Chapitre 2
~ Point de vue Nicole ~
Quand la nuit commence à apparaître, Éric entre dans la chambre. Il sait qu'il se passe quelque chose dans ma tête mais il ne pose aucune question. Il n'a ouvert la bouche que pour me souhaiter une bonne nuit lorsque mon père a pris la relève. Peut-être sait-il ce que je prépare ? Peut-être m'a-t-il entendue ?
Malheureusement, je n'ai pas les réponses à ces questions car je ne peux pas « entrer dans sa tête » pour les trouver.
Il reste silencieux mais je sens son regard perçant sur moi, me rappelant le regard que John me lance quand il sait que je prépare quelque chose.
Je ferme les yeux pour essayer de m'endormir et fais le vide dans mon esprit.
Le lendemain matin, quand je me réveille, je vois le plateau du petit déjeuner posé sur la table à roulettes. Éric, quant à lui, a repris son poste et ne fait pas un regard vers la chambre.
J'attends un moment puis me redresse sur le lit et avance la table devant moi pour prendre le petit déjeuner. Ensuite, je vais dans la salle de bain pour me laver. J'entre dans le carré de douche, mets l'eau à couler et sors le shampoing afin de me laver les cheveux, puis le gel douche.
Quand j'ai terminé, je sors de la douche, prends une serviette et l'enroule autour de moi. J'essaie de m'habiller, mais je me rends compte que je ne n'arrive pas à me baisser. Pas le choix là je crois, j’appelle Éric pour qu'il vienne à mon secours.
Je me rends à la porte et l'ouvre.
— Tu as besoin de quelque chose ? me demande-t-il.
— Je n'arrive pas à me baisser. Tu pourrais m'aider ?
— T'as un souci avec ton pantalon ? me demande-t-il, en souriant.
— Y’a pas qu'avec le pantalon que j'ai un problème.
Je le laisse entrer dans la chambre après avoir fermé la porte et il me suit dans la salle de bain.
— Ça reste très gênant pour moi.
— Pourquoi ?
— Tu restes un homme, malgré ton attirance pour eux.
Il finit de me lacer les chaussures quand mon téléphone sonne.
Il se redresse et me regarde avec ses yeux marron en amande.
— Il faut que je le prenne.
— Ce n'est pas pour le boulot au moins ?
— Non non non, mentis-je.
Il se redresse et sort de la chambre. Je décroche et entends à la voix que c'est Alex.
— Tu as trouvé quelque chose ?
— Avant de te répondre, je voudrais savoir à quoi ça correspond, me dit-il.
— Ça, je ne peux pas te le dire.
— Soit tu me dis à quoi ça correspond soit je balance à ton père que tu travailles sur l‘enquête.
— Techniquement, je suis toujours ton supérieur et techniquement parlant, mon père n’est rien, alors s'il te plaît, tu me donnes cette adresse.
— Le code que tu m'as donné m'a donné du fil à retordre. Ça m'a pris toute la nuit mais j'ai fini par y arriver.
— Bon Alex, accouche. On n’a pas toute la journée.
— C'est à Marseille.
— Mon père m’a dit que vous aviez déjà fouillé tout Marseille.
— Bah il n’y avait personne quand on a fouillé mais là ils sont revenus à Marseille apparemment.
— T’as une adresse à me donner ?
— Bien sûr que oui. C'est dans une maison qui se trouve dans une rue qui s'appelle Bruyère. Ne me demande pas ...
— Je connais cette rue. Il y a un parking sur la droite et un grand immeuble en face. Donne-moi le numéro de la maison.
— C'est le 45, répond Alex.
— Merci infiniment.
Je raccroche aussitôt, prends un morceau de papier et écris l'adresse qu'Alex vient de me communiquer.
Quelques instants après, la porte s'ouvre et Éric me parle.
— Tu connais un certain monsieur Jones ?
— Oui … il est déjà là ?
— Il veut te voir. Je le laisse entrer ?
— Oui oui, vas-y.
Il se retourne vers Steeve et lui dit :
— Je peux savoir ce qu'il y a dans votre mallette ?
— Des papiers, ment Steeve.
— Vous pourriez l'ouvrir, s'il vous plaît ?
Ca me m’arrange pas qu’il veuille regarder dans la mallette. Faut que j’intervienne.
— Éric, ce sont des papiers personnels, lui répondis-je.
Il nous regarde à tour de rôle, puis se pousse pour le laisser entrer et ferme la porte. Je ferme les stores et me retourne vers Steeve. Je sais qu’il a compris ce qui allait se passer mais par respect il n’a rien dit.
— Tu ne m'avais pas dit que tu étais surveillée.
Tout à coup, il voit mon ventre et je sens la panique dans sa voix.
— Et en plus tu es enceinte ? Non mais tu es malade Bernard, ce n'est pas du tout raisonnable avec ce que tu as dans la tête.
— Ca c'est mon problème.
— C'est aussi le mien, puisque tu prends mes jouets.
— Qu'est-ce que tu m'as apporté ?
— Des jouets comme tu les aimes. Petits calibres qui font des dégâts.
— Tu sais, je préfère avoir un petit calibre qui fonctionne plutôt qu'un gros qui ne fonctionne pas.
Il ouvre la mallette et la tourne vers moi. Il y a quelques armes avec leurs recharges, placées dans des étuis. Il reste encore plusieurs minutes à me parler de ses armes, puis part sans se retourner.
Éric le regarde partir en fronçant les sourcils. Il est temps pour moi de jouer cartes sur table avec lui. Je lui dois la vérité.
— Éric. Rentre et ferme la porte.
Je tourne la mallette vers lui et son visage s’assombrit.
— Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ? me demande-t-il.
Il sait parfaitement ce que j’ai en tête.
— Je vais aller chercher mon mari.
— Dans l'état où tu es ?
— Oui, j’ai déjà fait bien pire que ça. Je te préviens … j'irai avec ou sans toi.
— Tu es complètement cinglée.
— On me l’a déjà dit … mais je veux sauver mon mari.
— Si on y va tous les deux, je veux que tu restes dans la voiture.
— C’est sur le terrain que je suis la meilleure. Je ne resterai pas dans la voiture.
— Certainement mais mon boulot à moi, c'est de veiller sur ta vie, pas d'y mettre un terme. Si je n'ai pas ta parole, on reste ici et je préviens Mark.
J'essaie de lui tenir tête pendant de longues minutes mais apparemment, il est plus têtu que moi.
— Tu as ma parole. Je resterai dans la voiture.
— Tu as l'adresse ?
Je lui montre le papier sur lequel elle est inscrite. Nous sortons de l'hôpital et montons dans la voiture.
~ Point de vue Alex ~
Une fois toutes les connections faites je me lève aussitôt de ma chaise, prends les clefs de ma voiture.
— Qu'est-ce que tu as ? me demande Matt.
— Il faut que je vérifie quelque chose. Reste à côté du téléphone au cas où.
Je vais dans la salle pour récupérer du matériel dont un objet qui va me permettre de vérifier s'il y a du monde dans un lieu précis. Puis je monte dans ma voiture et prends la route du 45, rue Bruyère à Marseille. Quand j’y arrive, je m'aperçois que Nicole est déjà arrivée.
J’active alors la machine thermique et appelle Matt.
— Bennett.
— C'est moi. Mark est arrivé ?
— A l'instant.
— Passe-le moi. C'est très important.
Je l’entends poser le combiné sur le bureau, chercher Mark et lui parler.
— Monsieur ...
— Mark. C'est Mark, pas monsieur.
— Alex voudrait vous parler. Il dit que c'est très important.
— Il n'a qu'à venir. Je ne vais pas le manger.
— Il est au téléphone. À mon avis, il a trouvé quelque chose.
J’entends Mark se lever.
— Oui Alex. Où es-tu ?
— Au 45, rue Bruyère à Marseille.
— On a fouillé tout Marseille déjà, on n’a rien trouvé.
— J'ai retrouvé la trace de mon père. Ils sont revenus sur Marseille.
— Comment tu as fait ?
— John avait un bracelet avec un émetteur à son poignet droit. Nicole s'en est rappelé et elle m'a demandé de localiser une immatriculation et ce matin, ça m'a fait tilt.
— Tu es sûr que ce sont eux ?
— J'ai l'image thermique de trois personnes plus celle de deux autres autour de la villa.
— Bon, tu ne bouges pas d'où tu es, j'arrive avec une équipe.
— Le temps que vous arriviez, il sera peut-être trop tard.
— Alex, tu attends les renforts. C'est un ordre.
— Désolé mais comme m’a dit Nicole, vous n’êtes pas mon supérieur. Alors j’agis comme bon me semble.
Je raccroche au nez de Mark. Je sais que je vais en prendre pour mon grade quand tout ceci sera terminé mais je m’en fiche. Y’a trop à perdre.
~ Point de vue Mark ~
J’y crois pas. Il m’a raccroché au nez !!!
Je réquisitionne tout le personnel présent ainsi qu'une équipe d'intervention et nous partons aussitôt pour aller arrêter Chris.
~ Point de vue Greg ~
J’ai enchaîné deux jours et deux nuits d'affilés. Je suis enfin chez moi. Mark m’a laissé la journée pour me permettre de récupérer.
Je vais en profiter pour faire la grasse matinée avec Natasha, qui est toujours en vacances.
Ça fait un moment que nous sommes réveillés mais aucun de nous ne veut se lever. Nous voulons nous reposer et profiter du calme.
— T'as envie de te lever ? demande-t-elle.
— Pas le moins du monde. Si on pouvait rester là, comme ça, toute la journée, ce serait bien.
— Et si je te proposais une activité qu'on pourrait faire rien que tous les deux ?
— Ça dépend. Qu'est-ce que tu proposes ? questionnais-je, en la regardant.
— Ben, il y a toujours une première fois à tout, et étant donné qu’ Evan n'est pas là jusqu'à la fin des vacances, on pourrait … enfin tu vois quoi.
— Est-ce que tu te sens prête à franchir le cap ? Je ne veux pas que tu le fasses par obligation.
— Ça fait déjà un moment que j'y pense. Et je me connais, si je ne me lance pas, je sais que je ne le ferai pas, alors autant le faire maintenant.
Elle commence à m’embrasser, quand quelqu'un frappe à la porte d'entrée.
— Laisse tomber. Elle repassera, dis-je, avant de l'embrasser de nouveau.
Il se passe encore quelques minutes puis de nouveaux coups retentissent à la porte.
— Greg, je sais que tu es là. J'ai vu ta voiture en bas. S'il te plaît, ouvre-moi, dit une voix.
— Y'a personne, lançais-je.
— Alors pourquoi tu réponds ?
Ma sœur je vais la buter. Je vais ouvrir la porte et elle s'empresse d'entrer sans faire attention à ce qui peut avoir autour d'elle. Natasha remonte le drap et elle la regarde.
— Il faut que tu m'aides, j'ai un gros problème. Tu te souviens de Bastien ? Le mec avec qui j'étais depuis trois ans ? Je l'ai quitté la semaine dernière et il n'a pas du tout apprécié la rupture.
Elle s'arrête tout à coup car elle vient d'apercevoir Natasha sur le canapé, et je suis en caleçon.
— Je te dérange ?
— Oui.
— Tu veux que je repasse plus tard ?
— Pour que tu viennes à un autre mauvais moment, autant rester.
— Tu pourrais faire les présentations ? questionne Natasha.
— Natasha, voici Lily, ma petite sœur. Lily, c'est Natasha, ma compagne.
— C'est ta copine de la semaine ?
Le sourire de Natasha s'efface aussitôt.
— Lily ne commence pas.
Mon téléphone sonne. Purée, décidemment je ne peux pas être tranquille une journée. Je vais le prendre et décroche.
— Sanders.
— On a une urgence, je veux te voir au poste dans dix minutes, lance Mark.
— J'arrive tout de suite, monsieur.
Je raccroche, attrape mon pantalon puis l'enfile.
— C'est Mark, il y a une urgence, faut que j’y aille.
— Fais attention à toi, me dit Natasha.
— Je t'aime, lui dis-je, avant de l'embrasser et pars.
~ Point de vue Natasha ~
Quand il ferme la porte, je suis un peu gênée quand j’attrape mon t-shirt pour le mettre. Je me lève et me rends dans la salle de bain pour y prendre une douche.
Quand j’en sors une demi-heure plus tard, Lily s’est installée sur une chaise dans la cuisine.
— On va pouvoir faire connaissance, toutes les deux. Tu couches avec mon frère depuis quand ?
Ok, elle n’y va pas par quatre chemins. Je me force à sourire et la rejoins.
~ Point de vue Greg ~
Je suis enfin arrivé au poste. J’espère que la cohabitation entre Natasha et ma sœur va bien se passer.
Mark m’a mis au parfum et nous sommes en route pour l'adresse qu'Alex lui a donnée.
Quand nous y arrivons, Alex n’est plus dans sa voiture, ni Nicole d'ailleurs : ce qui inquiète Mark.
Mark observe rapidement les alentours et fait deux équipes. La première se dirige vers la maison, la seconde vers le parking. Les deux groupes ont un chef d'équipe qui est en tête.
~ Point de vue Mark ~
Dans la maison, la première équipe que je dirige a trouvé des seringues ainsi que des sachets dans lesquels il y avait de la drogue.
Je mets ma main à mon oreille gauche et active mon oreillette.
— Stéph, ils sont ici. Ils sont probablement shootés, alors attention à vous.
~ Point de vue Steph ~
Mark m’a laissé à la tête de la seconde équipe, faut pas que je me loupe cette fois-ci. J’ai trop de choses à me faire pardonner. Je viens de trouver une oreillette par terre, ça sent pas bon.
— On a trouvé une oreillette dans le parking, avertis-je.
— Nicole doit être dans les parages. Trouvez-les.
Nous continuons d’avancer dans l'inconnu en espérant les retrouver bientôt. Chaque minute compte.
~ Point de vue Nicole ~
J'ai enfin retrouvé John. Il est étendu par terre, le bras gauche incrusté de piqûres de seringues. Je suis horrifiée quand je vois l’état de son bras. Qu’est-ce qu’ils lui ont fait ces pourris ?
Il a les yeux rouges et semble déshydraté. Il est à demi-conscient.
— Le quatorze février … le quatorze février, dit-il.
— Quoi, le quatorze ?
— … le mariage … le quatorze février.
— On verra plus tard. Pour le moment, il faut que tu sortes de là.
— … derrière toi … attention ... prévient-il.
J'ai à peine le temps de me retourner qu'une barre de fer me passe devant le nez. Je me relève tant bien que mal et Eva engage le combat. Bon alors là, je vais avoir du mal à suivre le rythme et à donner un coup de pied avec la même puissance qu'avant et cette dinde l’a très bien compris.
— Et alors, ma mignonne, qu'est-ce qui t'es arrivée ?
— J'ai abusé des gâteaux.
J'essaie d'esquiver les coups qu'elle donne mais c'est très difficile de barrer quelque chose avec le ventre que j'ai.
J’imagine qu’avec le bruit qu'a fait la barre de fer en tombant, Éric va bientôt venir me filer un coup de main.
~ Point de vue Éric ~
Purée mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je me souviens avoir reçu un coup derrière la tête. Je passe ma main et constate qu’il y a une plaie qui saigne. Je me relève et active mon oreillette.
— Nicole ? Tu m'entends ? demandais-je.
Évidemment elle ne me répond pas. J’aurai dû l’attacher dans la voiture.
— Je vais la tuer, dis-je en râlant.
Pendant quelques minutes, je me déplace en me tenant au mur, puis monte les escaliers.
~ Point de vue Nicole ~
Eva a sorti son arme et la pointe sur moi. Je suis vraiment dans la merde. Je suis venue avec une arme bien entendu mais si je bouge d’un millimètre elle me flingue et je n’ai pas très envie de mourir comme ça à vrai dire.
Quelques secondes plus tard, tout au moins, des coups de feu retentissent et je vois Stéph qui s'interpose entre Eva et moi. Il me regarde avec ses yeux extrêmement rouges et du sang coule de sa bouche puis il s'effondre en même temps qu'Eva.
Je n'ai même pas réalisé qu’Éric a tiré sur elle et que j'ai été prise pour cible par un fusil longue portée.
— JE T’AVAIS DEMANDE DE RESTER DANS LA VOITURE, crie Éric, furieux.
Dans l’état où je me trouve je ne peux pas lui répondre, je fixe Stéph et m'agenouille à côté de lui en pleurant.
— S’il te plait, reste avec moi, dis-je, en glissant ma main droite dans son dos et en appuyant aussi fort que possible pour stopper le saignement.
— Pardonne-moi.
Pendant qu’il parle du sang continue de s’écouler de sa bouche.
En lui prenant la tête, je vois qu'il a une oreillette. Je la lui enlève de l'oreille et la mets dans la mienne. J’essuie les larmes qui coulent sur mes joues.
— Papa, tu m'entends ?
De mon oreillette j’entends mon père stopper tout mouvement.
— Oui. Où tu es ?
— Dans le parking. Il faut que tu appelles les pompiers en urgence, tout de suite.
— Qui a été touché ?
— Stéph perd beaucoup de sang et John est à la limite de l’overdose. Fais vite, s'il te plaît, on est en train de les perdre.
Je retire aussitôt l'oreillette et les autres arrivent. Je vois Greg venir en courant et se jeter aux pieds de Stéph.
— Eh, faut que tu restes avec nous, lance Greg.
Il le regarde puis il ferme les yeux.
— Non non non. Garde les yeux ouverts. Bats-toi.
Greg place sa main autour de la bouche de Stéph en lui secouant doucement la tête et essaie de lui faire ouvrir les yeux mais il garde les yeux fermés. Il bascule la tête de Stéph en arrière après avoir posé sa main sur son front et deux doigts sous le menton. Il porte son oreille à la bouche de Stéph. mais visiblement il ne sent pas de souffle. Il pose son index et son majeur dans le cou de son collègue pour lui prendre le pouls et le sens tellement faiblement qu’il se demande à haute voix si c’est un véritable pouls.
— On est en train de le perdre. Ne me lâche pas. T'as pas le droit de me faire ça.
— Commence le massage, je lui maintiens la tête dans l’axe, dit Éric.
J’essaie de placer mon pouce gauche sur le menton de Stéph et les deux doigts sous le menton afin qu’il garde la bouche ouverte.
— Vas- y masse. Trente compressions thoraciques et deux insufflations, indiquais-je en chuchotant.
Malgré le point de compression que je fais avec ma main, il y a du sang qui coule sous les pieds de Stéph.
Greg a entamé la troisième série de compressions thoraciques toujours au même rythme, quand les pompiers arrivent enfin.
Ils nous demandent où est-ce qu'il est touché mais je suis incapable de leur répondre. En voyant ma détresse, Éric le fait à ma place.
Un des pompiers demande à Greg de stopper le massage et de chercher un pouls. Il place son index et son majeur au niveau de la carotide de Stéph et trouve une pulsation au bout de quelques secondes.
— J’ai un pouls bien frappé, prévient-il.
Le pompier se place à genoux entre Éric et moi.
— Vous venez de lui sauver la vie, monsieur.
Ils lui mettent le collier cervical.
— Madame, je vais vous demander de retirer votre main et de vous écarter s’il vous plait.
Je fais ce que le pompier vient de me demander en tremblant comme une feuille et avec son collègue, ils tournent Stéph sur le côté gauche. Ils placent une civière de relevage et il soulève le t-shirt ensanglanté de Stéph et au vu de la blessure que la balle a faite, il demande un tas de compresses pour faire un point de compression. Un de ses collègues les lui donne.
Avec Éric et Greg, nous nous écartons. Les pompiers soulèvent Stéph et le déposent sur le brancard, comme ils le font avec John et les sortent aussitôt.
~ Point de vue Alex ~
Quand j’ai vu que Mark était arrivé, je suis parti à la recherche de mon père et je l’ai retrouvé en haut de l'immeuble dont Nicole m’avait parlé. Je ne sais pas pourquoi mais ça m’a fait tilt de suite. Nous sommes tous les deux sur la terrasse de l'immeuble, au dernier étage. Mon père a entre ses mains un fusil à longue portée, alors que moi, j’ai seulement mon arme de service, un neuf millimètre. Comme me l’a dit Nicole à plusieurs reprises, ce n’est pas la taille de l’arme qui compte c’est la rapidité à laquelle tu agis.
— Lâche ton fusil sur le sol, mets tes mains en évidence et retourne-toi. Et tu fais tout ça en douceur.
Mon père se retourne vers moi, avec son fusil dans les mains.
— Pose ton fusil par terre, tout doucement, dis-je.
— Sinon quoi ?
—Je n'hésiterai pas à tirer.
— Tu n'en auras pas le courage. Tu as toujours été un faible comme ta pauvre mère.
Ne te laisse pas impressionner par son discours Alex, il veut t’atteindre. Ne le laisse pas faire.
Je vise quelques centimètres à côté de lui et tire. Son sourire de psychopathe s'efface quasiment tout de suite et il finit par poser son fusil. Il ne pensait pas que son propre fils, la chair de sa chair aurait pu le trahir comme ça.
A l'instant où le coup de feu a retenti, j’ai entendu du remue-ménage dans l’étage. J’imagine que Mark ne va pas mettre longtemps avant d’arriver. Enfin j’espère.
— Tu bouges, je te descends, prévins-je.
Je commence à avancer vers mon père pour lui passer les menottes mais dans notre famille, comme dans celle de Nicole, on ne se laisse jamais faire.
Je commence à abaisser mon arme et à prendre ma paire de menottes quand il met sa main droite derrière son dos et prend un couteau pour me le lancer droit sur moi. Je le reçois en plein dans l'abdomen.
J’ai le réflexe de tirer au moment où je vois le couteau arriver sur moi. Lorsque les impacts de balles entrent en lui, je le vois vaciller et tomber à la renverse par-dessus la balustrade. Il s'est écrasé sur le trottoir, tout en bas de l'immeuble, face contre terre. Les passants s'avancent autour de lui puis lèvent la tête en espérant voir quelque chose. J’entends Mark et Matt arriver mais moi, je me sens vaciller à mon tour avec le couteau ensanglanté dans ma main gauche et mon arme dans la main droite. Je tiens à peine debout et je tombe dans les pommes quand ils arrivent vers moi.
Matt me rattrape au vol et quand il me voit partir vers l’inconscient, il me donne des gifles pour me réveiller mais il n'y a rien à faire. Mon t-shirt est tout ensanglanté et je perds beaucoup de sang.
Alex va-il nous quitter après avoir ôté la vie de son père ? Le destin va-il lui donner une autre chance de vivre ?
~ Point de vue Matt ~
Voyant qu'il ne réagit pas, avec Mark nous le transportons dans une de nos voitures, pour l'amener à l'hôpital de toute urgence car les pompiers sont déjà partis. J’ai l'impression de revivre cette scène mais cette fois, c'est la vie de mon ami qui est en jeu.
Je lui fais un point de compression mais avec tout le sang qu'Alex a perdu, je me demande si cela vaut le coup.
Mark a enclenché le gyrophare et roule au maximum, manquant de peu de se faire rentrer dedans à plusieurs intersections.
Par chance, nous arrivons entiers à l'hôpital et nous nous mettons à deux pour le transporter à l'intérieur afin qu'il soit pris en charge par une équipe médicale.
Quand les médecins nous voient entrer, ils se précipitent pour nous venir en aide.
Ils l'embarquent au plus vite en radiologie pour vérifier l'état des dégâts et le font passer au bloc.
~ Point de vue Mark ~
Ceux qui sont restés sur place ont fait embarqué les deux corps inertes, que sont devenus Chris et Eva, à la morgue.
Alors que nous nous remettons à peu près de nos émotions, Marie vient nous voir. Elle est vêtue d'une blouse et est assez effrayée.
— Comment ça se passe ? demandais-je avec Matt, toujours inquiets.
— Pas très bien, à vrai dire. Stéph a été touché dans le dos et la balle a été déviée de quelques centimètres de la moelle épinière et de la colonne vertébrale.
— Ça a touché des organes ? questionne Matt.
— Il a eu de la chance pour ça, mais … il est dans le coma et pour le moment, le réveil n’est pas envisagé.
Nous passons nos mains sur nos visages comme pour nous réveiller de ce cauchemar.
— Et pour Alex ? interrogeais-je.
Je la vois retenir ses larmes et ça sent pas trop bon ça.
— Le couteau lui a perforé le poumon gauche.
— Ça peut se recoudre ?
— Je ne sais pas vraiment la longueur de l'ouverture mais, le docteur Cruz fera tout son possible pour y arriver.
— OK et pour les autres ?
— Le Marshall a été recousu par une infirmière, il a une poche de glace sur la tête. John est dans une chambre, il est perfusé et Nicole est avec le gynéco qui lui passe un savon. Je dois retourner au bloc, mais je vous tiens au courant.
Avec Matt nous nous regardons.
— Tu vois ce que ça fait de ne pas écouter les ordres et d’en faire qu’à sa tête ? Ça fait une mission sauvetage foirée, lançais-je, le regard dans le vide.
Matt part rejoindre Greg à la chambre qu'occupe Stéph pendant que je vais voir Éric, qui effectivement a une poche de glace sur l'arrière de la tête.
— Ça va ta tête ? lui demandais-je.
— Oui ça va. Quelques points et un bleu mais ça va. Je suis désolé pour tout ça. Si je ne l'avais pas écoutée, rien de tout ça ne serait arrivé.
— Ce n'est pas ta faute.
— J’ai manqué aux ordres. J'ai mis la vie de ta fille en danger, alors que je devais la protéger.
— Elle aurait fait la même chose avec un autre de toute façon. Elle t’aurait assommé elle -même pour partir.
À cet instant, la porte du cabinet médical derrière Éric s'ouvre et le docteur Ford fait sortir Nicole.
— Tout va bien ? demandais-je.
— Heureusement que tout va bien, sinon je la ferais enfermer dans une chambre jusqu'à l'accouchement. Et vous, c'est la dernière fois que je vous le dis, dit le docteur Ford, en se tournant vers ma fille.
Il appelle une autre patiente et ferme la porte.
Même si je suis en colère contre elle, je suis soulagé qu’elle n’ait rien. Au bout de quelques secondes, elle se dégage de mes bras, essuie ses yeux qui sont remplis de larmes, et elle prend la direction de la chambre de John.
~ Point de vue Nicole ~
Je sais que les infirmières lui ont donné un calmant pour le faire dormir mais je veux être là pour lui. Je veux qu’il sente que je suis là. Je tourne le fauteuil vers le lit et m'y installe. Je mets mes mains sur mon ventre et attends que le temps passe. Je resterai là jusqu’à ce qu’il se réveille.
~ Point de vue Mark ~
Je me sens tellement impuissant que je ne sais pas quoi faire. Je demande à Éric de rester là le temps que j’aille voir l'état de Stéph. Éric acquiesce d'un signe de tête et entre dans la chambre.
— Alors, comment il va ? demandais-je.
— Les constantes sont bonnes mais ce n’est pas terrible.
— Ça viendra avec le temps. Il n'est pas passé loin, cette fois-ci.
— Comment je vais expliquer ça à Natasha ? Je n’ai jamais eu à faire ce genre d’annonce, c’est la première fois, questionne Greg, inquiet.
— Dis-lui ce qui s'est passé, sans rien lui cacher.
— Vous savez où se trouve Nicole ?
— Elle est dans la chambre de John en 212. Pourquoi ?
— Il y avait une lettre pour elle, dans une de ses poches, répond Greg.
— Elle parle de quoi cette lettre ?
— Je ne sais pas. Je ne me suis pas permis de la lire.
Il en ressort une seconde de sa poche.
— Il y en avait une autre adressée à Natasha. Qu'est-ce que je suis censé faire ? me demande Greg.
— Agir comme son compagnon, pas comme un flic. Je ne peux pas te dire mieux que ça.
— Elle est tellement imprévisible ...
— Les chiens ne font pas des chats.
Il se lève sans même me regarder et sort de la chambre, me laissant seul avec Stéph.
~ Point de vue Greg ~
Je dois donner cette lettre à Nicole. Je ne sais pas ce qu’elle contient et je m’en fiche d’ailleurs mais s’il l’a écrite c’est qu’il comptait lui donner. Je frappe à la porte de la chambre de John et Éric vient lui m’ouvrir.
— Comment elle va ? demandais-je.
— Pas très bien, à vrai dire.
— Et lui ?
— Ils le font dormir pour qu’il ne ressente pas l'effet de manque, répond Éric.
— Vous pourriez lui remettre ça, pour moi ?
— Qu'est-ce que c'est ?
— C'était dans une des poches de Stéph. Ça lui est adressée.
— Je lui remettrai.
Je la lui donne et pars en douceur, sur la pointe des pieds. Je ne veux pas la déranger puis je ne suis même pas sûr qu’elle veuille m’entendre.
~ Point de vue Nicole ~
J’entends que Greg est là et je lui suis reconnaissante de ne pas être venu me parler. J’ai besoin d’être tranquille. Dans les affaires de John, j’ai trouvé la lettre qu’il m'a écrite lorsque nous étions à sa planque.
Mon cœur,
Depuis le premier jour où nos regards se sont croisés et arrêtés l'un sur l'autre, j'ai su que l'on était fait pour s’aimer, même si je n'osais pas me l'avouer dès le début. Je suis tout de suite tombé sous ton charme et j'y ai découvert de nombreuses valeurs comme le respect, le courage, l'innocence, la liberté, la reconnaissance, le bonheur et la chaleur d'un foyer unifié.
Je me souviens encore des paroles de ta chanson que tu as chantée sur ce fameux banc du parc. Je me rappelle tout ce que tu as déclaré dans ton texte et quand j'y repense, j'en ai toujours les larmes aux yeux car tu as tellement mis ton cœur là-dedans que j'en étais tout ému. Le fait que tu aies fait le premier pas m'a enlevé un énorme poids car je ne savais pas comment t'avouer mes sentiments.
Lorsque nous avons échangé notre premier baiser dans ce parc, j'ai su à cet instant, au plus profond de moi, que tu serais la seule à me faire éprouver ces sentiments-là. Des sensations comme celles que j'éprouve et que je ressens quand tu es près de moi depuis dix-sept ans.
Tu te souviens de la première fois où je suis venu passer la nuit chez tes parents ? Ton père nous a fait la guerre pendant au moins une bonne heure, avant que je ne passe par la fenêtre de ta chambre pour te rejoindre. Je me souviens encore de la tête qu'il avait faite lorsqu'il était venu te réveiller le lendemain matin. Je suis même presque sûr qu'il m'en veut encore pour ça.
Puis quelques années sont passées et notre histoire a tenu la route, malgré des hauts et des bas que le destin nous a offerts. Au fil du temps, mes sentiments pour toi n'ont jamais changé. Bien au contraire, ils se sont amplifiés de jour en jour. C'est pour cela que je t'ai menti sur mon passé et mon père. Je t'ai caché cette partie de ma vie car je voulais protéger notre histoire et ce que nous avions construit.
Ce bonheur qui me faisait tellement de bien car c'est ce qui me manquait pour être enfin un homme comblé et heureux. J'avais tellement honte de ce qu'était devenu mon père, que je me suis rejeté la faute dessus. Je sais que tu vas m'en vouloir mais si c'était à refaire, je le referais sans la moindre hésitation et je ne regrette en rien tout ce que j'ai pu faire pour te protéger, durant tout ce temps.
Je ne voulais pas voir ton image s'en aller de mes souvenirs, mais il faut survivre à cette histoire et avancer ensemble pour ne pas perdre tout ce que l'on a pu construire. J'aimerais que tu me pardonnes pour ne pas avoir respecté notre accord sur le mensonge et la vérité afin que l'on puisse repartir à zéro et sur de nouvelles bases.
Je t'aime et je t'aimerai toujours, quoi qu'il puisse se passer entre nous car tu m'as permis de vivre ma vie une seconde fois.
Je t’aime fort, John
Durant toute la lecture de cette lettre, je ne peux pas cesser de pleurer. Je prends la main de John et la pose sur mon ventre puis la recouvre de la mienne.
~ Point de vue Greg ~
Mark m’a autorisé à rentrer et à annoncer la nouvelle à Natasha. Je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre.
Je me gare devant l'entrée du bâtiment où je réside et monte les escaliers.
Quand je passe le seuil d'entrée, je trouve ma sœur et Natasha sur le canapé en train de s'amuser à un jeu vidéo. Je ferme la porte avec un claquement sec et je me tourne vers elles.
— Tu es rentré ? Ça s'est bien passé ? me demande Natasha.
Je pense qu’après avoir vu ma tête, elle sait qu’il s’est passé quelque chose.
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Il faudrait que je te parle d'une chose. Lily, tu peux nous laisser, s'il te plaît, demandais-je à ma sœur.
Elle se lève du canapé et nous laisse seuls, dans le salon. Je rejoins Natasha sur le canapé et me tourne vers elle. Je vais essayer d’être le plus clair possible.
— Lorsque Mark m'a appelé ce matin, c'était pour une descente à Marseille. Alex a retrouvé la trace de son père, là-bas, expliquais-je.
— Raconte.
— Mark nous a divisé en deux groupes. Malheureusement, on a retrouvé des seringues, de la drogue. On a compris qu'il fallait faire au plus vite et des hommes ont été touchés.
Tout à coup, le visage de Natasha change d'expression. Je pense qu’elle a compris.
Je sens la peur m'envahir et je commence par lui parler de John puis d'Alex.
— Qui est le prochain ?
Malgré mon silence, elle répond à sa question toute seule.
— C'est mon père ? Il a été touché ?
Elle me regarde dans les yeux. Je ne peux pas lui mentir quand elle me regarde comme ça. Je n’ai pas le droit.
— Il s'est interposé entre Nicole et Cox, quand un coup de feu a retenti. Et … il s'est pris une balle dans le dos.
— Est-ce qu'il est … ?
— On a fait ce qu’on a pu avec Nicole et Éric avant que les pompiers arrivent. Les pompiers nous ont dit que le massage cardiaque qu’on a effectué lui a sauvé la vie mais le réveil n’est pas envisagé pour le moment.
— Tu … je peux aller le voir ? demande-t-elle, en pleurant et en se levant.
Je sors la lettre que son père lui a écrite.
— Il avait ceci dans une de ses poches de pantalon. Je pense que tu devrais la lire avant.
Je la lui donne et la regarde l'ouvrir, puis elle se rassoit sur le canapé.
Ma fille,
Depuis le premier jour où je t'ai vue à la maternité, j'ai su que tu allais devenir une jeune femme responsable et pleine de vie. Certes, tu as un franc parlé mais cela est plus une qualité qu'un défaut pour moi.
L'histoire que nous avons vécue avec ta mère était tellement forte, que je souhaite que tu trouves un homme bien, qui t'aimera pour ce que tu es, pour qu'à ton tour, tu puisses filer le parfait amour.
Lorsque ta mère nous a quittés, j'ai tellement souffert que je n'ai pas vu que ton frère et toi étiez très mal. J'ai préféré faire l'autruche et je me suis mis à boire pour oublier ma douleur.
Quand j'ai commencé à boire, je pensais pouvoir m'arrêter quand je voulais mais une fois que l'on commence, on ne s'arrête jamais. C'est une drogue à laquelle j'étais devenu dépendant malgré moi.
Puis dernièrement, j'ai compris le mal que j'avais causé aux personnes qui comptent le plus pour moi. Grâce à toi, j'ai pu ouvrir les yeux sur mon comportement et j'ai pris la décision de me reprendre en main.
J'ai entamé une procédure pour arrêter l'alcool définitivement et je peux t'affirmer que cela n'est pas facile tous les jours.
Maintenant, quand j'ai un coup de mou, je regarde en boucle ton dernier spectacle de danse et les matchs de foot d’Evan que j'ai ratés. Puis ça me redonne du courage et l'envie d'avoir un état de sobriété pour ne plus rater ces événements, qui sont très importants pour vous deux.
Lorsque cela sera possible, je présenterai mes excuses les plus sincères à toutes les personnes que j'ai blessées.
Dans tous les cas, je veux que vous sachiez, Evan et toi, que jamais je ne cesserai de vous aimer, car vous êtes tous les deux ce que j'ai de plus cher au monde et en aucun cas, je ne veux vous perdre.
Je t'aime fort, ma fille
Papa
Quand elle relève la tête, des larmes coulent sur son visage, qui est devenu pâle.
— On peut aller le voir, s'il te plaît ? demande-t-elle.
— Bien sûr. Allez viens.
Nous nous levons, sortons de l'appartement puis allons à l'hôpital.
Je la laisse se précipiter à la chambre 214, celle de son père. Quand elle y entre, elle a toujours la lettre de son père dans les mains.
~ Point de vue Nicole ~
La porte de la chambre de Stéph s’ouvre à la volée et je vois Natasha. Elle a pleuré, c’est normal après tout. Son père se retrouve dans ce lit d’hôpital par ma faute. Elle fait un petit sourire quand elle me voit dans la chambre et vient me serrer dans ses bras.
— Ça va ? Tu n'as rien ? me demande-t-elle.
Je me sens tellement coupable, que je préfère ne pas répondre. J'ai tellement honte d'avoir agi comme je l'ai fait, sans même penser aux conséquences de mon acte. Je regrette mon geste mais maintenant que c'est fait, je ne peux pas revenir en arrière pour rectifier mon erreur.
Je n'ose même pas la regarder dans les yeux.
Elle place ses mains sur mes joues et redresse mon visage pour avoir enfin un contact visuel.
— Eh … ce n'est pas ta faute.
— Si … je n’ai pas respecté les ordres.
— Non, ce sont les risques du métier. Il a fait son boulot … Greg m’a dit que vous lui aviez sauvé la vie, c’est ce qui compte. Le temps fera le reste.
— Je n'aurais jamais dû y aller. dis-je, les yeux remplis de larmes.
— Arrête, tu as voulu sauver la vie de l'homme de ta vie, c'est normal. J'aurais fait la même chose pour Greg, me dit-elle, en montrant Greg du doigt, toujours en me regardant.
Son regard s’arrête sur la lettre que m’a écrite son père.
— Il t'en a écrit une, à toi aussi ? questionne-t-elle.
— Oui, tiens, lui répondis-je, en lui donnant.
— Je ne veux pas la lire.
— Tu peux la lire.
Elle la prend, avec une certaine hésitation. Elle la déplie et commence à la lire.
Nicole,
Je ne savais pas comment te le dire, alors je t'écris ces mots aujourd'hui. Depuis le décès de Sarah, tu as été très présente pour ma famille et moi, et pour cela, je t'en suis très reconnaissant. Mais le fait qu'on se soit rapproché a réveillé en moi des sentiments que je pensais disparus. Cela m'a permis de comprendre que j'éprouvais toujours des sentiments pour toi.
Ce sont ces sentiments-là qui nous ont permis de construire notre histoire et qui l'ont fait s'arrêter. Ce sont ces souvenirs-là, qui ont ressurgi.
Puis est arrivée la mission d'infiltration à Bordeaux, qui n'a pas arrangé les choses pour moi. Nous avons partagé des moments d'intimités, qui ne nous étaient pas arrivés depuis longtemps et je me suis revu au lycée. Je mentirais si je te disais que cela ne m'avait pas plu.
Jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé les mots justes pour m'exprimer clairement sur les sentiments que j'éprouve toujours pour toi. J'ai patienté jusqu'à ce jour, mais plus on attend, plus c'est dur d'avouer qu'on a tous les torts.
Mais maintenant, je ne suis plus vraiment sûr que cela me serve encore. Ce qui me désarmait le plus, c'est de voir ton image s'envoler de mon esprit avec le temps. Mais, il n'y a plus rien à faire car j'ai tout gâché.
Je n'ai jamais su comment t'aimer à ta juste valeur, ni comment te garder près de moi. Tu ne savais plus pourquoi m'aimer, ni même continuer ta route avec moi. Tu étais là, mais en même temps, on était si loin l'un de l'autre. C'est ma faute si on n'est plus rien l'un pour l'autre.
Si seulement j'avais su que tu me manquerais autant depuis toutes ces années de silence, je m'en serais voulu de t'aimer autant. A croire qu'on n'oublie pas d'avoir mal.
Je ne sais plus comment poursuivre cet amour qui n'en est plus. Mais je sais qu'il me faut survivre et avancer un pas de plus. Je ne veux pas que tu me pardonnes encore mes erreurs, ni même que tu m'écoutes. Je veux simplement que tu n'aies jamais plus aucun doute à mon égard.
Je dois partir maintenant et te laisser tourner la page et laisser la poussière du temps recouvrir notre histoire entièrement pour qu'enfin, je te laisse vivre ta vie en toute tranquillité.
Je dois m'en aller, car tout est terminé. Si j'ai abusé de ton temps, je m'en excuse car tout est ma faute.
Stéph
Elle me la rend après l'avoir entièrement lue.
Une question me trotte dans la tête depuis que j'ai lu ces mots.
Un premier amour peut-il avoir une seconde chance, après tant d'années de séparation ?
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