2. N’est pas gardien qui veut

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Les bâtiments parisiens la nuit sont toujours très différents. Il y règne une atmosphère pesante, effrayante, presque fantastique. Les ombres sur les moulures formant des visages obscurs, les longues fenêtres ouvertes comme des yeux exorbités, les rambardes de fer acérées comme des dents pointues et les double portes en bois capables de vous engloutir d’un coup.

Sanoé avait l’habitude de cette ambiance digne d’un film d’horreur en noir et blanc. Elle adorait même ça. Le frisson qui lui parcourait l’échine lorsqu'un bruit craquait derrière elle, lorsqu’un brin d’air la frôlait, lorsque les ombres dansaient sous la lune étouffée par les nuages.

Sous un Paris éclairé aux lampadaires et phares de voitures, Sanoé se faufilait entre les ruelles, longeait les ponts qui passaient au-dessus de la Seine, jusqu’à rejoindre le parvis du musée du Louvre. L’imposante bâtisse laissait planer une ombre gigantesque sur les pavés, tel un géant de vitre et de pierre. Sanoé s’arrêta un instant pour contempler le paysage. Elle se croyait seule dans une capitale déserte, pourtant de nombreux visiteurs continuaient d’admirer les monuments parisiens même de nuit. Les gens flânaient, bavardaient ou au contraire pressaient le pas pour rentrer chez eux après une longue journée de travail.

Sanoé sortit son téléphone d’une sacoche en bandoulière brune. Elle regarda l’heure un bref instant puis reprit son chemin. Elle contourna le Jardin des Tuileries fermé à cette heure tardive, passa le Pont Royal et termina son chemin devant les portes du musée d’Orsay. Elle prit en photo la statue d’un cheval, celle d’un éléphant, s’assit sur un banc. C’est là qu’elle vit deux travailleurs du bâtiment, un sandwich dans la main, passer près d’elle. Quand il y a des travaux, c'est qu’il y a une entrée facile. Leurs voix fatiguées et enrouées parvenaient jusqu’à Sanoé. Visiblement, ils avaient terminé leur journée.

Parfait timing.

Elle se leva, fit mine de s’étirer et leur emboîta le pas. Ils prirent la gauche du musée et arrivèrent bien vite à la zone en travaux. Un échafaudage, recouvert d’une bâche en trompe-l'œil, s’élevait vers la toiture du musée. Juste en face, un abribus.

La chance me sourit, songea Sanoé.

Elle traversa la rue et s’installa sous l’abribus. Ainsi, elle avait une parfaite vision sur les travailleurs. Les deux hommes rejoignirent trois de leurs collègues, ils éteignirent les machines, rangèrent leur matériel, et, manteau sous le bras, rentrèrent chez eux sans se rendre compte que deux yeux pétillants les observaient depuis de longues minutes.

Elle ne se précipita pas tout de suite. Elle reprit son téléphone et envoya un message à sa meilleure amie. Elle attendit une réponse, referma sa veste d'un geste décidé et se dirigea vers l’échafaudage. Un coup d'œil à droite, un coup d'œil à gauche. Les piétons déambulaient sans lui prêter la moindre attention. Elle passa sous la structure de métal, cachée aux yeux de tous. Un escalier permettait de remonter jusqu’au toit, il fallait juste le déplier. Elle utilisa la bandoulière de son sac comme d’un lasso pour attraper le bas de l’échelle et le faire coulisser jusqu’à sa hauteur. Heureusement, le fracas du métal était masqué par les nombreux bruits de la ville, la circulation, les klaxons, les passants...

Sanoé posa un pied sur la première marche. L’escalier était brinquebalant et grinçait au moindre de ses mouvements. Elle inspira profondément puis souffla un grand coup. Comme disait sa grand-mère avant de boire d’une traite son verre de whisky. : “Quand faut y aller, faut y aller”.

L’ascension se fit sans grande peine, elle se répétait seulement de ne surtout pas regarder en bas. C’est au dernier étage qu’elle trouva une entrée. Une fenêtre ronde, dont la moitié brisée était recouverte d’un simple carton pour éviter au froid et à l’humidité de pénétrer dans le musée. Elle poussa sur le carton. Le gros scotch de chantier finit par céder sous les coups répétés de Sanoé.

Enfin, elle posait le pied à l’intérieur du musée d’Orsay. D’après le plan que lui avait transmis Rima, il fallait qu’elle se rende au rez-de-chaussée. Elle sortie une lampe torche de sa sacoche. C'était toujours plus rapide d'appuyer sur un bouton pour l'allumer ou l'éteindre, que de verrouiller son téléphone pour avoir accès à la lampe. Et puis elle était fière de sa lampe torche, elle pouvait baisser ou augmenter sa luminosité d'un simple tour de main.

Avant de rerfermer son sac, elle jeta un dernier regard à l'intérieur, afin d’être certaine d’avoir tout ce qu’il lui fallait. Ce n’était pas censé être un cas difficile, mais on n’est jamais trop prudent.

Son téléphone vrombit dans la poche de son manteau. Elle l'exirpa et lu le message.

Il disait: "Tout est ok ! Gardien dans bureau. Caméras bloquées pour 45 min. Pas plus !"

Un sourire triomphant se dessina sur son visage. Rima avait fait du bon travail. Elle avait été encore plus rapide que la dernière fois. Maintenant Sanoé pouvait déambuler tranquillement. L'image des caméras était à présent figée, et ce pendant les quarante cinq prochaines minutes. Bien assez pour une affaire comme celle-ci.

Elle eu soudain un frisson. Elle se rendit compte à cet instant que Rima et elle entraient dans des propriétés privées trop souvent, et surtout trop facilement. Voilà une bien mauvaise habitude qui sera, sans doute, très difficile à perdre.

D'un mouvement de la tête, elle se reconcentra sur sa mission. D'après ses informations, les activités se passaient principalement au rez de chaussé, à l'emplacement des anciennes voies ferrées. Elle était montée tout en haut, il était temps à présent de redescendre tout en bas.

Niveau 5: De l’impressionnisme au néo-impressionnisme

Post-impressionnisme

Niveau 4: Art Nouveau

Autriche,

Grande-Bretagne,

États-Unis

Niveau 3: Art Nouveau

Europe centrale,

Europe du Nord,

Scandinavie

Sanoé descendait toujours plus dans les entrailles du musée, seulement éclairé par sa super lampe torche. Il n’y avait pas un son. Même la percussion de ses pas contre le sol étaient étouffés. Elle essayait de respirer le moins fort possible.

Niveau 2: Art nouveau et symbolisme

TERRASSES DES SCULPTURES

Au-dessus d’elle, le dôme de verre offrait une vue imprenable sur le ciel capricieux de la ville lumière. De lourds nuages cotonneux, tantôt gris, tantôt bleus foncés, tentaient d’étouffer la lune ronde comme assiette de porcelaine. Pourtant, elle parvenait toujours à se frayer un chemin dans un trou de nuage, éclairant de sa lueur diaphane les sculptures qui entouraient Sanoé. Elle se serait cru sur scène, en plein ballet du lac des cygnes, les statues graciles et blanches jouant le rôle de ballerine. Ou dans un cimetière. Au milieu de splendides sépultures.

Niveau 0: ALLÉE CENTRALE

GALERIE SEINE

GALERIE LILLE

GALERIE CHAUCHARD

Ce n’était que la deuxième fois que Sanoé visitait le musée d’Orsay. Mais la première fois c’était en toute légalité, pendant les heures d'ouverture au public. Plus elle approchait de sa destination, plus un frisson la titillait. Cela n’avait rien à voir avec le cas qu’elle devait traiter, c’était simplement l’excitation de faire quelque chose de défendu.

Le rez-de-chaussée était tout aussi impressionnant que le musée lui-même. L’interminable allée centrale exposant de superbes statues se faisant face en un combat éternel à qui sera la plus belle, et de part et d’autre de cette allée des petites salles d’expositions proposant des tableaux et peintures du XIXᵉ siècle.

C’est alors que le sang de Sanoé se glaça. Une lumière éclairait tout un pan du mur de droite. Trop grande pour être la lampe torche du gardien du musée, trop petite pour être l’éclairage de la salle. À cette heure, à part le gardien, il n’était censé y avoir personne. Elle se cacha dans un renfoncement derrière une large sculpture.

Comme pour répondre à ses questions, une voix enrouée brisa le silence.

  • Bon allez bonhomme, il est temps de rentrer chez toi. Tu dois avoir cours demain en plus.
  • Promis Lucien, je range mon matériel et je m’en vais.
  • D’accord, renifla le vieil homme épuisé par son travail et la vie en général. Range et moi je fais mon dernier grand tour avant d’aller faire la sieste dans le placard à balais qui me sert de bureau.

Le vieillard, nommé Lucien, fit un signe de la main à la personne que Sanoé ne pouvait pas apercevoir. Il passa devant elle sans relever sa présence. De toute manière, il n'aurait même pas remarqué un éléphant dansant un slow avec une girafe.

Ce deuxième témoin n’était pas prévu dans le plan de Sanoé. Tant pis, elle attendrait simplement qu’il s’en aille pour passer à l’étape suivante. Par contre, il devait partir vite. Sanoé sentait déjà l’air s’alourdir, se concentrer. L’obscurité devenait de plus en plus compacte, rampant pour absorber la moindre lumière. Et le signe qui ne trompait pas, l’air se rafraichissait et bientôt commencerait à diminuer.

L’oreille attentive, elle entendait l’inconnu ranger divers objet de manière désordonnée, jusqu'à ce qu’un objet fin et léger roula vers elle. C’était un pinceau. Des pas approchèrent. Elle vit des doigts fins et habiles, salis par des tâches colorées.

L’inconnu s'agenouilla pour le récupérer et tourna la tête vers la cachette de Sanoé.

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