# 1337 Extrait de dossier - Jour 1
Jour 1
Aujourd’hui n’est pas le premier jour de mon incarcération. Loin de là. Mais je n’avais rien pour compter les jours avant celui-ci. Alors cette journée sera la première de mon récit. Je n’ai jamais écrit avant. Puisque je n’ai rien d’autre à faire, je me lance. Ou plutôt si, ils nous donnent quelque chose à faire. Un livre par semaine, depuis je ne sais combien de semaines. Ça fait je ne sais combien de livres. Je ne lisais pas non plus avant. Maintenant, c’est tout ce que j’ai pour m’occuper l’esprit. Finalement, c’est sympa la lecture.
J’admire ces gens capables de voyager à ce point dans leur propre crâne. Ils peuvent créer des univers auxquels je n’aurais jamais pensé. Mais bon, il ne faut pas avoir grand-chose à faire pour passer ses journées à noircir des pages. Moi je n’ai plus que ça à faire. Je ne peux même pas mourir. La tablette sur laquelle je lis ces foutus livres rebondit comme une putain de balle sur ces murs capitonnés. Ah ces murs… Quelques mètres à peine qui me séparent de la surface. Ça me rend fou, et pas moyen de m’ouvrir les veines, ou de me pendre, ou de m’enfoncer quelque chose dans la gorge. Ils ont tout prévu. Même au moment où ces lignes apparaissent, je n’ai besoin de rien d’autre que cette saloperie de tablette. Je parle, et elle se charge d’écrire. En corrigeant toutes les petites fautes, les mots que je bouffe au passage. Un scripteur numérique, sacrée technologie.
Je me demande pourquoi c’est ce moment précis qu’ils ont choisi pour me donner autre chose à faire que de la lecture. Peut-être que le jour de mon Choix approche. Ça me fait peur, mais d’un côté j’aurai enfin l’occasion de pouvoir sortir d’ici. À condition que je ne crève pas. Enfin après tout, je suis déjà prêt à crever tant je me fais chier.
Lire, écrire, et attendre les repas insipides que m’apporte le même robot à la con tous les jours. Une soupe épaisse et nourrissante dans une gourde molle. Et une autre gourde tout aussi molle avec de l’eau. Juste ce qu’il faut pour m’apporter l’énergie dont j’ai besoin et me maintenir en vie. Et ce n’est même pas un humain qui s’en charge ! Non, juste ce robot muet qui sort du plafond. J’ai bien essayé de lui parler, mais cet enfoiré ne me répond pas. Il m’ignore. Se faire ignorer par un robot, si j’avais cru me faire humilier à ce point un jour. Qu’est-ce que j’ai fait pour en arriver là…
Oh et puis merde ! Regarde-toi Pablo ! À parler tout seul comme un pauvre cinglé. Je n’ai plus l’habitude de parler. Ça fait si longtemps. Et puis réfléchir aussi, c’est fatiguant. Je sais pourquoi ils m’ont permis d’écrire comme ça.
C’est une torture de plus.
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