Planification : Ascension
La capsule file à toute allure. Les montants du tube transparent défilent à travers les grandes vitres de carbonates. Le véhicule, propulsé sur ses rails électromagnétiques, quitte les derniers dômes et s’avance vers l’impressionnante muraille naturelle du canyon. Razors, affalée dans son siège, prépare un message pour les autorités spatiales de Marineris : il ne faudrait pas qu’ils laissent le vaisseau des ravisseurs de Mickael décoller. Une fois l’ordre envoyé, elle demande : « Downlink, tu peux nous assurer un peu de confidentialité ?
– Ouais, c’est comme si c’était fait ! », lui répond le decker.
Une petite mesure de précaution avant de préparer l’opération. Leur train arrive dans sept minutes, la planification sera courte. Skyline a déjà commencé à étudier les plans de cette fameuse zone de fret. Après tout, c’est un ancien des forces de sécurité de Marineris, il connaît le terrain.
Downlink annonce enfin : « Voilà m’dame ! Vos requêtes SolNet passeront mais rien d’autre. J’ai mis la surveillance sur une boucle aussi…
– Merci, répond Razors. Alors, comment entre-t-on dans ce hangar ?
– La bonne nouvelle, c’est qu’il est dans une zone complètement automatisée mais aussi pressurisé, donc pas besoin de sortir dehors ou de prendre des combinaisons, explique Skyline en projetant le plan de la zone en question dans les airs. En passant par cet accès de maintenance, Downlink, tu devrais pouvoir prendre le contrôle de la surveillance de tout le secteur.
– Cool ! s’exclame le decker. J’aime quand tu me dis ce genre de truc.
– Ensuite ? coupe la cyber-samouraï.
– Une fois Downlink dans le système, tu remontes cet accès-là, indique le détective en désignant Razors. Normalement, la zone grouille d’agents robotiques, mais avec notre decker en place, ils ne te verront pas. Une fois là, tu pourras entrer incognito et atteindre l’enfant.
– Seule ? s’étonne Downlink.
– Oui, c’est la procédure. On commence par placer un agent le plus près possible de la cible pour réduire le temps d’intervention en cas de complication, ensuite on envoie le négociateur ou les pacificateurs. », explique l’ancien détective.
Leur rame est maintenant au pied de l’immense effondrement qui sert de muraille au grand canyon de Marineris Valles. Amorçant la montée, leur capsule commence à évoluer entre le sable et les rochers qui ont suivi la pente au gré des glissements de terrain. Un dénivelé impressionnant de pratiquement neuf kilomètres. Derrière eux, la cité s’expose dans toute sa majesté et la fierté martienne.
Razors reprend : « Si je résume, à ton signal, je nettoie tout ce qui pose un risque direct pour Mickael et je le sors du hangar ?
– Exactement, confirme Skyline. Downlink s’occupera de te guider et vous couvrira sur la matrice.
– Comme dans les stims ! s’exclame le decker. Et tu vas faire quoi toi ?
– Entrer par la grande porte et faire assez de bruit pour que vous ayez le temps de mettre l’enfant en sécurité, explique-t-il.
– Et tu as un plan ? demande Downlink.
– Oh que oui. Laissez-moi juste passer un appel. », termine l’enquêteur.
L’ascension se poursuit à sa prodigieuse vitesse. La cité est désormais entièrement visible, y compris le titanesque secteur industriel et son incroyable complexité. À côté, les grappes de dômes de la zone habitée ressemble à de petites bulles de mousse. À l’ouest, deux rovers s’éloignent de la cité en soulevant un petit nuage de poussière. À cette échelle, l’activité de la ville est si peu perceptible qu’elle paraît particulièrement calme, ignorante de la violence passée et à venir.
Skyline passe son appel en interne, sans le moindre geste. Avec son jean et son petit gilet vert, il donne l’air d’être là en touriste. Mais, comme le lui ont appris de difficiles expériences passées, Razors sait qu’il ne faut jamais sous-estimer qui que ce soit dans les colonies. Même Downlink, et ses manières un peu cavalières, a déjà démontré ses propres talents : et si certains auraient pu lui reprocher d’avoir repéré l’ennemi tardivement, la vitesse à laquelle il parvient à extraire l’information force au respect. Très certainement un agent des services de renseignement martien, actif ou à la retraite.
Razors jette un nouveau regard à l’extérieur : vu d’ici, Marineris Valles ressemble plus à une grande plaine bordée de falaises titanesques qu’à un canyon. Et ce n’est même pas son point le plus large. Les rovers continuent leur course. Quelles affaires peuvent bien pousser ce convoi à s’éloigner autant ? Utilisant le zoom de ses implants oculaires, la cyber-samouraï tente d’identifier les véhicules. De simples rovers de transport civil.
Leur rame atteint enfin le sommet de la falaise. Malgré la grande courbure du virage, leur vitesse est telle qu’ils ressentent presque l’état d’apesanteur quelques secondes. Derrière eux, le sol masque rapidement l’intégralité du canyon.
Skyline sort de son isolement : « C’est prêt de mon côté.
– Enfin ! C’est qu’on est presque arrivés ! », ironise le decker.
La rame décélère fortement : elle arrive finalement au spatioport. Le tube transparent fait place à un long tunnel éclairé par des veilleuses et la capsule elle-même. Quelques dizaines de secondes plus tard, ils s’arrêtent dans un court tube transparent. Alignant son sas à celui du quai, leur véhicule effectue quelques derniers ajustements et la connexion s’établit. Les voici arrivés à destination, reste à voir si le plan de Skyline se montrera à la hauteur.
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