Chapitre 5: La proposition

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Nosfuria, quelques années plus tard…

La respiration ample et saccadée, les mains crispées, la mâchoire resserrée, les sourcils légèrement froncés, je suis prête…

J’avance silencieusement. Les filles me suivent de très près et attendent les ordres.

— Déployez-vous !

— A vos ordres ! lance la plus expérimentée de toutes.

La forteresse de Golen, l’endroit stratégique où est entreposée tout notre artillerie est prise d’assaut par des individus armés et non identifiés.

Nous progressons silencieusement, puis nous nous séparons à cette intersection.

Par chance, je sais parfaitement où me diriger. Je connais l’endroit car c’est ici que j’ai délivré mes amis les Arkanïs de leurs chaînes il y a de nombreuses années.

Je pars en direction du générateur avec un petit groupe de trois. Les autres ont pour ordre de récupérer des informations et de faire le ménage pendant notre absence.

Avant d’aller plus loin, nous devons couper le circuit afin de ne pas alerter les soldats.

Après avoir assommé ces deux hommes dans la salle de contrôle, la benjamine s’occupe de désactiver tous les systèmes.

— C’est fait ! tout est sous contrôle… me fait elle savoir.

Nous quittons l’endroit puis poursuivons rapidement en toute discrétion.

Soudain, une patrouille approche. Ils escortent un homme.

Je fais signe aux filles de se mettre à couvert. Dissimulées derrière ce petit recoin, je jette un œil dans ce couloir.

Bragg est escorté d’une dizaine d’hommes.

J’hésite à lui venir en aide. Délivrer Bragg n’est pas l’objectif principal de notre mission et aller lui porter secours risquerait de compromettre notre couverture.

Soudain, alors que nous n’allons pas tarder à rejoindre l’autre groupe, l’alarme retentit.

— Tu n’étais pas censée désactiver le système ?

— Oups ! on peut recommencer ? Dit-elle avec une pointe de sarcasme.

— Tsss…

Nous tentons de maîtriser les soldats, en vain. D’autres hommes font irruption dans la pièce.

— Baissez vos armes !

Nous n’opposons aucune résistance. Je baisse mon arme, les filles font de même.

« Pas de gestes brusques ! »

L’un d’eux s’approche d’une de mes filles pour lui menotter les poignets mais celle-ci ne se laisse pas faire.

Elle donne un coup de tête à l’homme qui s’éloigne tout en se tordant de douleur.

Il revient ensuite vers elle. Le nez ensanglanté et les yeux remplis de colère, il la gifle.

Nous décidons de coopérer.

J’avance en direction du premier soldat, mais arrivée à son niveau, je lance un petit regard à mes filles. Elles ont bien compris ce que cela veut dire.

En l’espace d’une seconde, je chaparde son arme et je le retiens fermement par la nuque avant de l’assommer.

Ce petit divertissement a troublé la vigilance des autres soldats qui se font aussitôt attaqués par mes guerrières.

Les hommes sont à terre. Pas une minute à perdre, nous devons délivrer Carlisle avant qu’il ne soit trop tard !

Nous rejoignons les autres groupes dans le hangar à vaisseaux situé de l’autre côté de la forteresse.

Elles ont déjà inspecté les lieux. La plus entraînée de toutes me fait un petit topo de la situation.

Ils sont très nombreux mais malgré cela, nous ne perdons pas de vue notre objectif. Carlisle ne devrait plus être loin à présent…

Nous nous dissimulons derrière les vaisseaux et à chaque fois que nous avançons, nous en profitons pour assommer une patrouille sur le chemin. Le nombre de soldats diminue au fur-et-à-mesure.

Nous arrivons enfin devant cet immense vaisseau cargo. J’observe la scène de loin. Carlisle est agenouillé. Il est dans un sale état.

Bragg lui demande très calmement où se trouve l’objet. Je ne sais pas de quoi il parle, mais cela ne me dit rien qui vaille…

Carlisle ne répond pas alors il le gifle. Je comprends très vite que quelque chose ne va pas…

Je ne m’attendais pas à un tel retournement de situation. Quelles-sont les intentions de Bragg ?

Le vieux est à terre. Les filles attendent impatiemment les ordres.

Il frappe à nouveau Carlisle. S’en est de trop !

Nous ne pouvons pas attendre une minute de plus. Je décide de passer à l’action et je dégoupille une grenade.

Je tente une diversion.

Pendant que les hommes s’affolent, nous en profitons pour les attaquer. Nous sommes rapides et méthodiques.

Je prends Bragg pour cible.

« Pardonne-moi, mon amour… »

Mais alors que je suis bien trop occupée à combattre mon cher et tendre qui me donne clairement du fil à retordre en utilisant ses pouvoirs contre moi, j’en oublie l’objectif.

J’aperçois ce soldat qui dégaine cette petite bombe de forme circulaire, d’environ six centimètres et l’envoie en direction de Carlisle.

La benjamine se précipite vers lui et le protège. Ils échouent un peu plus loin sur la plateforme, mais ils sont en vie.

La salle change d’apparence. La simulation est terminée…

Comme à son habitude, Caldénys s’étale sur le sol comme une étoile de mer.

J’ai l’impression de me revoir lorsque Carlisle et moi nous avions terminé l’une de ces simulations.

— C’était pas mal mais tu peux faire mieux !

— Vous plaisantez ? J’ai sauvé la vie du Gouverneur ! dit-elle essoufflée sur le ton de la plaisanterie.

Je souris. Je l’aide à se relever. Elle se remet de ses émotions.

— Et l’alarme ? Tu as bien failli nous faire tuer !

— Ah ! oui…euh… juste un petit problème de timing, dit-elle en grimaçant.

Je retourne au centre de l’Ulypsse et je félicite mes protégées pour cette simulation qui s’est plutôt bien déroulée tout en leur donnant quelques conseils pour la fois prochaine.

Je pars rejoindre Bragg et Carwaty qui nous observent depuis le début. Ils assistent souvent à nos entraînements.

Nous nous saluons puis je donne un baiser à Bragg.

Carwaty semblent tout à coup gêné par la situation.

— Tu n’as même pas pris le temps de me délivrer ? me dit-il.

— Que veux-tu dire ?

— Pendant la simulation… avant que l’Ulypsse ne me fasse passer pour le méchant. J’étais encerclé par tous ces hommes. Tu aurais pu me venir en aide ?

Je souris.

— Tu sais très bien que je serais venu te délivrer de tous ces vilains soldats si c’était réel ! Tu n’étais pas l’objectif prioritaire de cette simulation. Je te rappelle que j’ai des élèves, il faut bien que je leur apprenne le sens du devoir.

— Hum… je vois… répond-il déçu.

— Bragg ?

— Ça passe pour cette fois… dit-il d’un air joueur.

Mon regard se pose ensuite sur le seigneur nain.

— Et sinon ? qu’est-ce que vous faites là tous les deux ?

— Est-ce qu’il y a une bonne raison pour vous rendre visite, fillette ? Comme d’habitude, nous venons constater les progrès de vos protégées ! me dit-il. Mais il n’y a pas que cela… rajoute-t-il tout en détournant le regard.

Il lance à Bragg un petit regard qui cache quelque chose. Alors celui-ci décide de prendre la parole.

— C’est Thraän qui nous envoi ! rétorque Bragg.

— Thraän ?

— Et pour quelle raison ?

— Il voudrait que tu le rejoignes sur son camp d’entraînement.

— Euh… je n’ai pas le temps ! je passerai le voir plus tard.

— Il savait que tu allais dire ça alors il nous a envoyé afin de te convaincre !

Je soupire.

— Je vois… Et comme je suppose que je n’ai pas le choix alors je vous suis !

Nous partons donc rejoindre le Général à l’endroit où il entraîne ses nouvelles recrues.

Son camp d’entraînement ne se situe qu’à quelques mètres de celui où j’entraîne les filles.

Arrivés là-bas, j’observe tous ces gamins. Ils sont si nombreux.

Je n’ai pratiquement jamais mis les pieds ici car je n’ai pas envie d’affronter tous ces regards.

La moitié d’entre eux ne savent pas qui je suis et si c’est le cas, pour eux, je ne suis qu’une légende…

Thraän discute avec Taneck son protégé. Nous allons dans leur direction.

Je me place derrière le Général qui semble très occupé. J’attends là.

— Hum…hum…

Surpris, il se retourne vers moi.

— Oh ! Anna… me dit-il d’un air perdu.

Il s’adresse à Taneck.

— Rejoins les autres, nous continuerons plus tard !

— A vos ordres Général !

Le gosse s’éloigne. Je n’ai pas l’intention de m’attarder ici. Je rentre dans le vif de sujet.

— Tu voulais me voir ?

— C’est exact !

— Je t’écoute !

— J’ai quelque chose à te proposer…

— Hum… pourquoi je m’attends au pire ?

Il sourit.

— J’ai pensé que nous pourrions entraîner ensemble nos recrues…

Je relève un sourcil et je l’observe d’un air douteux.

— Pardon ?

— Pourquoi ne pas affronter d’autres adversaires ? Cela pourrait être profitable autant pour tes filles que pour mes hommes.

— Thraän…

— Je ne te demande pas une réponse maintenant.

— Je sais que tu fais tout pour améliorer les choses, mais les hommes de ce royaume ne voient pas les choses de la même façon que toi ! Ils seraient totalement contre le fait de s’entraîner aux côtés de mes filles et tu le sais !

— Moi je suis pour ! lance Carwaty avec enthousiasme.

Dolgari et Bragg acquiescent également.

Je m’adresse à chacun d’eux.

— J’apprécie ce que vous faites, mais il vaut mieux ne pas forcer les choses…

— Je vois… dit-il d’un air déçu. Tu sais que je n’influencerais pas ta décision, mais je veux juste que tu y réfléchisses.

— …

Je hoche la tête pour lui faire comprendre que je le tiendrai au courant, mais à vrai dire, je ne sais pas quoi lui répondre.

Je ne compte pas revenir sur ma décision, en tout cas pas pour l’instant.

Thraän jette un œil par-dessus mon épaule.

— Ah ! Vous tombez bien !

Je me retourne. Deux jeunes hommes nous ont rejoint. Ils saluent Thraän et les seigneurs.

J’observe celui-là de tous mes yeux.

— Bragg ? C’est moi ou celui-ci te ressemble dangereusement ? dis-je en analysant le jeune homme blondinet qui se trouve devant moi. M’aurais-tu caché que tu avais eu un fils ?

Bragg semble très mal à l’aise. Il se place à côté de moi et l’observe de la tête au pied d’un air soucieux sans dire un mot.

— …

Il préfère ne pas répondre. Il tourne la tête vers moi et m’observe curieusement.

Le jeune homme en question prend alors la parole. Il se met à rire et tente de se justifier.

— Oula non ! J’aurais bien voulu, dans une autre vie sûrement… mais le Seigneur Bragg n’est pas mon père…

Les garçons se mettent à rire.

— Ravie de vous revoir, Dame Anna ! rajoute-t-il.

— …

Il semble me connaître pourtant je ne crois pas savoir qui est ce garçon.

— Tu ne te rappelle pas d’eux, n’est-ce pas ? me demande Thraän.

— Euh…non pas vraiment ! Est-ce que je devrais ?

— Vous ne vous rappelez pas de nous, mais moi, même après toutes ces années, je ne vous ai pas oubliée, m’affirme l’autre.

Je m’impatiente.

— Ok… est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer ce qui se passe ?

— Anna… je te présente Timy et Jérémie. Ils font partie des quatre enfants que tu as sauvé lorsque la Terre a été détruite ! m’explique Thraän.

Je ne sais pas de quoi il parle mais je joue le jeu.

— Intéressant… J’ai vraiment fait ça ? dis-je avec une pointe de sarcasme.

— Oh oui ! Vous l’avez fait. Et si nous sommes ici, c’est bien grâce à vous ! Nous n’avons jamais eu l’occasion de vous remercier alors c’est chose faite, reprend Jérémie d’un air joyeux.

Je ressens une certaine fierté en entendant cela.

J’ai l’impression que le gosse semble heureux de me voir mais malheureusement je n’ai gardé aucun souvenir d’eux.

— Thraän, tu as dit qu’il faisait partie des quatre enfants que j’avais sauvé… mais où sont les autres ?

— Justement… je comptais te présenter les deux autres, mais pour l’instant ils ne sont pas sur Avraska. Nous organiserons une rencontre dès leur retour.

— …

Visiblement je n’en saurais pas plus aujourd’hui, mais je suis tout de même ravie d’entendre que j’ai réussi à sauver ces garçons d’une mort certaine.

— Ce fut un plaisir de vous revoir Dame Anna, mais Jérémie et moi nous devons nous retirer, me fait savoir Timy.

— …

Je ne sais plus quoi dire.

« J’espère que nous aurons l’occasion de rattraper le temps perdu », rajoute-t-il.

Je leur souris. Ils saluent les seigneurs puis ils partent rejoindre les autres garçons.

Je me tourne vers Thraän.

— Ah ! parce qu’ils font partie de tes volontaires ?

— Oui ! Ils ont décidé de rejoindre nos rangs, mais avant ils doivent faire leurs preuves et passer le Tal’Baran.

Thraän sourit. Il sent bien que je suis perdue avec son jargon militaire. Dolgari prend la relève.

— L’examen d’entrée dans l’armée des noktarï, me dit-il. Avant de devenir soldat, chacun de nos hommes doit réussir cette épreuve.

— Ah !

Je restais un peu pour observer un de leur entraînement. Et j’étais tout de suite convaincue que mes protégées pouvaient clairement faire le poids contre eux.

Thraän était peut-être leur mentor et ils avaient beau être super entraînés, mais je ressentais beaucoup plus de hargne et de motivation chez mes filles que parmi la majorité d’entre eux.

Plus tard, alors que les autres seigneurs avaient quitté l’endroit, je restais en compagnie de Thraän. Il me confiait cet épisode douloureux de mon passé. Il me racontait ce qui s’était passé lorsque les noktarï décidaient d’envahir la terre.

Je m’étais mise en tête de protéger ces quatre petits garçons coûte que coûte, alors que je ne les connaissais même pas.

Dans le vaisseau qui nous ramenait sur Nosfuria, nous fûmes séparés.

Ces enfants auraient été condamnés à une vie de souffrance et Thraän ne pouvait les garder car il aurait pu attirer les soupçons sur lui et sur moi. Alors il décidait de les confier à des gens de confiance sur Skellulia et Avraska. Et depuis je ne les revis plus jamais.

Mais ce n’était pas tout, car un de ces jours où la petite s’était blessée lors d’un entrainement, je décidais de la conduire au medh’yova.

La blessure est assez profonde. Cela m’inquiète alors je préfère être là.

Je n’aime pas cet endroit et elle non plus ! Comme ça je me sens moins seule…

Le gnome l’ausculte pendant que je me tiens à ses côtés. Il passe un appareil sur la blessure puis il quitte la pièce.

Je laisse la petite un petit instant histoire de me dégourdir un peu les jambes et je pars faire la causette à l’un de ses assistants.

A mon retour et à travers la baie vitrée, j’aperçois ce garçon dans la salle. Il est assis sur la table où elle se trouve. Ils semblent plutôt proches.

Je crois bien que c’est la première fois que je le vois. Je n’aime pas ça ! Pourvu qu’il ne s’agisse pas de l’un de ses prétendants.

Je décide de pénétrer tout de même à l’intérieur de la pièce.

— Vous tombez bien Dame Anna ! me dit la gosse.

— Et pour quelle raison ?

Elle semble plutôt joyeuse. On dirait que quelque chose l’amuse…

— Laisse tomber Caldénys lui chuchote le garçon.

— Mais chut ! Laisse-moi faire !

Je n’aime pas leurs messes basses.

Elle reprend : « Mon ami dit qu’il vous connaît… ».

— Ah oui ?

— C’est un grand timide. Il n’a pas osé vous parler avant.

Elle s’adresse à lui.

— Allez vas-y ! lui lance Cal.

Il se tourne vers moi et semble tellement mal-à-l’aise qu’il n’ose pas me regarder dans les yeux.

— Bon…bon…bonjour Dame Anna…

Il bégaye et vire au rouge tout à coup. Je l’observe d’un air curieux. Pourquoi je lui fais autant d’effet ?

— Je ne crois pas te connaître ! Qui es-tu ?

J’ai dû l’effrayer. On dirait qu’il n’ose pas répondre alors Cal prend la parole.

— Dame Anna, je vous présente Zac.

— Zac ? ce nom me dit quelque chose…

— Oui c’est bien moi !

En y réfléchissant bien, je pense savoir à qui je m’adresse.

— Ça y est ! j’y suis ! Tu es l’un d’eux n’est-ce pas ? Tu es l’un de ces garçons à qui j’ai sauvé la vie autrefois ?

— Oui ! et merci pour ça !

Je lui souris.

— Zac, voyons ! ne sois pas aussi timide ! lui dit-elle d’un air moqueur. Dame Anna ne va pas te manger !

— Pourquoi ne pas m’avoir dit qui tu étais avant ?

— Je ne savais pas si vous m’auriez reconnu et puis, je ne voulais pas vous déranger…

— Tu aurais dû venir ! Je ne sais pas si tu es au courant, mais mes souvenirs ne sont plus ce qu’ils étaient. Et je ne me rappelle pas de toi malheureusement.

— Je sais ! Nous sommes au courant de tout ! Le Seigneur Thraän nous a déjà raconté ce qui vous était arrivé et j’en suis navré.

Je ressens tout à coup de la colère alors je préfère changer de sujet.

— Mais que fais-tu ici ?

— Je travaille au medh’yova ! Je voulais que Caldénys teste un de mes prototypes, mais vu son état, cela pourra attendre, dit-il en me montrant cet appareil d’un air confus.

— Tu travailles ici ?

— Oui ! je suis l’assistant du dokri’yova !

J’en reste bouche-bée.

Son assistant ? Whaltôte ferait-il des efforts ? Je n’aurais jamais pensé qu’il aurait accepté de travailler avec une personne autre qu’un de ses semblables.

Nous discutons encore un peu.

Sans le vouloir, j’avais fait la connaissance de Zac. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises avec ce qui allait suivre…

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