Chapitre 5 Léo

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Waco, 5 ans plus tard, juin 2003.

Cela fait cinq ans que j'appartiens au club des Robbers, leur maxime est « we are what we don't want for our children » (nous sommes ce que nous ne voulons pas pour nos enfants). J'ai préféré rester prospect, ne portant pas le logo de Robbers, juste le badge au nom du MC avec l'origine géographique, et mon surnom brodé sur le côté gauche vers le cœur. Je me tape les basses besognes mais je m'en cogne de leur club. Le trafic de drogue, la possession de stupéfiants très peu pour moi. J'ai quand même un statut privilégié, je peux refuser certaines tâches. Par contre, au niveau brebis c'est open bar. J'ai eu mon premier rapport avec Mandie, je venais d'avoir dix-sept ans. Le Préz a voulu fêter ça en m’offrant ce cadeau, étendu en étoile de mer sur mon lit. Elle devait avoir quarante ans mais ne dit-on pas que l'expérience prime sur la beauté d'une femme ? Il a su qui j'étais quand ma tête est apparue, dans la rubrique des disparitions, quelques semaines après mon arrivée. Il a appris mon nom et mon âge. Mon passé, il l'a laissé au passé et ne m'a jamais posé de questions, ou alors il connaissait déjà les réponses. Cela m'étonnerait qu'il n'ait pas essayé d'en savoir plus pour protéger les membres de son club d'une taupe éventuelle. A priori, ce qu'il a trouvé à dû lui plaire.

Mais le club vient d'être démantelé ce matin. Il est tombé pour possession de stupéfiants, trafic de drogues, port d'armes illégal, conspiration, racket, proxénétisme et j'en passe. J'étais en train de rentrer d'une inspection chez l'un de leur revendeur à Bellmead, sur ma Harley Davidson XLH SPORTSTER 1200, lorsque j'ai vu des cars de police stationnés devant le QG. Inutile de vous dire que j'ai fait demi-tour.

Cela fait deux heures que je roule, faisant le tour de la ville me demandant ce que je vais faire maintenant. Je connais toutes les avenues, les rues et les ruelles de Waco. Donc forcément à force de tourner et de retourner, je tombe à Timbercrest, un quartier tranquille de Waco.

Je m'arrête sur la quatre mille deux-cent dix-huit Hermosa Dr, près d'un petit lac et d'une aire de jeu. Je gare ma moto et commence à me diriger vers le point d'eau. Des femmes et leurs enfants occupent le parc avec ses balançoires et ses pistes cyclables. J'attends les cris et les rires des enfants, je trouve cela reposant. J'ai toujours aimé les gosses. Peut-être parce que j'en ai beaucoup côtoyé à Zamora. Des petits qui crevaient la dalle et que je nourrissais parfois avec la chair des rats que j'avais tué. Putain d'orphelinat de merde !

Je m'assieds sur un banc pour regarder les canards patauger, heureux. Je dois être planté là depuis deux bonnes heures, quand j'entends des cris. Je me retourne pour voir d'où cela provient et je vois une bande de branleurs, agresser les femmes qui sont présentes avec leurs gosses. Je me redresse lentement, serre les poings, dénoue ma nuque de droite à gauche. Je sens la chaleur envahir mon corps. Je me dirige vers les cris, ouvre lentement le petit portillon entourant le jardin d'enfants. Il grince sur ses gonds, ce qui fait tourner la tête de l'un des agresseurs. Ce sont des drogués, des enfoirés de drogués... je ne peux pas les voir ceux-là ! Cinq ans à les fréquenter, cinq ans à les entendre chouiner parce qu'ils n'avaient pas eu leur dose. Puis, leurs promesses de rembourser leurs dettes etc ... etc... Ils me sortent par les yeux. Je m'avance à pas lents, du haut de mes un mètre quatre-vingt-treize et mes quatre-vingt-douze kilos, ce ne sont pas trois petites fiottes qui vont me ruiner mon après-midi au bord de l'eau. Ils en ont après une femme, elle est belle, les yeux bleu lagon, cheveux longs châtains. Ils la maintiennent à deux, l'autre essayant de la dévêtir, les mamans autour sont choquées mais aucune d'entre d'elles, n'a le réflexe d'aller chercher de l'aide ou de prendre son portable pour appeler les secours. Bon sang qu’elles sont cruches !

Celui qui m'a vu, c'est celui qui essayait de la déshabiller.

— Qu'est-ce que tu veux toi ? me hèle t'il.

Je pourrais répondre « ta tête enfoiré ».

Je penche la mienne à droite, je le fixe et je sens monter en moi cette bouffée de chaleur. Il se dirige vers moi, sortant un gun... pff... pathétique... Il tremble sous le manque de coke, s'il arrive à me toucher ce sera un miracle. Je me retourne vers les mères et leurs gosses pour leur faire signe de dégager de là. Ça pourrait être dangereux avec un camé qui tient un pétard, elles comprennent et sortent de l'air de jeux, en courant avec les mioches dans les bras...

— Dégage connard !

Je passe ma main droite à l'arrière de mon jeans. Le mec stresse.

— Qu'est-ce que tu fais ? Lève tes mai...

...mains ?... je suppose qu'il voulait dire, mais la lame au milieu de son front et son air ahuri me dit qu'il n'a pas eu le temps de finir sa phrase. Il tombe droit en arrière. Les deux autres se précipitent vers moi, en hurlant qu'ils vont me crever. Je ne peux pas sortir mon arme avec la femme à terre, une balle perdue et c'est un malheur qui s'abattrait sur sa famille. Je suppose qu'une aussi belle femme ne peut être que mariée.

Je sens une pointe transpercer mon flanc. Pendant que j'en ai chopé un par la gorge, l'autre en a profité. Bon sang, ils n’en ont pas marre de m'empaler. Je mets un coup de tête au premier et le balance au sol pour le terminer avec un coup de godasses dans sa face de rat. J'évite une nouvelle attaque du second, en me décalant juste à temps sur le côté. Ce dernier peu costaud sur ses jambes finit à genoux dans le sable. J'en profite, le chope par l'arrière, mon bras autour de son cou et serre... serre... le type se débat... puis, plus rien. Je le lâche, il tombe tête la première, je me relève, regarde à côté de moi si l'autre est toujours dans le coaltar, comme il a toujours l'air au pays des songes, je sors mon portable, prends en photo les trois gus, puis envoie un sms au flic avec qui Otario traitait. Ce dernier n'a pas pu éviter le démantèlement du club, au risque de se griller comme flic ripou.

Je brise ensuite mon téléphone à clapet en deux, après avoir retiré la carte sim, que j'avale. Y'a pas mieux que les sucs gastriques pour détruire des preuves.

Je me dirige vers la femme qui a l'air d'avoir une quarantaine d'années. Je m'agenouille à côté d'elle, lui dégage doucement le visage, ses cheveux lui tombant devant les yeux. Elle a un geste de recul. Je lui souris... enfin j'essaie... ce n'est pas vraiment un exercice que je maîtrise. Elle me regarde ou plutôt elle me fixe.

— Merci dit-elle, merci.

Les larmes commencent à dévaler ses joues.

— Si vous n'aviez pas été là... mon dieu... pleure t'elle.

Je lui tends la main, elle l’a saisie, essayant de se relever mais retombe à genoux immédiatement, se plaignant de la cheville. Mes yeux se portent dessus et je vois qu'elle est enflée, elle a dû se faire une entorse. Je passe mes bras sous ses genoux, ma main dans son dos puis je la soulève. Elle se laisse faire et passe ses bras autour de mon cou pour se tenir. Je me dirige vers ma moto, la pose en amazone sur la selle de ma bécane, j'enjambe ma Harley et démarre. D'un regard, je lui fais comprendre que j'attends ses instructions pour la ramener chez elle. Elle hoche la tête dans un signe de compréhension et m'indique son adresse. J’entends les sirènes des flics au moment où nous partons.

J'arrive devant un grand portail en fer forgé. Un grand mur en pierre entoure la propriété. Au-dessus du portail, en forme d'arche, des lettres ont été formées en fer forgé et nomment la demeure « Sudden Death ». Des caméras se tournent vers nous et le portail s'ouvre. J'enclenche la première et entre dans la cour gravillonnée. La maison est juste magnifique.

Je vois la porte d'entrée s'ouvrir et un homme grand, carré et portant un Cut* de cuir sur un tee-shirt noir, où est inscrit son statut de Préz, sortir. Il porte un jeans et des boots noirs. Ses bras sont tatoués de visage de femmes, de prénoms, d'enfants et bien entendu comme tout bon motard, de têtes de mort. Il abhorre l'emblème de son club avec sur son bras gauche, une tête de mort plantée de deux lames et les initiales SD dans chaque orbite. Écrit en forme d'arc au-dessus et en dessous, la maxime « Your war is my war, for traitor Sudden Death », le ton est donné. Il a les cheveux courts poivre et sel ; une barbe avec une moustache bien taillée ; des yeux bleus. A ses côtés, deux gars viennent le rejoindre et ils se dirigent tous trois vers nous rapidement.

Je suis descendu de ma moto, j'ai repris dans mes bras la femme et vais également à leur rencontre.

— Alexandra ! dit l'homme récupérant mon paquetage. Que s'est-il passé ?

Il me jette un coup d'œil mauvais comme si j'étais responsable de l'état de cette gonzesse.

— Ce jeune homme m'a sauvée, Lewis, s'il n'avait pas été là... mon dieu... Ils étaient trois... trois drogués au parc... ils m'avaient... Ils m'avaient attrapée et ils voulaient me... Oh... mon dieu, se remet t'elle à pleurer...

— J'vais les crever ! Mike, Joe ! Au parc ! retrouvez-moi ces fils de pute.

Je me déplace pour leur bloquer le passage, et faire non de la tête.

— Qu'est que... laisse les passer ! T'es qui ? Tu les protèges ces fumiers !

— Arrête Lewis ! S'il ne veut pas que vous y alliez, c'est parce qu'ils sont morts ! Au moins deux sur trois, mais le troisième n'aura pas le temps de reprendre connaissance avant que les flics les ramassent.

— Les flics ? dit-il

— Oui, reprend t'elle, Tumba si c'est bien son prénom qui est inscrit sur son blouson, les a photographiés et envoyés leurs têtes aux flics, avec l'adresse du parc. Il me l'a montré et ensuite il a détruit son portable et a avalé la puce.

— D'où tu sors putain ?

De ton derch, ai-je envie de dire mais est-ce vraiment le moment de plaisanter ? Comme je ne réponds rien, il s'approche de moi. Je tiens toujours ce que je suppose être sa femme dans les bras.

— Ok...Tumba... bienvenue chez nous... suis moi, on va te soigner car j'ai l'impression que tu as une vilaine blessure sur le côté.

Je baisse les yeux, touche mon ventre avec mon index et je vois qu'il est rouge. Je savais bien qu'il m'avait planté, je l'ai senti. Je lève mon doigt vers mes lèvres et en goûte la saveur... que j'aime ce goût.

— Ok... reprend t'il, je vois... viens.

Nous entrons dans sa demeure, elle est immense. Nous arrivons dans un salon salle à manger ouvert sur une cuisine toute équipée. Sur la droite se tient la cuisine, les placards sont gris clair avec un îlot central où se situe l'évier. Au-dessus de celui-ci, trois luminaires suspendus avec leur abat-jour en forme de tulipe. Les plans de travail sont en marbre chiné gris ; l'électroménager est couleur inox ; le sol est en carrelage, il est dans les tons beige gris. Ce sont des grands carreaux et ils composent également la partie salle à manger, se situant dans le prolongement de la cuisine, vers le fond, près d'une baie vitrée. En face de l'îlot, il y a le salon, composé d'un canapé en L et d'un fauteuil dans les tons taupe ; au centre, une table de salon blanche, avec un plateau inférieur de même couleur et un dessus en bois clair. Contre le mur en face, une cheminée en pierre vient parfaire le décor. Le sol est en parquet marron foncé. On peut voir à travers les grandes baies vitrées qui me font face, une piscine... bon sang, de par la grandeur, je dirais que c'est une piscine olympique.

— Allons dans la salle d'examen, me dit-il en déposant sa femme sur le canapé. Allan, appelle le doc, Alex a été agressée et sa cheville à l'air enflée.

— Ok Préz.

Cet Allan est blond, cheveux rasés, yeux bleus, je dirais un mètre quatre-vingt-cinq pour quatre-vingt-quinze kilos. Il est plus petit que moi, il est tatoué de la tête aux pieds, je me demande s'il lui reste une parcelle de peau sans encre mis à part son visage, même s'il a commencé à tatouer ses tempes.

Je suis Lewis dans un des couloirs qui se situe sur la droite, nous le longeons puis dépassons deux portes. Il ouvre la troisième où je découvre un bureau, il me fait toujours signe de le suivre puis s'approche de sa bibliothèque, située sur la droite de la pièce. Il lève le bras vers la dernière étagère, bascule un livre, la bibliothèque coulisse, comme par magie, sur la droite le long du mur. Je le suis et nous entrons dans une salle où tout est blanc, du sol au plafond, en passant par les murs. Carrelage blanc au sol, murs et plafond peints en blanc. Un évier dans le fond, diverses armoires renfermant des produits et du matériel, il me semble. Au milieu de cette pièce une table d'examen.

— Allonge-toi, le doc arrive.

Je m'exécute en retirant mon blouson et mon tee-shirt. Le Préz se rapproche de moi pour inspecter ma blessure de plus près.

— Ok, à priori ça n’a pas l'air très méchant. On dirait que tu es coutumier du fait, au vu de la cicatrice que tu as de l'autre côté, à peu près au même endroit. J’ai l’impression que tu aimes te faire embrocher, se marre t'il.

Qu'est-ce que je disais, on en revient exactement à la même conclusion.

— Mais, je dirais aussi que les diverses cicatrices qui parsèment ton corps ne font pas de toi un homme tranquille. Dois-je me méfier de toi ? continue t'il en me dévisageant, j'ai vu que tu avais le badge des Robbers mais tu ne portes pas leur logo. Étais tu prospect ?

Que de questions bon dieu, qu'est-ce qu'il me saoule, faut que j'arrête de sauver la veuve et l'orphelin, ça devient vraiment casse-bonbons de subir un interrogatoire à chaque fois.

— Je vois, t'es pas un grand causeur. Vu que tu as sauvé ma femme, je me dois de te soigner mais tu comprendras, que je ne peux pas te garder ici. Je ne connais rien de toi, j'ai ma famille à protéger. Tu comprends ? Je connais très bien Otario, on a bossé ensemble sur quelques affaires, je vais voir si je peux le contacter, vu que tu ne veux rien lâcher. De là, je prendrais ma décision.

Je hoche la tête. Bien sûr que je comprends, je n'en attendais pas moins de lui. Il a raison, ne jamais faire rentrer un renard dans un poulailler, sans savoir s'il est affamé d'abord. Il sort de la pièce et je me retrouve seul à fixer le plafond. Le doc pénètre deux minutes plus tard, il nettoie et recoud ma plaie à vif. Il a voulu m'injecter je ne sais quel produit, mais si la méfiance est valable dans un sens, elle l'est aussi dans l'autre. Hors de question qu'on endorme une seule partie de mon corps, je veux être à cent pour cent.

Le doc finit sa couture et bande mon ventre. Il me dit d'attendre dans la pièce le retour du Préz mais ne referme pas la porte comme l'avait fait son chef. Je reste donc allongé, à mater les néons au-dessus de ma tête, quand j'entends du bruit venant de ma droite. Je me redresse comme un ressort et je vois une ombre se dissimuler derrière le panneau de bois. C'est quoi ce bordel ? Je reste à l'affût, attendant de voir si c'est ma vue qui déconne, ou si j'ai vraiment vu quelque chose. Puis, je la vois... d'abord, quelques mèches châtain clair, puis un œil bleu lagon suit un petit nez rond et une petite bouche toute rose, découvrant de jolies dents. C'est une enfant, une très jeune enfant... peut-être sept voir huit ans ? Elle finit par sortir de sa cachette, elle a une petite robe à carreaux de couleur rose et bleu ; des petites socquettes blanches avec des petites chaussures en cuir blanc, elles ont une petite bride sur le dessus. Elle a mis ses mains derrière son dos et se balance de gauche à droite. C'est adorable. Cette gamine est juste magnifique.

— Bonjour toi, me dit-elle, comment tu t'appelles ?

Je hoche les épaules.

— Tu n'as pas le droit de parler ?

Je fais si de la tête

— Ben alors pourquoi tu ne parles pas ? continue-t-elle.

Je lui montre en portant la main à ma bouche et en mimant avec sa tranche, un couteau, comme si on m'avait coupé la langue.

— Oh ! fait-elle, on t'a coupé la langue ?

Je ris et je crois que ça fait très longtemps que je n'avais pas ri. Elle continue sur sa lancée.

— Ben moi, si on me coupait la langue... ben je serais malheureuse... parce que je ne pourrais plus chanter et parler avec mes amies. Et toi, tu n'es pas malheureux ? Maman, ben elle dit que je parle beaucoup trop et avec n'importe qui... qu'il faudrait que je fasse attention car y'a des messieurs qui peuvent être méchants. Tu es méchant toi ?

J'en peux plus, je crois qu'à ce moment-là, j'explose de rire et bon dieu que ça fait du bien. Je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai ri comme cela, mais à voir sa petite mine de chipie et toutes ses questions auxquelles je n'ai pas pu répondre, mais qui continuaient de s'enchaîner avec un débit intense, j'ai craqué.

Je la vois se diriger vers la table où le doc a posé tous ses ustensiles, sans jeter la seringue. Bien entendu, avec la rapidité d'une enfant de son âge je vois qu'elle s'en saisit et qu'elle va se la planter dans le bras, alors qu'elle contient encore l'anesthésiant, qu'il ne m'a pas injecté.

— Non ! crié-je en me précipitant sur la petite et la seringue.

...Ben ça alors... j'ai parlé ? Le problème est, que je l'ai fait se retourner rapidement, la seringue pointée vers moi ... je sens l'aiguille perforer ma peau. La petite me regarde bouche bée et j'entends derrière moi une voix.

— Nini ! Qu'est-ce...

Puis plus rien, le silence... bizarre ce silence.

J'ouvre les yeux, l'éclairage n'est plus blanc mais jaune, je dirais, un éclairage de lampe de chevet que je découvre sur la gauche en tournant la tête. Je suis... dans un lit ? Qu'est-ce... Je me redresse comme piqué par une guêpe. Mon regard fait le tour de la pièce, je vois assis dans un fauteuil, au bout du lit à gauche, dans un coin, un jeune homme qui vient de parler au téléphone, il raccroche puis me regarde. Il pose ensuite sur son siège, le livre qu'il devait feuilleter avant de passer son coup de fil et vient à ma rencontre.

— Bonjour, je m'appelle Chris. Mon père m'a dit de surveiller ton réveil, après que ma sœur t'ait anesthésié, me dit-il

Je ne comprends pas ce qu’il veut dire.

— Je sais, tu n'as pas l'air de tout comprendre. Ma frangine n'a pas trouvé mieux que de te planter l'aiguille dans le ventre, elle contenait de l'anesthésiant, t'es tombé comme une masse au moment où je venais de la retrouver.

Je hoche la tête et la porte s'ouvre à ce moment-là. Alexandra, la femme que j'ai sauvé de ces trois timbrés, entre dans la pièce sur des béquilles, elle est suivie de son mari donc, Lewis... et de la petite coquine.

— Bonsoir...Tumba ? me dit-elle

D'une voix presque aphone, je lui réponds

— Je... m'appelle... Léo.

— Salut Léo, me dit Lewis. En effet, j'ai eu un de mes contacts, il a réussi à échapper aux flics. Il m'a retracé vite fait les années que tu as passé avec eux, ainsi que ton prénom. Les années avant, ne sont d'après lui, qu'entre toi et Otario. Il m'a indiqué également, qu'ils n'ont jamais entendu le son de ta voix, alors je suis heureux que ma fille ait réussi ce miracle avec une seringue, d'après ce qu'a vu mon fils.

— Nikita, dit Alexandra, n'as-tu rien à dire à... Léo ?

— Excusez-moi Monsieur Léo, je n’ai pas voulu vous faire mal, mais vous m'avez fait peur quand vous avez crié, c'est pour ça... ce n’est pas vraiment ma faute en fait parce que...

— Nikita ! grogne Lewis, il me semble que ce ne sont plus des excuses que tu fais, mais des reproches !

— mais papa...

— ... non, jeune fille ! Tu dois assumer tes erreurs, reprend t'il

— Ce... n'est pas... grave, dis-je la voix toujours éraillée et basse.

— Pour moi, il est important que mes enfants reconnaissent leurs erreurs et en retiennent les leçons, tu as compris jeune fille.

— Oui papa, chuchote t'elle, la tête baissée vers ses petits chaussons.

Je ne sais pas quelle heure il est, mais je dirais qu'elle n'allait pas tarder, à aller se coucher avec son petit pyjama, Mickey et Minnie, rose.

— Bien, vous pouvez nous laisser ma chérie, il faut que l'on parle, dit-il à sa femme.

— Oui bien entendu, bonne soirée Léo, Rosa viendra vous porter de quoi vous restaurer, lorsque mon mari aura fini son discours, me dit-elle avec un sourire et un regard pleins d'étoiles, en direction de son homme.

Je peux voir qu'ils ont l'air d'être très épris l'un de l'autre. Leur amour éclairerait cette chambre, si leurs yeux étaient des phares, j'en suis persuadé. Elle emmène la petite avec elle, puis sort.

Lewis se retourne vers moi, rapproche le fauteuil pour s'installer à mes côtés, son fils Chris reste debout derrière lui.

— Je sais qu'on ne se connaît pas du tout mais appelles ça de l'intuition, ou je ne sais quoi d'autre, je sais que je peux te faire confiance. Ce que m'a dit le gars de Robbers, n'a fait que confirmer cette impression.

Je hoche la tête, que puis-je faire d'autre ? J'attends la suite car je sens que ma vie va prendre un nouveau tournant.

— Je cherche une personne de confiance pour assurer la sécurité de mon fils ici présent, me dit-il en désignant avec son doigt, l'arrière de son dos.

— Mais papa ! dit le gamin

— Il ne me semble pas t'avoir dit de parler !

— Mais... j'ai besoin de personne !

— Chris ! grogne le père en se levant et en lui faisant face. Soit, tu acceptes mes conditions, soit, tu ne sors plus de la propriété ! Suis-je assez clair !

— Ça m’saoule !

— Pardon ! Qu'est-ce que tu viens de dire ! répond t'il en commençant à élever la voix

— Rien... c'est bon...

— C'est moi qui dis quand c'est bon ! Alors maintenant, je ne veux plus t'entendre est ce clair ?

— Oui Pa'.

— Parfait ! Donc Léo, si tu veux faire partie de notre famille, tu es le bienvenu. Tu ne passeras pas par la case prospect comme tu l'as été pendant cinq ans chez les Robbers. D'après ce que j'ai compris, tu n'as jamais voulu devenir autre chose, mais j'ai besoin de toi comme garde du corps, car ce petit con derrière moi, ne se rend pas compte qu'il met sa vie en danger, lorsqu'il lui prend de faire des virées avec son pote Anton, dans Waco. Je suis le président des Sudden Death et beaucoup voudraient me voir mort pour s'étendre sur mon territoire. Enlever ou tuer un de mes enfants m'anéantirait, contrairement à ce que croit cet imbécile, continue t'il en regardant son fils puis en revenant vers moi. Ils savent que mes enfants et ma femme sont mes points faibles, ce n'est un secret pour personne malheureusement. S'il y a une chose à retenir dans cette vie, c'est qu'il ne faut jamais dévoiler ses points faibles, mais pour moi c'est trop tard. Je te laisse la nuit pour réfléchir à ma proposition, ta décision sera respectée. On te laisse te reposer, je vais demander à Rosa de t'apporter ton plateau. Bonne nuit Léo, on dit que la nuit porte conseil, donc à demain.

Je vois que le gamin fait des grimaces derrière le dos de son paternel. Il est vrai qu'il aurait besoin d'être remis un peu sur les rails. Il ne s'imagine pas ce que le monde extérieur peut vous faire si vous n'y êtes pas préparé. Le taf* me plairait assez mais je préfère, comme il l'a si bien dit, prendre la nuit pour y réfléchir.

J'entends frapper à la porte, elle s'entrouvre sur une petite femme, pas plus d'un mètre cinquante mais d’au moins quatre-vingt-dix kilos, elle doit avoir dans les quarante-cinq ans. Elle a la peau mate ; les cheveux noirs tirés en arrière dans un chignon serré ; les yeux marron foncé ; des lèvres pleines et un nez écrasé. Je pense qu'elle est mexicaine.

— Hola señor*

— Hola señora*

— Hablas español ? *

— Sí, réponds-je, la voix encore basse.

— Te traje tu bandeja*

— Gracias señora*

— Me llamo Rosa y tú*

— Soy* Léo

— Bienvenido a señor Nicolson, señor Léo y buen apetito*

— Gracias, señora Rosa

Elle ressort de la chambre après avoir déposé le plateau repas sur mes genoux. Je soulève le couvercle et une bonne odeur m'arrive aux narines. C'est un gratin de pommes de terre, avec du bacon et du cheddar. Le dessert est une part de gâteau de boston, un gâteau qui a dans son centre de la crème pâtissière et sur le dessus, une ganache au chocolat. Une bière accompagne mon repas. Si tous les menus sont comme ça, ben... je crois que je ne vais pas réfléchir à deux fois. Chez les Robbers, ils n'avaient pas une cuisinière aussi talentueuse.

Tout en mangeant, je fais le tour de la pièce avec mes yeux. Le mur derrière moi est gris foncé, les autres sont blancs ; les tables de chevet sont blanches avec un plateau coloris chêne et un tiroir. Les lampes de chevet ont un pied en forme d'entonnoir retourné, avec un tube inox le continuant pour accueillir la douille, un abat-jour blanc le termine. Un autre abat-jour d'un diamètre de quarante-cinq centimètres environ, est situé au centre de la pièce, il est noir en extérieur et cuivré à l'intérieur, donnant une lumière chaleureuse ; le lit est king size, il doit faire deux mètres sur deux ; le sol est en carrelage gris cérame. Sur le mur en face de moi, se tient une télévision de quarante-trois pouces. De chaque côté de la télévision, à un mètre environ d’espace, il y a une porte. Une à droite et une à gauche. Je pose mon plateau sur la couette à côté de moi puis me lève doucement. Mon équilibre dû au reste de l'anesthésie je suppose, est un peu précaire, ou c'est la perte de sang qu'a engendrée ma blessure. Je me dirige donc, d'un pas lent, vers la première porte que j'ouvre, me méfiant de ne pas tomber sur la chambre d'à côté. En fait, non, il y a une salle d'eau avec douche à l'italienne, un lavabo et un WC séparé par une petite cloison. Je ressors et me dirige vers l'autre porte. Je l'ouvre également doucement au cas où. Derrière cette dernière, je découvre un grand dressing, vide... donc personne ne vit dans cette chambre. Quoique... c'est mes fringues posées sur la table basse centrale ? Ce qui me fait me poser la question, comment suis-je habillé ? Je suis sorti du lit sans faire attention à ce que je portais, en me regardant, je vois que j'ai un bas de pyjama, style jogging gris avec un tee-shirt blanc. Ok... je ne sais pas qui m'a foutu à poils, ni qui m'a habillé, mais est-ce vraiment important ? Non.

Je retourne dans la chambre au moment où l'on frappe.

— Oui, réponds-je toujours la voix faible.

Rosa apparaît avec le sourire, venant récupérer le plateau, abandonné sur le lit.

— Le gustó la comida? * me dit elle

— Ha estado delicioso, gracias*

— Muy bien * me répond t'elle, Puedo traerle algo más?*

— No, gracias señora Rosa

— buenas noches*, señor Léo

— buenas noches, señora Rosa

— Solamente* Rosa, me dit elle

— De acuerdo, solo Leo, réponds-je en souriant

— Sí Léo, fait-elle en quittant la chambre.

Je sens qu'après ce bon repas et les évènements de la journée, mes paupières se font lourdes. Je regagne mon lit, me glisse sous la couette et me dis que demain, je vais avoir une décision à prendre, partir ou rester.

Lexique :

Robbers* : brigands, voleurs

Cut* : Veste de cuir sans manche

Taf *: argot signifiant travail

Te traje tu bandeja* : je t’ai apporté ton plateau

Hablas español ?* : tu parles espagnol

Gracias señora* : merci madame

Me llamo Rosa y tú* : je m’appelle Rosa et toi

Soy Léo* : je suis Léo

Bienvenido a Monsieur Nicolson* : bienvenue chez Monsieur Nicolson

y buen apetito : et bon appetit

Le gustó la comida?* : le repas vous a plu

Ha estado delicioso, gracias * : C’était délicieux merci

Muy bien, Puedo traerle algo más?* : Très bien, voulez-vous autre chose

No, gracias* : non merci

buenas noches* : bonne nuit

Solamente * Rosa : seulement Rosa

De acuerdo, solo Leo* : D’accord, seulement Léo

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