Les derniers préparatifs, dernières inquiétudes
Des gardes, encore des gardes, toujours, des gardes. La princesse Fyo en avait plus qu'assez de ces visages masculins qui se ressemblaient tous. Assez de rester cloîtrée dans cette pièce avec pour seule compagnie sa tante et son frère. Pas que son frère la dérangea, mais elle était habituée à bien plus de liberté. Aller faire une balade à cheval en forêt ou bien simplement marcher dans le jardin lui manquait beaucoup. A la place, elle devait subir les craintes de la reine, faire semblant d'écouter pendant que son père venait chercher Phoelyx et ne le ramenait quelques heures plus tard comme si de rien était.
Mais malgré tout ce quotidien étouffant, cette envie d'évasion qui ne cessait de lui faire tourner son regard vers la fenêtre recouverte par de lourds rideaux de velours, elle aurait peut-être bien supporté de vivre comme cela encore un moment. Encore quelque jour à se vautrer dans l'innocence de la jeunesse. Quelques heures à encore rester ignorante de toutes ces tâches qu'elle devrait remplir, le rituel à appliquer devant les yeux sévères des prêtres venus de tout le royaume.
Fyo n'avait jamais pensé à être reine, après tout, elle était encore trop jeune et trop frivole pour se douter que la lune pourrait la choisir... elle.
Cependant, sa cousine chérie n'était plus. Alérÿn, son modèle sur terre l'avait abandonné. Comment pouvait-elle encore regarder le monde sans trembler... sans douter du moindre de ses gestes ? Encore plus maintenant qu'elle voyait l'incertitude dans le regard glacé de Quashirell, ou quand elle regardait son jumeau disparaître, escorté sous bonne garde, et qu'elle restait là. Loin de tout. Toujours enfermée, à se faire sermonner dès qu'elle souhaitait ouvrir la fenêtre.
Aujourd'hui plus que jamais, elle aurait voulu être quelqu'un d'autre. Personne n'avait parlé depuis ce matin-là. Des couturières étaient arrivées pour coudre sur eux, les toges qui les envelopperaient lors de la sélection. Cette sélection qui aurait lieux dans quelques heures seulement. Les servantes semblaient toutes excitées. Inquiètes, elles aussi, de savoir qui allait les diriger, mais elles ne semblaient pas apeurées. Après tout, cela ne les concernait pas directement, leurs vies ne seraient pas chamboulées par la décision de l'astre qui serait invisible.
Debout sur un tabouret, elle faisait de son mieux pour ne pas bouger. Pour respirer le moins possible. Mais elle ne pouvait contenir les battements de son cœur, ni les larmes qui affluaient lorsqu’elle croisait son propre reflet dans le miroir. Ses grands yeux azures l'observaient avec scepticisme. Après tout, elle avait de la peine à croire que cette silhouette grande et fine pouvait être la sienne. Une petite poitrine pointait sous le simple tissu de couleur noir qui ne faisait que s'enrouler autour d'elle en de nombreux plis et replis élégants et sobre, créant une toge qui semblait si lourdes à ses épaules encore jeunes. Ses cheveux blonds vénitiens étaient tirés en de nombreuses tresses serrées qui finissaient par créer un chignon dans sa nuque, cachant ainsi sa chevelure qui se terminait en temps normale entre ses omoplates et sans aucune ondulation.
Sans prévenir, une douleur aiguë vint se nicher sur son flanc. Elle s'évapora aussitôt qu'elle eut sursauté et gémit sous le coup, laissant une douleur différente se propager autour de l’impact qui la rappela à son étrange situation.
- Toutes mes excuses princesse Fyo … S'empressa de déclamer la couturière qui semblait des plus embarrassée.
La princesse de répondit rien, se contentant de descendre du tabouret pour se diriger vers son jumeau qui se trouvait dans la même position qu'elle.
- Phoelyx... Je... Je ne sais pas si je pourrais le faire. Lui marmonna-t-elle comme s'il était le seul à pouvoir comprendre ses paroles. Elle avait levé vers lui un regard de détresse profonde, surmonté de quelques larmes qui, finalement, débordaient de ses yeux et coulaient silencieusement sur ses joues.
Le prince observa sa sœur quelques secondes avant de faire signe à sa propre costumière de s'éloigner. Après quoi, il descendit à son tour de son piédestal et enlaça avec douceur celle avec qui il partageait le plus.
- Tu pourras... Je te le promets. On se tiendra la main jusqu'à ce que ce soit terminé. Je serais toujours là pour toi, Fyo... alors ne t'inquiète de rien, je m'occuperais de tout. Lui murmura-t-il au creux de l'oreille.
Ces paroles auraient dû rassurer la princesse. Lui mettre du baume cœur, la faire sourire. Mais l’étreinte était beaucoup trop agressive, beaucoup trop serrée pour qu'elle s'y sente en sécurité. Tout comme la voix trop assurée du jeune homme. Tout cela l'inquiétait davantage. Mais au moins, ne geignait-elle plus sur son sort. Après tout, les états d'âmes de son frère étaient plus importants que ses petits caprices de princesses.
Alors, doucement, elle se détacha de lui, cherchant le regard qui lui ressemblait tant. Cette même couleur bleu ciel tandis qu'elle souriait assez pour assurer qu'elle irait mieux.
- Si tu me tiens la main, tout ira bien. Rajouta-t-elle avant d'aller déposa ses lèvres sur la joue du garçon.
Son regard plongé dans le sien, elle cherchait à y déceler quelque chose, un secret, une peur... et même temps elle craignait d'y trouver un trop plein de sentiments. C'est pour cela qu'au dernier moment Fyo détourna son regard pour finalement tourner le dos à son frère et repartir pour terminer les essayages indispensables, le cœur un peu plus gros que lorsqu'elle avait fui ses responsabilités et l'esprit plein de question quant à l'état de santé de son jumeau.
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