Étrange Augustin
Océane ne ferma quasiment pas l’œil de la nuit. L’angoisse de ce Lorien, la réaction incompréhensible d’Augustin, tout se bousculait dans sa tête dans un chaos indicible. Elle ne retrouva un semblant de calme qu’au petit matin, quand une idée germa dans son esprit : elle devait retourner dans le laboratoire afin de récupérer la pellicule dans les restes de son défunt appareil. Elle pourrait alors remonter l’alerte avec une preuve tangible. Un plan pernicieux se fomenta. Comment éloigner Augustin de la pièce assez longtemps pour la fouiller ? La réponse vint d’elle-même : les cachets qu’elle dissimulait dans une latte sous le parquet à côté de son journal intime. Sarah les lui avait données lorsque la jeune fille avait été prise de panique avant des examens. Un seul comprimé lui suffisait pour la plonger dans un sommeil profond. Est-ce que ça marcherait aussi bien sur son père ?
Océane sursauta lorsqu’elle entendit la voix d’Augustin en bas des escaliers :
- Ma Petite Princesse, le petit déjeuner est prêt.
Les accents mielleux qu’elle capta l’intriguèrent. Peut-être regrettait-il simplement son emportement de la veille ? Pourrait-elle négocier la récupération de la pellicule sans utiliser son plan pernicieux ? Ça valait le coup d’essayer.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’entrant dans la cuisine, elle trouva Augustin, un tablier sur les hanches, faire sauter des pancakes. Océane ne l’avait jamais vu aux fourneaux. Il l’accueillit avec un large sourire et l’invita à s’asseoir à table.
- Il y en a déjà des tout chauds, s’enthousiasma-t-il. J’espère que tu as quand même bien dormi après… ce qu’il s’est passé hier.
Était-ce sa façon à lui de s’excuser pour la veille ? Océane s’apprêtait à répliquer lorsque son père prononça une phrase qui la prit de court :
- On est dimanche aujourd’hui et je sais que tu as beaucoup travaillé cet an-ci. Monte en ville, va faire quelques emplettes. Je te donnerai quelques deniers pour te racheter un nouvel appareil et un petit peu plus pour te faire plaisir.
Océane resta bouche bée : Augustin connaissait le jour de la semaine, il avait remarqué son acharnement à l’école, il lui offrait de l’argent de poche et l’incitait à le dépenser. Qui donc était cet homme qui habitait le corps de son père ?
- Je ne préfère pas, refusa poliment la jeune fille.
Augustin ne se départit pas de son enthousiasme :
- Ah non, j’y tiens. Ils annoncent un temps splendide et tu as besoin de te changer les idées. Je vais travailler toute la journée au labo et ce n’est pas drôle pour toi de tourner en rond à la maison et…
Son visage s’assombrit subitement lorsqu’il avoua :
- Elle aurait eu un an de plus aujourd’hui.
Il chassa rapidement les larmes qui pointaient dans ses yeux et reprit son sourire jovial. Aucun autre argument n’aurait pu convaincre Océane. Son père venait de parler de sa mère. Cela faisait une éternité qu’il ne l’avait pas fait.
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