Pas de repos pour les braves

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 l y a une chose qui m’a toujours impressionné avec l’Aigle c’est son talent de politicien et de meneur. Quand on prend le temps d’y réfléchir, en quelques mois, il avait pacifié un pays d’esclavagistes, ce qui est déjà non négligeable, mais plus que ça en moins de sept ans il avait restauré ce royaume, étant à la fois ferme et conciliant vis-à-vis des humains, auparavant race dominante, pour créer un nouvel ordre, avait lancé une invasion sur un autre pays et l‘avait conquis également.

 Non seulement il était très doué mais en plus il était capable de le refaire autant de fois qu’il le fallait, la seule chose qui changeait c‘était le temps que ça prenait, directement lié au volume de territoire conquis. Je le soupçonnais - comme beaucoup d’autres - d’user de magie pour refréner les ardeurs des personnages autrefois influents des royaumes conquis et les rallier à ses opinions. Même si j’aime assez l’idée qu’il n’en soit rien et qu’il puisse juste être aussi charismatique et talentueux avec les mots qu’il est puissant et meurtrier avec la magie.


 Il lui aura fallu deux ans de plus pour que tous les habitants de ce nouveau territoire acceptent de s’agenouiller devant lui et se mettent à l’appeler « roi ».  


 Un esclave devenant roi ! Une telle idée aurait fait mourir de rire la plupart de ces humains quelques années auparavant. Était-ce les mentalités qui évoluaient en suivant le cours des événements ou au contraire la mentalité des vainqueurs qui écrasait celle des vaincus ? Aujourd’hui je dirais que nous avons permis une évolution des mœurs qui avait été retardée par une volonté de stagnation profondément ancrée dans l’esprit des populations peuplant le monde. Il suffisait de voir le nombre de chaînons d’avant la révolte et de le regarder diminuer avec les années. Les naturas des quatre coins du continent avaient vu qu’ils pouvaient être autre chose que des esclaves et l’humanité commençait également à s’en rendre compte. L’Aigle de Feu et le Loup Noir allaient devoir redoubler d’efforts pour continuer leur marche libératrice. Et par tous les dieux et leurs enfers ils l’ont fait !


 Pendant ces deux ans de paix je m’étais mis à œuvrer pour fournir à notre peuple une véritable armée de commandos doués. Et j’avais fait du bon travail. Natsis, Remd, Riil et Cutler étaient bien sûr toujours avec moi en tant que sous-officiers, quant aux autres membres de l’unité Araignée je les avais nommés à la tête des nouvelles escouades qui avaient été formées. Je les avais réparties en différents emplacements pour que chaque zone stratégique ait ses propres commandos à disposition. Ils avaient pour consigne de mettre l’accent sur la chasse aux commandos adverse mais chaque capitaine avait l’autorisation d’agir selon son bon vouloir et n’avait à justifier ses actes qu’à posteriori. Ajouté à cela que j’étais, à l’exception du Loup et de l’Aigle, le seul habilité à leur donner des ordres ils devenaient des forces totalement indépendantes et à l’impact certain.

 On pourrait dire qu’une telle décision était risquée mais j’avais confiance en eux, je ne leur aurais pas offert une telle promotion - avec tous les avantages que cela engendrait - si j’avais eu des raisons de douter de leurs capacités et de leur intégrité vis-à-vis de notre cause. Et jusqu’au bout ils n’ont jamais trahi cette confiance.

 J’avais également réussi à me dégotter Barus, un mage, bon ce n’était pas un sorcier comme l’Aigle - déjà il était humain -, mais ses connaissances m’ont longtemps parus intarissables et il me permettait de rester en contact avec tous mes lieutenants par voie télépathique, ce qui était extrêmement pratique.


 C’est durant ces deux ans de préparation que j’ai pour la première fois entendu parler du Serpent. Rares sont ceux à connaître son existence et encore plus à la partager avec leur entourage. Si je suis devenu le maître des commandos, lui était depuis le début de cette histoire le maître des agents, le roi des espions et des assassins en somme. Les rares rumeurs qui existent à son sujet veulent qu’il soit le tout premier compagnon de l’Aigle et que sa propre influence n’ait pas cessé de grandir dans l’ombre depuis que tout avait commencé. Cette « légende » me plaisait assez et je visualisais bien le personnage : sombre, énigmatique, impitoyable et dévoué à la cause des naturas.


 Donc, après deux ans de paix et de préparatifs, il va sans dire que j’étais plus que prêt lorsque le Loup m’annonça qu’une nouvelle guerre allait bientôt éclater. M’étant juré depuis l’annonce de ma promotion d’être aussi protocolaire que possible face à mes, désormais rares, supérieurs je suis resté de marbre face à cette annonce et j’ai juste demandé où et quand elle allait débuter. De sa voix rauque il m’annonça que la date n’avait aucune importance pour moi car j’allais devoir commencer à agir avant.


 En clair pour moi et mes hommes, la guerre a commencé à cet instant.


 Dans l’heure qui a suivi j’ai battu le rappel des troupes, ordonné à tous les capitaines de mettre en place leurs opérations et convoqué mes quatre lieutenants pour leur expliquer la situation.

 Avec le mutisme de Natsis - total depuis que ses glandes s’étaient encore développées - et la nouvelle surdité de Remd, nos entrevues se faisaient intégralement en utilisant notre langage des signes. En soi ce n’était pas un problème mais c’était assez étrange quand nous avions des spectateurs - comme par exemple Barus qui malgré de grands efforts n’arrivait pas à assimiler cette technique de communication.

 Je leur ai rapidement expliqué la situation ainsi que tout ce qu’elle impliquait pour le futur : nous allions être débordés et il faudrait attendre un certain temps pour que nous puissions à nouveau profiter des conforts du monde civilisé. Quand j’ai prononcé cette phrase j’ai immédiatement senti une pointe de tristesse monter en moi, tant les bains chauds et tous leurs agréments me manquaient par avance.


 Même s’ils n’ont pas fait mine de se plaindre un seul instant je vis bien que Riil et Natsis étaient ennuyés par cette annonce subite. Cela pouvait se comprendre : leur fils était âgé d’à peine un an et ils allaient déjà devoir le confier à quelqu’un d’autre.


 Oui, ce n’était un secret pour personne que Natsis et Riil se fréquentaient assidûment depuis cette fameuse soirée de festivités peu après la fin de la dernière guerre et ils avaient eu un enfant l’année passée, ce qui nous avait tous beaucoup surpris. Quand on y réfléchit : deux soldats qui ont l’habitude de se battre ensemble au beau milieu de territoires ennemis et sachant pertinemment qu’une nouvelle guerre va démarrer, qu’ils décident de faire un gosse c’est assez étrange. Ils disaient vouloir laisser une trace plus concrète et plus personnelle de leur existence que les conséquences de leurs combats. Je n’étais pas vraiment convaincu, mais bon, chacun fait ce qu’il veut avec son propre corps.

 En tout cas, leur gamin était assuré de rester longtemps en bonne santé, il avait hérité du sang de l’éléphant et avait la peau plus dure qu’une armure de cuir bouilli !


 Par le nom imprononçable de Celle-qui-parcourt-les-forêts ! Si un jour quelqu’un annonce qu’il a découvert la logique qui régit les héritages des naturas, je pense que personne ne le croira.

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