La clé pour apaiser le coeur

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Elle avait longuement réfléchi à ce qu'elle était sur le point de faire. Cette décision lui vaudrait la peine de mort par pendaison si cela se découvrait. Malgré son statut royal, on la pendrait, comme une vulgaire voleuse.


Et bien qu'elle se sente torturée entre son instinct et la morale, elle ne pouvait rester sage à ce propos. Le savoir dans cette cage humide la faisait souffrir. Après tout, Eliam était comme un fils pour elle... Ou du moins trop proche pour ne rien ressentir suite à cet emprisonnement trop long, trop expéditif. Elle pensait qu'il aurait trouvé un moyen de s’échapper, mais tous les matins, alors qu'elle descendait lui apporter elle-même son maigre repas, elle constatait que le jeune homme était plongé encore un peu plus dans la noirceur de ses pensées.


Améalys avait finalement franchit le pas, en toute discrétion, elle avait réussi à prendre un double des clés des cachots appartenant à Marlon, son mari. Jamais son époux ne se douterait de cette trahison, ou du moins, elle l’espérait au plus profond de son cœur. Alors, avec toutes les cartes en main pour sauver ce jeune homme, elle descendit aux cachots, comme tous les matins, avec sa demi-miche de pain, un morceau de fromage et un peu de viande séchée. Elle passa au moment où la garde était relevée et passa donc sans inspection, sans éveiller un soupçon. De plus, elle était la sœur de la souveraine, personne ne penserait qu'elle était sur le point de franchir une ligne rouge, de passer au-delà des lois et des règles, de trahir sa famille et le royaume entier.


Ses petits talons plats claquaient tout de même sur la pierre du sol tandis qu'elle passait la garde, serrant l'écuelle recouverte d'un torchon de façon protectrice. Elle descendit doucement la volée de marche éclairées seulement par quelques torches faiblardes et qui vacillaient sur son passage pourtant lent.


Même si elle n'allait pas rapidement, elle avait le cœur qui semblait bien décidé à s'échapper de sa poitrine tellement il tambourinait avec force et vitesse. Derrière elle, le geôlier descendait, la clé de cellule à la main.


- Vous ne devriez pas accorder autant d'importance à un prisonnier, princesse. Lui murmura le gardien des clés comme s'il craignait que ledit prisonnier entende ces médisances.


Devant tant de manque de respect envers l'homme derrière les barreaux, Améalys ne prit pas la peine de répondre, se contentant de lui offrir un regard noir terriblement éloquent avant de lui laisser la place pour qu'il puisse ouvrir la porte de la pièce où était enfermé Eliam.


Le bruit de la clé dans la serrure était couvert par les gémissements et les supplications des autres pauvres gueux présents dans ce lieu lugubre. La majorité tendait leurs bras décharnés au travers des barreaux, soulevant le cœur de la princesse peut être un peu trop tendre. Non, décidément, elle ne pouvait laisser Eliam terminer de la sorte.


- Je reviendrais dans dix minutes. Récita encore une fois le geôlier, comme il le faisait chaque matin.

- Je sais, Boltron... Je sais. Répondit la jeune femme pour prouver qu'elle n'était pas devenue soudainement muette. Après tout, elle n'avait pas pris le temps de le saluer ce matin.


Après deux pas à l'intérieur dès la petite pièce humide, la porte de métal claqua dans son dos. La laissant seule avec l'homme qu'elle était venue sauver.


- Bonjour, Dame Améalys. S'éleva une voix fatiguée, une fois que la dame sembla être seule.

- Bonjour Eliam. Reprit-elle en essayant de sourire.


La nuit était encore présente même si le soleil menaçait de se lever. Et dans les derniers rayons de cette lune, dans son dernier quartier, un jeune homme laissa se découvrir son visage aux joues creusées et aux cernes arrivant quasiment jusqu'à ses pommettes. Ses lèvres, même dans l'ombres de la pièce, se voyaient terriblement abîmées par le manque d'hydratation et terriblement habitues.


Puis tout s'enchaîna rapidement, quand le jeune homme essaya de sourire, la dame s'approcha avec rapidité de lui, l'effrayant et l'obligeant à faire un mouvement vers l'arrière. Ce mouvement lui fit se claquer la tête contre le mur.


Pendant ce temps, Améalys posait l’assiette rustique qu'elle avait apporté sur la paillasse du prisonnier, retirant le torchon qui camouflait le tout. Puis, lui tendit le pain de façon presque agressive.


- Le pain d'aujourd'hui est assez dur, tu feras attention, le prévint-elle en lui offrant un clin d'œil.


Les sourcils d'Eliam se froncèrent alors qu'il prenait le pain en main, le tâtant pour y sentir avec stupéfaction une solidité métallique. Il rompit son pain et en sortit son passe pour la liberté, les yeux écarquillés devant cette chance inouïe de chercher une nouvelle vie.


- Tu es le seul à avoir encore la tête sur les épaules Eliam. Alérÿn... La voix d'Améalys s'était mise à trembler à l’évocation de sa défunte fille. Alérÿn n'aurait jamais laissé qu'on te condamne ainsi... pour elle... pour elle... il te faut vivre, Eliam. Je sais que tu sauras prendre la bonne décision et t'en sortir dans ce monde.


Améalys ne savait pas comment le jeune homme réagissait. Elle avait bien vu ses sourcils changer de place, ses traits se tirer ou encore ses yeux briller d’une nouvelle lueur, mais elle ne savait pas vraiment comment il allait finalement réagir.


- Tu comprends, n'est-ce pas ? Reprit la mère d'une voix suppliante et à peine audible. Que je ne veux pas te laisser ici, c'est le seul moyen que j'ai trouvé d'agir, pour qu'il y ait le moins de victime possible. Pour que ce ne soit pas la même tragédie qui recommence. Balbutia-t-elle, son regard se perdant dans ce jour qui pointait ses rayons sur le petit interstice donnant sur la liberté, et qui faisaient fuir ceux de la lune.


Elle ne l'avait pas entendu, mais le garçon avait glissé auprès d'elle et lui avait doucement prit ses mains pour les serrer dans les siennes sales et froides. Mais Améalys ne le repoussa pas, malgré son odeur trop forte, ou ses mains déroutantes qui avaient déjà souillées le pain.


- Je comprends, dame Améalys. Je comprends... et soyez sans crainte, je m'en servirais au bon moment. Et... Vous savez, à jamais son visage est gravé dans mon cœur. Je ne pourrais jamais l'oublier... Jamais.


Le regard triste, il s'essaya à nouveau de sourire, mais cela ne servit qu'à faire se resserrer le cœur de la princesse. Il l'aida à se relever s'éloignant respectueusement par la suite.


- Remontez au chaud, maintenant. Je ne pourrais jamais vous remercier assez de votre immense sollicitude. Lui murmura-t-il alors que les pas du gardien des clés s'approchaient.


Avant qu'elle n'ait eu le temps de répondre quoi que ce fût, Eliam était retourné sur sa couchette, dans le coin de la pièce, la laissant seule au milieu de la cellule, tandis que le geôlier ouvrait la porte en un tintement de clé pour la faire sortir de l'endroit exiguë.


C'était terminé, sa trahison était complète. Et ce fut le cœur aussi battant qu'à l’allée que la princesse Améalys quitta les cachots tout en serrant ses mains salies contre son cœur.

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