“Non !”

Une voix lasse, venant d’un fauteuil.

Mycroft Holmes soupira de lassitude en levant les yeux au ciel.

“Tu n’as pas le choix Sherlock !

- Non, mon cher frère ! Tu as bien assez de larbins pour faire le boulot à ta place.

- IL t’a expressément demandé.

- M’en fiche ! J’ai...du travail. Je n’ai pas le temps.”

A cette réponse indue, le sourcil droit de Mycroft Holmes se leva et rejoignit presque le milieu du front.

L’aîné des frères Holmes examinait l’appartement du 221b Baker Street, voyant le désordre, étudiant l’absence de courrier épinglé sur le manteau de la cheminée, remarquant l’absence du docteur Watson, parti chercher sa fille à la crèche…

Puis, il se tourna vers son frère en faisant claquer le bout ferré de son parapluie sur le sol.

“Je-n’ai-pas-le-temps,” articula avec soin Sherlock, depuis son fauteuil.

Mycroft Holmes soupira et s’approcha de son frère, se plaçant juste devant lui.

Le tout-puissant gouvernement britannique, l’homme qui pouvait faire plier des dictateurs et cesser de parler qui que ce soit sur cette damnée Terre, le maître-espion connu sous le nom de code d’Antarctique...ne pouvait rien faire contre l’obstination de son petit frère.

Sherlock Holmes, indifférent à la présence de son frère, était couché, avachi sur son fauteuil, et grattait son violon sans soin.

“Tu n’es pas encore parti ?, s’étonna Sherlock.

- IL T’A DEMANDÉ !, fit Mycroft, beaucoup moins calmement cette fois.

- Ennuyeux !

- Tiens ! Lis cela et dis-moi si tu trouves toujours cela “ennuyeux” !,” claqua Mycroft.

Le patron officieux du MI6 et du MI5, ce fameux “M” dont tout le monde parlait sans jamais l’avoir vu, jeta sur son frère une fine enveloppe.

Sherlock, curieux malgré tout, posa son violon sur le sol et ouvrit le courrier. Une carte en tomba, un joli bristol, suivie d’une lettre et de deux billets d’entrée pour le Salon de l’Automobile de Genève.

“ Monsieur le gouvernement britannique,

Il m’est venu l’envie de faire un passage au salon de Genève cette année.

Il y a beaucoup à voir, n’est-ce-pas ? De jolies cylindrées...

Il y a aussi beaucoup de discussions en coulisses. Je vous plains sincèrement. La politique ne s’arrête jamais !

Je serai enchanté d’y retrouver votre frère.

Il y a beaucoup de points en discussion entre nous.

Je m’attends aussi à retrouver ce cher docteur Watson. Mais je déconseille la venue de la petite Rosamund, il y aura foule cette année au salon.

Votre dévoué,

Arsène Lupin”

“Ce Français ne manque pas d’air, s’amusa Sherlock. Pourquoi veut-il aller au Salon cette année ? Qu’as-tu encore fait Mycroft ?

- Il y a une discussion importante cette année au Salon,” admit Mycroft.

Et l’aîné Holmes n’aimait pas du tout en parler à son frère.

Sherlock le sentit et se leva, étirant son long corps gracile et nerveux, un sourire moqueur au visage.

“Mais encore ?

- Il y a des discussions officieuses entre les pays pétroliers, je me dois d’être présent.

- Hooo ! Mon cher frère va faire de la politique alors ? Comment Lupin l’a su ?

- Aucune idée, avoua sèchement Mycroft.

- Et ces cylindrées ? Lupin s’intéresse aux voitures maintenant ?

- Aucune idée, répéta tout aussi sèchement Mycroft.

- Tu viens d’avouer deux fois que tu ne sais pas ? Peux-tu le répéter que je l’enregistre sur mon téléphone ? Cela plairait à John.

- Non et non ! Alors tu y vas ?

- Oui, accepta enfin Sherlock. Tu avais raison, frère. Cette histoire n’est pas ennuyeuse tout compte fait.”

Cela se vit, juste un instant fugace, mais Sherlock le vit et en fut estomaqué.

Le soulagement de Mycroft Holmes.

Un peu moins de raideur dans les épaules et une tension moins forte sur la poignée du parapluie.

Le grand Mycroft Holmes était inquiet.

L’affaire s’annonçait passionnante.