Chapitre 35
Niléa, Huitième Royaume…
–As-tu remarqué la finesse du trait de la sculpture ? demanda une femme en uniforme de Messager.
Fine et néanmoins musclée, elle avait des yeux noirs qui lui donnaient un regard intense, et ses longs cheveux châtains étaient noués en une longue tresse qui tombait dans son dos.
–Oui, Messager Tylie, répondit la jeune femme qui l'accompagnait.
Vêtue de l'uniforme gris des Émissaires, elle arborait un unique cercle doré sur la gauche de sa veste. Les deux Mecers venaient de quitter Saeron, capitale de Niléa, et marchaient sur la route menant à Teor, prochaine étape de leur voyage.
–Qu'en as-tu retenu ?
–Concentration, sûreté, assurance… l'artisan travaille en phase avec ses outils. L'amour de son œuvre lui permet de créer.
–Bien vu, Anya. Tu dois être avec ton épée comme un sculpteur avec ses outils : en parfaite harmonie. Tu dois travailler en toute humilité, car le sculpteur n'est rien sans son œuvre, et toi, tu n'es rien sans ton épée.
Anya acquiesça. Âgée de vingt-quatre ans, elle était la plus jeune fille du Djicam de Massilia. Dans ses yeux bleu-acier se reflétait une forte détermination. Quand elle se fixait un but, elle y arrivait.
–J'ai encore tant de choses à apprendre. Dès que je crois maîtriser une technique, je m'aperçois qu'il existe de nombreuses subtilités qui m'échappent encore…
–Que tu le vois seule montre que tu as déjà progressé. Tu es promise à un bel avenir.
Les deux femmes étaient restées très proche, même après qu’Anya passe le titre d’Émissaire. La jeune femme aimait bénéficier des conseils pertinents de son ainée, et s’était proposée spontanément pour l’accompagner dans cette mission de routine.
Le lien que Tylie partageait avec son faucon lui transmit une sensation de danger.
Deux hommes arrivent. Des Strators, précisa Sirek.
–Qu'y a-t-il, Messager ? demanda Anya, qui avait senti son malaise.
–Des ennemis.
Elle dégaina son épée, la lame en Ilik jaune scintillant au soleil.
–Tu n'es pas encore de taille contre eux. Rends-toi à Teor. Je vais essayer de gagner du temps, dit-elle.
–Très bien, répondit la jeune fille. Qu'Eraïm vous protège, Messager.
Elle déploya ses ailes aussi blanches que la neige et s'envola en direction de Teor, tandis que Tylie se portait à la rencontre des deux Strators. Quelle était la raison de leur présence sur Niléa ?
Les Strators étaient peu nombreux. Seul l’Arkom ordonnait leur déploiement, sur un ordre express de l’Empereur.
Une aura légendaire les entourait. On les prétendait invulnérables, télépathes. Ou encore spécialistes des missions suicides. Des guerriers maudits surpuissants qui ne rataient jamais leur cible.
Pourquoi cette réapparition soudaine ?
L'un des Strators se plaça en position d'interception, dégainant son épée d'acier.
Sois prudente, rappela gentiment Sirek.
Tylie retint avec peine d'éclater de rire. S'attaquer à deux Strators relevait de la pure folie. Elle n'avait aucune chance de les vaincre.
Mais elle était Messager. Elle ne mourrait pas sans tout donner au combat.
Tylie rassembla son courage et attaqua. Chacun de ses coups rencontra le vide. La frustration monta en elle. Ses ennemis devinaient la moindre de ses pensées ! Elle sentit alors Sirek qui passait à l'attaque, tentant de faire diversion pour lui laisser une ouverture.
Le Strator ne fit qu'un ample mouvement du poignet, et le faucon se divisa en deux parties qui tombèrent vers le sol à toute allure.
Sirek…
Une vague de souffrance la submergea. Le Wild charriait sa douleur. Un voile écarlate recouvrit sa vision. Elle n’avait plus beaucoup de temps.
Tylie dévia de justesse un premier coup avant de se retrouver cantonnée à la défense, sans trouver la moindre ouverture dans la posture de son adversaire.
Elle sut qu'elle venait de faire une erreur lorsque son épée ne rencontra que le vide, alors qu'elle aurait dû trouver la lame de son ennemi. Une demi-seconde d’inattention et le froid de l’acier mordit dans sa chair.
Une onde de douleur irradia son corps depuis le centre de l'impact. Une douleur si douce comparée à la déchirure de son âme.
Son arme lui échappa. Ses ailes faiblirent. Le goût du sang dans sa bouche, elle commença à perdre de l'altitude. Elle tenta de lutter mais la douleur pulsait dans tout son corps, le sang coulait, beaucoup trop vite.
Bientôt, elle rejoindrait Sirek.
À travers la brume écarlate qui voilait sa vison, elle remarqua pourtant que les Strators ne s’occupaient plus d’elle.
Ils fonçaient vers l'ouest, dans la même direction qu'avait prise…Anya ? Comment avait-elle pu être aussi naïve ? Ils étaient venus pour elle. Elle avait échoué.
Le désespoir la submergea. Elle hurla sa douleur dans l’immensité des cieux. Elle avait perdu Sirek et elle n’avait su protéger Anya.
Elle ne pouvait plus lutter. Son corps ne lui obéissait plus. Elle se sentit tomber.
Le sol se rapprochait à toute allure, et des larmes sillonnaient ses joues. Elle ferma les yeux avant l’impact.
J’arrive, Sirek, songea-t-elle une dernière fois.
Puis tout devint noir.
*****
Massilia, Neuvième Royaume, Cité d’Émeraude.
Assis derrière son bureau, le Messager Aioros s'astreignait à un travail qu'il détestait plus que tout : la paperasse administrative. Certes, en tant que Messager, des Émissaires et des Envoyés étaient sous ses ordres, mais il tenait à s’occuper personnellement de tous les sujets trop sensibles. Les espions de Dvorking étaient trop bien renseignés. Que n'aurait-il donné pour une petite escarmouche !
À peine avait-il formulé ce souhait que l'une des deux vitres de la pièce explosa, envoyant des bris de verre dans tous les coins. Aioros s'abrita derrière ses ailes, jurant entre ses dents.
Deux hommes sont entrés.
Aioros remercia silencieusement Saeros, son faucon nain, et dégaina ses armes.
Ils sont dangereux. Prends garde.
Le Messager prit au sérieux les avertissements de son Compagnon. Le faucon s'était toujours montré juste dans ses estimations. Au lieu d'attaquer, Aioros se replia en défense, se plaçant dans l'angle de la pièce pour éviter que l'un de ses adversaires le prenne à revers.
De là, il pouvait facilement tenir des ennemis à distance. La lourde bibliothèque en marbre sur sa gauche, et son bureau en bois massif sur la droite allaient gêner les intrus. Un bon point pour lui !
Les ennemis s'avancèrent vers lui, et il prit conscience de leur valeur. Deux Strators. Les flammes rouges d'Orssanc sur leur vêtement noir l’indiquaient clairement. La peur s’empara de de lui, sa gorge se serra. Leur présence ici était loin d’être une coïncidence.
N'aie crainte. Tu es capable de les vaincre.
Les pensées rassurantes de Saeros raffermirent sa détermination. Son regard gris se posa sur les deux Strators, son esprit cherchant quelle stratégie adopter face à ces adversaires redoutables.
Puis il ne fut plus temps de réfléchir : ils furent sur lui, et rien d'autre ne compta plus que les deux épées qui tentaient de l'atteindre. Tout n'était que mouvements flous, attaques, parades et esquives s'enchaînant à un rythme effréné. Le Messager se félicita d'avoir gardé sa dague sur lui : sans cela, il serait déjà mort.
Malgré sa position avantageuse, il ne voyait pas comment il pourrait vaincre. Les deux Strators se gênaient, cela sautait aux yeux, et pourtant ils avaient réussi à le toucher plusieurs fois. Son uniforme blanc se piquetait de rouge.
Courage.
Toute son attention se concentrait sur les épées de ses ennemis. Rien d'autre ne comptait. Il livrait le combat le plus dur de sa vie. Des estafilades couvraient son corps, la fatigue faisait trembler son bras, mais il entrevit enfin l'ouverture qu'il guettait. Instinctivement, il se fendit, réalisant avec un peu de retard qu'il offrait une cible tentante au deuxième homme. Trop tard pour les regrets.
Son épée s'enfonça dans le cœur du Strator comme un trait de feu lui broyait l'épaule gauche. La douleur fut si intense qu'elle occulta son sentiment de victoire et des étoiles dansèrent un instant devant ses yeux.
Je me charge de la douleur. Continue le combat.
Comme toujours, Aioros fut stupéfait par ce reflux soudain de la souffrance. Sensation étrange alors qu'il savait pertinemment que son épaule était brisée.
Lorsque Saeros avait été blessé à l’aile plusieurs années auparavant, le Messager avait partagé sa douleur pour faciliter les soins. Ressentir ainsi la souffrance, sans avoir aucun moyen d’y remédier, ne serait-ce que par un minime changement de position, avait été une expérience intense. Ensuite il avait pu comprendre combien cet acte coûtait à son Compagnon.
Aioros se déporta vivement sur la gauche pour éviter un mauvais coup, et para en catastrophe les coups du Strator survivant, qui n'avait même pas jeté un coup d'œil à son compagnon tombé au sol. Le Messager ne ressentait plus la douleur de sa blessure, mais il était affaibli. Ses mouvements étaient plus lents. Trop lents. Bientôt il commettrait une erreur, et face à un tel adversaire, ce serait sa dernière.
Le Strator jouait finement, ne prenant aucun risque. Il se contentait d'attendre que le Messager s'épuise, pour lui porter le coup fatal. Un tremblement secoua la pièce, et Aioros tituba avant de reprendre son équilibre.
Tu dois terminer ce combat maintenant. Tu deviens trop faible, avertit Saeros.
Aioros était d'accord sur ce point, mais n'entrevoyait pas de solution. Le Strator restant était trop rusé pour tomber dans l’un de ses pièges. Sûr de sa force, ne sous-estimant pas le Messager comme son camarade, il temporisait, attendant que la fatigue terrasse son adversaire.
Reculant sous ses assauts, Aioros heurta le mur derrière lui. Un choc qui eut dû le faire hurler de douleur ; il remercia une nouvelle fois son Compagnon. Il para une attaque, devina une feinte, esquiva de justesse un coup, plus par chance que par stratégie. Il s'épuisait en vaines parades, devinant le sourire en train de s'épanouir sur le visage masqué de son adversaire.
Surtout ne pas céder à la colère : il était un Mecer, et un Messager, il combattrait jusqu'au bout. Question d'honneur : ce serait la victoire ou la mort.
Les deux lames s'entrechoquèrent en cliquetant, mais aucun ne rompit l'engagement. Aioros grimaça sous l'effort. Il sentit son bras trembler, et finalement céder. Son épée tomba sur le sol de pierre en rendant un son cristallin.
Son destin venait donc de se jouer. Il avait perdu. Il allait mourir. Là était le lot de tout homme d'épée. Étrangement, il ne se sentait pas effrayé. Il se redressa pour fixer le Strator. Il ne fermerait pas les yeux : il regarderait la mort en face. Une forte secousse ébranla le bâtiment, suivie d'une seconde. L'onde le projeta sur le sol. Un tremblement de terre. C'était bien sa veine. Le Strator était lui toujours debout, prêt à frapper à tout instant. Il levait bien haut son épée pour le coup final lorsqu'un fracas épouvantable retentit. Des chocs intenses secouèrent le bâtiment creusé au sein même de la falaise.
Même le Strator ne réussit à garder son équilibre, se raccrochant à l'étagère pour rester debout.
Ce n'étaient que les prémices, avertit alors Saeros. Une forte secousse arrive.
Comme le Compagnon l'avait prédit, la falaise toute entière trembla. Des gravats et des nuages de poussières recouvrirent le sol. Le Messager n'y voyait plus rien. Toussotant, il se renfonça dans l'angle, s’abrita derrière l’écran de ses ailes et attendit que le séisme cesse.
Dix minutes plus tard, le sol était de nouveau stable. Les yeux rouges à cause de la poussière, la bouche pâteuse, Aioros réussit à distinguer quelques contours, et prit note de la nouvelle configuration de son bureau. Tout était dévasté. La poussière retombait lentement, dévoilant les dégâts. Même sa lourde bibliothèque n'avait pas résisté au choc, et se trouvait au sol.
Détail étrange, un morceau d'épée dépassait du meuble. Un déclic se fit dans son esprit. Assis contre le mur, il commença à rire. Sauvé par un séisme !
J'ai prévenu l'Émissaire Matthias. Il arrive.
Le Messager reprit douloureusement conscience de son épaule et son hilarité fut douchée net.
Certes, il avait survécu, de justesse, c’était le point positif. Mais tout ceci cachait une opération de plus grande envergure.
Dis-moi tout, Saeros, demanda-t-il en se préparant au pire.
*****
Massilia, Neuvième Royaume, Cité de Rubis.
Le Messager Valérian sey Garden venait de congédier les Messagers qui revenaient du front sur Niléa. Il s'étira longuement dans son fauteuil. La journée était presque finie, mais elle avait été dure. Hors de question qu'il passe encore le lendemain à écouter les plaintes et les demandes de renforts. Il déléguerait à Dorian, toujours prêt à faire bonne impression auprès de leur père. Mais il ne fallait pas qu'Aioros en entende parler, où le Djicam rappliquerait aussitôt pour lui réexpliquer ses devoirs en tant que membre de la Seycam. Seulement, lui, il n'avait pas demandé à y naître, et aurait préféré bénéficier des mêmes privilèges que ses plus jeunes frères et sœurs, dégagés de ces obligations.
Il se serait bien passé d’être responsable à trente et un ans. Il aurait préféré sortir avec ses amis, flirter avec les jeunes Massiliennes et se battre en duel pour des raisons futiles. Au lieu de quoi il devait prêter une oreille attentive aux divers problèmes que rencontrait l'armée Massilienne sur le champ de bataille, avec toujours la crainte que l'un de ces vieux Messagers aille se plaindre de son manque d'intérêt auprès de son père.
Un coup fut frappé à la porte.
–Entrez, dit-il en s'efforçant de chasser la lassitude de sa voix.
Son regard se porta au-delà de la fenêtre, vers les cimes enneigées. Vivement que la journée se termine et qu'il puisse aller se dégourdir les ailes !
L'absence de salutation lui parut étrange, et il reporta son attention sur la porte, pour découvrir qu'un individu vêtu de noir, l'épée au clair, s'apprêtait à lui sauter dessus. Il se jeta hors de son fauteuil, et tira son épée, soudainement tout sourire. Enfin un peu d'action ! Il était curieux que cet homme (si c'en était un) ne l'ait pas défié selon la coutume, mais bon, il n'allait pas cracher dessus pour si peu…
Ce n'est pas un Massilien ! Ouvre un peu les yeux !
Valérian n'eut pas le temps de remercier son Compagnon, son adversaire était déjà sur lui. Ils échangèrent quelques coups, et Valérian révisa son opinion : il était doué, par Eraïm ! Pourtant aucun doute ne subsistait dans son esprit : il le vaincrait, comme tous ses adversaires avant lui.
Personne ne battait impunément le Messager Valérian. Toutefois, quelque chose le tracassa rapidement. Son ennemi semblait deviner tous ses faits et gestes, et ne se battait pas de façon conventionnelle : ses doutes furent levés lorsque son adversaire s'empara d'une des chaises placées devant son bureau pour la lui lancer. Il se baissa prestement pour l'éviter, et le meuble passa au travers de la vitre pour s'écraser vingt mètres plus bas avec un fracas épouvantable.
–Qui êtes-vous ? demanda Valérian tout en parant un coup vicieux.
L'homme en noir ne répondit que par une nouvelle attaque. Valérian commençait à se souvenir d'avoir déjà vu les flammes rouges qui ornaient la chemise de l'homme quelque part.
Tu aurais dû écouter plus attentivement durant tes cours…
Le sarcasme dans la voix de Ziandron était aisément perceptible.
Tu pourrais m'aider au lieu de te glorifier…
À peine avait-il pensé ces paroles que Ziandron s’engouffrait dans la pièce.
Originaire des sommets enneigés de Massilia, le tylingre ressemblait fortement à un tigre, n'étant son pelage bleu clair strié d'or et les plumets à la pointe de ses oreilles. Leur pupille verticale, typique des félins, était noire, piquetée d'or.
Sa présence rassura Valérian, mais signifiait aussi qu'il doutait de sa capacité à vaincre seul son adversaire.
C'est toi qui es inconscient. C'est un Strator, répliqua Ziandron.
Le sang de Valérian se glaça dans ses veines. Un Strator. Ce dernier profita de son inattention pour lui entailler le bras, un coup qui aurait pu lui être fatal s'il n'avait pas repris ses esprits au tout dernier moment.
Un Strator… il pouvait être un adversaire à sa mesure.
S'il parvenait à le vaincre, il serait auréolé de gloire. Et peut-être que son père lui proposerait des missions plus intéressantes que d'écouter les doléances des autres. Oui, c'était une perspective intéressante. Il n'était plus question de subir ni de se défendre. Il fallait attaquer.
Néanmoins Valérian réalisa rapidement que, pour une fois, il n'était pas maître de la situation. Il devait se rendre à l'évidence, il subissait complètement le jeu de son adversaire. Tous les efforts qu'il mettait en œuvre pour renverser la tendance se soldaient par un échec. Et sa vie était dans la balance.
Désires-tu mon aide ?
Valérian percevait que le tylingre se retenait avec peine d’intervenir. Ziandron le connaissait par cœur ; le Messager aimait vaincre ses adversaires seul.
Ça ira pour l'instant…
Il continua à parer les coups du Strator, guetta la moindre ouverture. Le Strator ne réagissait à aucune de ses feintes, lisait parfaitement son jeu et exploitait au mieux la moindre de ses défaillances.
Quel adversaire redoutable. Malgré ses plaies, malgré les difficultés, Valérian souriait. Ça, c’était un combat digne des plus grandes épopées. Sans adversité, comment prouver sa valeur ?
Il devait cesser de réagir comme le Strator s’y attendait, se souvenir de la base de l’entrainement des Mecers.
Quand le Strator attaqua, il était prêt. Valérian utilisa la parade appropriée tout en avançant d’un pas, au contact. La lame de son adversaire déséquilibré glissa sans dommage sur son épée en Ilik.
Pour la première fois, le Strator était décontenancé. Valérian sourit et poussa son avantage. D’un coup de coude dans le sternum il repoussa son opposant, puis enchaina une botte imparable.
Trop d’adversaires sous-estimaient son talent qu’il camouflait derrière une nonchalance étudiée.
Ne te réjouis pas trop vite. Tu n’as fait que l’effleurer.
Effectivement, ses réflexes étaient fulgurants. Jamais personne n’avait encore survécu à ce coup ; le Strator s’en tirait avec un masque ébréché, d’où le sang coulait. Valérian avait quand même réussi à le toucher.
Sa satisfaction fut de courte durée ; le Strator bondit sur lui et le noya sous un déluge de coups. Sans les talents d’esquive de Ziandron, le Messager n’aurait pas survécu à l’assaut. Cette fois, son adversaire était en rogne, nul doute possible. Il n’y avait plus qu’à le pousser à la faute. Le Strator glissa sa main libre sous sa tunique et Valérian fronça les sourcils avant de sursauter.
Quelle était cette étrange sensation ? Il baissa les yeux pour découvrir une dague fichée dans sa poitrine. Quelle rapidité d’exécution !
Valérian !
Le Messager sentit le goût métallique du sang dans sa bouche, la faiblesse qui envahissait chacun de ses membres…son épée soudain si lourde…
Comme dans un rêve, il se vit tomber sur un genou, tenter de se relever, en vain, essayer encore…pour seulement glisser à terre.
Des tâches noires dansaient devant ses yeux, respirer devenait difficile, une langue de feu dévorait ses entrailles à chaque inspiration.
Il vit le Strator s'envoler par la fenêtre restée ouverte, il maudit son impuissance. Il entendit Ziandron rugir et appeler les secours.
Mais il était trop tard, il le savait maintenant…il allait mourir et plus rien ne changerait son destin.
Ziandron…
Le tylingre s'approcha et se coucha auprès de Valérian. Il laissa ses doigts courir dans la douce fourrure de l'animal. Quel partenaire formidable il avait été !
Raccroche-toi à la vie, Valérian. Ils arrivent.
C’est trop tard.
Ne dis pas n'importe quoi.
Tu le sais autant que moi. Tu peux reprendre ta liberté…il est inutile que tu meures ici et maintenant. Je te délie de ton serment.
Valérian ! Tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas m’obliger à subir une telle épreuve !
Je t’en prie. Tu dois veiller sur les autres. Ils auront besoin de ta force.
Tu es dur, Valérian, rétorqua le tylingre, amer. Cette pratique est révolue depuis longtemps. Ce dont tu parles est l’un des Interdits les plus sacrés du Wild !
Tu es bien placé pour savoir que transgresser les règles est ma spécialité. J’ai parfaitement conscience du sacrifice que je te demande. Je t’en prie, répéta le jeune homme. Tu sais que même avec ta force je ne peux survivre à ça. Le devoir avant tout.
De longues secondes s’écoulèrent en silence.
Très bien, répondit enfin le tylingre, parfaitement conscient du soulagement qui envahit son Lié. J’ai été ravi d’être à tes côtés toutes ces années. Tu mérites ton entrée dans les Jardins. Garde-moi une place, c’est tout ce que je te demande en échange.
Merci, souffla Valérian avec ses dernières forces. Je ne t’oublierai pas. Je t’attendrai.
L'écho de pas précipité se rapprocha, et trois Mecers pénétrèrent dans la pièce. Syal s'agenouilla immédiatement auprès du jeune homme, et chercha son pouls. Après quelques minutes, il se releva.
–Rien à faire. Il est mort. Qu'Eraïm le garde.
Ziandron dit que son Messager a été tué par un Strator.
Le Messager Syal fronça les sourcils. Un Strator sur Massilia ? C'était étrange.
Le Djicam doit être informé immédiatement.
Quelques instants plus tard, il reçut une réponse qui lui glaça le sang.
Il est déjà aux prises avec eux.
*****
Massilia, Neuvième Royaume, Mont Cristal…
Iriana sey Garden était seule sur le Mont Cristal. Une épreuve de survie en milieu hostile, face aux forces de la nature, sans aucune assistance.
Elle avait monté son camp dans une petite grotte, et chaque jour elle avait pratiqué les exercices qui affûtaient son corps et son esprit. Ici, elle était seule pour réfléchir, avec pour unique compagnie le chant des oiseaux et le murmure des ruisseaux. Loin du bruit et de l'agitation des villes, son esprit s'apaisait enfin.
Cependant, aujourd'hui, elle n'avait pas réussi à atteindre cet état de symbiose entre son corps et son esprit. Quelque chose n'allait pas. Peut-être était-ce le signe que la réelle teneur de son épreuve allait commencer.
Iriana n'était pas de nature anxieuse, pourtant, elle sentait un nœud se former dans son ventre. Ses cheveux châtains flottaient librement dans le vent frais. Une angoisse sourde s'emparait de son être, apparaissait dans les yeux bleu-acier de la jeune fille de vingt-cinq ans. Le doute la traversa. Et si elle échouait ?
Elle repoussa fermement cette pensée. Non. Elle n'échouerait pas. Un bruissement d'ailes la fit se retourner, l'épée au clair. Ses yeux s'écarquillèrent, et son cœur s'emballa sous l'effet de l'adrénaline qui montait dans ses veines. Ce qu'elle voyait était impossible. Un Strator se trouvait là, devant elle. Un Strator sur Massilia. C’était incroyable !
La peur prit possession de son être. Aucun Mecer n'avait jamais battu un Strator. Elle n'était qu’Envoyé, et la grande majorité de son expérience au combat ne provenait que d'entraînements. Son Messager l'avait emmenée quelques fois sur un champ de bataille, mais il ne l'avait jamais laissée seule face à un ennemi au-dessus de ses capacités.
Iriana avait choisi la voie des Mecers, comme ses frères et sœurs avant elle, plus par tradition que par envie réelle. Peut-être était-ce la raison de cette épreuve. Après tout, elle possédait les trois Barrettes des Envoyés. Il ne tenait qu’à elle de demander à se rendre dans la Forêt de Jade pour trouver un Compagnon. Son Messager savait qu’elle souffrait qu’un gros manque de confiance. Iriana avait progressé si lentement… toujours précautionneusement. Elyas avait toujours cru en elle, jusqu’à lui imposer cette épreuve pour prouver ses convictions.
Elle doutait que se retrouver face à un Strator fasse partie du plan. Elle se savait incapable de le vaincre. La fuite n'était même pas une solution envisageable. Il n'y avait qu'elle, ici. La présence d'un des meilleurs soldats d'élite de l'Empire n'était pas une coïncidence. Fuir ne ferait qu'accélérer sa mort. Elle ne ferait pas honte à sa famille en tournant le dos à la mort.
Sous l'emprise croissante de la peur, les mains moites sur la garde de son épée, elle commença à relativiser les concepts d'honneur et de mort digne. Regarder la mort en face ne semblait pas si dur tant qu'on n'y était pas confronté. Après tout, personne ne saurait jamais si elle détalait comme un lapin…
L'homme en noir dégaina lentement son arme, savourant la terreur qu'il inspirait à sa jeune adversaire. La jeune femme déglutit péniblement et se prépara à l'assaut. Son cœur battait la chamade.
Iriana ne vit pas d'où venait l'attaque. Elle sentit seulement un souffle d'air, et l'instant d'après une intense douleur lui transperça la jambe droite. Elle donna de grands coups d'épée en serrant les dents pour éviter de crier, mais ne rencontra que le vide. Le sang tiède coulait le long de sa jambe. Pourquoi ne l'avait-il pas tuée ? Il aurait facilement pu en finir avec elle d'un seul coup. Elle frissonna tout en réalisant ce qui se passait. Il allait s'amuser avec elle, sans qu’elle ne puisse l’en empêcher.
Il s'envola brusquement, et Iriana se retourna vivement, pensant qu'il allait l'attaquer par derrière. Mais non. Il restait haut dans les cieux. Elle hésita sur la conduite à tenir. Devait-elle s'envoler à son tour ? Elle était bien plus agile dans les airs que sur terre, comme tous les Massiliens. Mais ne voulait-il pas l'entraîner sur son propre terrain ?
Toute à ses pensées, elle ne vit pas immédiatement qu'il virait de bord pour fondre sur elle. Quand elle s'en rendit compte, il était trop tard. Il était sur elle. Elle referma ses bras sur elle en un effort futile pour se protéger. Une lame de feu dévora à l'instant son bras gauche, et elle hurla. Un coup violent dans le dos la projeta au sol. Des larmes ruisselèrent sur ses joues, et le goût du sel se mêla à celui du sang dans sa bouche. Son corps n'était que souffrance.
Du bout de son pied, le Strator la tourna sur le dos, provoquant un nouveau sursaut de douleur chez la jeune femme. Elle n'avait même plus la force de lever son épée pour se protéger. Elle ne pouvait rien faire. Son bras et sa jambe lui faisaient atrocement mal. Pourquoi était-elle toujours en vie ? Elle aurait dû avoir la volonté de se battre jusqu'au bout, pour ce en quoi elle croyait, pour sa vie, pour son honneur…
Personne ne viendrait à son secours, pas alors qu’il lui restait encore dix jours d’épreuve. Pas alors qu’elle ne disposait d’aucun moyen de communication.
Elle avait vingt-cinq ans et elle allait mourir, telle était la triste vérité. Des larmes roulaient sur ses joues sans qu'elle puisse les retenir. Elle ne savait plus se montrer forte. Le Strator était là, tout près, mais que pouvait-elle faire ?
Elle le vit lever son épée, lentement, comme dans un rêve. Elle ferma les yeux, faisant de ses paupières un dernier rempart dérisoire contre la mort qui s'annonçait.
La lame s'abattit violemment sur elle, lui déchirant les entrailles. Elle hurla de douleur. Tout n'était plus que souffrance en elle. Elle n'avait qu'une seule envie : que cela cesse. Mais son corps malmené ne répondait pas à ses appels.
Elle fut aspergée par un liquide, qui lui pénétra le nez, la bouche, l'ouverture béante sur son ventre… elle n'avait même plus assez de forces pour crier. Tout son corps la brûlait.
Le Strator s'envola dans les cieux, laissant derrière lui un brasier ardent.
*****
Niléa, Huitième Royaume, ville de Tikal.
La nuit tombait sur le Huitième Royaume, et la soirée s’annonçait festive. Les dernières poches de résistances impériales étaient tombées aujourd'hui. La bataille de Niléa se terminait enfin.
Entouré de Mecers, le Messager Dorian fêtait lui aussi la victoire. Le Messager Zaltar l'avait tout particulièrement félicité. En charge du commandement, Zaltar avait reçu l'aide du jeune homme, qui venait de passer Messager à trente ans. La Seycam veillait à être présente sur tous les fronts ; jamais on ne pourrait insinuer que le Djicam cherchait à protéger sa famille.
Dorian avait guidé la charge décisive contre l'ennemi, menant les troupes Massiliennes au combat, impressionnant le vieux Messager. A l'approche de ses cinquante-cinq ans, Zaltar espérait pouvoir se retirer des combats directs et terminer sa carrière en entraînant les jeunes Envoyés sur Massilia. La lassitude de côtoyer la mort à chaque instant se lisait chaque jour un peu plus dans ses yeux verts.
–Messager Zaltar, puis-je aller rejoindre les autres Envoyés ?
Le Mecer posa son regard sur le jeune homme qui venait de lui adresser la parole. Nommé Evnion, il accompagnait depuis près d'un an le Messager. Sur son uniforme noir brillait une unique Barrette argenté, et dans ses yeux bleus transparaissait l'envie d'aller s'amuser avec les jeunes gens de son âge. Zaltar se rappela les moments où il avait lui-même eu quatorze ans, comme son Envoyé… cela semblait si lointain. L'esprit de camaraderie était important chez les Mecers, même si Evnion aurait dû montrer un peu plus de retenue.
–Je vois que tu en meurs d'envie, alors rejoins-les.
Le jeune homme acquiesça, ravi, avant de saluer et de partir rejoindre ses camarades.
–Tu es bien magnanime, Zaltar, fit Dorian en s'asseyant à côté du Messager.
–C'est un jour de victoire.
–Oui, approuva Dorian. Et avec tous ces morts… célébrer la vie est une manière de leur rendre hommage.
–L’espérance de vie est courte, chez les Mecers. Nous en avons tous conscience.
Le Messager soupira et étouffa un bâillement.
–La bataille a été rude aujourd'hui. Les jours précédents ont été pénibles…Tous les hommes sont fatigués.
Danger.
Les deux Messagers bondirent à l'unisson.
–Qu'est-ce qui se trame encore ? murmura Dorian pour lui-même.
L’inquiétude se lisait dans ses yeux gris.
Des ennemis approchent.
Les deux hommes sortirent de la tente qui leur servait de lieu de réunion pour aller aux nouvelles.
–Des Strators ! Les Strators arrivent ! hurla une voix paniquée.
Dorian identifia immédiatement l'origine de ce vacarme.
–Du calme, jeune homme, dit-il à l'Émissaire.
Il avait pourtant Cinq Cercles sur la poitrine ! Comment pouvait-il se laisser impressionner si facilement ?
–Tu es un Mecer, Armand. Une conduite de ce genre est inacceptable de la part d'un Émissaire du Cinquième Cercle.
–Je suis confus, Messager. Je ne recommencerais pas.
–Bien. Où se trouvent nos ennemis ?
–Ils seront là d'une minute à l'autre, Messager Dorian, répondit un Émissaire.
–Des Strators… commenta Zaltar. Ils n'avaient pas été aperçus dans la Fédération depuis bien longtemps. Leur présence en ces lieux est étrange. Que veulent-ils ?
–Nous allons bientôt le savoir, murmura Dorian comme les Strators s'approchaient.
Toute fête avait cessé. Les Envoyés s'étaient regroupés aux abords de la grande tente de commandement tandis que les Émissaires et Messagers s'étaient rassemblés autour de Zaltar et Dorian.
Les soldats d'Orssanc furent bientôt à portée de vue des Massiliens. L'étonnement parcourut les rangs des Mecers.
–Ils ne sont que deux ? fit une voix, incrédule.
Dorian ne dit rien, mais se sentit inquiet. Pourquoi l'Empire envoyait-il des Strators sur Niléa ? Et pourquoi en si petit nombre ?
–Prenez garde, avertit Zaltar. Les Strators sont des adversaires redoutables. Même lorsqu'ils ne sont que deux, ajouta-t-il comme quelques sourires s'affichaient chez des Émissaires possédant peu de Cercles.
Les sourires disparurent rapidement, remplacés par des regards sceptiques.
Dreïk, tu es là ?
J'arrive, Zaltar, laisse-moi quelques instants.
Le Messager jeta un coup d'œil vers le ciel, guettant l'apparition d'un aigle impérial. Les Strators étaient tout près.
Dorian, nos ennemis sont redoutables.
J'en ai conscience, Damaké. Mais nous avons l'avantage du nombre. Prépare les Compagnons au combat.
Ce sera fait.
–Tenterons-nous une interception dans les airs ? s'enquit Zaltar.
–Nous sommes trop nombreux pour être réellement efficaces sur seulement deux ennemis. D'un autre côté, en envoyer seulement quelques-uns reviendrait à les envoyer à la mort…Si cela ne fait que les ralentir, c'est un sacrifice inutile.
Le Messager Zaltar sourit.
–Tu possèdes déjà la sagesse de ton père, Dorian. Ton analyse est correcte.
–Nous les attendons donc au sol ?
–Oui, c'est la meilleure solution. Ils perdront ainsi leur avantage, comme nous, mais nous garderons l'avantage du nombre. Nous les encerclerons. Et nous vaincrons.
Damaké, on encercle dès qu'ils se posent à terre.
–Préparez-vous au combat ! ordonna Zaltar.
L'air s'emplit du bruit des armes qui sortaient des fourreaux. Cinquante paires d’yeux se tournèrent vers les deux Strators qui descendaient vers les Mecers. Les deux Strators, qui, au grand étonnement des Massiliens, se séparèrent avant d'arriver au sol.
–Malédiction ! Il se dirige vers les Envoyés !
Zaltar maudit les Strators. Il ne pouvait laisser les Envoyés sans défense. Et il ne pouvait laisser les Émissaires affronter seuls les terribles soldats d'Orssanc. Il était obligé de séparer ses Messagers.
Dreïk, demande à Arnaud, Mael, Sidya, Lya, Moiris, et au groupe de Tolis de rejoindre immédiatement les Envoyés.
La moitié des Messagers présents quitta aussitôt le groupe pour se diriger vers les Envoyés. Le Strator était déjà sur place. De sa longue lame noire, il fauchait les jeunes désorganisés, profitant de leur peur et de leur fébrilité. Plus agile qu’une anguille, il esquivait aisément les quelques attaques courageuses des Envoyés, n’hésitant pas à faire volte-face pour clouer au sol un Mecer audacieux.
Zaltar n'eut plus le temps de s'attarder : le Strator restant s'attaquait à son groupe, et les Émissaires commencèrent à tomber sous ses coups dès qu'il arriva au sol.
–Encerclez-le ! hurla le Messager Dorian.
Les Mecers combattaient avec toute leur technique et leur savoir, mais tous succombaient face au Strator. Sa vivacité et ses réflexes étaient hors du commun.
Sa force est vraiment incroyable.
Les Strators sont télépathes, Dorian. Toutes vos attaques sont anticipées.
–Dorian, il vient par ici !
Ce ne fut qu'à cet instant que le Messager remarqua que le Strator avançait en ligne droite vers lui.
–Zaltar, je crois que c'est uniquement pour me tuer qu'ils sont ici…
–Ne dis pas de sottises, Dorian ! Ils massacrent les Envoyés également !
Le terrain se jonchait de corps. Comment un seul homme pouvait-il en tuer autant d'autres sans recevoir une seule égratignure ? C'était inconcevable. Il resserra sa prise sur la garde de son épée. La lame en Ilik était déjà rouge du sang des ennemis de la journée.
–Damaké, avec moi !
La tigresse blanche bondit aux côtés de Dorian, et ils attaquèrent ensemble le Strator. La puissance de la riposte manqua de lui faire perdre son épée. Damaké bondit pour esquiver la lame du Strator.
Je n'ai pas réussi à l'atteindre. Comme s'il savait également ce que j'allais faire.
Père m'a prévenu. Le Wild est espionné. Peut-être est-ce à cause de cela.
Le Strator ne s'arrêta pas à une unique riposte. Il attaqua encore et encore, toujours sur Dorian, se débarrassant d'un coup de dague des Mecers qui tentaient de s'interposer ou d'attaquer.
Zaltar te fait dire que tu avais raison. Il semble concentré sur toi.
Où est-il ?
Dreïk me dit qu'il est au sol, blessé. Ne t’inquiète pas pour lui.
Dorian jura entre ses dents. Combien de Mecers étaient déjà tombés au combat ? L'affrontement ne durait que depuis quelques minutes. Le Messager était fatigué. Il avait combattu toute la journée. Son bras commençait à trembler sous la puissance des coups de son adversaire, ses réflexes s’émoussaient. Son épée ne frappa que le vide, là où elle aurait dû rencontrer la lame de son adversaire. Une feinte qu'il n'avait pas vue. Comme toujours, Damaké réagit à la mise en danger de Dorian, et elle bondit pour mordre le bras du Strator, sauvant le Messager d'une mort certaine.
Lâche tout de suite !
La tigresse se dégagea juste à temps, évitant avec une souplesse de félin le coup de dague qui la guettait.
Le Strator engagea de nouveaux le combat avec Dorian, enchaînant les coups et les feintes, rarement les parades. Le Messager ne réussissait pas à prendre l'offensive dans ce combat. L'épée du Strator l'avait déjà effleuré plusieurs fois, laissant des sillons sanglants sur l'uniforme blanc. Dorian n'aurait pu dire s'il l'avait touché : le noir de son adversaire pouvait camoufler ses blessures.
Derrière toi !
L'avertissement de Damaké fit réagir vivement Dorian qui se retourna pour parer l'assaut du second Strator. Son sang se glaça dans ses veines. Les Envoyés avaient-ils été décimés ? Mais il n'eut pas le temps de réfléchir davantage : le premier Strator attaquait de nouveau, et le Messager tenta de parer les coups des deux attaquants.
J'avais suffisamment de mal avec un…
Je suis avec toi, ne l'oublie pas.
Damaké bondit sur le Strator, déchirant la poitrine du soldat de ses griffes acérées avant de se retirer vivement.
Beau travail…
Mais le Strator se releva sans un bruit et continua le combat. Damaké attaqua de nouveau, visant cette fois-ci la gorge de son adversaire, occupé à attaquer le Messager. Ses crocs puissants se refermèrent sur la gorge du Strator, déchirant les artères.
Il est mort, Dorian.
Dans un sursaut, le Strator plongea sa dague dans la fourrure. Damaké rugit de douleur, tenta de s'échapper de l'étreinte mortelle de l’agonisant dans laquelle elle se trouvait prise, mais se trouvant soudainement sans force, incapable d'éviter un second coup, qui lui transperça le cœur.
La mort de Damaké pétrifia Dorian, l'inondant de souffrance. Des secondes d'inattention qui lui furent fatales.
La lame du Strator passa sa garde, pénétra son cœur alors que le Messager restait immobile, paralysé par la mort de son Compagnon. Le Mecer s'effondra sur le sol, déjà sans vie.
Son devoir accompli, le Strator prit son envol, quittant le lieu du combat.
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