Chapitre 4
Trois jours se sont écoulés depuis que Chris m'a embrassé. Je n'en ai parlé à personne, pas même à Romane qui a bien vu que j'étais souvent dans mes pensées. Lui et moi sommes amis depuis un bon moment maintenant et il est clair que je ne me suis jamais doutée de rien.
J'attrape le torchon posé sur le comptoir du bar et essuie les sous-tasses avant de les ranger sur la machine à café derrière moi.
La porte s'ouvre et laisse entrer les quatre inséparables. Nate me regarde hochant doucement la tête pour me saluer alors que Romane, assise sur un tabouret face à moi, attire mon attention, plaquant ses mains sur le comptoir.
Je tourne aussitôt la tête vers elle, levant un sourcil.
_ Qu'est-ce que tu as, Em' ?
Elle fronce les sourcils et je lui explique ce qu'il s'est passé le soir où je suis allée sur la tombe de ma mère.
_ Il t'a embrassé ? s'étonne-t-elle tandis que je hoche la tête.
_ Je ne m'y attendais tellement pas, je m'exclame tandis que quelques regards se posent sur moi. Je ne savais même pas quoi dire, je reprends plus bas. Encore moins ce que je devais faire d'ailleurs.
_ Tu ne l'as pas repoussé ?
_ J'étais vraiment crevée et j'étais trop étonnée pour réagir, Romane ! Oui, bon, j'aurais dû le repousser, on est d'accord, j'ajoute. Il va croire que je suis intéressée, tu penses ?
_ Je n'en sais rien du tout, me répond-elle en secouant la tête. Il a bien dû se rendre compte que tu étais paumée.
_ En tout cas, il savait que j'étais super fatiguée.
_ Super fatiguée. C'est comme être fatigué, mais avec une cape, sourit Lukas en s'asseyant à côté de Romane.
_ Tes blagues sont nulles, rétorque ma meilleure amie en le regardant.
_ Je les aime bien moi, répond-il avant de porter son attention sur moi. Tu as l'air dans tes pensées depuis quelques jours, me dit-il.
_ Devine qui m'a embrassé ? je lui demande.
_ Tu me poses une colle, glisse-t-il. Pas Nate, quand même ?
_ Ca ne va pas ! je m'écrie en secouant la tête.
Il se met doucement à rire et regarde autour de nous, scrutant ensuite le monde présent.
_ Il n'est pas là, je l'informe.
_ Tu vas être sur le cul quand tu sauras, lui dit Romane.
_ Je t'en parle plus tard, les filles arrivent, je réplique avant que Caro et Sofia s'approchent de nous.
Elles nous saluent et s'installent à côté de Lukas et Romane. Je prends la commande de chacun et ma collègue prépare les boissons alors que je m'occupe du sandwich de Caro qui n'a pas encore mangé.
La porte du bar s'ouvre à nouveau, laissant entrer Aaron et son cousin. Je soupire puis me tourne vers mon amie, lui tendant son sandwich.
Lukas attire mon attention, m'interrogeant du regard après avoir jeté un bref coup d'oeil vers Aaron.
Je secoue la tête, lui faisant comprendre que ce n'est pas lui qui m'a embrassé et May, ma collègue, pose sa main sur mon épaule.
_ C'est l'heure de ta pause, me dit-elle. Prend ton temps, d'accord ?
_ Le temps d'une clope.
_ Quinze minutes minimum, insiste-t-elle. Tu bosses trop !
_ C'est ce qu'on n'arrête pas de lui dire, lance Sofia.
_ File ! sourit May, à la suite de mon amie.
_ Oui maman, je réponds avant d'attraper mon paquet de tabac dans le tiroir.
Je sors du bar, suivie par Romane et Lukas alors que les filles restent à l'intérieur, ayant trop chaud.
_ Bon, je peux savoir, maintenant ?
_ Garde-ça pour toi. Je ne suis pas sûre qu'il ait envie que ça se sache.
_ Promis, acquiesce-t-il.
Je regarde autour de moi, vers le bar et dans la rue puis pose mes yeux sur Lukas.
_ Chris.
_ Vraiment ? lance-t-il, surpris.
Le week-end est enfin arrivé. Mon patron me laisse trois jours de repos et j'ai bien l'intention d'en profiter. Je vais dormir le plus possible et profiter de mes amis.
Je termine la vaisselle, la laissant s'égoutter, et me remémore tout ce que j'ai fait tandis que mon père entre dans la pièce.
_ Tout est bon, je lui dis en tournant la tête vers lui.
_ Je suppose que tu vas sortir ?
_ On va à la fête, j'acquiesce.
_ Tu as récupéré ta voiture ?
_ Matt passe me chercher et on va directement au garage, je lui explique en m'approchant de la table. Les réparations ont mis plus de temps que prévu.
Je range mon tabac dans mon sac et attrape mon téléphone pour prévenir Matt qu'il peut venir.
_ Je vais l'attendre dehors. Tu as ce qu'il faut dans le frigo pour manger.
_ Tu m'as racheté des bières ?
_ Non. Si tu en veux, débrouille-toi.
_ Quoi ? lâche-t-il en fronçant les sourcils.
_ Je ne me défonce pas au travail pour te payer de l'alcool. Tu ne te rends même pas compte que tu ne peux plus t'en passer. Il est hors de question que je participe à ton alcoolisme, je lui explique. Alors si tu veux t'énerver après moi, vas-y, mais ça ne changera rien. Je ne t'en achèterai pas pour autant.
_ Tu...
_ Je t'aime papa ! je l'interromps aussitôt. Il ne me reste que toi alors, s'il te plait, réagis.
Il me cherche du regard, fronçant tristement les sourcils puis hoche lentement la tête.
_ Je n'ai pas envie de te perdre, toi aussi, j'ajoute.
_ Pourquoi tu m'as dit que les mots font mal, mais que les coups aussi, l'autre soir ? me demande-t-il soudainement.
_ Pour rien... C'était une façon de parler, je glisse.
_ Emma, est-ce que j'ai levé la main sur toi et je ne m'en souviens pas ?
Je me mords la lèvre puis opine du chef, fuyant son regard.
_ Je suis désolé ma chérie. Je...
_ Ce n'est rien. C'était juste une gifle.
_ Une gifle de trop ! rétorque-t-il en secouant la tête. Je n'ai jamais levé la main sur toi et...
_ Papa, j'aimerais seulement que tu te reprennes en main.
Je lui embrasse la joue puis quitte la maison après avoir attrapé mon sac à main. Je m'assois sur le perron, roulant une cigarette, et l'allumant ensuite en attendant que Matt arrive.
J'aimerais vraiment que mon père se rende compte de tout ça. J'ai l'impression qu'il baisse les bras de plus en plus. Il n'a jamais aimé passer son temps à ne rien faire, toujours en train de bouger, de bricoler ou de bosser par-ci par-là.
Je termine tranquillement ma clope au moment où la voiture de Matt s'approche. Il se penche vers la fenêtre côté passager et me sourit tandis que je me lève, écrasant ma cigarette dans le cendrier sur la petite table du perron.
Je m'approche ensuite de mon ami, lui souriant et monte à côté de lui.
_ Salut, lance-t-il.
_ Salut Matt. Merci encore.
_ Tu sais que tu peux compter sur moi, sourit-il.
Il fait demi-tour et nous prenons la route pour le centre d'Arcadia.
_ Tu en as pour cher en réparation ?
_ Mon assurance prend une partie, mais j'ai quand même cent dollars à mettre de ma poche, je soupire.
_ Comme si tu avais besoin de ça.
Il s'arrête à un stop et tourne la tête vers moi.
_ Emma, est-ce qu'on peut parler, toi et moi ?
_ A propos de ton frère... je laisse trainer.
_ Si tu ne veux pas, c'est...
_ J'étais étonnée. Et je n'ai pas réagi.
_ Je sais.
_ Tu étais au courant ?
_ Ses sentiments pour toi ? me demande-t-il tandis que je hoche la tête. Il me l'a dit le soir où il t'a embrassé.
Mon téléphone se met à sonner et je regarde l'écran.
_ Un message de Romane.
Je lui réponds, lui expliquant que nous serons bientôt là, et nous arrivons au garage.
Matt descend de voiture en même temps que moi puis nous entrons dans le bâtiment. Nate tourne la tête vers moi, essuyant ses mains sur un chiffon taché et il s'approche de nous.
_ Bonjour.
_ Salut, je réponds en même temps que Matt.
_ On va remplir les papiers pour l'assurance et après, tu pourras repartir.
Je hoche la tête et le suis, Matt restant dans le garage pour m'attendre.
Nate ouvre la porte d'un bureau, me laissant entrer puis m'invite à m'assoir sur une chaise.
Il s'assoit de l'autre côté, cherchant quelques documents qu'il me fait signer. Je sors ensuite mon chéquier, l'ouvrant, mais le brun pose sa main dessus.
Je relève la tête vers lui tandis qu'il me regarde en secouant la tête.
_ Tout est réglé.
_ Mon assurance ne rembourse pas tout, je lui dis. Et il faut que j'avance les frais.
_ Emma, c'est bon, je te dis.
Je fronce les sourcils alors qu'il retire sa main.
_ Je n'ai pas envie de te devoir quoi que ce soit. Je ne comprends même pas que tu fasses ça !
_ Je te l'ai déjà dit, je...
_ Ouais, j'ai bien compris que tu essaies de te racheter. Mais je ne comprends pas pourquoi, je lâche. Ce n'est pas en étant sympa avec moi maintenant que ça changera toutes ces années de galère que tu m'as fait subir. Je sais bien que tu n'étais pas non plus un tyran, mais j'en ai chié, Nate ! j'ajoute. Tu peux être fier de toi, tu m'as endurcie.
_ Je vois ça, acquiesce-t-il.
_ J'aurais voulu avoir le caractère que j'ai maintenant, j'aurais pu t'envoyer balader sans avoir peur de représailles, je reprends. J'aurais sûrement pu aussi t'en faire voir de toutes les couleurs.
_ Tu peux toujours, ne te gêne pas pour le faire.
_ Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu me pousses à vouloir me venger ? Tu as quelque chose derrière la tête, j'en suis sûre.
_ Je te promets que non, répond-il. Emma, j'ai changé, je ne suis plus un gamin. Toi non plus.
_ Qu'est-ce que ça peut bien te faire ce que je pense de toi aujourd'hui ?
_ On pourrait devenir amis.
_ Amis ? je largue, avant de rire nerveusement. Tu crois vraiment que j'ai envie de ça ? Putain, mais qu'est-ce que ça pourrait bien t'apporter ? je m'enquiers. Je peux vivre dans cette ville avec le fait que tu sois là, mais c'est tout.
_ Je m'en veux Emma. Je m'en veux d'avoir été un tel abruti avec toi, d'avoir été un vrai connard alors que tu ne m'as jamais rien fait, raconte-t-il.
Je le sonde, tentant de comprendre pourquoi il agit de cette manière. Je n'arrive pas à lui faire confiance, à croire qu'il regrette.
_ Ca ne m'intéresse pas. Je suis sûre que je finirai par être déçue.
_ Laisse-moi te prouver que je ne suis plus le même, que je suis quelqu'un de sympa et que je ne cherche rien en retour, réplique le brun, son regard dans le mien.
_ Si tu penses que je suis assez naïve pour te croire, tu te trompes.
_ Je suis sincère.
Je continue de le scruter, cherchant à lire en lui alors que son regard ne lâche pas le mien.
_ Ok, je finis par dire. Prouve-le-moi, si ça te fait plaisir. Mais garde bien en tête que si tu cherches à m'en faire encore baver comme à l'école, cette fois, ça ne marchera pas, je lâche.
_ Je m'en rends déjà compte. Et ça pourrait me faire du bien d'être remis à ma place.
_ J'ai l'impression que c'est ce que tu cherches.
_ Il y a des chances, sourit-il alors que je secoue la tête, ne pouvant empêcher un léger sourire se dessiner sur mes lèvres.
Je me lève en même temps que Nate et nous sortons du bureau, s'approchant ensuite de ma voiture tandis que Matt est assis sur le capot.
Nate me tend les clefs et nous le saluons.
Matt retourne à son véhicule et moi, j'entre dans le mien, insérant la clef dans le contact.
Le moteur démarre au quart et je souris, regardant l'intérieur.
Ma voiture a été nettoyée en plus de toutes les révisions faites et les réparations. Mon 4x4 est comme neuf et il sent le propre, il y a même un parfum d'intérieur en forme de trèfle à quatre feuilles, qui est accroché à mon rétroviseur intérieur.
Je sors du garage, après avoir ouvert ma vitre et m'arrête au niveau de Nate qui me regarde.
_ Merci.
Il hoche la tête, souriant, puis je prends la route, suivant Matt. Une fois arrivée sur le parking, il me rejoint et je lui raconte ma conversation avec Nate pendant que nous nous dirigeons au cœur de la fête, rejoignant nos amis.
_ Tu as parlé à Chris ? me demande Romane tout bas.
_ Non, je réponds en secouant la tête, sentant le regard du brun sur moi.
_ Tu devrais peut-être.
Je hoche la tête, regardant le concerné et lui fais comprendre de me suivre.
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