Chapitre 1: Une vie après la mort
Il arrive parfois que la vie vous réserve bien des surprises.
Certains événements se produisent alors même que vous étiez à cent lieues d’imaginer qu’ils auraient pu se produire un jour. Tandis que d’autres font irruption dans votre vie comme s’ils étaient une évidence…
Mon nom est Anna, je viens de la planète Terre et j’étais une Toryati avant que mon monde ne soit détruit.
Si je parle au passé, c’est que depuis, bien des événements ont eu lieu dans ma vie.
Après avoir atterri un peu par hasard sur Nosfuria, j’étais persuadée que je ne survivrais pas dans ce monde qui m'était totalement inconnu et pourtant je suis bien là à vous raconter mon histoire.
Certains rebondissements dans ma vie ont fait que je ne suis plus la jeune femme que j’étais et dont malheureusement je n’ai plus aucun souvenir.
La vie ne m’a pas fait de cadeau. J’ai été trahie et abusée par des gens en qui je croyais et par-dessus tout, je dois apprendre à vivre dans un monde où je me cherche et où je dois me reconstruire de A à Z. Désormais je suis une Fératih…
Nosfuria, environ vingt ans après…
La grande Nosfuria a connu de grands changements après la chute de Swole.
Après avoir terrassé l’empereur tyran et contrainte de diriger toute une planète, je décidais de céder le pouvoir à Carlisle qui au passage, gouverne aujourd’hui parfaitement le royaume et prend ses fonctions très à cœur.
Deux nouvelles cités ont vu le jour sur Nosfuria : Quorobé et Voldhïn.
Les esclaves ont été libérés comme prévu et ceux qui avaient été emmenés sur Nosfuria pour passer le rituel pouvaient dire qu’ils l’avaient bien échappé belle !
Le Gouverneur Carlisle avait décidé que Nosfuria devait se racheter pour toutes les atrocités qui avaient été commises par la volonté de Swole.
De ce fait, les membres du Conseil avaient demandé à Whaltôte, le gnome dokri’yova de modifier les paramètres de Davina, l’index des planètes à conquérir qui servaient autrefois à repérer de nouvelles planètes dans le but de les asservir.
Désormais, Davina a pour mission de repérer les planètes et de les explorer. Nous visitons ces mondes et apprenons de leurs populations. Et parfois même, nous venons en aide à certaines de ces civilisations primitives.
Suite à ces événements, bon nombre de soldats avaient décidé de quitter l’armée des noktarï pour prendre leur retraite. Certains décidaient de cultiver la terre, d’autres se passionnaient pour l’artisanat et bien d’autres activités. Du coup, l’armée devenant quasi-désertique, beaucoup de jeunes recrues volontaires décidaient de quitter leurs cités pour rejoindre les quelques noktarï qui avaient souhaité rester.
Pour cela, ils devaient d’abord faire leurs preuves car il était hors de question d’intégrer l’armée sans en avoir les capacités.
Thraän et les autres seigneurs doivent sûrement se réjouir de former ces gamins n’ayant aucune expérience au combat, eux qui avaient l’habitude de diriger toute une armée de soldats féroces et supers entraînés…
Personnellement, je n’aimerais pas être à leur place !
D’ailleurs, pour en revenir à Thraän, il a été nommé Aëth-Pylōs autrement dit, il est devenu Général tandis que le Seigneur Dolgari, lui, a été désigné pour devenir son Commandant, l’Aëth-Minōs.
Dolgari semblait le candidat idéal selon Thraän. Pas étonnant quand on connaît le caractère glacial de ces deux-là !
Avec le temps, je me suis aperçu que mon jugement concernant Kirah était un peu prématuré. Moi qui pensais qu’elle était comme toutes ces femmes de Nosfuria, un tantinet potiche sur les bords, en réalité, ce n’était pas le cas, enfin pas exactement.
Certes, elle passe son temps devant le miroir, mais c’est sa personnalité qui veut ça et dans le fond, elle fait partie des personnes sur qui je peux vraiment compter.
Pour en revenir à ces soldats qui décidaient de s’offrir une petite retraite, Edhän et Wi-Krick, les deux acolytes, ont eux-aussi quitté l’armée et ne sont plus des noktarï, car dorénavant, ils ont d’autres préoccupations…
Ce cher Wi-Krick et cette chère Fabiola, mon amie, une des Tanelyah ont décidé de faire un bout de chemin ensemble à mon grand étonnement.
À vrai dire, c’est un garçon très gentil, mais je ne sais pas comment elle arrive à le supporter… parfois, il est tellement lourd avec ces plaisanteries à deux francs six sous que j’ai du mal à comprendre ce qui les attire, mais que voulez-vous, comme on dit « l’amour ne se contrôle pas » !
Enfin, pas tout à fait, car quand je vous disais que certains événements peuvent bouleverser le cours de votre vie, je voulais aussi faire allusion à l’épisode nuageux auquel je suis actuellement confrontée.
Pour la petite histoire, Thraän et moi avons été mariés il y a fort longtemps et selon lui et à en croire les autres, nous aurions vécu de belles choses ensemble.
Mais après avoir perdu la mémoire, je n’ai pas le moindre souvenir de tout ceci, alors pas le choix, j’ai dû faire avec et Thraän par la même occasion a dû s’adapter à mes choix.
Nous avons mis les choses au clair, car je ne pouvais pas faire semblant et la relation qui nous unissait lui et moi désormais n’existe plus !
J’ai décidé d’aller habiter chez Carlisle qui m’avait légué sa belle demeure et étant donné qu’il passe sa vie dans son grand palais en suspension, cette villa ne lui est plus d’aucune utilité.
A vrai dire cela m’arrange, car je n’ai plus à affronter Thraän. Du coup, il a refait sa vie et moi la mienne…
Je me lève. Je passe une vingtaine de minutes dans la salle d’eau et une fois ressortie, l’armoire qui se trouve dans un des murs de ma chambre se dévoile.
J’observe les vêtements qui s’offrent à moi et comme d’habitude, je ne trouve rien de bien à me mettre sur le dos.
J’avais évidemment pris la précaution de faire dégager toutes ces robes qui hantaient mon armoire.
Kirah avait cette sale manie de toujours vouloir me faire porter l’une d’elles et à vrai dire, ce style vestimentaire ne me correspondait pas.
Je me décide enfin et j’enfile un de ces pantalons et ce top noir dans un tissu similaire à du cuir.
Je coiffe ma longue chevelure grise cendrée d’une queue-de-cheval et je me dirige vers l’entrée du téléporteur.
Whaltôte à la demande de Carlisle a modifié le portail qui conduisait à l’ancienne demeure du Général, du coup, je gagne du temps pour me rendre en ville.
Pas le temps de grignoter quoi que ce soit, j’ai un rendez-vous un peu particulier et je ne voudrais surtout pas arriver en retard...
Je pénètre dans le Maëlsinh et en quelques instants, je me retrouve transportée dans l’une des galeries de la cité.
Je traverse la galerie d’Alphée, je salue au passage les quelques habitants qui se trouvent sur le chemin, mais malheureusement, je tombe sur Kirah et Chandra qui décident de me faire la conversation à ce moment précis…
« Super ! Moi qui étais en avance, à présent, je suis certaine d’être en retard ! »
Une vingtaine de minutes après, j’arrive sur la grande place et je tombe sur ces gamins qui m’idolâtrent. Je ne sais vraiment pas pourquoi...
Je passe devant la Neftolia et de là, je me dirige vers l’Ulypsse.
Je pénètre à l’intérieur du bâtiment en forme d’ellipse qui est vide et arrivée au cœur de l’arène où il y a tous les gradins qui surplombent cette immense salle, je rejoins Bragg au centre qui me taquine comme à son habitude…
— Tu es en retard !
— Oh ! toutes mes excuses mon Seigneur, mais j’ai une très bonne raison pour justifier mon retard !
— Ah ? Et quelle est ton excuse cette fois-ci ?
— Je suis une femme…et les femmes aiment se faire désirer ! dis-je en esquissant un petit sourire.
Je passe devant Bragg qui se met à rire puis j’attrape une de ces armes sur un râtelier et je lui tourne le dos.
— Quel est le programme aujourd’hui ?
— Comme d’habitude… mais avant, nous devons parler !
— Et de quoi le Seigneur Bragg voudrait-il discuter ?
— Anna, s’il te plaît…tu sais très bien…
Évidemment, je fais celle qui ne comprends pas, mais en réalité, je sais très bien de quoi il s’agit. Je ne veux absolument pas aborder ce sujet. Il est temps de couper court à la discussion.
— Oups, si mes souvenirs sont exacts, je crois bien que Carlisle voulait me voir aujourd’hui…je crois que je vais aller le rejoindre sur-le-champ !
Je n’ai pas vraiment envie de discuter avec Bragg car je sais exactement de quoi il veut parler.
Je repose l’arme sur le râtelier et je m’apprête à fiche le camp quand tout à coup, Bragg me prend pour une cible et envoi dans ma direction un morceau de bois taillé en pointe qui se loge dans le mur juste à ma droite à quelques centimètres de ma main alors que j’étais en train de reposer cette dague.
Je regarde le projectile de tous mes yeux, car il aurait très bien pu m’atteindre, mais alors que je viens de me retourner face à lui, Bragg enchaîne très rapidement et renvoi un autre de ces larges pieux en bois de l’autre côté de mon corps, juste au niveau de mon épaule et à quelques centimètres également.
— Nous devons parler ! Tu ne bougeras pas d’ici, sinon tu devras me passer sur le corps !
Je l’observe d’un air stupéfait, je suis piégée.
Bragg ne me lâchera pas, c'est certain ! Alors je décide de le défier.
— Oh ! si tu insistes…
Je décroche un des pieux dans le mur et je l’envoie de toutes mes forces dans sa direction.
Il l'esquive. J’en profite pour attraper ce bâton et je cours vers lui à toute vitesse. Un combat s’engage entre nous. Nous avons souvent l’habitude de nous entraîner tous les deux, mais aujourd’hui je n’ai pas envie d’entendre ce qu’il a à me dire et comme je sais pertinemment que je ne pourrais pas quitter l’Ulypsse tant qu’il n’aura pas eu satisfaction, je dois trouver un moyen d’éviter la conversation à tout prix.
J’enchaîne les coups et Bragg se prête au jeu, mais comme toujours, il est beaucoup trop fort et à un moment, il se place derrière moi et me retiens par la nuque.
— Anna arrête ! Je suis sérieux, il faut qu’on parle ! Pourquoi tu ne veux pas qu’on aborde ce sujet ?
À ce moment, il commence à m’exaspérer et je commence à perdre patiente.
Je me débats et sans le vouloir, je lui donne un coup dans les parties intimes.
Oups...
J’ai mal pour lui et je m’en veux terriblement. Je ne voulais pas le blesser, mais en même temps, je ne l’ai vraiment pas fait exprès et puis même s’il vient de tomber à terre, il n’a pas l’air d’être à l’agonie. Plutôt coriace le Bragg !
Il est à genou et me maudit tandis que moi, je m’éloigne de lui et je le charrie.
— C’est donc cela… je viens de trouver le point faible du Seigneur Bragg…Ouh ! je compatis, cela doit te faire atrocement souffrir ! Pardonnez-moi de vous abandonner ainsi très cher, mais je dois me retirer.
Je lui tire ma révérence et je me retourne pour quitter l'endroit, mais le malin n’était pas si mal en point que cela. Et alors que je lui tourne le dos, je me retrouve ligotée par des lianes qui encerclent mes chevilles.
Je n’arrive plus à bouger, elles sont si serrées.
Je suis étendue sur le sol et je tente de briser ces lianes qui retiennent fermement mes pieds, mais rien à faire.
Bragg arrive à mon niveau et commence à me sermonner.
— Ce n’était pas très loyal ce que tu viens de faire !
— Je ne l’ai pas fait exprès et puis tu m’y as obligé… tu as gagné encore une fois alors pourrais-tu m’enlever ces choses ?
— Et si je refusais ? Ces lianes sont indestructibles, il te faudrait des jours avant de pouvoir en venir à bout.
— Tu ne ferais pas ça ? Tu ne vas pas me laisser là tout de même ?
— Et pourquoi pas ? Tu as bien essayé de m’envoyer au Valon-wëh !
Je suis mal à l’aise. Je m’excuse.
— Bragg, je t’en prie, je suis désolée je ne voulais pas te blesser, mais je ne vois pas pourquoi tu veux aborder à nouveau ce sujet…pourquoi revenir là-dessus ?
Bragg sent bien que je n’ai pas envie de m’éterniser. Il se baisse et brise en une seconde la plante qui me retient alors qu’elle était soi-disant indestructible…
— Anna, nous devons parler à Thraän… quand il saura pour nous, cette nouvelle le brisera ! Nous devons lui dire avant que quelqu’un d’autre ne le fasse à notre place. Même si vous n’êtes plus ensemble, il est mon ami et je ne veux pas lui cacher une telle chose.
Je place mes mains sur le visage de Bragg et je tente de le rassurer.
— Bragg, je t’en prie, Thraän et moi c’est du passé maintenant… pourquoi tu n’arrives pas à te mettre ça dans le crane ?
Son visage change d’expression. Je sens bien que cette situation le rend mal à l’aise.
Il semble persuadé de trahir Thraän. Je ne veux pas le contrarier davantage, alors pour lui faire plaisir, je rajoute : « Puisque tu insistes, je lui parlerai, mais je n’en vois pas l’intérêt puisque nous avons déjà mis les choses au clair… »
Je pensais qu’il en avait fini mais très vite, il rajoute quelque chose qui me plonge dans le doute et l’incertitude.
— Et si la mémoire te revenait ? Qu’adviendrait-il de nous ? me dit-il d’un air songeur.
Je n’ose pas lui répondre. À vrai dire, je crois qu’il vient de me clouer le bec.
Je cherche une excuse et je tourne autour du pot. Finalement, je lui promets de parler à Thraän et je quitte l’endroit en le laissant seul après lui avoir donné un baiser.
Voilà où je voulais en venir…
Si vous vous étiez arrêté à l’épisode où Thraän et moi vivions des jours heureux ou à ce passage où j’étais devenue malgré moi l’épouse de ce cher Novëh, cette époque est désormais révolue. Et à présent Bragg et moi avons décidé de nous rapprocher.
Je ne sais pas exactement si c’est de l’amour que je ressens pour lui, car à vrai dire, je ne suis plus très sûre de rien… mais une chose est claire, Bragg m’a été d’un grand soutien pendant toutes ces années et désormais, il fait partie de ma vie.
Une vingtaine d’années environ se sont écoulées depuis que Swole a été vaincu et pendant tout ce temps, je n’ai pas vieilli d’un poil, grâce ou devrais-je dire à cause de l’épreuve du rituel que j’ai été forcée d’accomplir.
Depuis bien des choses se sont passées dans ma vie.
Je suis persuadée que vous voulez connaître la suite...
Comme promis, après que Nosfuria ait été libérée de l’oppression, les garçons partirent à la recherche de William, ce fils dont je n’ai aucun souvenir.
Malgré les visions de Thraän, les recherches n’avaient rien donné. Et même avec le concours des villageois qui s’étaient relayés pendant des mois afin de participer aux nombreuses battues organisées sur tout Nosfuria pour retrouver William ; je dois me faire à l’idée que je ne le reverrai jamais.
Voilà près de vingt années que je patauge dans l’ignorance la plus totale, ensevelie sous une multitude d’interrogations et de doutes qui m’empêchent de franchir un cap.
Je ne savais pas ce qu’allait être ma vie après tous ces événements, car clairement je ne savais plus où était ma place.
Et pour en rajouter une couche, je n’étais pas comme toutes ces femmes sur Nosfuria.
Et même avec toute la bonne volonté du monde pour essayer de m’intégrer, je n’arrivais pas à ressembler à l’une d’elles.
Mais il n’y avait pas que cela… car je dois avouer que j’avais du mal à me faire respecter en tant que femme.
Disons qu’ici les hommes ont ce petit côté machiste qui fait qu’ils n’apprécient guère qu’une femme puisse être leur égale.
Bon, il faut bien avouer que Thraän et les autres seigneurs sont un peu pareils. Mais après tout ce que nous avons vécu et étant donné que je les affronte régulièrement dans l’arène, histoire de garder la forme, ils savent très bien que je n’ai rien à voir avec toutes ces femmes.
Du coup, ils me traitent différemment, mais pour les autres, ça c’est une autre histoire…
Il y a encore quelque temps, me faire respecter relevait du parcours du combattant.
Certains me témoignaient énormément de respect et même après avoir cédé le pouvoir à Carlisle, j’avais encore droit à quelques petites courbettes de leur part à chaque fois que je sillonnais les rues alors que je n’étais plus la souveraine de ce royaume.
Quant aux autres, j’avais droit à des regards indignés et scandalisés car ils ne comprenaient pas que je sois si différente des autres femmes. Ils me méprisaient. Je le voyais bien dans leurs regards, mais aucun d’eux n’osait me manquer de respect, car tous se méfiaient du Général et du Gouverneur.
Certes, j’avais vaincu Swole, l’empereur mégalomane et la bonne majorité des habitants me vénérait pour ça, mais l’autre minorité ne pouvait se faire à l’idée qu’une femme avait réussi à affronter un « homme » et par-dessus tout, qu’elle en avait triomphé !
Une femme guerrière n’était pas la bienvenue sur Nosfuria et beaucoup me le faisaient remarquer.
Thraän disait que pour cela je devais gagner mon respect et avec son aide et celle de Carlisle, mon protecteur, qui est aussi un père pour moi, tous les deux avaient décidé de me prendre en main.
Depuis ce jour, la condition des femmes sur cette planète allait profondément être bouleversée…
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