Un peu bateau
“ — Tu en as pensé quoi, alors ?
— Je suis désolée, mais ton histoire est un peu bateau. ”
Je ressasse encore ces mots, inlassablement. Je n’arrive pas à y croire. Je voudrai ne pas y croire, fermer les yeux sur cette réalité, nier le fait que mon livre n’est pas aussi attrayant que je ne le croyais. Pourtant, je lui ai consacré un temps considérable, j’ai veillé à ce que chaque détail soit plausible, chaque fin de chapitre soit alléchante et mystérieuse. Finir en beauté est primordiale, me disais-je.
J’ai dormi en pensant à d’éventuelles intrigues, j’ai tracé le passé de chaque personnage, j’ai vécu avec eux, pleuré leurs chagrins d’amour, ri aux blagues que leurs faisais dire.
Je me sens nauséeuse. J’ai l’impression que je viens de tuer. Ma bouche est pâteuse. Je regrette mon geste. Les bribes de feuilles sont éparpillées au sol, déchirées, en lambeaux. Je vois presque les corps de mes personnages à leurs places, éventrés. Je les ai ai tués. Je pleure. J’ai tellement cru en cette histoire. J’avais tellement cru en moi.
Aurai-je encore le courage d’écrire à nouveau ? Vivre à nouveau toutes les sensations que me procurait le plaisir de jouer avec les mots ? Suis-je prête à prendre le risque d'être blessée une deuxième fois ?
Écrire, c’est comme avoir une liaison, c’est comme tomber amoureux. On s’attache, l’histoire devient une obsession, les personnages des amis. On se perd dans l’amour de nos livres. Si fort que la chute n’en est que plus douloureuse.
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