13. On est une équipe. Un point c’est tout.

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  • Un de mes amis à la fac a des phénomènes étranges dans son immeuble. Plus particulièrement dans la cage d’escalier entre le deuxième et le troisième étage.
  • Quel genre de phénomène ? demanda Arthur, intéressé.
  • J’y viens, justement, reprit Rima en posant son ordinateur sur ses genoux. Tous les vendredis soir vers 22h15 un bruit lourd résonne dans l’escalier. Il m’a dit que ça ressemblait à une personne qui tombe. La première fois qu’il a entendu la chute, il est sorti immédiatement pour voir. Mais il n’y avait personne. Ni au troisième, ni à aucun autre étage. La semaine suivante, même heure, même bruit. Il est allé voir, toujours rien. Alors, il s’est dit que c’était peut-être un voisin qui faisait du ménage, ou des enfants qui jouaient au ballon dans un appartement…

D’un signe d’accord, Sanoé hocha la tête.

  • Normal, tout le monde cherche une explication rationnelle au début.

Elle se tourna ensuite vers Arthur et d’un ton professionnel, elle récita :

  • Leçon n°1 du Guide du monde de l’Invisible. Tout événement étrange n’est pas forcément paranormal. Il faut d’abord retirer les éventualités naturelles : paréidolie, explication scientifique, problème de compression pour les appareils photos... Là par exemple, il est tout à fait possible que ce soit un voisin qui soit à l’origine de ce bruit.
  • Ouais, mais le truc, c'est que mon pote a demandé à tous ses voisins. Et à les entendre, c’est de la faute à personne. Il paraît que ça fait trente ans que ce phénomène se produit.

Pensive, Sanoé s’adossa au canapé et rapprocha ses jambes contre son corps.

  • Ok, là, c'est chelou. Dis-lui qu’on va passer vendredi prochain. Pendant ce temps, renseigne-toi sur l’histoire du bâtiment et surtout vérifie s'il s’est passé un événement tragique il y a une trentaine d'années.
  • Bien cheffe ! plaisanta Rima en position de salut militaire. Je t'envoie son numéro et ses coordonnées.

Avec une rapidité inouïe, Rima pianota sur son clavier. Penchée ainsi sur son écran, le dos courbé, elle ressemblait aux hackers dans les séries télévisées.

  • J’emprunte tes toilettes, lança Sanoé en se dirigeant vers le fond de l’appartement.

Le tapotement des doigts sur les touches et le tic-tac de l’horloge résonnaient dans le salon. Arthur regardait du coin de l'œil Rima. Sa tasse était vide depuis un moment, mais il ne pouvait s’empêcher de la triturer. C’était rassurant d’avoir un objet dans les mains.

  • Quoi ? s’énerva Rima en levant les yeux de son ordinateur.
  • Rien, rien, répondit Arthur précipitamment.

Il se concentra vivement sur le pot de fleur à sa droite. Un vase en porcelaine bleu et blanc. Très joli. Et très kitsch.

  • Alors arrête de me fixer, brindille.

Arthur serra les dents.

  • T’es quoi comme genre de Réceptive ?
  • Un genre que tu connais pas.
  • D’accord, mais c’est quoi ton rôle dans l’équipe ?

Rima fronça ses sourcils blonds. Elle posa son ordinateur sur la table basse et s’installa au bord du canapé.

  • Mon rôle, c'est celui du génie de l'informatique. Je peux tout aussi bien infiltrer la sécurité d’un musée ou te créer une fausse identité sur demande. Je peux pirater ton compte bancaire tout en me manucurant. Je recherche les phénomènes paranormaux sur internet et en informe Sanoé. Mais je suis surtout la meilleure amie et le soutien émotionnel, argumenta-t-elle. Puis, elle releva le menton, un sourire narquois sur les lèvres. Et toi, c’est quoi ton rôle ?

Il ne savait pas quoi répondre. Avait-il réellement un rôle dans cette drôle d’équipe ? Il avait demandé à Sanoé d’en faire partie par curiosité, pour qu’elle lui en apprenne plus sur son don. Mais lui, que lui apportait-il ?

  • Rima, vraiment le savon dans ta salle de bain sent trop bon ! déclara Sanoé en revenant. Bah, où est Arthur ?

Dans le salon, il n’y avait plus que la jeune femme aux chignons roses, une lueur de satisfaction dans ses iris bleus.

Cette dernière haussa les épaules.

  • Il vient de partir. Il a dit qu’il avait un truc à faire. Pas très bavard le gars.

Sanoé resta debout un instant. Il s’en était allé comme ça, sans même la saluer. Ce n’était pas dans ses habitudes. Elle avait beau le connaître depuis peu, Arthur était toujours poli. Avec tout le monde. Quoique, en y réfléchissant bien, il s’était comporté différemment avec Rima.

  • Qu’est-ce que tu lui as dit ? sermonna Sanoé.
  • Moi ?!, s’indigna Rima. Rien !

La rousse alla s’asseoir en face de sa meilleure amie et leva un sourcil dubitatif.

En plus de sa sensibilité, Sanoé avait un autre pouvoir. Lorsqu’elle fixait son interlocuteur, il ne pouvait détourner le regard. Elle avait un feu dans les yeux. Déterminé, dévorant et hypnotisant.

Rima n’y tint plus. Elle s’allongea sur le canapé afin de briser le contact visuel de Sanoé.

  • Ok, souffla-t-elle. J’ai, légèrement, fait comprendre à Arthur qu’il n’avait aucune utilité. Mais c’est bon, il s’en remettra. On n'a pas besoin de lui.
  • Rima… commença Sanoé en se pinçant l’arête du nez. C’est lui qui a besoin de nous, et non l’inverse. Il se retrouve du jour au lendemain à voir des fantômes partout autour de lui. Je sais que c’est compliqué, mais essaye d'imaginer si ça t’arrivait aussi. Et pourtant, au lieu d’être terrorisé ou de se voiler la face, il souhaite comprendre. Et mieux encore, il veut les aider.
  • Peut-être, mais je te connais Sanoé. Tu es du genre à adopter le premier chaton trouvé dans la rue. Tu fais confiance bien trop facilement. Sauf qu’on sait toutes les deux comment ça se finit. Tu ne lui en as pas encore parlé, pas vrai ?

Sanoé prit un coussin qu’elle plaqua contre sa poitrine. Elle secoua la tête.

  • Je te trouve très proche de lui, en très peu de temps, insista Rima en se relevant. D’accord, j’ai probablement été un peu dure avec lui, il n'a pas l’air méchant. Mais je ne veux plus te ramasser à la petite cuillère. Je m’inquiète simplement pour toi, termina-t-elle en allant enlacer son amie.
  • Je sais. Merci Rima. C’est différent cette fois. Je veux juste l’aider. Lui donner des conseils comme on a pu m’en donner quand j’étais enfant.
  • Si tu le dis, concéda Rima. Dis donc, c’est vrai qu’il sent bon mon savon !

-§-

Une fois de retour chez elle, Sanoé n’arrivait pas à s’occuper. Elle avait l’esprit tourmenté. Impossible de se concentrer sur sa série en cours ou de lire plus de deux pages de son roman. Elle n’allait quand même pas faire ses devoirs pour penser à autre chose ? Non, elle n’était pas désespérée à ce point.

Son réveil indiquait 21h04. Il ne dormait probablement pas encore.

Elle s’empara de son téléphone et chercha son contact. Elle hésita. Puis appuya sur la touche appel. Elle se dépêcha de s'installer sur son pouf poire et s’emmitoufla dans son plaid.

  • Allô ? retentit la voix d’Arthur dans l’oreille de Sanoé.
  • Salut partenaire.
  • Salut. Je suis désolée pour tout à l’heure. Je n'aurais pas dû partir comme ça. C’était pas sympa.
  • T’inquiète. Rima peut-être surprotectrice. Mais je suis sûre qu’elle t’aime bien au fond.
  • C’est pas trop l’impression que j’ai eu.

Ils restèrent silencieux. Pourtant, aucun des deux ne raccrochait. Sanoé jouait machinalement avec sa bague, la faisant tourner entre ses doigts.

  • Tu as pu terminer ton projet pour les cours ? demanda-t-elle.

Elle n’avait pas envie de mettre fin tout de suite à leur échange.

  • On peut dire ça. Je devais le faire avec une camarade de classe. Elle a pas arrêté de m’appeler quand je rentrais chez moi. On vient tout juste de terminer, ça a duré plus longtemps que ce que je croyais.
  • Oh, la voix de Sanoé se brisa. Je vais pas t’embêter plus longtemps alors. À plus.
  • Non, attends ! s’écria Arthur précipitamment. Rima n’avait pas tout à fait tort. Pour le moment, je n’ai pas encore de rôle dans l’équipe. Je n’ai pas été d’une grande aide à Quimper. Mais je suis sûre qu’en apprenant un peu plus sur la Clairvoyance, je pourrais être utile. En attendant, est-ce que je pourrais quand même t’accompagner vendredi prochain ?
  • Bien sûr que tu m'accompagnes ! Tu es un Guide du monde de l’Invisible. C’est non négociable. Tu ne pensais tout de même pas me faire faux bond ?

Elle l’entendit rire. Elle était rassurée.

  • Jamais je n’oserai. Bon, je dois préparer nos flyers. Je te les montrerai la prochaine fois alors.
  • Ok ! Et Arthur, on est une équipe. Un point c’est tout.
  • D’acc... partenaire.

Il avait raccroché.

Sanoé regarda le paysage nocturne par sa fenêtre.

Elle avait soudain très chaud dans son appartement.

Sans doute à cause du plaid…

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