111. La Cité des Supplices (partie 1/2)
— Le Cardinal de France t’attend.
J’ai envie de répliquer, de m’étonner de l’importance qu’on me donne, mais je ne suis pas en position. J’avance, puis monte un escalier en colimaçon. Par les meurtrières, le soleil perce, et quelques cris de mouettes me confirment que je suis à la Cité Pieuse. C’était le dernier endroit de nos deux mondes où je voulais me retrouver.
Un étage plus haut, un couloir après, nous nous présentons devant une grande porte. Deux soldats armés de hallebardes descendent leurs regards sur mes seins nus avant que l’un d’eux ouvre. J’entre dans une vaste salle avec d’épais piliers auxquels sont accrochées des boucliers et des armes médiévales. Le garde referme la porte. Au fond de la pièce, habillé tout de rouge, le Cardinal attends. Il siège sur un trône, dos à un immense vitrail. Et à nouveau je me sens comme Luke Skywalker, lorsque Dark Vador l’a amené face à l’empereur. Sauf que Luke n’était pas seins nus, et que je doute qu’on m’enlève les menottes. La Mère Suprême annonce :
— Léonie De Courtois est acculée. Sa capture ne saurait tarder. En attendant, je vous amène son acolyte.
— La catin de Saint-Vaast ?
— Celle-là même.
— Elle ne m’intéresse pas.
— C’est elle qui a fait évader Léonie De Courtois.
— C’est votre seule incompétence qui a permis l’évasion de Léonie. Vous seule déteniez la clé de la chambre quantique de la bibliothèque…
J’observe les armes sur les murs. La Mère Suprême a mon couteau, tandis que le Cardinal ne semble pas être armé. Peut-être avec un ultime sursaut d’énergie puis-je changer la situation.
— … Vous avez sans doute un désir de vous venger de cette déconvenue, mais tant que vous n’aurez pas tué Léonie de Courtois, votre erreur perdurera.
Je me précipite vers un pilier et j’arrache une épée du mur. Son poids me surprend, alors la lame frappe le sol. Je la brandis avec force en voyant la Mère Suprême avancer. Je l’avertis :
— Si vous appelez les gardes, j’aurais le temps de vous tuer… ou de tuer le Cardinal.
Elle décroche une masse d’arme avec un sourire cruel.
— Je suis joueuse !
Elle l’arme au-dessus de son épaule. Je m’abrite derrière un pilier. Elle hurle :
— Tu ne veux pas te battre ? Pourquoi tu joues à cache-cache ?
Je surgis, et balaie l’air. Le manche de sa masse bloque la lame. Je recule. Elle la brandit et frappe le vide. Je cours me cacher derrière un pilier. Je réfléchis à le Cardinal.
J’entends ses pas lourds et son souffle asthmatique. Je surgis et me précipite vers le trône. Je m’emmêle les pieds et tombe face contre terre. Je me dépêche de me lever. La Mère Suprême fonce sur moi en rugissant. Je m’enfuis en abandonnant l’épée. À entendre son souffle rauque, elle va rapidement s’épuiser.
J’entends un craquement violent. Je jette un œil. Le Cardinal a le crâne enfoncé dégoulinant de sang et de bris de cervelle. La Mère Suprême soulève sa masse d’arme sanguinolente en se délectant :
— La catin de Saint-Vaast a tué le Cardinal de France !
Je me dépêche de saisir une épée à un mur et me déplace sur la pointe des pieds pour changer de cachette. La Mère Suprême fait un bond vers là où elle a entendu le bruit, mais ne m’y trouve pas.
— Pourquoi te cacher ? Tu es l’ennemi numéro un du pays, maintenant. J’ai vingt soldats dans les ténèbres qui traquent ton amie détraquée, ton compagnon estropié et… ta mère…
Malgré la légère résonnance, j’entends bien sa position. Je change d’abri en silence. Il faut que je puisse la surprendre.
— … Elle fera une digne remplaçante dans la forge. Un sac à foutre pour soulager les évêques de leurs démons !
Je surgis en hurlant de rage, l’épée brandie. La Mère Suprême se retourne ave vivacité. Je suis trop proche pour son arme, mais sa poigne heurte mon visage. Ma tête rebondit contre la pierre de la colonne et je m’effondre.
— Gardes ! Elle a tué le Cardinal !
Les deux hommes surgissent avec leur fusil. J’ai le vertige. La Mère Suprême se place au-dessus de moi, et laisse tomber un mollard su mon visage. L’inquisitrice s’avance et la Mère Suprême s’étonne :
— Qu’est-ce que tu fais là ?
— La sorcière n’est plus là-bas.
— Comment est-ce possible ?! J’ai vingt hommes à l’intérieur ! Il n’y a qu’une sortie !
— Nos hommes ont été abattus. Il ne reste qu’un survivant.
— Et comment il l’explique ?!
— Le shérif de Saint-Vaast a réussi à désarmer l’un d’eux, et…
— T’es vraiment une incapable ! Ce temple est une prison à deux entrées ! Vous aviez le nombre ! Vous aviez la tactique !
La Mère Suprême porte sa main à son cœur. Elle reprend son souffle et crache :
— Hors de ma vue ! Prépare la missive pour annoncer que la catin a tué le Cardinal de France ! Vous ! Emmenez-là !
Elle lâche la masse d’arme. Les hommes me prennent chacun un bras pour me relever et emboîtent le pas de leur patronne. Je laisse mes pieds trainer sur le sol, alors qu’ils me tractent sans effort.
Nous descendons d’un étage par un escalier droit, puis après deux angles de corridor, je reconnais le couloir de la salle de torture. Elle ouvre la porte et elle désigne un banc couvert de pointes métalliques émoussées. Sous le banc, partent des câbles électriques.
Ils me plaquent ventre contre les pointes. Je me débats. L’un d’eux s’assoit sur moi, le temps que l’autre m’ôte les menottes pour glisser mes poignets dans des attaches en fer. La Mère Suprême ordonne :
— Enlevez-lui son pantalon.
Le premier se tourne tout en restant assis sur mon dos, enfonçant les pointes rondes dans ma chair. Je hurle de douleur. Le second retire ma ceinture, mes bottes, mon pantalon et ma culotte. Je grogne, ils attachent mes chevilles au sol.
— Bien, envoyez-moi le simplet et nettoyez la salle des armes.
— Oui, Ma Mère.
Ils ferment la porte derrière eux.
— Que dirais-tu de raviver le souvenir de notre dernière rencontre ?
Le fouet claque entre mes épaules avant que j’ai que le temps de comprendre ses mots. Je lâche un cri malgré-moi. Un revers revient aussi rapidement sur mes fesses. Je sais qu’elle ne posera pas de question. C’est juste du sadisme. Je serre les dents en attendant le prochain coup. Le fouet revient, je hurle de colère et de douleur entre mes dents.
Rapidement on frappe à la porte. Elle l’ouvre. Un adolescent replet, au crâne tondu, entre en toge. Sa bouche s’arrondit lorsqu’il m’aperçoit et un émet un son nasillard d’handicapé mental.
— Tu la trouves jolie ?
— Oh oui !
— Elle est à toi si tu travailles bien.
Je frissonne de dégout, tandis qu’il se place par habitude à une manivelle. Il la fait tourner et j’entends de l’électricité crépiter. Je ne sens rien dans les pointes. La Mère Suprême avance avec un dard accroché à un bâton, et relié par un câble à la machine. Elle appuie sur une pédale posée en travers du câble menant aux pics au niveau de la poitrine. Elle pose le dard sur mon dos et mon corps se tétanise de douleur.
Le souffle coupé, je ne peux même pas crier. Elle lève le pied. L’électricité cesse. Je reprends mon souffle. Elle change de pédale. Mon corps se tétanise du ventre jusqu’aux omoplates. Et elle poursuit, changeant le parcours de l’électricité en jouant entre ses pédales et la position de son aiguillon. Les bras, les cuisses. Tout y passe. Mes muscles sont douloureux, mon cœur bat si vite que c’est comme s’il ne pouvait plus ralentir.
— Ce prélude t’a plu ? Simplet, accélère.
Le garçon rit et accélère à la manivelle. Je n’ai pas besoin d’une boule de cristal pour savoir que la douleur va être insupportable. La Mère Suprême demande :
— Quels sont les projets de Léonie ?
Sans attendre de réponse elle pose son aiguille sur la cuisse. L’électricité traverse jusqu’à mon épaule ; tout mon échine se cabre, ma cuisse se tend malgré les entraves. Cela dure deux secondes… deux longues secondes. Lorsqu’elle ôte l’aiguille, les larmes ruissellent toute seules sur ma joue. Elle ôte son pied de la pédale, passe le dard sur mon périnée.
— Faut-il que je vise des zones plus sensibles ?
— Tuer les évêques ! m’affolé-je. Elle veut tuer tous les évêques qui l’ont violée !
— Qui est le prochain sur sa liste ?
— Je n’en sais rien !
Son pied écrase la pédale. L’arc électrique me broie les muscles, des boyaux jusqu’au sexe. Sitôt qu’elle arrête. Je m’écrie :
— Je n’en sais rien !
Elle recommence. Sitôt qu’elle arrête, me ventre défèque, ma vessie se relâche. Je ne dis rien. Je ne saurais même pas inventer un nom. La Mère Suprême s’avance à hauteur de mon épaule, plante son aiguillon entre mes omoplates et se penche.
— Il va falloir que tu me donnes quelque chose de plus utile que ça.
Elle appuie sur la pédale. L’électricité traverse mon torse, me coupe le souffle. Elle le relâche.
— Tu as ralenti ! dit-elle au simplet
— Pitié ! hurlé-je. Je n’en sais rien ! Je l’ai juste délivrée !
— Pourquoi ?!
— Parce qu’elle me l’a demandé.
Elle glisse l’aiguillon dans le creux de mon dos. Je serre les dents. L’électricité me cabre avec violence, tirant sur mes mains. Elle relâche. Je reprends mon souffle.
Elle regarde par-dessus son épaule.
— Va chercher un seau d’eau et nettoie sa merde.
Le simplet se précipite comme un enfant. La Mère Suprême me dit d’une voix doucereuse.
— Tu penses que tu ne sortiras jamais d’ici ? Que tu n’as rien à perdre ? Maintenant que tu as tué le Cardinal, je peux avoir autant de soldats que je veux. Je retrouverai ta mère, et je lui ferai subir le même sort.
— Mais je n’en sais rien, sangloté-je.
— Allons ! C’est ton amie !
— Non !!
— Non ?
— On a juste fait un deal.
— Un quoi ?
— Un marché. Je l’ai libérée en échange de la jeunesse éternelle.
Le simplet revient, il rince le sol pour chasser mon étron vers une gargouille. La Mère Suprême se redresse.
— Combien d’hommes défendent le château du Rocher ?
— Cinquante ! Au moins cinquante !
L’aiguille frappe mon flanc, l’électricité me bloque les muscles et lorsqu’elle arrête, elle me dit :
— Tu te moques de moi ? Comment elle pourrait nourrir cinquante hommes ! Le château est assiégé !
— Ils ont des élevages et un potager !
— Il en faut de la nourriture !
— Elle a accès à des chambres quantiques partout en France !
— Tu mens !
— Je le jure ! Je le jure ! C’est comme ça qu’elle a quitté le château pour m’accompagner !
Son silence soudain trahit la prise de conscience de la Mère Suprême. Léonie est dehors malgré le château assiégé, donc elle utilise des passages qui lui sont inconnus.
— Simplet. Tu as bien travaillé. Je dois aller consulter mes cartes. Pendant ce temps, tu peux profiter de ton cadeau.
La Mère Suprême sort de la pièce. Le simplet soulève sa toge pour arborer son pénis tendu. Affolée, je le supplie :
— Pitié ! Détache-moi ! On fera ce que tu voudras !
— Non ! La Mère ne serait pas contente !
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