19. Avion à réaction, pirouette, cacahuète

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Arthur attendait dans le RER B, valise cabine à la main, les stations défilant sous ses yeux.

Il était stressé. C’était la première fois qu’il prenait l’avion. Il n’avait pas la moindre idée de comment se passait la prise en charge des valises, ni où il devait aller pour présenter son billet. Pensif, il jouait avec la poignée de sa valise à roulettes, la faisant descendre, puis remonter. Il était encore plus inquiet de revoir Sanoé. Allait-il au moins la retrouver dans cet immense aéroport ? Qu’allait-il lui dire ? Comment allait-elle réagir en le voyant ?

Et pour couronner le tout, il avait oublié ses écouteurs chez lui. C’était un mauvais présage, il en était sûr. Le voilà voué à passer tout un voyage sans s’enfermer dans sa bulle de confort musical.

La sonnerie de son téléphone le sortit de ses angoisses. Il se dépêcha de décrocher pour faire cesser la musique.

  • Allô, dit-il doucement.
  • Arthur, t’as pas oublié ton passeport, pas vrai ?
  • Non, je l’ai. J’ai déjà vérifié trois fois avant de partir. Ne t’inquiète pas pour moi, Ophélie. Et sinon, bonjour aussi, hein.
  • Oui, bonjour. Excuse-moi, c’est juste que je suis trop contente pour toi ! J’aurais tellement aimé venir aussi ! Promets-moi de prendre plein de photos !
  • Je te le promets, déclara-t-il en retrouvant le sourire.

Il avait toujours un poids sur le cœur, mais maintenant, il respirait un peu mieux grâce à la conversation avec sa camarade de fac. Arthur fit le reste du chemin au téléphone, ça le rassurait d’avoir quelqu’un, même simplement une voix, avec lui. Une fois arrivé à l’aéroport, il regarda l’imposant tableau numérique indiquant les vols.

  • Je crois avoir trouvé le numéro de la porte de mon avion…
  • T’as l’air super sûr de toi, plaisanta son amie.
  • Tout est beaucoup trop grand ici. Et y a trop de monde, se plaignit Arthur.
  • Justement, demande à des personnes de t’aider.

Arthur se retourna pour analyser quelle personne était plus à même de lui venir en aide. Une famille nombreuse avec quatre enfants plus turbulents les uns que les autres, un couple en plein baiser passionné, un agent de sécurité à l’air patibulaire, une jeune fille rousse au teint blafard.

Il ne l’a reconnu pas au premier coup d'œil. D'ordinaire, sa chevelure orange était toujours barrée par ses racines brunes.

  • Je… J’ai trouvé. Je te laisse Ophélie, affirma-t-il en raccrochant.

Il voulut faire un pas vers elle, mais Sanoé fut plus rapide. En trois grandes enjambées, la voilà face à lui.

  • Arthur ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?! s’écria-t-elle.

Ah… Elle avait l’air surprise. Non, elle était même carrément confuse. Elle regardait Arthur de haut en bas frénétiquement, ses yeux se baladant du garçon à la valise qu’il tenait à côté de lui.

  • Oh non ! Non, non, non ! Je suis sûre que c’est un coup de Rima. Je lui avais dit que c’était inutile. Écoute, merci d’être venu, c'est gentil, mais tu peux partir. J’ai pas besoin qu’on m’accompagne. Ça va super bien se passer. Et puis, c’est l’histoire de quelques jours.
  • Heu… Sanoé, respire.

Elle avait parlé d’une traite, sans s’arrêter. Et plus les mots sortaient de sa bouche, plus elle devenait pâle.

  • Pour que Rima m’appelle et pire encore qu’elle m’invite chez elle, c’est qu’il avait urgence. Et à t'entendre, je comprends maintenant qu’elle avait raison.

Il avança à son tour d’un pas vers elle.

  • C’est bizarre en ce moment, entre nous. Mais je reste un Guide du Monde de l'Invisible. Et pour paraphraser Rima, dans l’équipe, on se soutient les uns les autres. Donc, je viens. Et puis un voyage gratuit, ça ne se refuse pas.

Il essayait de sourire pour détendre l’atmosphère, mais il n’en menait pas large. Rima avait menti. Sanoé ne l’attendait pas. Sa réaction montrait qu’elle n’avait pas envie de le voir. Ils allaient être enfermés pendant presque une heure et demie dans un avion. Et ce ne sera sans doute pas mieux en Écosse. Arthur avait envie de rentrer chez lui, de s’enrouler dans son plaid façon burrito et de ne plus parler à personne.

Sanoé passa une main dans ses cheveux. La fatigue se lisait sur son visage. Son teint laiteux était terne. Ses yeux cernés et secs avaient perdu leur vivacité. Ses cheveux étaient encore plus ébouriffés que d’ordinaire. Une masse verte sortait du sac de voyage de Sanoé. Arthur reconnut Absolem, la tortue géante sentant la lavande et la poussière.

Il savait.

Il savait que cette peluche aidait Sanoé lors de crises d’angoisse. Arthur ne comprenait pas ce qui effrayait autant la jeune femme, mais une chose était sûre, elle allait avoir besoin d’un ami.

Sanoé ne contredit pas Arthur. Mais elle ne parla pas non plus. Se contentant de baisser les épaules. Tous les deux, dans un silence inconfortable, se dirigèrent vers la porte d’embarcation de leur avion.

L’attente allait être longue.

-§-

Oui, l’attente était longue.

Arthur ne pensait pas qu’on patientait autant avant de monter dans l’avion. Il avait déjà fait un tour au duty free. C’était cher et il n’y avait vraiment rien d’intéressant. Des montagnes de friandises, des magazines aux couvertures flashy, des écouteurs à des prix exorbitants.

Sanoé, casque sur les oreilles, regardait l’heure. Elle se frottait inlassablement la paume de la main. Elle faisait toujours ça lorsqu’elle était inquiète ou contrariée. Et là, elle était sans doute un peu des deux.

Ils montèrent finalement dans l’avion. Arthur redoutait le décollage et il fut plus que surpris d'apprécier la sensation. C’était comme monter dans des montagnes russes, sans la descente vertigineuse. Rima avait bien fait les choses, Sanoé et lui étaient assis sur la même rangée. Elle regardait les nuages à travers le hublot.

Arthur n’avait jamais passé autant de temps sans parler à Sanoé. Ou plutôt sans que Sanoé prononce le moindre mot.

Ils allaient rester ensemble plusieurs jours. Il devait rompre la tension. N’y tenant plus, il tapota l’avant-bras de la jeune femme. Lorsqu’elle se retourna vers lui, il lui fit signe de baisser son casque.

  • Tu savais que le prénom de Rima, c'était Marie-Angélique ?

Enfin, Sanoé souriait. Enfin, Arthur retrouvait ce sourire si franc. Enfin, elle le regardait dans les yeux.

  • Oui, je sais, dit-elle, un rire dans la voix. Ce qui est incroyable, c'est que toi, tu le saches. Elle te l’a dit ?
  • Non, c’est sa mère qui l’a appelée. Elle était furieuse. J’ai cru que ma dernière heure avait sonné.

Le rire de Sanoé s’éleva dans l’avion. Arthur était tellement heureux qu’il se mit à rire aussi.

  • Je suis désolé, continua-t-il une fois redevenu calme.

L’expression de Sanoé lui demandait où il voulait en venir.

  • Tout d'abord pour m’être incrusté. Rima s’inquiète pour toi et ne m'a pas trop laissé le choix. Elle a carrément piraté ma fac ! Mais c’est pas une raison, si vraiment tu souhaites être seule, je partirai de mon côté. Et je suis désolé pour ce qui s’est passé chez Noah. J’étais pas moi-même, s’expliqua-t-il, les mains couvrant son visage honteux. J’ai pas d'excuse, c'était nul et je m’en veux que ça ait jeté un froid entre nous.
  • Hé ho, Arthur respire, taquina Sanoé, en faisant référence à la réponse du jeune homme il y a quelques heures de cela. Pour la soirée chez Noah, ça m’a surprise, je vais pas te mentir. Mais t’étais bourré, je sais que ça ne voulait rien dire.

Elle s’arrêta un instant, avant de reprendre.

  • J’ai pas été sympa non plus, de ne pas répondre à tes messages. J’avais besoin de réfléchir et puis il s’est passé tellement de choses en même temps. Mais je ne t’en veux pas. Ni pour ça, ni pour m’accompagner. En réalité, avoua-t-elle en posant son petit doigt sur la main d’Arthur, je suis contente de ne pas être seule.

Arthur était soulagé d’entendre ses mots. Enfin, le poids sur son cœur se dissipait comme les nuages à l’extérieur de la machine volante.

  • On est toujours partenaire, pas vrai ? demanda-t-elle.
  • Bien sûr, approuva-t-il en enlaçant son petit doigt autour de celui de son amie.
  • Des cacahuètes ? proposa une hôtesse de l’air derrière son chariot à roulettes.

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