Chapitre 3 : Une Lueur Inconnu
Le soleil descendait lentement derrière les montagnes de pierre, baignant la petite plaine d’une lumière dorée. La cabane n’était pas terminée, mais elle tenait debout. C’était suffisant pour une nuit de plus.
Null s’assit en silence sur un bloc de pierre, tandis que le garçon arrangeait quelques planches autour du feu.
— Je crois que ça va tenir pour ce soir, dit le garçon. Même si… j’ai jamais été doué pour construire des trucs jolis. Null ne répondit pas. Il observait. Écoutait. Comme toujours.
— Tu m’as pas demandé mon nom, reprit le garçon. Alors je vais te le donner : je m’appelle Théo. Il s’assit en tailleur, posa son épée de bois à côté de lui, et regarda Null avec curiosité.
— Et toi ? Tu veux que je t’appelle comment ? Null baissa la tête. Ses yeux étaient deux taches sombres, insondables.
— On m’a appelé Null. Théo sembla réfléchir.
— Null… comme… “vide” ? “Erreur” ? C’est pas très sympa. "C’est ce qu’ils disaient de moi. À l’orphelinat." Un silence s’installa. Théo baissa un peu les yeux, comme s’il avait peur de l’avoir blessé.
— Désolé… je savais pas. Null haussa les épaules. Ou plutôt, il tenta de le faire. Il n’avait jamais été à l’aise avec ces gestes-là.
— C’est pas grave. C’est du passé. Théo resta silencieux un instant. Puis, il reprit doucement :
— Moi aussi j’ai été seul. Pas dans un orphelinat… mais dans mon monde, tout le monde est parti. Je suis resté. J’sais même plus pourquoi. Peut-être parce que j’espérais rencontrer quelqu’un.
Il tourna la tête vers Null, sans le fixer, mais assez pour qu’il comprenne le message. Null ne dit rien. Son corps immobile semblait fait d’ombres solides, et pourtant… il se fissurait doucement, à l’intérieur.
Il ne savait pas quoi dire. Ce garçon lui parlait comme s’il était quelqu’un. Comme s’il avait le droit d’exister. Il ne lui demandait rien. Il ne voulait pas fuir. Il restait là.
Et c’était étrange. Inconnu. Presque… dégoûtant.
Pas parce que Théo l’était. Mais parce que cette sensation-là, cette chaleur douce et persistante dans son ventre, il ne l’avait jamais ressentie.
Pendant des années, il n’avait connu que la peur, la haine, l’indifférence, la violence. On le frappait parce qu’il était bizarre. On riait de lui parce qu’il ne parlait pas. Il dormait seul, mangeait seul, vivait seul. Et dans les flammes de l’orphelinat, il avait cru tout effacer.
Mais voilà que cette chaleur revenait. Doucement. Insidieusement. Et elle n’avait rien à voir avec le feu destructeur. Elle était tendre. Apaisante. Il se leva d’un coup.
— Je… faut que je sorte. Théo se leva à son tour, inquiet.
— Hé, tout va bien ?
Null ne répondit pas. Il quitta la cabane et s’éloigna un peu. Il marcha jusqu’au bord de la plaine. Loin de Théo. Loin de cette cabane. Là, il s’arrêta.
Le ciel était devenu bleu nuit. Les étoiles commençaient à briller. Et dans l’air flottait cette sensation brûlante, encore.
Elle venait de Théo. De ses mots. De sa présence. Null se prit la tête entre les mains. Pourquoi maintenant ?
Pourquoi lui ? Il ne comprenait pas. Mais une chose était certaine : pour la première fois depuis qu’il était devenu ce qu’il est… Il ne voulait plus fuir.
Il retourna à la cabane. Théo était encore debout, les bras croisés, l’air soulagé en le voyant revenir.
— T’avais l’air bizarre, t’as eu peur de moi ou quoi ? Null le regarda.
— Non. C’est… autre chose. Théo haussa les épaules.
— Bon, tant que t’es là, on partage le lit ? J’ai qu’un seul bloc de laine. Null le regarda un instant. Il s’assit sans un mot à côté de lui.
Et cette chaleur… elle revint. Pas aussi vive. Juste… là. Comme une braise sous la cendre. Et pour la première fois, Null ne tenta pas de l’éteindre.
Annotations
Versions