Ce qui est nécessaire

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 Le deuxième jour qui marquerait ma vie devait arriver sept ans plus tard et m’apporta une nouvelle vision de celui que j’étais et que je pourrais être.

 C’était une chaude journée de printemps l’atmosphère au domaine était tendu : une dizaine d’esclaves s’était enfuie de la carrière voisine en profitant de la nuit. Ils avaient également tué deux gardes et incendié plusieurs chariots. Seul deux avaient été rattrapés, mais ils étaient morts avant de répondre aux questions qu’on voulait leur poser.

 Malgré cette tension je pouvais errer librement dans les bois, un enfant qui fuyait seul dans cette région hostile n’avait aucune chance de survie, tous ceux qui travaillaient à l’exploitation le savait et moi aussi. À bien y réfléchir le terme « errer » n’est sans doute pas le plus adapté pour décrire mes activités de l’époque : j’étais là pour travailler, je devais trouver un maximum d’herbes et de plantes utiles à l’herboriste. J’avais déjà presque rempli ma besace lorsque je la vis. Une natura, héritière du tigre comme en témoignaient les rayures noires qui courraient sur ses bras et son visage ainsi que ses ongles, semblables à de petites griffes. Elle était étendue dans l‘herbe verte et humide, une jambe prise dans les froides mâchoires d‘un piège à loups.

 Elle avait une vingtaine d’années, je ne connaissais pas son nom mais je savais qu’elle travaillait à la carrière depuis deux ans : j’étais au grand marché le jour où elle avait été achetée. Si elle était là c’est qu’elle faisait partie du groupe qui s’était échappé. C’était impossible de dire depuis combien de temps elle était coincée, mais les marques de coups qui parsemaient le piège indiquaient clairement qu’elle avait déjà tenté de se libérer.

 Je suis resté plusieurs minutes près de cette jeune femme inconsciente sans savoir quoi faire, j’aurais été bien incapable d’ouvrir le piège, je ne pouvais ramener de l’aide et si mon absence devait se prolonger des gardes viendraient me chercher également et ma mère et moi aurions été châtiés. J’avais pris ma décision avant qu’elle n’ouvre les yeux. Elle avait eut la cheville broyée par les mâchoires d’acier mais avait contenu sa douleur et elle avait tenté de s’en sortir seule toujours sans un cri, pour ne pas se trahir. Elle n’avait pas plus crié quand elle avait finalement compris qu’elle était incapable de se dégager. Cette tigresse était un modèle de courage et ce jour-là je fis le vœu de ne jamais faire preuve de lâcheté face au pire que ce que la vie pouvait offrir.

 Alors que je la voyais commencer à sortir de sa torpeur j’ai ramassé des deux mains une des pierres qu’elle avait utilisées plus tôt et je l’ai levée aussi haut que je le pouvais. Elle avait des yeux bleus, et des pupilles verticales. Ce fut la pensée qui occupa la quasi-totalité de mon esprit alors que j’abattais ma pierre sur son crâne. Un craquement écœurant se fit entendre et elle s’affala sur l’herbe, ses magnifiques yeux bleus dirigés vers la cime des arbres. Retenant la nausée qui commençait à monter en moi j’ai frappé à nouveau, je ne voulais pas la laisser à moitié morte, je voulais être certain qu’elle avait bel et bien trépassé. Après le quatrième coup sa tête n’était plus qu’un amas flasque et sanguinolent et j’ai laissé tomber mon arme de fortune. Sans m’attarder davantage j’ai couru à en perdre haleine vers un ruisseau que je savais être proche et j’y ai lavé rapidement toutes les éclaboussures que j’avais reçues. Dès que le résultat fut parfait je suis rentré d’un pas vif, avec la satisfaction d’avoir fait ce qu’il fallait : au mieux cette femme serait restée à agoniser jusqu’à ce qu’une bête ne vienne se repaître de sa chair encore chaude, au pire elle aurait été capturée et torturée pour qu’elle trahisse ses compagnons de fuite, ce qu‘elle n’aurait pas pu s‘empêcher de faire.


 La tuer était la meilleure chose à faire et aujourd’hui encore je n’ai aucun regret de l’avoir fait. Pas plus que je ne regrette les autres décisions mortelles que j’ai prises tout au long de ma vie.

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