Chapitre 7 : Pam

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— Au fait, Pam, t’avais raison pour hier ! me lance Sarah dès que je sors de la salle de bains.

— Ah, tu vois, tu le reconnais enfin ! J’ai toujours raison, comme d’hab’ ! je dis en réprimant un bâillement. À propos de quoi, au juste ?

— Bruno et Alyssa. T’avais vu juste, ils ont passé la nuit ensemble.

— Nan, jure ! je m’exclame. Mais comment tu sais ça, d’abord ?

— C’est Alyssa qui me l’a dit, explique-t-elle, l’air dégoûtée, en secouant la tête.

— Alyssa ?! Je sais qu’elle a une grande gueule et qu’elle adore se vanter pour tout et n’importe quoi, c’est pas nouveau ça, mais pourquoi elle te raconterait ça à toi ? Elle peut pas te blairer !

— Apparemment, Madame a remarqué que j’avais des vues sur Bruno, et comme elle a décrété qu’il n’y a qu’elle qui peut l’approcher, elle a voulu me faire comprendre de ne pas empiéter sur son territoire… grince Sarah en serrant les dents.

J’ai envie d’éclater de rire mais, vu la tête qu’elle fait, je me dis que ce ne serait pas une bonne idée.

— Pourquoi est-ce qu’elle pense ça ? je demande à la place.

— Oh, simplement parce qu’elle a vu que je le regardais… Bah oui, quand il arrive, la moindre des choses, c’est d’être polie, non ? Elle croit quoi, que je vais l’ignorer juste parce que sa groupie en chef ne veut pas qu’une autre fille pose les yeux sur lui ? s’énerve-telle en entrant dans la salle de bains.

Je ne sais pas si vous l’avez déjà remarqué, mais Sarah a un peu mauvais caractère : elle a tendance à s’enflammer très vite, surtout quand quelqu’un la fait chier. Et quand il s’agit d’Alyssa… alors là, c’est même plus d’un petit feu dont on parle, mais carrément d’un incendie !

— Et d’abord, j’ai pas de leçon à recevoir de la part d’une fille qui saute sur le premier venu même pas deux jours après l’avoir rencontré ! ajoute-t-elle alors que la porte se referme.

— Dit celle qui a atterri dans le lit du même mec en seulement une soirée ! je ne peux m’empêcher de sortir.

La porte de la salle de bains se rouvre et Sarah me lance un regard furibond. Je ne peux me retenir de rire plus longtemps et je m’éloigne avant qu’elle n’ait le temps de me frapper. Je me dirige vers la cuisine afin de préparer mes sempiternels pancakes.

L’appart’ dans lequel on vit, Sarah et moi, est plutôt grand et spacieux. On a eu de la chance quand on l’a pris, y avait beaucoup de gens qui étaient intéressés. Heureusement, mes parents et ceux de Sarah nous ont fourni une partie de l’argent et ils ont accepté de se porter garants. Avec nos bourses, on n’aurait jamais pu se le payer, surtout qu’on bossait pas encore chez Circus à ce moment-là. Ça ne lui a pas plu, à Sarah, de demander de l’aide à ses parents, mais comme on n’avait pas le choix, elle l’a quand même fait. Mais je sais que ça lui reste encore en travers de la gorge. Je peux comprendre ; après tout, si j’avais des parents comme les siens, moi non plus j’aurais pas envie de leur être redevable de quoi que ce soit.

Je crois que ma pièce préférée de l’appart’, c’est la cuisine, vu que j’adore faire à manger… À moins que ça soit la salle de bains, je peux rester dedans pendant des heures. Ou peut-être bien que c’est ma chambre, c’est la plus grande des deux (désolée Sarah, mais fallait être là au moment de la visite !). Le salon aussi, il est pas mal, avec le grand canapé blanc hyper moelleux sur lequel on s’allonge avec Sarah pour mater un film… Bref, je crois que j’aime tout l’appart’. Normal, vu nos bons goûts en matière de déco (enfin, surtout les miens, parce que Sarah, la déco, c’est pas son truc). Les petites plantes vertes, les tableaux en noir et blanc, les murs bleus et gris… J’adore !

Je termine ma deuxième fournée de pancakes et j’attends Sarah, qui ne tarde pas à arriver. Je fronce les sourcils en voyant sa tenue : pantalon large et gros pull. Depuis quand est-ce qu’elle s’habille comme ça ? D’habitude, elle met des trucs plus sexy, pas sexy dans le style « aguicheuse » comme Alyssa, mais plutôt dans le genre « femme fatale ». Qu’est-ce qui lui arrive ?

J’apporte les pancakes au salon tandis qu’elle s’installe à table.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? J’ai un bouton sur la gueule ou quoi ? lance-t-elle en grimaçant.

— C’est pas ton visage que je regarde, c’est tes vêtements. Tu vas où comme ça ? Chez les nonnes ? je demande en m’asseyant à mon tour.

— Ouais je sais, ça craint… répond-elle en fronçant le nez. C’est pour ce soir, j’essaye plein de tenues mais j’arrive pas à me décider laquelle mettre.

Ce soir ? J’ai loupé un truc ou quoi ?

— Euh… y a quoi ce soir déjà ?

— Me dis pas que t’as oublié ! Je te l’ai dit hier en rentrant ! Repas de famille chez mon oncle, tout le monde y sera.

— Ah oui, c’est vrai ! Je me souviens… Bon courage alors. C’est pour ça que t’es habillée comme une vieille mémé ?

— Tu sais bien comment ils sont, avec un balai dans le cul. Et comme ils sont toujours en train de me critiquer, au moins là ils auront pas l’occasion de le faire sur ma façon de m’habiller, réplique-t-elle.

— Sage précaution, j’approuve. Quand tu dis « tout le monde », ça veut dire… ?

— Ouais, elle sera là aussi, me coupe Sarah d’un ton sec.

— Écoute, Sarah, si t’as pas envie d’y aller, n’y vas pas, c’est aussi simple que ça, je la conseille prudemment, consciente d’avancer sur un terrain miné. T’es adulte, ils peuvent pas te forcer à venir !

— Pour qu’ils disent du mal de moi derrière mon dos, comme ils le font déjà ? rétorque-t-elle. Non merci ! Là, au moins, ils le feront en face.

— Mais qu’est-ce que t’en as à faire de ce qu’ils racontent ! Tu vas pas te prendre la tête pour ça ! Tu vas vraiment passer la soirée avec cette bande de faux culs ? Tu vas quand même pas lui parler ?

— Alors ça, ça me ferait mal, dit-elle, son visage se refermant d’un coup.

Je n’insiste pas et débarrasse. Je sais qu’elle n’aime pas aborder ce sujet. En même temps, c’est tellement récent, ce qui lui est arrivé… Et puis, c’est la faute de sa famille, bordel ! Sa famille ! Les personnes censées l’aimer et la soutenir, et qui, au final, s’avèrent être de gros hypocrites capables des pires crasses. Je comprends qu’elle ne veuille pas en parler. Si j’avais été à sa place, moi aussi j’aurais eu la haine.

Sarah me rejoint peu de temps après dans la cuisine, l’air plus joyeuse.

— Et toi, c’est quoi le planning du jour ?

— Oh, pas grand-chose, je vais chez Jordan cet aprèm’, je réponds en haussant les épaules.

— Ha-ha, je vois… Au fait, comment c’était l’autre soir ? C’était bon ou pas ? Tu m’as pas raconté. Vous n’avez pas réveillé tout le quartier, j’espère ? dit-elle sur un ton plein de sous-entendus.

Je lui lance un regard noir et fais mine de l’ignorer, tandis qu’elle sort de la cuisine en riant. Décidément, quelle fouineuse elle fait, celle-là ! Toujours en train de se mêler de ma vie sexuelle, c’est pas possible !

***

J’arrive chez Jordan vers quinze heures. J’avais prévu d’y être une heure plus tôt, mais quand je l’ai appelé pour le prévenir que je venais, il m’a dit qu’il n’était pas prêt parce qu’il dormait encore. À deux heures de l’après-midi ? Étrange… Ces derniers temps, il se comporte bizarrement : il est plus distant et il passe de moins en moins de temps avec moi (sauf quand il s’agit de faire l’amour). Des fois, j’ai même l’impression de le saouler. Il ne me le dit pas, mais ça se voit sur son visage, quand je lui parle et qu’il a l’air agacé. Je ne comprends pas ce qui se passe, mais j’ai bien l’intention de mettre les choses au clair.

Je me gare devant sa résidence et je lui envoie un texto pour le prévenir que je suis là. Je sors de ma voiture et je me dirige vers l’immeuble rose pâle en face du trottoir. Je tape le digicode et je me dépêche d’entrer. Je déteste ce quartier, il me fout les chocottes, même en plein jour. Je suis sûre qu’il doit y avoir des trafics de drogue ou d’autres trucs de ce genre par ici. À chaque fois que je viens, il y a une odeur bizarre dans le hall et des traces suspectes dans la cage d’escalier. Je ne sais pas pourquoi Jordan a décidé de s’installer là, il y a d’autres endroits beaucoup plus sûrs et au même prix. Mais bon, si ça lui convient, qui suis-je pour le juger ?

Je me rends au deuxième étage et j’arrive devant son appart’. Je m’apprête à sonner, au cas où il n’a pas lu mon message, quand la porte s’ouvre d’un coup sur Jordan, les cheveux ébouriffés et un grand sourire aux lèvres. Il porte un vieux bas de jogging avec un t-shirt, et ses yeux sont tout rouges. Rien de très sexy, a priori,mais cela ne m’empêche pas de me jeter sur lui et de l’embrasser comme si ma vie en dépendait. Il répond à mon baiser, pour mon plus grand plaisir, et, après avoir refermé la porte, me serre dans ses bras.

— Je sais que ça fait deux jours qu’on s’est pas vus, mais je t’ai manqué à ce point ? dit-il en avec son petit regard taquin qui me fait fondre.

— J’avais juste envie de te voir… que tu me dises que tu m’aimes… je réponds en haletant.

— Hmm… Je pourrais te le dire, oui, mais te le montrer, ce serait encore mieux, tu ne penses pas ? réplique-t-il en m’embrassant de nouveau, ses mains se baladant dans des zones plus intimes de mon corps.

Et tandis qu’il m’entraîne vers sa chambre, je ne peux m’empêcher de penser, avant que mon cerveau ne soit trop occupé pour ça : Tout va bien. Aucun souci. Il t’aime toujours.

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