Anecdotes d'une étudiante échange
Plutôt que raconter un émoi, j’aimerais revenir sur un événement qui concentre à lui seul un grand nombre de mes « premières fois ». J’ai 18 ans et je prends l’avion pour la deuxième fois. Je suis nerveuse, mais ce n’est pas la peur du décollage qui triture mes entrailles. Je suis surexcitée parce qu'une simple nuit me sépare du Japon. J’y resterai sept mois, pour le meilleur et pour le pire.
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C’est la fin août. Le macadam de la piste d’atterrissage est brûlant et rejette la chaleur du soleil emmagasinée depuis le matin. L’air est moite et étouffant. Je me joins à l’agonie des autres étudiants internationaux quand je sors de l’habitacle, mais j'ai la chair de poule sitôt que je rentre à l'intérieur. Je contemple avec curiosité les bouteilles aux couleurs acidulées dans les distributeurs. Mon choix se porte sur du thé vert, c’est le seul que j'ai réussi à lire. A la première gorgée, je grimace : c’est atrocement amer. Je fais passer la bouteille qui provoque un mélange de rires et d’exclamations de dégoût… Je suis alors loin de me douter que ça deviendra ma boisson préférée.
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C’est ma première nuit à Tokyo. Je loge dans une résidence avec les autres étudiants, en attendant de rejoindre ma famille d’accueil trois jours plus tard. Les couloirs sont silencieux, je ne croise personne. Deux autres filles belges m’attendent devant la salle-de-bain. On échange un regard embarrassé quand on découvre qu’elle est commune, mais on retire nos vêtements. Chacune assise sur notre tabouret de plastique face à un miroir, nous nettoyons enfin les douze heures de vol qui nous collent à la peau, en attendant que le bain se remplisse. Bientôt, les glaces se couvrent de vapeur et nous nous glissons dans l’eau chaude, sans nous regarder.
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Ma famille d’accueil habite dans la périphérie de Oita, une petite ville située dans le sud du pays. Il y a Kyoko-san, Kei-san, et trois petites filles de 10, 7 et 3 ans. Je n’y connais rien aux relations entre sœurs, et encore moins aux enfants : j’ai deux frères en Belgique qui se sont toujours débrouillés seuls, alors ça me fait un peu peur. Pour la première fois, je foule le parquet d'une maison traditionnelle après avoir enlevé mes chaussures.
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C’est mon premier jour de cours au lycée. Mon uniforme est carrément moins glamour que ce à quoi je m’attendais. J’ai la boule au ventre parce que je dois me présenter dans le gymnase devant toute l’école. Quand vient mon tour, je monte timidement sur l’estrade. Heureusement, Kyoko-san m’a aidé à préparer le texte que je déclame en trébuchant sur les syllabes, pas certaine de comprendre la moitié des mots qui passent mes lèvres. Quoi qu’il en soit, le gymnase applaudit.
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Ca fait six mois que je suis arrivée, et je pleure comme je n’ai jamais pleuré. J’ai attendu d’être seule à la maison, et la pensée fugace que les voisins m’entendent renforce mes sanglots. Cette expérience est vraiment difficile, à plein de niveaux. Mes relations avec ma famille d’accueil se sont détériorées. Je me sens si seule. Je ne me reconnais plus. Suis-je vraiment la fille qu’ils décrivent, une égoïste qui doit demander pardon, juste bonne à être ignorée ? Quand j’entends les graviers du parking crisser sous les pneus, je me tais et sèche mes larmes.
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