Chapitre 19 Shelby

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En soutif et string ? Qu'est-ce qu’il s’est passé hier soir ? Comment je suis arrivée là ? Oh bon sang, des castagnettes jouent dans ma tête. Je vais mourir ! Je m'assieds sur le bord de mon lit, regarde mon réveil... oh purée... heureusement que je me suis réveillée. Je n’ai pas programmé d'alarme et je dois être à neuf heures au taf. Je passe du dressing à la salle d'eau, m'engouffre sous la douche après m’être dévêtue. Nom d’un chien... qu'est-ce qu’il s'est passé hier ? Je me revois avec Sandie, on a pas mal picolé... j'crois qu'on a dû descendre deux bouteilles de whisky. Les mecs sont venus nous rejoindre... Euh... il y avait Mike... Joe... Allan... Steve ? J'suis plus sûre de rien. Par contre, je suis incapable de me rappeler comment j'ai fini dans mon lit ?

Après une bonne douche chaude, je me coiffe, me maquille, je passe dans mon dressing et choisis cette fois-ci un tailleur pantalon, bleu foncé et un caraco blanc ; mes talons blancs puis je me dirige vers ma machine expresso pour me prendre un petit noir bien corsé. Tiens ? Je ne me rappelle pas avoir bu un café depuis que j'ai pris mes appartements ? Une tasse renversée sur l'égouttoir ? Hier soir peut-être, j'ai dû essayer de dessoûler en buvant un petit noir ? Merci d'ailleurs à ceux qui ont pensé à remplir mes placards. Sandie doit être derrière cela, elle m'avait dit qu'elle préparerait tout pour mon arrivée. Je l'adore. Bref, il est déjà, pas loin de huit heures quinze. Entre mon réveil dur dur, ma douche, ma préparation et mon café... j'ai largement atteint l'heure à laquelle je dois partir. Il devait y avoir une de mes mamans sur mon épaule, pour que je me réveille à temps et que j'arrive à l'heure pour mon premier jour en tant qu'avocate ! Yes !

Je descends les escaliers, retrouve Sandie dans le salon avec Lorenne. Elles tiennent toutes les deux une jumelle dans leur bras et leur donnent le biberon.

— Salut ! me dit Sandie.

— Holà ! doucement jeune fillotte ! ma tête !

— Et bien alors ma pomme, t'as pas bien dormi ?

— Si justement et j'aimerai savoir qui m'a ramenée dans mon lit ?

— Ah ça ma belle, il ne faut pas me demander ça à moi. Je crois que j'étais aussi ronde que toi ! Enfin, j'ai moins bu mais tout de même, je ne me rappelle pas de notre soirée, mais paraît d'après Chris que ça valait mille.

— Okkkk... mais encore ?

— Mais encore rien, je te l'ai dit, je ne me rappelle de rien, sauf du gazouillis des jumelles, que Chris avait été récupérer dans les quartiers de Lorenne hier soir. Ce sont elles, qui m'ont sortie des bras de Morphée. Mais si tu veux, je peux demander à Chris ce qu'il en est ?

— Ouais, fais donc ça. Bon les filles je vous laisse, dis-je en plantant un bisou sur le front des jumelles... de Sandie... et de... non... juste à temps... Lorenne commençait à me regarder bizarrement.

— Oui euh... excuse-moi Lorenne, je me suis laissée un peu emporter, à ce soir les pisseuses... oups... je ne parle pas pour toi Lorenne... enfin... on est des filles... donc... forcément... on nous appelle des pisseuses... mais...

— Shelby, me dit Sandie, tu vas être en retard !

— Oui tu as raison ! Bref, à ce soir !

Et je sors, direction Bonnie's avocats ! Vingt minutes plus tard, me voici dans les locaux du cabinet.

— Bonjour Madame San... Cathy pardon, souris-je.

— Bonjour Shelby, j'ai des papiers à vous faire signer, je vous les apporte dans votre bureau.

— Oui merci, Cathy.

J'arrive devant la porte de mon bureau et vois déjà que mon nom y a été apposé. Shelby ENVASÉ. Ça claque non ? Son nom sur une porte, même si ce nom signifie poubelle... tiens ça me fait repenser à cette nuit... ce mot poubelle pourquoi il me revient ? Un mauvais cauchemar encore. Je passe derrière mon bureau, m'assieds sur ma chaise... purée qu'elle est confortable ! Et là, la porte s'ouvre après un léger coup tapé à la porte.

— Tenez, Shelby votre contrat. Je vous laisse en prendre connaissance. N'hésitez pas à me faire savoir si quelque chose ne vous convient pas. Ordre de Charles, d'ailleurs à ce propos, il s'est absenté cette semaine pour Los Angeles donc, si vous avez des questions, n'hésitez pas à interroger Marlo.

Et flute... si tôt... Je vais éviter ce mec comme la peste, si je le peux.

— Ok, merci Cathy, je prends connaissance immédiatement du contrat et vous le rapporte.

— Merci, me dit-elle et elle s'éclipse.

Je prends dix minutes pour lire tous les termes du contrat. Il y a aussi un paragraphe sur le harcèlement sexuel au travail. Les droits des uns et les conséquences pour les autres... Celui-là, je le détaille en long en large et en travers... mais, il n'y a pas stipulé ce qu'il faut faire quand c'est le fils du patron, car je suis sûre que ce dernier n'est pas un nouveau-né. Après avoir tout épluché, ou presque, les dernières pages étant du bla-bla, et ayant lu les paragraphes qui m'intéressaient, notamment sur le salaire, les primes, les horaires et le harcèlement, je sors de mon bureau et rejoins l'accueil pour laisser la paperasse à Cathy.

— Voilà, j'ai signé pour en ch... choisir qu'un... cabinet... le vôtre !

Ouf, sauvée ! Un gros baragouinage qui ne veut rien dire mais au moins, j'ai évité la connerie.

— Bonjour, me dit Myriam

Je me retourne et vois Myriam se diriger vers son bureau.

— Euh Bonjour ! dis-je, mais elle a déjà disparu.

— Ne faites pas attention à elle, je crois qu'elle est jalouse de toutes les personnes qui arrivent dans ce cabinet. Enfin, tous les nouveaux du moins. Peter lui, n'a pas de problème avec elle, ni moi d'ailleurs. Par contre, lorsque Marlo a rejoint le cabinet quelques semaines après, elle tirait une tête d'enterrement. Je crois qu'elle s'était faite à l'idée de reprendre la direction à la retraite de Charles, malheureusement pour elle, elle ne se doutait pas qu'il y avait un héritier derrière.

— Ah... ok, réponds-je.

Elle est bien bavarde cette petite dame... faut faire gaffe à ce qu'on dit je pense, ce doit être la gazette de l'étude.

— Salut ! me dit Marlo en entrant à son tour et en se dirigeant vers... le bureau de son père ?

Cathy doit voir ma tête interrogative puisqu’elle ne peut s'empêcher de me préciser.

— Quand son père n'est pas là, il occupe son bureau, c'est plus facile pour lui d'avoir accès à tous les fichiers à ce qu'il dit... je ne comprends pas pourquoi, mais ce n'est pas mon problème.

— Oui en effet, dis-je.

— Pardon, me répond t'elle.

Mince...

— Oui en effet... c'est bizarre, je voulais dire.

— Ah oui, vous êtes bien d'accord avec moi, il n'y a pas de raison que ce soit plus pratique du bureau de Charles, que du sien.

— Oui, je pense mais je viens d'arriver donc, je ne maîtrise pas encore tous les fonctionnements.

— Je comprends, me dit elle

— Bon, je vous laisse Cathy, je vais aller voir Myriam pour faire plus ample connaissance.

— Bon courage, me prévient-elle en murmurant.

Je lui envoie un sourire en me dirigeant vers le bureau de Myriam, j'aimerais tirer certaines choses au clair. Je frappe à sa porte.

— Oui entrez ! dit-elle.

— Excuse-moi de te déranger, je peux te parler cinq minutes ?

— Oui vas-y rentre et referme bien derrière toi.

Etrange... mais je referme bien la porte puis m'avance vers son bureau.

— Je vois que tu as privilégié le tailleur pantalon aujourd'hui. Aurais-tu rencontré le loup ?

— Qu... Quoi ?... le loup ?

— Oui, le loup, me fait elle en donnant un coup de menton vers l'avant, pour me désigner le bureau à côté du sien, soit celui de Marlo.

Oh...Oh...

— Je ne comprends pas... mais ce n'est pas grave, je voulais juste savoir si j'avais fait quelque chose de mal ?

— Comment ça ? me dit-elle.

— Et bien... j'ai l'impression que tu ne m'aimes pas beaucoup... en fait.

— Détrompe toi, tu me sauves la vie, mais j'ai bien peur que la tienne, ne devienne un calvaire.

— je ne comprends pas ?

— Ton repas s'est bien passé hier midi ? me dit-elle en baissant le ton.

— Euh... en fait... je...

— Ne te fatigue pas, j'y suis passée, me dit-elle toujours en chuchotant. Le bras sur les épaules, les petits mots glissés dans l'oreille, la main sur le genou et j'en passe... jusqu'au jour où ça va trop loin... où on décide de tout raconter à son patron... et là... on devient la bête noire... celle qui a aguiché son fils... celle qui a tout fait pour le séduire, mais n'ayant pu le mettre dans son lit, se met à le critiquer... à l'attaquer.

— Oh ! Attends !

— Chut ! me fait t'elle, parle doucement.

— Mais, c'est grave ce que tu me dis, reprends-je la voix basse. Je ne veux pas devenir sa victime !

— Dès lors où tu as mis les pieds dans ce cabinet, que tu as signé ton contrat, tu es devenue sa proie... car tu as signé ton contrat... n'est-ce pas ?

— Euh... oui... je l'ai remis à Cathy avant de venir te voir.

— Oui bien sûr.

— Cathy, cette bonne vieille Cathy, si gentille, si attentionnée. Cathy qui te dit, si tu as un problème n'hésites pas à venir m’en parler...gnagni... gnagna gna... Cette bonne vieille Cathy qui se fait tirer par le patron dans son bureau, quand elle pense que tout le monde est parti... Cette bonne vieille Cathy qui se glisse sous le bureau de Charles, pour lui en faire une petite ou sous celui de Peter... mais ce dernier est fidèle à sa femme donc, elle a eu tout faux... Cette bonne vieille Cathy vient de te faire signer en vitesse, ton arrêt de mort... et l'a annoncé dans les minutes qui ont suivi, à ce cher Marlo. Ce cher Marlo qui a pris place comme par hasard, dans le bureau de son père aujourd'hui, alors qu'il n'y met jamais les pieds.

— ...mais Cathy m'a dit que...

— ...oui qu'il y allait pendant l'absence de son père pour les dossiers... la rengaine quoi... il y est car tu as une porte attenante à la sienne, c'est tout. Tout en discrétion... pas de témoin... pas d'accusation... fais atten...

Elle n'a pas le temps de finir qu'on frappe à la porte et qu'elle s'ouvre aussitôt sur Marlo, qui n'a pas pris le temps d'attendre qu'on lui dise d'entrer.

— Ah Shelby ! Je te cherchais justement... ça va ? Tu as l'air un peu pâle... qu'est-ce que cette chère Myriam...

— ...Oh... non... je venais me présenter un peu mieux. J'ai fêté comme il se doit, mon nouvel emploi avec mon conjoint et mes amis, d'où ma tête un peu en vrac ce... matin, finis-je par dire en me retournant vers Myriam pour lui faire un clin d'œil.

— Ah ok, si tu veux bien venir dans le bureau de mon père, je vais te briffer sur le dossier dont tu vas devoir t'occuper !

— Euh... oui... oui... j'arrive, dis-je en le suivant.

Bon sang où suis-je tombée bordel ! Une Cathy qui serait plus comme Morticia, la femme de Gomez dans la famille Adams et ce cabinet est leur antre... brrr... j'en ai des frissons dans le dos... Je viens de me rendre compte... que pendant des années, je n'ai jamais pensé à ce nom d'Adams comme étant celui de la série télévisée, diffusée pour la première fois dans les années dix-neuf cent soixante-quatre à dix-neuf cent soixante-six sur ABC. Ma maman s'appelait Adams mais je n'ai jamais fait le rapprochement jusqu'à ce jour. Je portais le même nom que ces personnages dans cette série... est-ce un signe ?... Vais-je voir une main se balader toute seule au milieu de mon bureau ?... euh... pour l'instant la seule main que je sens... est celle que Marlo a glissé dans le bas de mes reins pour me diriger vers son bureau... enfin celui de son père... je repasse donc devant... Morticia... en lui faisant un sourire crispé, qu'elle me renvoie... oh Purée... c'est bien elle, Morticia... je suis sûre qu'elle doit avoir des dents pointues...

— Shelby, ça va ? me dit Marlo en entrant dans son bureau.

— Oui... oui... excuse-moi... venons-en au dossier. Tu m'as laissé entendre hier, que c'était du lourd donc autant s’y mettre maintenant.

— Tu as raison installe toi sur le canapé, on va se poser sur la table de salon, ce sera plus sympa.

A qui le dis tu bouffi !

— Je pensais que le bureau serait plus adapté pour étaler les dossiers, essayé-je de négocier sans succès.

— Justement pour étaler les dossiers, la petite table est parfaite.

On s'installe donc à mon grand désarroi sur le canapé dans le coin droit du bureau. Avant de venir me rejoindre, il appuie sur l'interphone.

— Cathy ?

— Oui Marlo ?

— Qu'on ne nous dérange pas ! Nous travaillons sur un dossier sensible et ne pourrons être interrompus qu'en cas d'urgence. Ai-je été assez clair ? dit-il

— Oui Marlo, je serais votre gardienne.

Eh bien, cela ne me dit rien qui vaille ! Il vient s'asseoir à côté de moi avec un sourire à la noix, planté sur le visage.

— Je préférais ton tailleur d'hier, il était vraiment très joli, il te mettait en valeur.

— Je n'ai pas besoin d'être mise en valeur en travaillant ici, ce sont mes clients les valeurs sures.

Bon sang ... d'où je la tiens celle-là... je fais dans la philo maintenant ?

— Quand même, dit-il en laissant glisser son doigt sur le haut de ma cuisse vers mon entrejambe.

Je repousse son doigt et me lève.

— Je crois qu'on ne s'est pas très bien compris hier Marlo, je ne suis pas ici pour me faire... baiser... (la franchise, vous vous rappelez) ... mais pour bosser !

— L'un n'empêche pas l'autre, répond t'il.

— Oh que si ! Ça l'empêche ! Je suis en couple avec quelqu'un que j'aime et s'il venait à savoir que tu me dragues ouvertement, je ne suis pas sûre que cela lui plairait !

— Ah ! Et ce fameux petit copain, ne serait-ce pas celui que tu as envoyé bouler hier midi ?

— Euh... non... ce n'est pas lui... Lui, c'est de l'histoire ancienne et toi... et bien... toi... tu n'es ni nouvelle... ni ancienne... si tu vois ce que je veux dire !

— Écoute Chérie !

— Holà ! ne va pas si vite, je ne suis pas ta chérie, ok ! Tu as beau être le fils du patron, ce n'est pas pour ça que je ne vais pas aller le voir pour me plaindre de ton comportement !

— Quel comportement ? Lui-même a remarqué hier que je ne te laissais pas indifférent. Ton regard qui me déshabillait des pieds à la tête, tu te souviens ?

Oh le con !

— Oui mais ça, c'était avant que je m'aperçoive que tu n'étais pas très net dans ta tête.

Il se lève d'un bond.

— Comment oses-tu ? me dit-il en m'attrapant par la gorge, comment oses-tu m'insulter dans mon cabinet !

— C'est bon j'ai compris ! dis-je en me dégageant de ses doigts, qui soit dit en passant, vont certainement laisser des traces.

— Qu'est-ce que tu as compris !

— Je me casse ! Aussi belle soit la place ! je ne reste pas ! Tchao BELLO !

— Oh mais non, me dit-il en me barrant l'accès à la porte et en donnant un tour de clef, tu ne crois pas partir comme ça ? On a un dossier à étudier et tu as signé ton contrat, tu te rappelles ?

— Oui et bien un contrat ça s'annule !

— Sauf que la close alinéa treize, précise que tu t'engages en signant ce contrat, à verser la somme de vingt mille dollars de dédommagement, si tu brises le contrat dans les trois mois qui suivent.

— Quoi ? C'est faux, je n'ai pas signé un truc pareil, je l'ai lu, je sais ce que j'ai lu et il n'y avait pas ce paragraphe.

— Oh si ma belle, il y avait bien ce paragraphe page six, en bas de page.

— Non, c'était les explications sur les petits chiffres se trouvant à côté de certains termes présents dans certaines pages.

— Oui, mais il y avait également le paragraphe contenant cette clause.

— Mais ce n'est pas normal, ce n'est pas juste, je ne te crois pas !

— Viens avec moi, me dit-il en me raccompagnant vers son bureau, en serrant mon bras fortement.

— Cathy, peux-tu me faire parvenir par mail, le contrat que Shelby vient de signer, je pense qu'elle a oublié de lire certaines clauses, dit-il en appuyant sur son interphone.

— Oui Marlo... attends... voilà c'est fait, tu as tout dans ta boite mail.

— Parfait, merci Cathy.

Il pianote sur son clavier et retourne l'écran vers moi. Il grossit le bas de la page six et au milieu des notes expliquant les différents termes du contrat, se trouve en effet cette clause qui me fout dans une merde noire.

— Je vois que tu viens de comprendre que toi et moi nous sommes liés pour quelques semaines encore, se moque t'il.

— Je vois que contrairement à ce que je pensais, ce cabinet renferme tout autant de victimes que de coupables. Maintenant que tu as fait ton petit effet de manche, vas-tu me parler du dossier que je dois défendre, dis-je relevant la tête pour paraître déterminée alors qu'à l'intérieur, mon cœur joue un concerto de batteries.

— Oui, je vais te parler du dossier maintenant que nous avons tout notre temps pour apprendre à mieux nous connaître.

Dans tes rêves, pensé-je, tu peux te la carrer derrière l'oreille ou te la fumer... je vois bien l’image de cet abruti essayer de fumer sa queue...

— Voilà le dossier, me coupe t'il alors que je commençais à partir dans des pensées carrément délirantes.

— Waouh, il y a l'air d'avoir du lourd, là-dedans.

— En résumé, le mari a déjà fait l'objet de vingt condamnations, quelques-unes pour agression sur personne détentrice de l'autorité. Lors d'une fermeture temporaire d'un axe routier, pour laisser se dérouler une manifestation sur les causes du réchauffement climatique, monsieur n'avait pas le temps de faire soit, demi-tour pour emprunter une autre voie d'accès soit, d'attendre que le cortège des manifestants passe, il a voulu forcer le passage mais a été intercepté par les flics. Résultat, deux jours d'ITT pour l'un, dix jours pour l'autre. C'est un habitué de ce genre de faits, que ce soit pour des contrôles papiers ou des contrôles d'alcoolémie, il perd le « contrôle ». Bref, il est dorénavant connu pour violences conjugales, sa femme ayant enfin décidé de porter plainte au bout de dix ans. Pour cela, il a fallu qu'il la jette de sa bagnole en arrivant sur un parking, alors que cette dernière n'était pas encore arrêtée, elle a fini à l'hôpital avec un bras dans le plâtre. Ce n'est pas la première fois qu'il l'envoyait à l'hôpital, elle a déjà eu la mâchoire cassée, soi-disant suite à une chute qu'elle avait fait dans les escaliers. Mais au vu des nouveaux éléments et comme elle veut divorcer, elle vient enfin d'avouer qu'il lui avait mis un coup de poêle dans la tête. Tu vois le genre de mec auquel tu vas avoir affaire.

— Ok, je vais bûcher le dossier. Les coordonnées de notre cliente sont dedans ?

— Oui, première page. Le procès est prévu dans quinze jours.

— Quoi ? Quinze jours mais... mais... comment cela se fait t'il que le délai soit si court ?

— L'avocate adverse ne veut pas nous laisser plus de temps pour réunir encore plus de preuves, nous n'avons rien pu faire, elle a été trop rapide.

— Bien... je vais donc me mettre de suite au boulot... enfin si tu le permets, lui dis-je en le fixant.

— Bien entendu, tu peux disposer. Tu as un accès direct à ton bureau par la porte du fond.

Je me retourne pour regarder l'endroit qu'il me désigne. En effet, Myriam avait raison, il a bien un accès direct à mon bureau cet enfoiré. Heureusement que cette porte fait face au bureau que j'occupe, l'avoir dans le dos m'aurait quelque peu angoissée, ce doit être le genre de type à se glisser derrière vous. Je prends donc la porte qu'il m'indique et avant que j’ai eu le temps de l'ouvrir avec le dossier en main, il s'est glissé dans mon dos me collant contre la porte avec son corps, je peux sentir à travers son pantalon, l'érection qu'il contient.

— A bientôt ma belle, me dit-il en posant sa main sur mes fesses.

Je donne un coup de bassin vers l'arrière pour me dégager, ce qui le fait rire. Je me retourne lui jette un regard noir.

— Ne... me... touche... pas !

— Oooh, je vois que tu n'as pas encore assimilé les termes du contrat.

— Si, je les ai très bien assimilés, ne t'inquiète pas pour cela. Il n'est nullement question d'attouchement. J'ai également pris connaissance des termes d'harcèlement sexuel au travail.

— Quel harcèlement ? C'est toi qui viens de me provoquer en te frottant contre moi !

— Vas-y profite ! On verra bien qui sera le perdant dans l'histoire. Tu ne me connais pas... ou du moins, tu ne connais pas toute ma vie, seulement ce qui est écrit... Sache que je suis une battante !

Il se rapproche de nouveau de moi... et vient presque effleurer mes lèvres des siennes.

— J'aime les battantes, me murmure t'il.

J'ai basculé mon lourd dossier sur mon bras gauche discrètement. Je descends mon bras droit le long de mon corps. Obnubilé par son impression de pouvoir, il ne s'aperçoit de rien. Je colle un peu plus mon bassin contre la porte pour me dégager de l’espace entre mes jambes et les siennes, puis j’y passe ma main. A partir de là, je lui chope les bijoux de famille !

— AAAHHH ! Putain ! dit-il en essayant de se reculer mais je tiens bien.

— Je croyais que tu aimais les battantes !

Je lâche ses noisettes et il se recule en apposant sa main dessus.

— Pauvre conne !

— Je te retourne le compliment !

— Tu ne sais pas à qui tu t'attaques !

— Toi non plus, dis-je en me rapprochant à mon tour de sa bouche alors qu'il se tient toujours les boules.

J'ouvre la porte, entre dans mon bureau, referme derrière moi et m'y adosse. Bon sang ! quelle poisse ! Je tremble de tous mes membres et j'ai mal au cou, là où sa main m'a enserrée. J'ai fait la forte devant lui mais à l'intérieur, c'est la panique totale, si cela se reproduisait... si mon second rapport se faisait encore dans la violence ? Je sens l'odeur de ce Gérard me remonter au nez, j’arrive juste à temps au-dessus de ma poubelle pour vomir mon café de ce matin. J'ai des sueurs froides dans tout le corps, je suis gelée de l'intérieur. Punaise... il faut que je sorte d'ici.

Je pose mon dossier sur la table, me saisis de mon téléphone portable. Je ne vais pas me faire avoir maintenant que je suis prévenue sur la participation à cette mascarade, de Cathy. J'ai le numéro de portable du patron puisqu'il est présent sur sa carte de visite que je viens de subtiliser sur son bureau.

— Maître Charles Maurisson, bonjour ! répond t'il

— Bonjour Charles, c'est Shelby.

— Shelby ! Mon petit comment allez-vous ? Je suis désolé de ne pas être resté plus longtemps au cabinet alors que vous veniez juste de nous rejoindre, mais Marlo m'a parlé d'un procès qui devait se tenir demain, sur un dossier que je suis depuis quelques mois. Mais, a priori, il s'est trompé, il n'ouvre que dans une semaine. Comme je suis sur le secteur, je vais en profiter pour traîner les palais de justice, voir s'il ne peut pas y avoir quelques affaires que nous pourrions traiter. Ayant une personne de plus au cabinet, il faut que j'assure son salaire et que j'amortisse mon bureau de Los Angeles, rit-il.

Je vois que Marlo a pensé à tout. Eloigner son père pour avoir accès à son bureau, puis me bloquer en me faisant signer ce contrat, sans avoir pu le lire avec Charles. Quel enfant de salope... Quoique je ne connais pas Mme Maurisson... peut-être qu'elle est très bien cette femme... et puis... la salope, c'est plutôt Cathy non ? Ouais mais dans ces cas-là... ce n'est pas la mère de Marlo... donc, il ne peut pas être l’enfant de sa...

— ...vous m'appeliez pour quoi Shelby ? Vous avez des questions concernant le dossier que Marlo vous a remis ? Car si c'est le cas, sachez que mon fils est au courant de tout, même mieux que moi je dois dire.

— Non non, tout va bien. Il m'a donné le dossier et m'a fourni toutes les explications. C'est un dossier assez lourd et il m'a informée que le délai pour le préparer n'était que de quinze jours ! Je me demandais si je ne pouvais pas l'étudier chez moi ? J'ai un bureau dans mon appartement et absolument personne pour perturber ma concentration ! je ne voudrais pas me planter sur mon premier procès dans votre cabinet ! débité-je à toute vitesse, pour éviter qu'il ne me coupe avant de lui avoir exposé mon idée.

— Votre bureau ne vous convient pas Shelby ? Que se passe-t-il ?

— Si si ! Il est très bien mais vous savez ... euh... pour une première affaire... être... dans un endroit familier... entourée de mon quotidien… pour la confiance en soi... vous comprenez...

Je croise les doigts en débitant tout cela, espérant qu'il croit en mon excuse.

— D'accord Shelby, faites comme bon vous semble, si pour votre première affaire, la préparer chez vous, vous rassure alors soit ! Vous converserez avec vos collègues par visio-conférence à ce moment-là. Par contre, recevez toujours vos clients dans votre cabinet, c'est un conseil.

— Oui bien entendu, je ne voyais pas cela autrement de toute façon.

— Parfait ! Donc, nous sommes d'accord, je compte sur vous pour gagner ce procès. Ce pourri mérite de finir en taule ! Excusez mon vocabulaire mais j'ai horreur de ce genre de personne, même si tout homme a le droit d'être défendu. Toujours penser à la présomption d'innocence mais elle nous fait parfois hérisser les poils, si je peux m'exprimer ainsi.

— Merci Charles, je ne vous décevrai pas !

— Je n'en doute pas une seconde Shelby ! Mais au fait pourquoi m'appelez-vous de votre portable, votre ligne ne fonctionne pas ? Je vais en informer Cathy pour qu'elle fasse le nécessaire...

— ... non... non... je... n'ai pas encore l'habitude ! C'est le réflexe du portable, mais je vais faire des efforts.

— Il serait préférable en effet, si vous commencez à appeler vos clients en utilisant votre portable, vous allez être harcelée.

— Ne vous inquiétez pas, j'en prends bonne note. Merci Charles, bon séjour à Los Angeles.

— Merci Shelby, bon courage pour votre dossier.

Nous raccrochons et je crie en silence YES !

Je rassemble toutes mes affaires, saisis mon attaché-case, entrebâille la porte de mon bureau. Mince Cathy est à l'accueil, je suis sûre qu'elle va prévenir Marlo dès qu'elle me verra passer, je ne suis pas certaine d'arriver jusqu'à ma voiture, avant qu'il ne me rattrape en trouvant une excuse bidon pour me retenir... Je sais ! J'ai une idée.

Je referme discrètement la porte et me dirige vers l'accès direct au bureau de Myriam. Je frappe doucement.

— Oui, me répond t'elle

J'ouvre et passe ma tête en regardant si elle est seule. Parfait, je rentre.

— Myriam, j'ai... besoin de toi... dis-je en me rapprochant de son bureau.

Elle me regarde bizarrement, se lève et me rejoint.

— Qu'est... ce... qu'est-ce que c'est que ça, me dit-elle en touchant mon cou.

Quoi ?.

— Comment ça ? dis-je

— Tu as des marques rouges qui ne tarderont pas à devenir bleues à mon avis. C'est lui, c'est ça ? Il a commencé ? C'est pour ça que tu as besoin de mon aide ?

— Oui... oui... et oui, voici la réponse à toutes tes questions. Par contre, de son côté, il va avoir les coucougnettes dans le même état que mon cou !

— Bien fait, me dit-elle, que s'est-il passé ?

Je lui raconte tout, le paragraphe dissimulé au bas du contrat, ses attouchements, sa violence, ses menaces et enfin ma violence et mes menaces... le dernier récit, la fait plutôt rire. Je lui parle ensuite de mon appel à Charles et de ma demande.

— Il l'a bien cherché ce con, j'aurais aimé avoir le même courage que toi à l'époque. Que puis-je faire pour toi, puisque à priori, le boss est d'accord que tu travailles chez toi.

— En fait, Cathy est à l'accueil, j'ai peur qu'elle contacte directement Marlo, avant que je ne puisse sortir... et qu'il trouve un moyen pour me faire rester.

— Ok, je vois... je vais la faire venir dans mon bureau, j'ai en plus du courrier à lui donner pour qu'elle me le poste, tu auras ainsi le champs libre. Si on te cherche, je dirais que tu as vu avec Charles pour bûcher ton dossier dans un endroit tranquille. Ça te va ?

— Oh merci ! Je t'avais mal jugé au départ et j'en suis désolée, lui dis-je

— Ne t'inquiète plus de cela, tu ne pouvais pas savoir. Par contre, tiens ! me dit-elle en retournant vers son bureau, ouvrant un tiroir et me tendant un foulard. Mets ça autour de ton cou si tu veux éviter d'avoir à t'expliquer auprès de tes amies.

— Oh... merci... mais avec cette chaleur... n'est-ce pas au contraire suspicieux ?

— Tu diras qu'avec la clim du bureau, tu as chopé un coup de froid et que tu as mal à la gorge.

— Ok... ce qui veut dire que...

— J'ai déjà eu le même soucis... oui... me répond t'elle.

Les larmes me montent aux yeux mais je les contiens.

— Allez, file ! sinon on va bientôt sortir les mouchoirs !

— Merci... merci... merci.

Elle me sourit et je repars vers mon bureau, reprenant mes affaires au passage et me dirigeant vers ma porte de sortie. Je l'entrouvre légèrement et attends. L'interphone sonne, Cathy répond à la demande de Myriam, j’en profite pour filer dans son dos, lorsque celle-ci rentre dans son bureau pour récupérer le courrier à poster. Personne dans le hall, ma bonne étoile serait elle présente ? Je file à mon Ford, je veux enclencher mes clefs dans le contact... mais elle me glisse des mains, je tremble, me baisse pour les ramasser... j'ai le cœur au bord des lèvres tellement j'angoisse... je recommence l’opération, serrant fortement ces dernières, je vise et ...ouf... je tourne la clef, le moteur se lance et moi je démarre sur les chapeaux de roues... ouf... sauvée... mais pour combien de temps ?

Vingt minutes plus tard, j'arrive au quartier général. Je me gare, sors mes affaires, ferme ma voiture et me dirige vers l'entrée. Il me tarde de me mettre à l'aise, ce foulard m'oppresse, il est onze heures, la chaleur est déjà étouffante. Je rentre doucement pour que mon arrivée ne soit pas trop remarquée et que j'ai le temps de me réfugier dans mon appartement, pour maquiller ces traces que Myriam a très bien vue.

Je suis presque au deuxième étage lorsque je croise... Léo... bon sang... manquait plus que lui pour finir la matinée !

— Alors gamine, déjà de retour ? Ils t'ont viré ? Ils n’ont pas aimé la psychopathe qui se cache dans ta petite tête.

Je n’ai pas vraiment envie de déconner là, donc je vais pour continuer à monter les marches, mais je m'arrête pour lui répondre.

— Salut à toi aussi ! dis-je étant donné qu'il ne m'a pas salué avant de commencer les hostilités.

— Eh bien... pas d'autres phrases plus cinglantes ? Tu es déjà au bout de tes arguments ? Je t'ai connu plus combative ? Mais ça doit être la tenue ! Madame je me la pète avec mon foulard.

En disant cela, il tire sur la boucle que j'avais faite pour le maintenir en place sans en faire un nœud. Ce dernier se dénoue et j'ai juste le réflexe de le rattraper avant qu'il ne chute au sol... bon sang de foulard en soie de chiotte... ça glisse cette connerie... Je me relève en voulant le remettre en place le plus rapidement possible, mais pas assez vite d'après le regard noir que je rencontre.

— Qui ? me dit-il d'une voix sèche et haute.

Gloups.

— Qui... qui quoi ? réponds-je en faisant cette fois-ci un nœud à mon foulard, enfin celui de Myriam.

— Qui t'a fait ça ?! reprend t'il sur le même ton.

— Ce ne sont pas tes affaires ! Je n'ai pas de compte à te rendre ! lui dis-je aussi sèchement en voulant reprendre la montée des marches.

Il m'attrape par le bras. Bras qui doit lui aussi avoir quelques bleus, vu le cri que je pousse.

Je croyais avoir déjà en face de moi, "LE" regard noir mais alors là, ce sont les ténèbres que je vois... et ça ! Ça vous ferait pisser à la culotte, j'vous jure !

Pour désamorcer la situation, ne vaut-il pas mieux l'attaque ?

— Bon écoute Bruton, lui dis-je plus calmement, revoyant mon comportement avant qu'il ne lui semble trop suspect et qu'il en parle à Sandie ou pire à Ghost.

— J'ai un mec... euh... qui aime... euh... enfin tu vois ?

— Absolument pas !

— Ben... moi aussi en fait... j'aime... ben, le sexe hot quoi !

— Hot ?

— Oui, on s'est laissé un peu emporter dans notre jeu de la soumise... mais lui aussi a eu son lot tu sais... de bleus... dis-je, une énorme boule de pétanque au fond de la gorge.

— Tu me prends vraiment pour un con c'est ça ? me dit-il, lui aussi plus doucement en se rapprochant un peu trop près de moi.

Je me dégage brusquement, cours dans les escaliers pour ouvrir mon appartement et m'enfermer à l'intérieur, tout en lui criant une dernière fois,

— Oui c'est ça ! je t'y prends... mais surtout je t'y laisse !

— On n'en a pas fini Shelby ! ON... N’EN... A... PAS... FINI !

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