Consecration

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 Lorsque cette guerre fut enfin terminée j’ai découvert un trésor de ce pays dont je n’aurais jamais imaginé l’existence : les bains publics. Pendant ma première séance de trempette je suis arrivé à la conclusion que ces institutions en elles-mêmes justifiaient l’invasion. Se laisser flotter dans l’eau chaude et parfumée me relaxe à un point que les bains sont devenus un de mes rares péchés mignons. Toute personne me connaissant un tant soit peu sait ça : si on me cherche dans un endroit civilisé, il faut commencer par visiter les établissements thermaux.

 Les bains de la capitale étaient particulièrement luxueux - j’ai eu de nombreuses occasions de faire des comparaisons - et incluaient même des services de massages plus ou moins aboutis. Étant soldat depuis plusieurs années j’étais habitué aux services clairs et nets des filles de joie du camp mais pas au langage raffiné des gérants d’endroits haut de gamme et je fus assez surpris la première fois que j’ai demandé un massage « intégral ». Le résultat fut vraiment plaisant mais je n’ai jamais pu me débarrasser de ce sentiment d’avoir eu l’air particulièrement stupide pendant quelques instants.


 C’est dans un de ces superbes établissements alors que je profitais de la rançon de la victoire que j’eus la visite du Loup ainsi que de plusieurs autres généraux. Bien que surpris dans une posture peu protocolaire je me rappelle très bien avoir fait de mon mieux pour paraître aussi digne et militaire que possible. Il va sans dire que ce ne fut pas vraiment probant.

 Mes supérieurs ne parurent pas trop s’offusquer de la situation et le Loup m’informa que, pendant que je testais tous les bains de la ville, j’avais raté la cérémonie pour ma promotion.

 Je n’avais même aucun souvenir d’avoir reçue une promotion, on m’en avait sans doute informé pendant que j’étais en plein dans mon introspection. En revanche je me suis vaguement souvenu avoir entendu parler par Remd d’une cérémonie qu’il disait importante et pour laquelle il avait fait rafistoler son uniforme de membre de l’unité Araignée.


 Il va sans dire qu’à cet instant je n’étais pas vraiment un exemple à suivre, que ce soit en tant que militaire ou simple citoyen. Je me sentais ridicule.

 Le Loup dissipa rapidement ma gêne et pris la peine de m’expliquer ce que j’étais déjà sensé savoir : le succès sensationnel de mon opération combiné aux très nombreux avantages qu’avaient apportés les commandos depuis le début de la guerre les avaient décidés à créer une nouvelle branche de l’armée dédiée aux opérations spéciales et qui serait placée sous mon commandement direct. En clair, en plus de faire une impressionnante montée en grade, j’allais devoir former et diriger des dizaines d’escouades de commandos pour les futures conquêtes de notre peuple.


 Je suis persuadé que, si cette situation n’avait pas dès le début été une véritable mise à mort de tous les enseignements protocolaires que j’avais reçus, je serais parvenu à contenir mon euphorie et à ne pas crier de joie.


 Malgré l’exaltation qui commençait à m’envahir je pus rester suffisamment lucide pour expliquer ce dont j’aurais besoin si on voulait que je fasse les choses efficacement : à savoir une totale liberté d’action et assez de moyens pour que cette liberté serve à quelque chose.

 Plusieurs généraux ont paru gênés à l’idée de m’accorder cette liberté, mais le Loup a rapidement fait taire leurs hésitations en déclarant qu’il serait mon seul supérieur militaire.

 Le soir même je réunissais toute l’escouade Araignée pour une réunion stratégique qui malgré mes efforts, se transforma finalement en une soirée de fête pour ma promotion. Étonnamment nous n’avons perdu personne lors de cette soirée où nous avons visité au moins six tavernes et deux maisons closes. Je pense que c’est pour ça qu’aujourd’hui je suis considéré comme un véritable rabat-joie : d’abord esclave, puis soldat je n’avais pas souvent eu l’occasion de faire la fête et en une soirée je me suis rattrapé à l’excès et je pense que ça a calmé mes ardeurs pour vingt ans. Pour la suite mes ardeurs étaient plus calmées par mon âge que par mes souvenirs.


 D’ailleurs sur ce point si on réfléchit bien, à moins de vingt-cinq ans j’avais déjà autant de responsabilités qu’un général. Pas étonnant que je me sois mis à faire du zèle après ça, je ne pouvais plus espérer de promotion il fallait bien que je me montre digne de mon nouveau grade et que je dépense mon énergie ailleurs.


 Ce nouveau rang allait en quelques années m’offrir le titre d’Araignée ainsi qu’une certaine renommée bien au-delà de nos frontières en éternelle progression.

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