Chapitre 11 Léo
Waco, 1er avril 2019.
Il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts depuis ce fameux jour où j'ai secouru Alexandra Nicolson. De l'eau et des tonnes de boue... un merdier sans nom... une suite de malheur a frappé cette famille, j'en ai été le témoin et l'acteur pour faire payer ceux qui avaient péché. En regardant Ghost attendre sa dulcinée, je me replonge dans mes souvenirs.
Ce fameux soir de juin deux mille trois, où Monsieur Nicolson m'a proposé la place d'agent de sécurité auprès de son fils, âgé alors de quatorze ans. Une vraie teigne.
Jusqu'à l'âge de ses dix-huit ans, il n'a cessé de se confronter à son père. Il a accumulé des délits avec son pote Anton, ils se sont souvent retrouvés derrière les barreaux pour bastons, la plupart du temps. Mais aussi pour dégradation de leur lycée, parce qu'un prof lui avait mal parlé ; ou destruction de biens publics, sur les abris de bus ou même dans les bus.
A dix-huit ans, son père a décidé de l'envoyer en internat à New York. Nous avons pris l'avion et je l'ai accompagné jusqu'à la porte du campus, mais deux jours après, l'internat nous a appelé, Chris avait disparu.
Tout le monde a été mis sur le gril pour retrouver son fils, ne sachant pas si c'était un enlèvement ou une fugue. Vingt-quatre heures plus tard, on apprenait qu'il venait de s'engager dans les marines. Son père s'est refermé comme une huître, j'ai cru qu'il ne s'en relèverait jamais. Alexandra a été son plus grand soutien. A deux, ils ont réussi à surmonter cette épreuve. Elle ne lui a jamais reproché l'enrôlement de leur fils, à cause de son envoi en internat. Ils ont fait front ensemble. Monsieur Nicolson n'a plus été le même homme après cela, il est devenu sans pitié auprès de ses ennemis. Il a imposé son club, anéanti ceux qui se mettaient en travers de sa route. Moi, j'ai fini par être le garde du corps de Nikita.
Mais un an après, l'armée a contacté mon boss, son fils avait été rapatrié comme blessé de guerre. Ils lui demandaient de venir le récupérer. Nous avons pris le premier avion. Dès qu'il a vu son fils en fauteuil roulant, Lewis s'est écroulé à ses genoux. Jamais je ne l'avais vu dans cet état-là, jamais il ne nous avait montré ses larmes, mais ce jour-là, il s'est effondré dans les bras de son fils, lui demandant pardon. Chris avait bien changé, la guerre était passée par là. On pouvait voir dans ses yeux, toutes les horreurs qu'il avait dû voir, tout ce qu'il avait dû faire pour survivre... Il était détruit physiquement mais aussi moralement. Lui qui n'avait vécu que dans l'opulence, cajolé par ses parents, il ne connaissait rien de la dure réalité et de la cruauté que les hommes pouvaient renfermer. Il pensait être un petit caïd à Waco, il a dû voir ce que c'était la vraie vie en dehors des murs de sa maison. Seulement, il a choisi la plus dure d'entre elles. L'être humain renferme bien des démons et s'il les laisse sortir, ce ne sont pas des humains mais des bêtes sauvages qui apparaissent.
A son retour à Waco, il s'en est suivi trois opérations puis une année de rééducation, une année à déguster. Des éducateurs se relayaient pour lui réapprendre à marcher. Il avait pris des éclats d'obus dans les jambes et avait eu une rotule explosée.
Mais ce n'était pas un gamin ou devrais-je dire, un homme à baisser les bras. Une fois son moral revenu grâce à son entourage, mais surtout à sa petite sœur, il avait décidé que rien, ni personne ne l'empêcherait de retrouver l'usage total de ses jambes. Un an après, il marchait de nouveau, en boitant légèrement mais les médecins lui avaient dit que vu son jeune âge, tout reviendrait à la normale. La prothèse de son genou ne lui apporterait pas de gros handicap.
Nous avons vu débarquer Falco, un an plus tard. Chris nous a expliqué que cet homme lui avait sauvé les fesses, et qu'il désirait que son père l'intègre dans le club. Ce qui fut fait, en tant que sergent d'armes. On ne pouvait rêver mieux. S'occuper de la discipline interne, des conflits potentiels avec les autres gangs, avec sa force physique et son ardeur au combat, étaient ses atouts principaux. Il savait se faire respecter, donc le poste lui collait à la perfection.
Mais ceux qui disent que le malheur ne frappe pas deux fois à la même porte, se trompe lourdement.
Trois ans plus tard, en septembre deux mille douze, sa petite sœur âgée tout juste de dix-huit ans disparaissait, enlevée devant une boite de nuit, laissant Falco dans une mare de sang sur le parking, en essayant de la protéger. Nouveau déchirement, nouvelle explosion de violence pour retrouver Nikita, des têtes sont tombées mais pas les bonnes. Pendant deux ans, Lewis et Alexandra ont recherché leur fille, puis un jour, ils sont partis tous les deux. Ils m'ont fait promettre de ne rien dire car ils auraient une surprise à leur retour de voyage. Et quelle surprise... ils ne sont jamais rentrés, du moins si... mais les pieds devant.
C'est ce jour-là que Chris, surnommé Ghost lorsqu'il est devenu le V.P de son père à vingt-deux ans, a pris la tête du club. C'est également ce jour-là, que l'ancien V.P de son père a voulu le tuer et que Tomy, un membre du club s'est pris une balle, pour sauver sa vie. C'est également dans les jours qui ont suivi, qu'il est devenu l'homme dur que l'on connaît aujourd'hui. Il a dû prouver qu'il était digne de porter le dossard du président du club, auprès de tous les membres. C'est dans le sang du traître qui a voulu le buter, qu'il l'a prouvé, en lui arrachant le cœur alors qu'il battait encore. Ce jour-là, il a gagné le respect de tous.
Puis, un beau jour de septembre, en deux mille dix-huit, Sandie a fait son apparition au club où travaillait Anton, une nénette rousse, aux yeux verts, se disant espagnol mais n'en comprenant pas un mot. La bonne blague. Cela a été assez divertissant de les voir se tourner autour puis emménager ensemble... Chris avait retrouvé le goût de vivre, même s'il continuait de rechercher sa sœur... enfin... jusqu'au jour où le passé de Sandie l'a rattrapé. Caleb venait de la retrouver et de l'enlever.
Heureusement, équipée d'une bijou de haute technologie, nous avons pu la récupérer et avec elle... le petit miracle du jour... Nikita... enfermée dans une prison qui puait la mort. Je peux dire que ce Caleb, qui, soit dit en passant s'est révélé être le frère de Lewis, donc l'oncle de Chris et Nikita, a dû regretter de s'en être pris à la famille, car pour déguster, il a dégusté et c'était jouissif... du sang... beaucoup de sang...
Mais revenons au présent, le passé ne doit pas venir entacher ce jour. Aujourd'hui, ce n'est pas un poisson d'avril mais bien le mariage de Chris et Sandie. Elle est enceinte jusqu'au yeux d'ailleurs. Si elle s'entrave dans sa robe, elle risque de rouler jusqu'à l'autel. On a l'impression qu'ils sont plusieurs dans son ventre tellement il est rond.
Les échanges de vœux se font dans les rires. Chacun ajoutant sa note d'humour pour souder leur relation, partie sur de mauvaises bases au départ. A l'échange du baiser, ce sont des cris de joie qui s'élèvent et les félicitations commencent. J'attends que toute cette marée se disperse pour m'approcher de Sandie et de Ghost, bien que pour moi, ce sera toujours Chris dans ma tête.
— Je tenais à vous présenter mes sincères félicitations, dis-je.
Ghost me surprend en me prenant dans une accolade des plus viriles.
— Merci mon pote ! Ça me touche beaucoup, pour moi tu es un membre à part entière de la famille. Quinze ans que tu supportes mes conneries, me dit-il en riant, tu es toujours aussi fidèle, merci pour ça.
Je ne sais pas quoi répondre, je ne suis pas quelqu'un de bavard, quelqu'un qui étale ses sentiments. Ce qu'il me dit me touche, mais je ne le montre pas. Je veux garder l'image d'un mec que rien n'atteint.
— C'est mon rôle d'être à tes côtés, et ce depuis l'âge de tes quatorze ans.
— Ouch... ne me parle pas du passé, j'étais jeune et très très con, je t'en ai fait voir de toutes les couleurs... je ne te l'ai jamais dit mais... merci de m'avoir supporté.
— Si tu savais les couleurs qui ont éclairées ma vie avant d'entrer dans ta famille, tu ne t'excuserais pas pour ce que tu as fait. J'ai fait bien pire à quatorze ans, crois moi.
Je me retourne vers Sandie.
— Je vous souhaite à tous deux beaucoup de bonheur avec votre future progéniture. En espérant qu'il ou elle, n'ait pas le caractère de son père, ne puis-je m'empêcher de dire en souriant discrètement.
— Oh ? mais ne serait-ce pas le début d'un sourire que j'ai vu sur tes lèvres, relève immédiatement Sandie.
— Non, je ne souris jamais, réponds-je en lui faisant un clin d'œil.
— Y'a que ma sœur qui réussit ce miracle de le faire parler et rire, ajoute Ghost.
Je me dirige ensuite vers le buffet, voulant m'éloigner de toute cette montée de mièvrerie. J'ai besoin d'un alcool fort. Je sens que la soirée va être longue. Depuis l'enlèvement de Sandie, je suis devenu son garde du corps attitré. Je ne la quitte pratiquement jamais des yeux, sauf quand Ghost a besoin de moi, un autre me remplace.
Alors que je vais porter le verre de whisky à mes lèvres, on me bouscule et l'alcool se renverse sur ma veste. Quand je disais que ça allait être long. Je me retourne les yeux pleins de colère et là, je tombe sur une nénette. Une des demoiselles d'honneur de la mariée... Ce n’est pas vrai ! les gonzesses alors... pas capable de faire un pas devant l'autre, sans se prendre les pieds dans le tapis, et il faut que ça tombe sur moi... bordel !
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