilité. Mais soit, je ne vais pas me mettre une bande de bikers sur le dos maintenant, donc autant aller voir ce qu'il me veut.

J'arrive devant la porte d'un bureau et frappe.

— Entrez ! me dit une voix grave.

Je pousse la porte et là... je tombe pile en face des billes du mec à qui j'ai sauvé les fesses.

— Salut mon pote, assieds-toi.

Je m'exécute et m’assieds sur un fauteuil à haut dossier, en cuir marron. Super confortable.

— D'où viens-tu ?

Je penche la tête sur la droite et le dévisage en plissant légèrement les yeux. Qu'est-ce qu'il croit ? Que, parce que je lui ai sauvé son derch et qu'il m'a soigné, on va devenir intime ? Il ne veut pas qu'on se roule des galoches non plus ?

— Ok, je vois que tu as autant de discussion que cette nuit. Écoute, je t'en dois une. Je me nomme Otario, je suis le président de ce club.

Je hoche la tête toujours en ne le quittant pas des yeux. Ne jamais tourner le dos... je l'ai appris à la dure.

— Ok Tumba, tu permets que je t'appelle comme ça ?

Je hoche de nouveau la tête.

— Bien, étant donné que je ne sais rien de toi voilà ce que je te propose. Je t'offre le gîte et le couvert, je t'offre la protection de mon club mais tout ça ce ne sera pas gratuit.

Je me relève, j'en ai assez entendu. C'est bon, j'ai donné, ce n’est pas encore un enfoiré qui va me gouverner. Je n'appartiens à personne, mon corps mais surtout mon âme est à moi et à personne d'autre, donc je ne la vendrai pas au diable.

— Attends bon dieu ! Je n’ai pas fini.

Mais moi si et ça, il va falloir qu'il l'intègre. J'ai peut-être seize ans mais je suis loin d'être tombé de la dernière pluie.

— Reste-là ! J'te dis.

Il me gonfle là.

— Diego !

La porte s'ouvre et un mastodonte entre dans la pièce.

— Écoute petit, je ne te veux aucun mal.

Ah ouais ? Sans blague ? Je commence à sentir une chaleur envahir mon corps, je me mords la lèvre tellement fort que le goût du sang envahit ma bouche. Je me retourne vers le Préz, comme on me l'a nommé. Je vois mon image dans la glace située derrière lui, mais je vois surtout mes yeux, chose que je ne peux jamais voir, quand la nuit m'envahit. Ils sont généralement d'un bleu turquoise mais là, je ne vois que mes pupilles noires. Il a dû sentir aussi le changement dans mon comportement, car je vois que son visage vient de se fermer.

— Eh ! Je ne te veux aucun mal, je te le répète !

Je fais un signe de la tête pour lui montrer l'autre abruti dans mon dos que je surveille grâce à la glace.

— Non... non... ce n'est pas ce que tu crois ! Ok ! J'ai compris tu ne veux pas avoir à prouver quoi que ce soit. C'est vrai que c'est plutôt moi qui t'en dois une. Donc, je vais faire une exception. Diego est là seulement pour te montrer ta nouvelle chambre... pas pour t'agresser... je veux que tu sois mon invité tout le temps que tu le voudras... je ne te demanderai rien en retour, pour l'instant.

Pour l'instant... il plaisante... je sers le poing et il doit s'en apercevoir.

— Ce n’est pas ce que j'ai voulu dire petit, je ne te demanderai rien tant que tu vivras sous mon toit. Je te dois certainement la vie, puisque Diego était plus occupé à niquer une gonzesse, qu'à protéger son Préz.

Je vois le mec dans la glace, baisser la tête.

— Mais ça, c'est un autre problème que je résoudrais plus tard. En attendant, tu es le bienvenu sous mon toit. Si tu te décides à rester parmi nous, nous reparlerons des détails ok ? Ça te convient ?

Je hoche la tête.

— Parfait ! Diego, montre-lui ses nouveaux appartements.

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