Guarynor II

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La garde auprès de la reine était toujours aussi rapprochée. Elle le savait et d'un côté elle était fière de voir ces sujets aussi investis dans sa protection ainsi que dans leurs fonctions. Cependant, cela n'empêchait pas la souveraine de se sentir complètement étouffée par leur présence. Jours et nuits, elle était encadrée de ces hommes entraînés et prêts à mourir pour elle. Quashirell trouvait cela dommage que son paysage soit aussi restreint.


Une nouvelle fois, la journée avait été épuisante. La souveraine avait dû prendre de nombreuses décisions concernant son peuple, présider un tribunal pénal. C'était ce qui l'avait le plus épuisé. Par chance, elle avait pu user de son autorité royale pour sortir en ville. Elle devait voir les mourants et ses gens blessés. Elle y allait autant qu'elle le pouvait pour apaiser le mal de son peuple. Pour les soigner lorsque la médecine n'avait pas fait son œuvre. Elle s'était promis de le faire le plus souvent possible jusqu'à ce que ses pouvoirs lui soient retirés car, elle ignorait si ses prédécesseurs le feraient. Ce n'était pas une obligation et il était parfois difficile de regarder les blessures ou le mal de ces pauvres gens. Mais ce n'était qu'un moindre mal pour assurer le bien-être d'une population.


Quashirell était épuisée et pourtant, elle n'avait réussi qu'à dormir quelques heures. Ses yeux étaient grands ouverts sur le plafond. Cela faisait un moment qu'elle regardait au-dessus d'elle sans rien dire, sans rien faire. Seulement des pensées qui tournaient rond dans son esprit. Les mots qu'Eliam avait prononcés la veille et qui ne voulaient pas la quitter. Ces mots qui tordaient sa raison, qui la rendait trop curieuse. Ces mots qui lui faisaient peur et lui retiraient tout courage... Et pourtant, Quashirell se laissa glisser de ses lourdes couettes chaudes, laissant ses pieds rencontrer le tapis en peau de mouton sous ses pieds.


Le cœur battant, elle traversa sa grande chambre les yeux grands ouverts. Seule sa silhouette se découpait sur les murs à cause de la lumière d'une lune décroissante. Elle était effrayée mais elle devait en avoir le cœur net. Après tout, une reine qui reste dans l'ignorance peut-elle être digne d'être appelé « reine » ? Même si son règne se finirait dans quelques jours, elle gardait encore le titre. Jusqu'à ce que ces pouvoirs la quittes, elle resterait la souveraine de son pays.


Les couloirs étaient longs et froids. Quashirell avait profité du simple sommeil des gardes pour passer leur vigilance et se diriger vers la bibliothèque du château. Elle était moins grande que celle qui avait été construite hors de la capitale, mais celle qui se trouvait à quelques mètres d'elle contenait l'ouvrage qu'elle devait trouver, et celui-là même qui lui révélerait les terribles secrets du sang Varalÿn.


Étrangement, la souveraine n'eut aucune difficulté à poser ses doigts sur la couverture de cuir usé du manuscrit. Les indications d'Eliam étaient extrêmement précises et elle lui fit parvenir une prière murmurée pour le remercier.


Installée à une table d'étude, face à la fenêtre, les rayons de la lune glissaient sur les pages bien que les nuages assombrissent parfois l'astre. Sans vraiment chercher à lire depuis le début, la jeune femme se contenta de vérifier le titre de l'ouvrage avant de l'ouvrir vers le dernier tiers, espérant tomber sur quelques mots qui lui donnerait un indice.


« Les mémoires de Guarynor II, Tome III »

« … Mais de ces pouvoirs, si je les avais encore, je n'en voudrais plus. Ils sont du poison pour ceux qui ignorent ce qu'ils procurent. Du poison pour leur esprit tourmenté par des envies de pouvoir. Je le vois dans leurs yeux, leur haine et leur jalousie, leur envie de me les prendre. Mais ils n'auraient pas pu me les voler. Sauf lui... Ce petit prince bâtard... Il me les a volé et cela me fait me sentir misérable. Misérable de voir mon royaume s’effondrer entre les mains d'un enfant, entre les mains encore trop frêles d'un inconscient. Sans parler de ses tuteurs qui lui murmurent des ordres à ses oreilles, qui lui sourient par devant et se moquent par derrière... Non, j'aurais sûrement dû tous les tuer avant cette nouvelle lune et alors j'aurais peut-être pu garder la puissance dans mes veines et mon pays sur pied. »


Les mots étaient durs mais la souveraine avait du mal à se persuader qu'elle était loin de cet être froid qui ne pensait qu'au meurtre. Curieuse, elle reparti plus tôt dans les pages. Recommençant au début de celles-ci.


« J'en ai des sueurs froides quand je suis seul. Le silence me rend fou parce que je les entends encore murmurer mon nom. Ils me supplient de les épargner. Leur absence me rend incapable de réfléchir une fois dans ma chambre. Mais quel autre choix avais-je ? Personne ne voulait de ce royaume à la terre brûlée. Aucun de mes frères, aucune de mes sœurs... Sans parler de ces cousins lointains. Je sais que j'ai fait le meilleur des choix pour mon peuple, même si je n'ai apporté à ma famille que mort et désolation. »


Les yeux gris de Quashirell parcouraient avec rapidité le vieux papier tandis que ses dents maltraitaient sans vergognes ses lèvres. Elle ne voulait pas croire à ce qu'elle lisait, elle ne voulait pas croire à ce que ces mots sous-entendaient déjà. Pourtant, même si ses mains étaient tremblantes, elle ne put que tourner à nouveau les pages et reprendre sa lecture hasardeuse.


« Ce constat, j'aurais dû le faire avant que tout cela n'arrive. Avant que l'idée me soit chuchotée par le diable en personne. Peut-être n'aurais-je pas voulu non plus de ces précieuses capacités : apaiser la douleur ou amplifier les souffrances, apporter la paix dans les cœurs ou imposer la peur dans le regard de mes ennemis... Tout cela et d'autres encore, comme ralentir mon vieillissement. Mon neveu paraît avoir autan vécu que moi. Mais à quel prix ? Celui du sang de mes proches, assassinés sans état d'âme par des mercenaires, tout cela pour que je sois certain que la lune ne choisirait pas d'autre âme que la mienne. J'aurais aimé... Oui j'aurais aimé qu'à ce moment-là, mon âme eut été la plus pure, que la lune me choisisse pour ma force de caractère et mes épaules... plutôt qu'elle me désigne parce qu'elle n'avait pas d'autre choix.

Le plus horrible dans tout cela est que, j'aurais beau imaginer des règles pour ce rituel, les têtes de certains candidats tomberont toujours, que ce soit à cause des autres candidats, soit par leurs supporters, ceux qui veulent une seule et même personne sur le trône... Je rêve qu'une génération, une fois, se tienne la main sans qu'aucun meurtre ne soit fait et alors, la lune choisirait librement. A cet instant nous pourrions être sûr que l'être le plus pur de la lignée des Varalÿn aurait été choisi pour gouverner avec sagesse, peu importe son âge ou son sexe. »


La demoiselle en avait assez lu, ces atrocités, ces sentiments si profonds qui la touchaient de plein fouet. La mâchoire serrée, elle était encore loin d'être entré dans le plus intéressant de la lecture.

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