Un premier quartier déjà gelé

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Malgré le soleil qui commençait à faire son apparition, la lune était encore bien visible à l'horizon. Le premier quartier avait été dépassé depuis quelques jours, se rapprochant de la rondeur. Á partir de là, ses jours seraient comptés jusqu'à la nouvelle lune. La reine ne serait bientôt plus qu’une reine douairière. Un membre de la famille à éviter, à garder à l'œil. Oui, bientôt la reine cesserait d'être reine. Cesserait de commander à son royaume. Cesserait d'être l'élue des cristaux astraux. Quand viendrait l'heure du grand alignement, elle devrait laisser son trône bien-aimé.

Il était tôt le matin et Quashirell avait ouvert la fenêtre de sa chambre en grand, laissant entrer l'air gelé de la nuit. Le zéphyr la fit doucement frissonner, mais cela ne l'encouragea pas plus à retourner dans son lit. Au contraire, elle voulait encore profiter de cette étendue blanche qui s'était formée au sol. Les jardins du château étaient glacés par le froid, ce grand manteau blanc était délicat, comme si un peintre avait voulu perdre son temps sur chaque brin d'herbe, sur chaque pétale de fleur encore accroché.

Quashirell laissa un profond soupir blanchir l'air devant elle. Un soupir de bien-être, à moins que ce ne soit dû à cette déception qu'elle sentait et qui refroidissait lentement son corps. Puis, un poids vint se poser sur ses épaules. La douceur de la fourrure de mouton était agréable et chaude, elle s'y accrocha instinctivement. Cependant, cela ne suffit pas à retenir un sursaut de surprise lorsque la fenêtre se referma en claquant, frôlant le bout de son nez fin et refroidi par l'air extérieur.


  • Votre majesté, vous allez attraper la mort à rester ainsi dehors. Venez, venez à l'intérieur vous réchauffer. Regardez, vos mains ont déjà commencé à changer de couleur. Rapprochez-vous un peu du feu, je vous en supplie... S'affola la servante, sûrement réveillée par le courant d'air.

À la remarque de la domestique, la maîtresse baissa son visage sur ses mains. Le dessus était rouge et maintenant qu'elle se concentrait, elle avait du mal à recroqueviller ses doigts ou bien les étirer complètement. Néanmoins, quand elle retourna pour observer ses paumes, ces dernières n'avaient pas changé. Sa peau était pâle et un cercle épais et blanc y était toujours tracé, symbole de son don astral qu'elle avait accepté, il y avait bien longtemps.

En tournant doucement la tête, Quashirell finit par s'observer dans le miroir usé qui se trouvait non loin. De longs cheveux blancs et raides aux reflets argentés, un visage encore jeune, sans rides ou marque de vieillesse, seulement des joues creusées par la préoccupation. Des yeux gris perle la fixaient sans expression particulière. Toute cette blancheur, cette allure pure et virginale, tout cela n'était qu'une façon qu'avaient eu les astres de marquer son destin sur son corps, sur son âme. La reine n'avait jamais pensé à y échapper et était heureuse de son sort, il faudrait qu'elle apprenne à vivre loin de ces singularités.

Ses yeux dessinés en forme d'amande étaient toujours rivés sur le miroir, mais l'attention de la souveraine était passée au-delà de ce que ses yeux regardaient, observant des souvenirs lointains. Très lointains. Dans peu de semaines, elle retrouverait une apparence humaine, loin des astres qui éliraient leur nouveau champion de la lignée des Varalÿn... De quelle couleur seraient son regard et ses cheveux à cet instant ? Elle ne se souvenait plus de leur apparence originelle, cela lui ferait sûrement une étrange impression de se sentir loin des étoiles. Mais elle subirait la prophétie de sa famille, celle de ses ancêtres. Elle accepterait et guiderait le nouvel élu.


  • Votre majesté, où prendrez-vous votre petit-déjeuner ?
  • Je n'ai pas faim, je n'en prendrai pas, prévenez la garde que je serai dans les jardins. Ordonna Quashirell dont la voix douce laissait filtrer une certaine autorité.

Elle s'était finalement détournée du miroir, détournée de ses pensées. Fouillant maintenant dans ses armoires et ses malles de vêtements, elle voulait trouver l'un de ses vieux manteaux chauds qui saurait garder sa chaleur quand elle serait à l'extérieur. La reine voulait prendre l'air plus librement qu'à travers un trou dans le mur, profiter des dernières lueurs de cette lune ainsi que des premiers rayons du globe solaire. Assister au dégel, se sentir plus proche de sa terre, profiter du temps qu'elle pouvait encore gaspiller.

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